S. 97 / Nr. 17 Uhrenindustrie (f)
BGE 79 I 97
17. Arrêt du 27 février 1953 dans la cause Robert contre Département fédéral
de l'économie publique.
Regeste:
Art. 3 al. 1 AIH: Le partage d'une entreprise commune entre deux associés
constitue-t-il l'ouverture de nouvelles entreprises?
Art. 3 al. 1 dernière phrase AIH: Cette disposition légale s'applique en tout
cas aux entreprises créées avant l'entrée en vigueur de l'AIH.
- Application dans le cas de deux ateliers créés par un entrepreneur
individuel, puis apportés à une société et enfin repris chacun par l'un des
deux associés.
Art. 3 Abs. 1 UB: Ist die Aufteilung einer Unternehmung zwischen zwei
Gesellschaftern als Eröffnung neuer Unternehmungen anzusehen?
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Art. 3 Abs. 1 letzter Satz: Diese Bestimmung ist auf je den Fall auf
Unternehmungen anwendbar, die vor Inkrafttreten des UB errichtet wurden.
- Anwendung in einem Falle von zwei Ateliers, die von einer Einzelperson
gegründet und in eine Gesellschaft eingebracht worden waren und nunmehr von
den Gesellschaftern einzeln übernommen werden.
Art. 3 cp. 1 DISO: La divisione di un'azienda comune tra due soci costituisce
l'apertura di nuove aziende?
Art. 3 cp. 1 ultima frase DISO: Questo disposto è applicabile in ogni caso
alle aziende create prima dell'entrata in vigore del decreto.
- Applicazione nel caso in cui due laboratori, creati ciascuno da un singolo
imprenditore e conferiti in seguito in una società, sono ripresi ciascuno dai
singoli soci.
A. - Arthur Robert, né en 1883, a fondé, en 1921, une entreprise de perçage de
pierres fines pour l'horlogerie. En 1937, il a obtenu l'autorisation d'occuper
40 ouvriers dans son atelier de Grandson et, le 1 er février 1949, celle
d'ouvrir une succursale à Vermes et d'y occuper 25 de ses 40 ouvriers. Le 27
avril 1949, il a. formé avec Maurice Frainier une société en nom collectif qui
exploita les deux ateliers de Grandson et de Vermes sous le nom de Robert et
Frainier. Le 1er mars 1952, la société fut dissoute Robert reprit l'atelier de
Grandson avec 15 ouvriers et Frainier celui de Vermes avec 25 ouvriers. Peu
après, Robert transféra son entreprise de Grandson à Delémont. La section pour
l'horlogerie du Département fédéral de l'économie publique (le Département)
informa alors Robert et Frainier que le partage de l'entreprise était soumis à
une autorisation, conformément à l'art. 3 de l'arrêté fédéral du 22 juin 1951
sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère
suisse (AIH).
Le 14 octobre 1952, le Département accorda l'autorisation à Robert de
reprendre un atelier avec 15 ouvriers et à Frainier d'en reprendre un avec 25
ouvriers. Le dispositif de cette décision porte, sous son ch. 4:» Ces deux
permis sont personnels; les entreprises ne pourront être cédées à des tiers
sans autorisation du département». La décision, dans son ensemble, est en
résumé motivée comme il suit:
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Selon l'art. 3 al. 1 AIH, la reprise d'une exploitation horlogère existante
avec l'actif et le passif n'est pas subordonnée à un permis. Dans la présente
espèce, il ne s'agit pas d'une telle reprise, car l'exploitation existante n'a
pas été transférée en son entier, mais a été divisée en deux entreprises
nouvelles, dont l'ouverture est soumise à l'autorisation conformément à l'art.
4 AIH. Robert et Frainier remplissent chacun les conditions posées par l'art.
4 al. 1.
B. - Contre cette décision, Robert a formé, en temps utile, un recours de
droit administratif. Il conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral annuler
le ch. 4 de la décision attaquée, qui subordonne à un permis la cession de son
entreprise à des tiers. Son argumentation se résume comme il suit:
L'art. 3 al. 1 AIH prévoit que la reprise d'une exploitation existante n'est
pas subordonnée à un permis. Par cette disposition légale, de même que par
l'art. 4 AIH, le législateur a voulu s'opposer à un régime par trop rigoureux
qui aurait fait de l'horlogerie une sorte de chasse gardée». Il ressort des
procès-verbaux de leurs délibérations que les Chambres fédérales ont entendu
limiter les restrictions à la liberté à ce qui paraissait strictement
nécessaire pour atteindre le but visé». Par la remise d'une exploitation, on
n'en crée pas une nouvelle, de sorte qu'on ne saurait alléguer, pour s'opposer
à la reprise, qu'il faut éviter un développement excessif de l'appareil de
production. Si le Département a l'intention d'imposer à tout nouveau venu la
réserve dont se plaint le recourant, il fait, entre les nouvelles entreprises
et les anciennes, une différence que le législateur n'a pas voulue. S'il
entend user de cette réserve à son gré, l'imposant aux uns et non aux autres,
il crée un régime d'inégalité devant la loi. Supposé que la réserve soit
admissible, elle n'en constitue pas moins une dérogation à la loi et doit en
tout cas être justifiée par le soupçon légitime que le candidat soit un simple
homme de paille ou ait des
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intentions spéculatives. Or, on ne saurait, sans arbitraire, admettre qu'un
tel soupçon soit justifié dans le cas du recourant. Il a, pendant 26 ans,
travaillé sous sa raison individuelle. Son association passagère avec Frainier
était rendue nécessaire par son état de santé. Il a sans doute presque 69 ans
et l'on peut prévoir que, dans un avenir relativement prochain, il remettra
son entreprise. Si l'autorisation de le faire lui était alors refusée, il
serait ruiné. Ce n'est pas pour des fins spéculatives, mais pour continuer son
exploitation qu'il a repris une activité distincte de celle de son associé de
trois ans. S'il remet son affaire au terme d'une carrière industrielle bien
remplie, cela sera dans l'ordre naturel des choses.
C. - Le Département conclut au rejet du recours, en bref par les motifs
suivants:
Si le Département soumet à une restriction un permis qu'il est en principe
tenu d'accorder de par l'art. 4 al. 1 AIH, il devra la motiver en se fondant
notamment sur le préambule de cette disposition légale (lésion d'importants
intérêts de l'industrie horlogère»). L'attribution du caractère personnel à un
permis se justifie du fait que le requérant pourrait, sans elle, remettre
immédiatement l'entreprise à n'importe quel tiers, de sorte que les conditions
posées par l'art. 4 relativement à la personne du candidat seraient éludées.
Or, le commerce des autorisations menace le système du permis obligatoire d'un
danger grave.
La règle de l'art. 3 al. 1 i.f. AIH ne saurait être interprétée en ce sens que
le Département n'a pas le droit, lorsqu'il accorde un permis pour une
entreprise nouvelle, de prévoir, pour l'avenir, une dérogation à cette règle.
L'attribut ion du caractère personnel à l'autorisation doit être fondée en
droit; elle n'empêche pas absolument, du reste, le requérant de remettre son
entreprise.
En l'espèce, le requérant ne conteste pas que le partage de son exploitation
ne donne naissance à deux entreprises nouvelles et ne soit par conséquent
sujet à l'autorisation.
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Le Département a déjà appliqué ce principe à plusieurs reprises. Il s'agissait
donc pour lui d'autoriser l'ouverture de deux nouvelles entreprises et rien ne
l'empêchait, en principe, de subordonner l'autorisation à ce qu'aucune remise
n'ait lieu sans son consentement. Cela se justifiait en l'espèce; vu l'âge du
requérant, il est probable qu'il remettra prochainement son exploitation. Le
Département a voulu s'assurer que le successeur aurait les qualités requises
par l'art. 4 AIH. Il ne s'agit là que d'une restriction très légère à la
liberté de Robert.
Considérant en droit:
1.- Par sa décision du 14 octobre 1952, le Département a autorisé chacun des
anciens associés, Robert et Frainier, à exploiter l'un des deux ateliers qui
avaient constitué l'entreprise commune. Sous le ch. 4 du dispositif, il a dit
que les deux autorisations étaient personnelles et que les entreprises ne
pourraient être cédées à des tiers sans autorisation. Sur demande de Robert,
il a interprété cette partie de sa décision en ce sens qu'une nouvelle
autorisation devrait être demandée dans le cas même où le requérant se
proposerait de remettre son entreprise à des tiers avec l'actif et le passif.
Le recourant conteste que le partage de l'entreprise ait été soumis à
l'autorisation; en tout cas que la condition à laquelle le Département a
soumis le partage soit légale. La contestation porte donc en l'espèce sur le
principe même et sur l'étendue de l'autorisation accordée de par l'art. 4 al.
1 AIH. Le Tribunal fédéral pouvait dès lors être saisi par la voie du recours
de droit administratif conformément à l'art. 11 AIH et le présent recours est
recevable, car il remplit par ailleurs les conditions de forme que pose la
loi.
2.- Le recourant conteste tout d'abord que le partage de l'entreprise commune
ait nécessité, de par la loi, une autorisation du Département. Effectivement,
supposé
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qu'une autorisation n'eût pas été nécessaire, les conclusions du recours
devraient être admises.
C'est au titre de l'ouverture de nouvelles entreprises de l'industrie
horlogère que le Département a estimé que le partage de l'exploitation commune
devait être autorisé (art. 3 al. 1 AIH). En effet, il n'y a eu ni augmentation
du nombre des ouvriers, chacun des ateliers ayant gardé, pour le nombre, le
même personnel qu'auparavant, ni transformation de l'entreprise au sens de
l'art. 4 AIH. Mais le recourant conteste que, du point de vue de l'art. 3 AIH,
le partage de l'exploitation commune puisse être assimilé à l'ouverture de
nouvelles entreprises. Cette question, cependant, peut rester ouverte dans la
présente espèce, car, quelle que soit la solution qu'elle appelle, le présent
recours doit en tout cas être admis.
Dans le cas, en effet, où il n'y aurait pas eu ouverture de nouvelles
entreprises, le recourant serait censé avoir repris une entreprise
préexistante et dont la création est antérieure à l'entrée en vigueur de
l'arrêté fédéral du 22 juin 1951. Cette reprise serait exempte de toute
autorisation de par l'art. 3 al. 1, dernière phrase, car cette disposition
légale s'applique en tout cas aux entreprises qui ont été créées dès avant le
1er janvier 1952, date de l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral du 22 juin
1951, et qui ont rempli, dès avant cette date, les conditions posées par la
loi pour sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère.
Dans l'hypothèse, au contraire, où il faudrait admettre que le partage de
l'exploitation commune emportait la création de nouvelles entreprises au sens
de l'art. 3 al. 1 AIH, une autorisation aurait été nécessaire, comme l'a admis
le Département. Robert y avait droit de par l'art. 4 al. 1 lit. a AIH, mais il
reste à examiner si l'autorité administrative était fondée à l'attacher à la
personne même du requérant et à interdire la remise de l'exploitation avec
l'actif et le passif, sauf autorisation préalable.
Le recourant allègue que cette condition serait
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incompatible avec la règle formulée à l'art. 3 al. 1 i.f. AIH. Il n'est pas
nécessaire d'examiner si cette disposition légale s'applique aux entreprises
créées aussi bien avant qu'après le 1er janvier 1952, jour où l'arrêté fédéral
du 22 juin 1951 est entré en vigueur. Il suffit de constater, comme on l'a
déjà fait plus haut, qu'elle s'applique en tout cas aux entreprises créées dès
avant le 1 er janvier 1952. Car, du point de vue de l'art. 3 al. 1 i.f. AIH
tout au moins, il faut admettre que l'atelier que Robert exploite depuis le
partage a été créé antérieurement à cette date, de sorte que sa reprise avec
l'actif et le passif n'est pas soumise à l'autorisation du Département.
En effet, le recourant a lui-même créé cet atelier dès avant 1937 et l'a tout
d'abord dirigé sous sa raison individuelle avant de l'apporter à l'association
qu'il a constituée avec Frainier. Il continue actuellement l'exploitation sous
une forme juridique nouvelle, mais, dans la réalité économique et du point de
vue des intérêts de l'industrie horlogère, que le législateur a entendu
protéger, il s'agit bien d'une seule et même entreprise. Les autorisations qui
ont été données à Robert et à Frainier, le 14 octobre 1952, ne leur ont
conféré, à l'un ni à l'autre, aucune nouvelle possibilité de production,
quantitativement ni qualitativement. Sans la création de la société en nom
collectif, il n'y a pas de doute que Robert aurait pu remettre son entreprise
avec l'actif et le passif sans aucune autorisation. Le changement tout
momentané dans la forme juridique de l'entreprise par la création d'une
société ne saurait le priver de ce droit. Quant à son âge, qui fait présager
une cession relativement prochaine, il ne saurait justifier la condition
posée. Car Robert n'a nullement créé l'entreprise pour la remettre, mais l'a
dirigée lui-même pendant de nombreuses années.
En définitive, la reprise par Robert d'une part de l'exploitation commune ne
saurait porter aucune atteinte aux intérêts de l'industrie horlogère. On voit
pas, dès lors, que ces intérêts puissent justifier la restriction
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apportée au droit du requérant de remettre son entreprise. C'est pourquoi la
condition posée sous le ch. 4 du dispositif de la décision attaquée lèse le
droit à l'autorisation que lui confère l'art. 4 al. 1 AIH et ne saurait être
maintenue.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Admet le recours, annule le ch. 4 du dispositif de la décision attaquée en ce
qui concerne Arthur Robert.