BGE 76 II 45
8. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 mars 1950 dans la cause Unitrade A.-G.
contre Cern S. A.
Regeste:
Droit applicable aux rapports résultant d'un contrat d'agence passé entre une
maison suisse domiciliée en Suisse et un agent suisse travaillant à
l'étranger.
Contrat d'agence. Application de la règle énoncée à l'art. 418 g de la loi
fédérale du 4 février 1949 sur le contrat d'agence aux contrats conclus avant
l'entrée en vigueur de cette loi.
Anwendbares Recht hinsichtlich der Rechtsverhältnisse aus einem Agenturvertrag
zwischen einer Schweizerischen Firma und einem im Ausland tätigen
Schweizerischen Agenten.
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Agenturvertrag. Anwendbarkeit des Grundsatzes von Art. 418 g des BG vom 4.
Februar 1949 über den Agenturvertrag auf die vor Inkrafttreten dieses Gesetzes
abgeschlossenen Verträge.
Diritto applicabile ai rapporti derivanti da un contratto di agenzia concluso
tra una ditta svizzera domiciliati in Isvizzera e un agente svizzero che
lavora all'estero.
Contratte d'agenzia. Applicabilità del principio dell'art. 418 g della legge 4
febbraio 1949 sul contratto d'agenzia ai contratti conclusi prima dell'entrata
in vigore di questa legge.
A. - La Société anonyme Cem fabrique des appareils de radio. Elle accordé à
Edmond Thion, citoyen suisse, alors domicilié à Genève, mais qui s'apprêtait à
partir pour l'Amérique du Sud, l'exclusivité de vente de ses appareils pour
cette partie du continent américain. L'entente s'est faite verbalement et fut
confirmée par une lettre de Cem du 13 mai 1946. L'exclusivité était accordée
pour une durée de six mois «qui sera prolongée ensuite si les affaires sont
satisfaisantes». Les conditions de payement étaient: «contre accréditif
irrévocable auprès d'une banque suisse, au moment de la commande».
Lors de son départ pour l'Amérique, Thion avait dit à Cem qu'il y
travaillerait sous le nom d'une société dont il envisageait la création. Le 15
juillet 1946, il avisa Cem qu'il venait de terminer son Installation au Brésil
et y avait créé une société qui devait être inscrite au registre du commerce.
Le 4 septembre, il fit savoir que la raison sociale de la société était:
«Societade importadora» exportadora Ed. Thion Ltda». En réalité, cette société
n'a jamais existé que de nom. Thion s'est simplement servi d'une raison
sociale fictive.
Le 14 août 1946, Thion a avisé Cem qu'il venait d'obtenir de la maison
Magalhaes de Sao Paolo une commande de 200 appareils de radio. Le 26 septembre
suivant, il lui a fait savoir que la maison Magalhaes avait reçu des offres
d'une maison Caimeo qui se déclarait prête à livrer les mêmes appareils, non
seulement à des prix inférieurs, mais en se contentant du payement contre
documents à la livraison et que, pour s'assurer l'exécution de la
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commande, il avait renoncé à l'exigence de l'accréditif. Cem n'ayant pas
consenti à modifier les conditions de payement dont elle était convenue avec
Thion, Magalhaes a alors acheté les 200 appareils à la maison Caimeo. Cette
dernière est une succursale de la maison Catz frères à Rotterdam. C'est elle
qui a fourni l'accréditif à Cern.
B. - Thion, signant au nom de la prétendue Societade importadora e exportadora
Ed. Thion Ltda, a cédé à Unitrade A. -G. la créance qu'il prétendait avoir
contre Cern du fait de la vente à Magalhaes, soit 10 200 fr., commission à
laquelle Cern reconnaissait qu'il aurait eu droit si l'affaire avait été
conclue par son intermédiaire.
O. - Par demande du 6 décembre 1947, Unitrade A. -G., se fondant sur la
cession, a ouvert action contre Cern en concluant à ce que celle-ci fût
condamnée à lui payer la somme de 10200 fr. avec intérêt à 5% dès le 12
septembre 1947, modération de justice réservée.
Cem a conclu au déboutement de la demanderesse, dépens à la charge de
celle-ci.
Par jugement du 4 octobre 1949, le Tribunal cantonal de Neuchâtel a admis la
demande à concurrence de 3000 fr. avec intérêt du 6 décembre 1947.
D. - Unitrade A. -G. a recouru en réforme en reprenant ses conclusions.
La. Société Cern a formé un recours joint en concluant au rejet total de la
demande.
Considérant en droit:
1.- Cern prétend que le litige doit être tranché à la lumière du droit en
vigueur au lieu où le contrat devait être exécuté, autrement dit du droit
brésilien. Bien que ce moyen n'ait pas été soulevé en première instance, il
convient de s'y arrêter, car s'il était vrai que le droit brésilien était
applicable, le Tribunal fédéral serait incompétent pour en connaître et ne
pourrait que renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle statue
à nouveau (art. 43 al. 1 et 60 al. 1 lettre c OJ).
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L'action peut être considérée ou comme une action en exécution des obligations
qui découlent d'un contrat d'agence assurant une exclusivité de vente pour
tous les pays de l'Amérique du Sud ou comme une action en dommages-intérêts
pour inexécution de ces obligations. Soit dans l'un soit dans l'autre cas,
l'action est régie par la loi qui est présumée voulue par les parties pour
régler leurs relations contractuelles, à savoir par la loi du territoire avec
lequel l'acte est dans les rapports les plus étroits.
Cette loi est, il est vrai, en général la loi du pays où le contrat doit être
exécuté, c'est-à-dire, quand il s'agit d'un contrat d'agence, la loi du pays
sur le territoire duquel l'agent exerce son activité (cf. art. 418 b al. 2
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto CO Art. 418b - 1 Le disposizioni relative al contratto di mediazione sono applicabili a titolo completivo agli agenti che trattano gli affari, quelle concernenti la commissione agli agenti che li conchiudono. |
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1 | Le disposizioni relative al contratto di mediazione sono applicabili a titolo completivo agli agenti che trattano gli affari, quelle concernenti la commissione agli agenti che li conchiudono. |
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CO). Mais la règle n'est pas absolue et une exception s'impose précisément en
l'espèce, car l'exclusivité était accordée pour tous les pays de l'Amérique du
Sud et il est à présumer que les parties entendaient soumettre leurs relations
à une loi unique. Or cette loi ne pouvait être raisonnablement que la loi
suisse, qui était la loi nationale des deux parties, celle de leurs domiciles
au moment de la conclusion du contrat (Thion était domicilié à Genève, il
pensait s'établir à Buenos-Aires; en réalité il s'est fixé au Brésil) et celle
du lieu de la conclusion du contrat. Ce ne serait du reste que Thion qui
aurait pu avoir intérêt à voir appliquer à ses relations avec Cem la loi
régissant ses relations avec ses clients sud-américains or il avait lui-même
envoyé à Cem une formule de contrat prévoyant la juridiction des tribunaux
genevois, et il faut voir là un indice de sa volonté d'appliquer le droit
suisse à son contrat avec Cem. Quant à cette dernière, domiciliée à Neuchâtel,
elle n'avait aucune raison de placer ses relations avec Thion sous l'empire de
plusieurs droits américains qui lui étaient certainement inconnus puisqu'elle
n'avait jamais été représenté dans les pays de l'Amérique du Sud.
2.- (Concerne le recours joint.)
3. La recourante principale reprend devant le
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Tribunal fédéral ses conclusions de première instance tendant à l'allocation
de la somme à laquelle Thion aurait eu droit si la vente à Magalhaes avait été
faite par son entremise, autrement dit la différence entre le prix total
auquel les appareils devaient être facturés à Magalhaes et le prix convenu
entre Thion et Cem, somme sur le montant de laquelle les parties - comme on
l'a déjà dit - sont d'ailleurs d'accord. Elle persiste à prétendre que cette
somme lui est due en vertu du principe selon lequel l'agent qui est au
bénéfice d'une représentation exclusive a droit à la commission promise pour
toute affaire conclue au profit du représenté dans la zone réservée, que ce
soit ou non par son intermédiaire qu'elle ait été faite. Le Tribunal cantonal
n'a pas admis cette manière de voir. A son avis, le principe invoqué par la
recourante serait fondé, comme en matière de brevet, par exemple, sur le
principe de la gestion d'affaires, «c'est-à-dire sur la présomption que les
affaires incriminées doivent être considérées comme ayant été faites pour le
compte de l'agent exclusif». Mais, ajoute-t-il, «cela suppose que l'agent
exclusif aurait pu faire lui-même l'affaire qu'un autre a faite à sa place; or
c'est précisément ce qui a manqué en l'espèce où Caimco a réussi là où Thion
avait échoué». Selon le Tribunal cantonal, la prétention de la recourante
principale doit être examinée au regard des art. 98 al. 2
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto CO Art. 98 - 1 Trattandosi di un'obbligazione di fare, il creditore può farsi autorizzare ad eseguire la prestazione a spese del debitore, riservate le sue pretese pel risarcimento dei danni. |
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1 | Trattandosi di un'obbligazione di fare, il creditore può farsi autorizzare ad eseguire la prestazione a spese del debitore, riservate le sue pretese pel risarcimento dei danni. |
2 | Se l'obbligazione consiste nel non fare, il debitore, che vi contravviene, è tenuto ai danni pel solo fatto della contravvenzione. |
3 | Il creditore può inoltre chiedere che sia tolto ciò che fu fatto in contravvenzione alla promessa o farsi autorizzare a toglierlo egli stesso a spese del debitore. |
3
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto CO Art. 99 - 1 Di regola il debitore è responsabile di ogni colpa. |
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1 | Di regola il debitore è responsabile di ogni colpa. |
2 | La misura della responsabilità è determinata dalla natura particolare del negozio e sarà soprattutto giudicata più benignamente, se il negozio non aveva per scopo di recare alcun vantaggio al debitore. |
3 | Del resto le disposizioni sulla misura della responsabilità per atti illeciti sono applicabili per analogia agli effetti della colpa contrattuale. |
ce qu'elle aurait dû faire pour l'éviter. A réception de l'offre de la maison
Caimco, Cem aurait dû, dit l'arrêt, renvoyer cette maison à Thion en
l'invitant à s'entendre avec lui pour exécuter l'affaire en commun; la
provision aurait alors été partagée entre les deux agents, la plus grande
partie devant toutefois revenir à Caimco qui, en fournissant l'accréditif,
assumait un risque auquel Thion ne participait pas.
Le Tribunal fédéral ne peut se rallier à cette argumentation. Avant de
recourir aux règles applicables à la
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gestion d'affaires ou en matière de dommages-intérêts pour cause d'inexécution
d'une obligation, il faut en effet se demander si la commission réclamée n'est
pas due en exécution même du contrat.
Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà relevé, un contrat entre commerçants
doit être interprété à la lumière des usages commerciaux, ceux-ci constituant
des leges contractus (RO 53 II 310). Or, depuis longtemps un usage s'est
établi en Suisse d'après lequel l'agent au bénéfice d'une représentation
exclusive (Bezirks- oder Rayonagent) a droit à la commission aussi bien pour
les affaires qui ont été conclues sans son concours pour le représenté ou pour
le compte de celui-ci que pour celles dont il a négocié la conclusion (cf.
OSER-SCHÖNENBERGER, N. 20 ad art. 413
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto CO Art. 413 - 1 La mercede è dovuta tosto che il contratto sia conchiuso a seguito dell'indicazione o della interposizione del mediatore. |
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1 | La mercede è dovuta tosto che il contratto sia conchiuso a seguito dell'indicazione o della interposizione del mediatore. |
2 | Se il contratto è conchiuso sotto una condizione sospensiva, la mercede può pretendersi solo al verificarsi della condizione. |
3 | Il mediatore può pretendere il rimborso delle spese anche se il contratto non si conchiuda, in quanto ciò fosse convenuto. |
Handelsagenten, Schw. Jur. Zeitung vol. X p. 165 et suiv.; BLATTER, Der
Handelsagent nach Schweizerischem Recht, p. 100 et suiv.). En adoptant la
règle énoncée à l'art. 418 g de la loi fédérale sur le contrat d'agence, du 4
février 1949, la législateur n'a fait que consacrer cet usage, tout comme
l'avait fait également l'art. 10 al. 1 de la loi fédérale sur les voyageurs de
commerce du 13 juin 1941, pour le cas où le voyageur de commerce se trouve au
bénéfice de l'exclusivité pour une clientèle ou un rayon déterminés. Telle est
d'ailleurs la solution adoptée par le législateur allemand (§ 89 HGB) et par
le législateur italien (art. 1748 al. 2 CC). Bien que la loi du 4 février 1949
ne soit pas applicable en l'espèce, il est donc hors de doute qu'en vertu de
cet usage bien établi, qui définit la portée de l'exclusivité et au quel le
contrat en question ne déroge pas, la recourante principale a droit à la
commission sur l'affaire Magalhaes comme si elle avait été conclue par
l'entremise de Thion. La condition de causalité à laquelle le Tribunal
cantonal a cru devoir subordonner la rémunération n'avait rien à faire en
l'espèce. Si l'usage commercial en fait abstraction, c'est du reste pour de
bonnes raisons. Le rapport de causalité n'est pas toujours
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aisé à prouver, et l'agent exclusif, exposé aux risques que comporte cette
preuve, c'est-à-dire en définitive au risque de perdre son salaire, ne
consacrera peut-être pas le temps et l'argent voulus pour développer comme il
le faudrait le volume des affaires du représenté dans la zone ou avec la
clientèle réservées s'il n'est pas assuré de toucher sa commission pour toutes
les affaires traitées par le représenté dans la zone réservée. De son côté, le
représenté a un intérêt évident à conserver la possibilité de traiter
personnellement des affaires dans la zone réservée: il pourra le faire sans
violer ses engagements envers l'agent exclusif du moment que ce dernier
percevra de toute façon sa commission sur les affaires traitées par le
représenté.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours joint est rejeté le recours principal est admis et le jugement
attaqué réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à payer à la
demanderesse, en sa qualité de cessionnaire d'Edmond Thion, la somme de 10 200
fr. avec intérêt à 5 % dès le 6 décembre 1947.