S. 34 / Nr. 7 Staatsverträge (f)

BGE 76 I 34

7. Arrêt du 22 février 1950 dans la cause Duchoud contre la Banque Maurice
Troillet.

Regeste:
Convention entre la Suisse et la France sur la compétence judiciaire et
l'exécution des jugements en matière civile, du 15 juin 1569. Acte additionnel
du 4 octobre 1935. OTF du 29 juin 1936.
La convention n'est pas applicable lorsque l'une des parties possède à la fois
la nationalité suisse et la française.
Schweizerisch-französischer Gerichtsstandsvertrag vom 15. Juni 1569.
Zusatzakte vom 4. Oktober 1935. Verordnung des Bundesgerichts vom 29. Juni
1936.
Der Gerichtsstandsvertrag ist nicht anwendbar, wenn eine der Prozessparteien
gleichzeitig die Schweizerische und die französische Staatsangehörigkeit
besitzt.
Convenzione tra la Svizzera e la Francia su la competenza di loro e
l'esecuzione delle sentenze i, materia civile (del 15 giugno 1569). Allo
addizionale 4 ottobre 1935. Ordinanza 29 giugno 1936.

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La convenzione non è applicabile quando una delle parti possiede
simultaneamente la cittadinanza svizzera e la cittadinanza francese.

A. - Le recourant, François Duchoud, domicilié à St-Gingolph (France), possède
la nationalité suisse et la nationalité française. Le 17 octobre 1949, à la
réquisition de la Banque Troillet, se disant créancière de Duchoud de la somme
de 11 304 fr., l'Office des poursuites de Monthey a séquestré tous les
immeubles appartenant au prénommé sur territoire des communes St-Gingolph
(Suisse» et de Port-Valais. La Banque Troillet avait invoqué le cas de
séquestre visé à l'art. 271 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 271 - 1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1    Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1  lorsque le débiteur n'a pas de domicile fixe;
2  lorsque le débiteur, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite;
3  lorsque le débiteur est de passage ou rentre dans la catégorie des personnes qui fréquentent les foires et les marchés, si la créance est immédiatement exigible en raison de sa nature;
4  lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82, al. 1;
5  lorsque le créancier possède contre le débiteur un acte de défaut de biens provisoire ou définitif;
6  lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive.
2    Dans les cas énoncés aux ch. 1 et 2, le séquestre peut être requis pour une dette non échue; il rend la créance exigible à l'égard du débiteur.
3    Dans les cas énoncés à l'al. 1, ch. 6, qui concernent un jugement rendu dans un État étranger auquel s'applique la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale484, le juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.485
LP, à savoir le fait que Duchoud n'habitait
pas la Suisse.
Le 20 octobre 1949, la Banque Troillet a fait notifier à Duchoud un
commandement de payer du montant de 11304 fr. avec intérêt à 5% du 1 er
janvier 1947. Duchoud ayant fait opposition, la Banque Troillet a requis la
mainlevée provisoire qui lui a été accordée par le Juge-instructeur de Monthey
aux termes d'un jugement du 30 novembre 1949.
B. - Duchoud a interjeté contre ce jugement un recours de droit public en
invoquant le Traité franco-suisse de 1869, l'acte additionnel du 4 octobre
1935 et l'ordonnance du Tribunal fédéral du 29 juin 1936 relative à cet acte.
Son argumentation peut se résumer de la manière suivante: Le recourant, qui
est domicilié à St-Gingolph (France), est Français et a fait son service
militaire en France. S'il a conservé, il est vrai, la nationalité suisse, il
n'a cependant plus aucune attache avec la Suisse. Il est donc en droit de se
prévaloir des dispositions du Traité franco-suisse de 1869 et d'invoquer le
bénéfice de la juridiction de son domicile. Aux termes de l'art. 1 er ch. 1 de
l'ordonnance du Tribunal fédéral du 29 juin 1936, le créancier qui a fait
exécuter un séquestre en Suisse contre un Français domicilié en France doit,
sauf le cas où le procès a déjà été introduit, intenter l'action en
reconnaissance

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de dette devant le juge naturel du défendeur dans les trente jours de la
réception du procès-verbal (le séquestre, faute de quoi le séquestre cesse de
produire effet. Il ne saurait donc être question en l'espèce de valider le
séquestre par une poursuite introduite au for du séquestre et d'obliger ainsi
indirectement le débiteur à venir se défendre en Suisse. On ne saurait tirer
argument du fait que le recourant a conserve sa nationalité suisse. «La règle
selon laquelle la loi du for relative à l'indigénat est considérée comme étant
d'ordre public n'est pas absolue, ni même générale». C'est ainsi que l'art. 5
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 5 - 1 Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
1    Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
2    Le droit cantonal précédemment en vigueur est tenu pour l'expression de l'usage ou des usages locaux réservés par la loi, à moins que l'existence d'un usage contraire ne soit prouvée.

de la loi sur les rapports de droit civil et l'art. 22
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 22 - 1 L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
1    L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
2    Le droit de cité est réglé par le droit public.
3    Lorsqu'une personne possède plusieurs droits de cité, le lieu de son origine est celui qui est en même temps son domicile actuel ou qui a été son dernier domicile; sinon, son origine est déterminée par le dernier droit de cité qu'elle ou ses ascendants ont acquis.
CC, applicables par
analogie dans les relations internationales, permettent de faire prévaloir
l'indigénat étranger sur la nationalité suisse si le premier est mieux fondé.
En vertu de ces textes législatifs, doit être alors considérée comme loi
nationale d'abord celle (le l'Etat d'origine dans lequel le double-national a
son domicile ou a eu son dernier domicile (cf. Sauser-Hall, «Le droit
international privé en Suisse e dans la Vie juridique des peuples, 1935, VI,
La Suisse, p. 405 note 10). «Dans le cas particulier l'indigénat français est
de loin mieux fondé que l'indigénat suisse».
C. - La Banque Troillet a conclu au rejet du recours. Elle soutient que
Duchoud n'ayant pas renoncé à la nationalité suisse ne peut être considéré que
comme Suisse en Suisse. Le Traité franco-suisse ne serait donc pas applicable
en l'espèce.
Considérant en droit
1.- En matière de recours pour violation de traités internationaux,
l'épuisement préalable des instances cantonales n'est pas indispensable.
D'autre part, comme les moyens soulevés par le recourant ne pouvaient être
présentés au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale par une autre
voie que le recours de droit public, le présent recours est certainement
recevable.
2.- Le recours serait assurément fondé s'il fallait

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admettre que le recourant était en droit de se prévaloir du Traité
franco-suisse de 1869, car si l'acte additionnel du 4 octobre 1935 permet
actuellement au créancier suisse de faire séquestrer des biens appartenant à
un Français en Suisse, les hautes parties contractantes n'ont pas entendu pour
cela apporter une exception à la règle fondamentale inscrite à l'art. 1 er du
Traité et selon laquelle dans les contestations entre Suisses et Français ou
entre Français et Suisses, en matière mobilière et personnelle, civile ou de
commerce, le demandeur sera tenu de poursuivre son action devant les juges
naturels du défendeur. Il en résulte que le créancier suisse qui a obtenu un
séquestre contre un Français en Suisse reste tenu, nonobstant le séquestre et
pour pouvoir même demeurer au bénéfice de cette mesure, d'assigner son
prétendu débiteur devant les juges français, sans pouvoir profiter des
avantages que lui assurerait à l'encontre d'un débiteur de la même nationalité
l'art. 278
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 278 - 1 Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.
1    Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.
2    Le juge entend les parties et statue sans retard.
3    La décision sur opposition peut faire l'objet d'un recours au sens du CPC494. Les parties peuvent alléguer des faits nouveaux.
4    L'opposition et le recours n'empêchent pas le séquestre de produire ses effets.
LP, à savoir de faire notifier un commandement de payer au lieu du
séquestre, avec les risques que comportent pour le débiteur les voies
d'exécution forcée du droit suisse. C'est d'ailleurs ce que prévoit
expressément l'ordonnance édictée par le Tribunal fédéral en exécution de
l'arrêté fédéral du 25 avril 1935 approuvant l'acte additionnel du Traité de
1869. Le motif de cette réglementation est en effet que, s'il est favorable au
créancier, le jugement rendu sur la demande de mainlevée de l'opposition au
commandement de payer jugement rendu sur la seule preuve de vraisemblance de
la créance obligerait le débiteur à ouvrir action contre le créancier au
domicile de ce dernier pour faire constater l'inexistence de la créance et ce
sous peine ou de voir ses biens réalisés ou de payer la somme réclamée et de
n'avoir alors d'autre ressource que d'agir en répétition de l'indu, ce qui
serait évidemment contraire à l'esprit du Traité (RO 74 III 15).
Cependant, comme l'a reconnu à bon droit le juge de mainlevée, le Traité ne
s'applique pas en l'espèce. Ainsi que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion
de le relever,

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il n'est pas applicable en effet lorsque, l'une des parties étant suisse,
l'autre possède à la fois la nationalité suisse et la nationalité française.
Cette solution, qui est admise également dans la doctrine française (cf.
NIBOYET, Traité de droit international privé français, 1949, tome VI p. 477),
n'est d'ailleurs que l'application d'un principe généralement suivi en droit
international privé et selon lequel, sous réserve d'un traité, un individu
possédant deux nationalités doit être considéré par chacun des deux Etats dont
il a la nationalité comme son ressortissant (cf. WEISS, Traité théorique et
pratique de droit international privé, IIe éd. tome I p. 305 et suiv.:
ZITELMANN, Internationales Privatrecht, vol. I p. 171; LAPRADELLE et NIBOYET,
Répertoire de droit international, tome IX, p. 293; LEREBOURS-pIGEONNIÈRE,
Précis de droit international privé, p. 153; MAKAROV, Allgemeine Lehren des
Staatsangehörigkeitsrechts, p. 281: cf. également art. 3 de la «Convention
concernant certaines questions relatives aux conflits de loi sur la
nationalité» adoptée le 12 avril 1930 par la conférence pour la codification
du droit international). Aussi bien le Tribunal fédéral a-t-il déjà eu
l'occasion de l'appliquer en matière successorale (RO 24 I 317). Il n'y a
apporté d'exception qu'en matière tutélaire, pour tenir compte de
l'impossibilité (le fait où se trouveraient les autorités tutélaires suisses
d'exercer une surveillance quelconque sur un citoyen suisse domicilié dans un
autre Etat dont il est également ressortissant.
Quant aux art. 5
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 5 - 1 Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
1    Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
2    Le droit cantonal précédemment en vigueur est tenu pour l'expression de l'usage ou des usages locaux réservés par la loi, à moins que l'existence d'un usage contraire ne soit prouvée.
de la loi sur les rapports de droit civil des citoyens
établis ou en séjour et 22 al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 22 - 1 L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
1    L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
2    Le droit de cité est réglé par le droit public.
3    Lorsqu'une personne possède plusieurs droits de cité, le lieu de son origine est celui qui est en même temps son domicile actuel ou qui a été son dernier domicile; sinon, son origine est déterminée par le dernier droit de cité qu'elle ou ses ascendants ont acquis.
CC. ils ne seraient applicables tout au plus
que s'il s'agissait de déterminer la nationalité d'une personne (lui
posséderait deux nationalités, mais toutes les deux autres que la suisse (cf.
STAUFFER. Das inter nationale Privatrecht der Schweiz, p. 10).
Le Tribunal fédéral prononce
Le recours est rejeté.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 76 I 34
Date : 01 janvier 1949
Publié : 22 février 1950
Source : Tribunal fédéral
Statut : 76 I 34
Domaine : ATF- Droit constitutionnel
Objet : Convention entre la Suisse et la France sur la compétence judiciaire et l’exécution des jugements...


Répertoire des lois
CC: 5 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 5 - 1 Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
1    Les cantons ont la faculté d'établir ou d'abroger des règles de droit civil dans les matières où leur compétence législative a été maintenue.
2    Le droit cantonal précédemment en vigueur est tenu pour l'expression de l'usage ou des usages locaux réservés par la loi, à moins que l'existence d'un usage contraire ne soit prouvée.
22
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 22 - 1 L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
1    L'origine d'une personne est déterminée par son droit de cité.
2    Le droit de cité est réglé par le droit public.
3    Lorsqu'une personne possède plusieurs droits de cité, le lieu de son origine est celui qui est en même temps son domicile actuel ou qui a été son dernier domicile; sinon, son origine est déterminée par le dernier droit de cité qu'elle ou ses ascendants ont acquis.
LP: 271 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 271 - 1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1    Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1  lorsque le débiteur n'a pas de domicile fixe;
2  lorsque le débiteur, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite;
3  lorsque le débiteur est de passage ou rentre dans la catégorie des personnes qui fréquentent les foires et les marchés, si la créance est immédiatement exigible en raison de sa nature;
4  lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82, al. 1;
5  lorsque le créancier possède contre le débiteur un acte de défaut de biens provisoire ou définitif;
6  lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive.
2    Dans les cas énoncés aux ch. 1 et 2, le séquestre peut être requis pour une dette non échue; il rend la créance exigible à l'égard du débiteur.
3    Dans les cas énoncés à l'al. 1, ch. 6, qui concernent un jugement rendu dans un État étranger auquel s'applique la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale484, le juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.485
278
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 278 - 1 Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.
1    Celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.
2    Le juge entend les parties et statue sans retard.
3    La décision sur opposition peut faire l'objet d'un recours au sens du CPC494. Les parties peuvent alléguer des faits nouveaux.
4    L'opposition et le recours n'empêchent pas le séquestre de produire ses effets.
Répertoire ATF
24-I-312 • 74-III-13 • 76-I-34
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • droit international privé • commandement de payer • rapport de droit • recours de droit public • décision • for du séquestre • traité international • calcul • nationalité suisse • partie au contrat • droit de cité • autorisation ou approbation • salaire • tennis • exécution forcée • analogie • ordre public • office des poursuites • double national
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