S. 340 / Nr. 57 Registersachen (f)
BGE 75 I 340
57. Arrêt de. La Ie Cour civile du 29 novembre 1949 dans la cause
Regeste:
Suchard Holding S. A. contre Bureau fédéral do la propriété
intellectuelle.
Marques de fabrique. Transfert (art. 11 LMF). Enregistrement au
nom du cessionnaire (art. 7 , 7bis et 16 LMF).
Non-cessibilité de la marque sans l'entreprise; principe et exceptions
(consid. 2).
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Cession d'une marque de fabrique par une société d'exploitation à une société
holding qui la contrôle et à qui appartient déjà le procédé de fabrication des
produits munis de la marque, celle-ci devant continuer à être utilisée par la
société d'exploitation en vertu d'une licence (consid. 3).
Conditions auxquelles une société holding est autorisée à faire enregistrer en
son nom des marques individuelles destinées à des produits fabriqués ou mis
dans le commerce par des sociétésfilles, sans s'exposer à l'action en
radiation pour non-usage de l'art. 9 LMF (consid. 4).
Fabrikmarken, Übertragung (Art. 11 MSchG). Eintragung auf den Namen des
Zessionars (Art. 7, 7bis, 16 MSchG).
Nichtübertragbarkeit der Marke ohne das Unternehmen; Grundsatz und Ausnahmen
(Erw. 2).
Übertragung einer Marke durch eine Betriebsgesellschaft auf die
Holdinggesellschaft, von der sie kontrolliert wird und der bereits das
Fabrikationsverfahren der mit der Marke versehenen Produkte gchört, wobei die
Marke auch weiterhin von der Betriebsgesellschaft gebraucht werden soll auf
Grund einer Lizenz (Erw. 3).
Voraussetzungen, unter denen eine Holdinggesellschaft befugt ist, auf ihren
Namen individuelle, für die Erzeugnisse oder Handelswaren von
Tochtergesellschaften bestimmte Marken eintragen zu lassen, ohne sich dabei
der Gefahr einer Löschungsklage wegen Nichtgebrauchs (Art. 9 MSchG)
auszusetzen (Erw. 4).
Marche di fabbrica. Trasferimento (art. 11 LMF). Iscrizione al nome del
cessionario (art. 7 , 7bis 16 LMF).
Incedibilità della marea senza l'azienda; principio ed eccezioni (consid. 2).
Cessione d'una marea di fabbrica da parte d'una società di sfruttamento ad una
società holding Ebe la controlla e alla quale appartiene già il procedimento
di fabbricazione dei prodotti muniti della marea, la quale deve continuare ad
essere utilizzata dalla società di sfruttamento in virtù d'una licenza
(consid. 3).
Condizioni, alle quali una società holding è autorizzata a fare iscrivere a
suo nome marche individuali destinate a prodotti fabbricati o messi in
commercio da società affiliate senz'esporsi all'azione di cancellazione per
mancato uso a norma dell'art. 9 LMF (consid. 41).
A. Philippe Suchard père a créé en 1826 à Serrières (Neuchâtel) une fabrique
de chocolat. L'entreprise s'est considérablement développée en Suisse et à
l'étranger. Elle a pris enfin la forme d'une société anonyme, « Suchard
Société anonyme », avec siège à Neuchâtel, et ayant pour but, d'après l'art. 3
al. 1 des statuts du 30 octobre 1926, « la préparation, la fabrication et la
vente du cacao, des diverses espèces de chocolat et de tous articles
similaires», avec la possibilité de «créer elle-même d'autres entreprises
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analogues et (de) s'intéresser directement ou indirectement à toutes affaires
de même nature déjà existantes ou nouvelles ».
Par une revision statutaire du 11 décembre 1930, cette société anonyme s'est
transformée en une holding avec siège à Liestal. L'art. 3 des nouveaux statuts
déclare:
« La Société a pour objet de prendre des participations dans toutes
entreprises do l'industrie et du commerce de chocolats, de cacaos et de tous
articles similaires, ainsi que dans toutes entreprises de l'industrie et du
commerce de matières premières ou de produits employés dans l'industrie et le
commerce de chocolats, de cacaos et de produits similaires. Elle peut créer
des entreprises analogues et s'intéresser directement ou indirectement à
toutes affaires de même nature déjà existantes ou nouvelles. Elle a qualité
pour créer ou acquérir dans la suite tous établissements similaires ou
rentrant dans le but prévu au premier alinéa du présent article. La Société
peut entreprendre toutes opérations en connexité directe ou indirecte avec le
but ci dessus ou le placement. de ses fonds. »
La holding a aussitôt apporté à une société anonyme, nouvellement créée le 18
décembre 1930, la a Chocolat Suchard Société anonyme » avec siège à Neuchâtel,
tout le matériel de fabrication, tous les approvisionnements et créances
constituant l'actif engagé dans l'usine de Serrières; tout le passif
concernant cette usine a été repris par la nouvelle société anonyme, qui s'est
donné pour but a la préparation, la fabrication et la vente du cacao, des
diverses espèces de chocolat et de tous articles de confiserie n.
Avant de procéder à ces transformations, les dirigeants de l'entreprise
s'étaient renseignés auprès du Bureau fédéral de la propriété intellectuelle
au sujet des conséquences que l'opération envisagée pourrait avoir notamment
sur la titularité des marques déposées. Le Bureau avait répondu, le 3 décembre
1930, en conseillant le transfert de celles-ci au nom de la nouvelle société
de fabrication, afin d'éviter qu'elles ne puissent être attaquées en vertu de
l'art 9 al. 1 LMF, et en faisant remarquer qu'il ne pourrait admettre de
marques nouvelles ou de renouvellements au nom de la société holding, mais
seulement au nom de la société de fabrication (art. 7 ch. 1 LMF).
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Se conformant à cet avis, Suchard Société anonyme céda toutes ses marques
suisses et internationales à Chocolat Suchard Société anonyme et fit dans la
suite procéder par celle-ci à l'enregistrement des marques nouvelles.
Toutefois, dans les rapports internes entre la holding et la société de
fabrication, les marques continuèrent à être considérées comme la propriété de
la première. Les licences d'exploitation des marques en faveur des entreprises
contrôlées ont été formellement concédées par Chocolat Suchard Société anonyme
la société suisse de fabrication , mais en réalité c'est la holding dont,
en 1947, la raison est devenue « Suchard Holding Société anonyme » et le siège
à été transporté à Lausanne qui a traité avec lesdites entreprises et qui
touche les redevances.
B. Soutenant, d'une part, que cette situation lui occasionne des
désagréments et risque de lui causer de graves dommages, surtout dans les pays
étrangers où les entreprises licenciées ont été nationalisées, et faisant état
d'autre part, de l'évolution des idées en matière de marques de fabrique,
Suchard Holding Société anonyme voudrait rentrer, même formellement, en
possession des marques qu'elle a naguère cédées à Chocolat Suchard Société
anonyme ou que celle-ci a fait enregistrer depuis lors. A cette fin, elle
s'est fait céder par Chocolat Suchard Société anonyme la marque suisse no 106
568 déposée le 4 février 1944 et enregistrée internationalement le 5 juin 1944
sous no 118 650. Il s'agit de la marque mixte « VITACO » pour produits tels
que chocolat, cacao, articles de confiserie, aliments diététiques et
vitaminés.
Le 8 janvier 1949, Suchard Holding S. A. a demandé au Bureau fédéral de la
propriété intellectuelle d'enregistrer la transmission. Elle a reconnu que la
cédante ne lui avait cédé ni son entreprise ni une partie de son entreprise.
Elle a manifesté ouvertement son intention de provoquer une décision de
principe; si la décision lui est favorable, elle entend se faire transmettre
toutes les marques de la société de fabrication.
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La demande a été rejetée par le Bureau le 19 mars 1949, comme contraire à
l'art. 11 LMF.
C. Contre cette décision, Suchard Holding Société anonyme a formé un recours
de droit administratif, en concluant à l'enregistrement de la cession.
Le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. Chocolat Suchard Société anonyme a cédé sa marque Vitaco à Suchard
Holding Société anonyme. Celle-ci demande au Bureau de la propriété
intellectuelle d'enregistrer en sa faveur la transmission de cette marque.
Cette mesure suppose, d'une part, que le transfert soit en lui-même licite au
regard de l'art. 11 LMF et, d'autre part, que la requérante soit autorisée, au
regard de l'art. 7 et éventuellement de l'art. 7bis, à faire enregistrer en
son nom la marque en question.
2. L'art. 11 al. 1 LME du 26 septembre 1890 a disposé que « la marque ne
peut être transférée qu'avec l'entreprise dont elle sert à distinguer les
produits »,. La loi posait donc le principe de la non-cessibilité de la marque
sans l'entreprise, principe emprunté par le droit suisse au droit allemand et
dont le but est de protéger le public contre le risque de considérer la
marchandise munie d'une marque comme provenant d'une entreprise dont elle ne
vient pas en réalité (cf. RO 50 II 84).
Sous la pression des nécessités économiques et parallèlement à l'évolution qui
s'est produite dans les milieux internationaux spécialisés (cf. E.
MARTIN-ACHARD, La cession libre de la marque, p. 127 à 140), la jurisprudence
et la loi ont en Suisse apporté plusieurs tempéraments à ce principe.
a) Tout d'abord le Tribunal fédéral a admis le transfert de la marque avec une
partie déterminée de l'entreprise pour laquelle elle a été enregistrée, pourvu
qu'il s'agisse de produits totalement différents et qu'il n'y ait pas
tromperie du public (RO 24 II 334 /335; 58 II 179 in fine).
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C'est ainsi qu'un établissement mixte, fabriquant des matières colorantes et
des spécialités pharmaceutiques, est libre de scinder son activité et de céder
la fabrique de matières colorantes avec les marques qu'elle emploie. Le
législateur a consacré cette solution; la novelle du 22 juin 1939 a ajouté à
l'art. 11 un second alinéa de la teneur suivante:
« La marque peut être transmise pour une partie seulement des produits pour
lesquels elle est enregistrée si la partie de l'entreprise afférente à ces
produits est également transmise et à la condition que les produits compris
dans la partie cédée soient totalement différents de ceux pour lesquels la
marque reste enregistrée au nom du cédant et que l'emploi de la marque par le
cessionnaire ne soit pas de nature à tromper le public. »
La Suisse a par là adapté sa législation a l'art. 9ter al. 1 de l'arrangement
de Madrid du 14 avril 1891 sur les marques, tel qu'il avait été modifié par la
Conférence diplomatique de Londres le 2 juin 1934 (FF 1937 vol. 3 p. 109).
b) La jurisprudence suisse avait considéré le partage territorial de la marque
comme incompatible avec l'art. 11 LMF (RO 36 II 257 /258). La novelle du 22
juin 1939 a ajouté une deuxième phrase au premier alinéa de l'art. 11 LMF
« Si l'entreprise s'étend sur plusieurs pays, il suffit que la partie de
l'entreprise afférente à la Suisse soit transmise, à moins que l'emploi de la
marque par le cessionnaire ne soit de nature à tromper le public. »
Il peut donc suffire, pour que la cession de la marque soit valable, que soit
cédée une partie territorialement limitée de l'entreprise. Cette nouvelle
règle est conforme à l'art. 6quater de la Convention d'Union de Paris,
introduit par la Conférence diplomatique de Londres le 2 juin 1934 (FF 1937
vol. 3 p. 111).
c) Dans l'arrêt Roth contre Gaba S. A. (RO 58 II 180, cons. 3), le Tribunal
fédéral a jugé que l'obligation de transférer l'entreprise avec la marque vise
uniquement le cas où la marque est cédée à une entreprise différente, aussi
bien juridiquement qu'économiquement, de celle qui
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la transfère, tandis que la marque peut être cédée seule à une entreprise qui,
économiquement, est en étroit rapport ou forme un tout avec la cédante. Il
s'agit alors en général d'entreprises fabriquant des produits identiques, de
telle sorte que le public ne court pas le danger, en se fiant à la marque
transférée, d'obtenir des marchandises différentes, par ex. de moindre valeur
ou fabriquées selon d'autres procédés. Dans l'espèce jugée, Hermann et Paul
Geiger étaient les associés de la société en nom collectif « Goldene Apotheke
von Dr. H. und P. Geiger Basel » et avaient fondé la S. A. Gaba, dont ils
étaient les principaux dirigeants; le fait qu'ils continuaient à fabriquer et
à vendre des tablettes Wybert sous le nom de tablettes Gaba et sous le couvert
de la société en nom collectif n'entraînait pas, malgré ]'art. 11 LMF, la
nullité du transfert de la marque Gaba par la société en nom collectif à la S.
A. Gaba.
Le législateur s'est engagé dans cette voie. La novelle du 22 juin 1939 a
ajouté à la LMF l'art. 6bis:
« Des producteurs, industriels ou commerçants étroitement liés ensemble au
point de vue économique peuvent déposer la même marque aussi pour des produits
ou marchandises qui ne diffèrent pas entre eux par leur nature, à condition
que l'emploi de la marque n'ait pas pour effet do tromper le public et ne soit
pas d'une autre manière contraire à l'intérêt public. »
Par là, la Suisse adaptait sa législation interne à l'art. 5 lettre c al. 3
que la Conférence diplomatique de Londres a ajouté, le 2 juin 1934, à la
Convention d'Union de Paris, sauf que cette disposition exige qu'il s'agisse
de copropriétaires de la marque, tandis que, pour l'art. 6bis LMF, il suffit
qu'il s'agisse de maisons appartenant au même groupe économique. Cette
condition remplie, ces maisons peuvent faire enregistrer la même marque, sans
courir le risque qu'un tiers, employant une marque identique, leur oppose
devant le juge la nullité de leurs marques pour défaut de caractère distinctif
(art. 6 al. 1 LMF; FF 1937 vol. 3 p. 109, Bull. stén. C. N., p. 434). Or, de
l'art. 6bis LMF découle une nouvelle exception à l'art. 11 al. 1, 1 re phrase,
exception déjà indiquée par la jurisprudence: le
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producteur, industriel ou commerçant A peut désormais céder sa propre marque
au producteur, industriel ou commerçant B, sans lui transférer tout ou partie
de son entreprise, pourvu qu'ils soient étroitement liés au point de vue
économique et à la condition qu'il n'y ait pas tromperie du public, ni lésion
d'un autre intérêt public.
d) Pris à la lettre, l'art. 11 LMF devrait exclure la possibilité d'accorder
une licence pour une marque, car cette licence qui représente la cession
d'un droit limité sur la marque n'est en général pas acompagnée d'un
transfert de l'entreprise dans son ensemble. Mais, considérant de nouveau que
la disposition en cause ne devait pas être interprétée avec plus de rigueur
que ne l'exige l'idée de protection qui l'inspire, le Tribunal fédéral a
reconnu la légitimité d'une licence de marque lorsqu'il existe un lien
économique entre l'entreprise du licencié et celle du propriétaire de la
marque, et en particulier lorsque les produits munis de la marque sont les
mêmes; en pareil cas, le public ne court pas le danger d'acheter à cause de la
marque une autre marchandise que celle qu'il avait en vue (RO 61 II 61 /62).
Dans l'espèce jugée, il y avait, en raison de l'emploi des mêmes procédés de
fabrication, identité des produits fabriqués.
e) Il y a lieu enfin de mentionner l'art. 7bis introduit par la novelle du 21
décembre 1928 et qui a consacré les marques collectives. Le 3me alinéa
dispose: « L'art. 11, 1er alinéa, de la présente loi n'est pas applicable ».
En règle générale, les marques collectives ne sont pas transmissibles. Mais le
Conseil fédéral peut admettre des exceptions; si l'exception est admise, la
marque collective peut être transférée indépendamment de l'entreprise ou d'une
partie de l'entreprise.
f) Sous réserve des atténuations qui lui 011t été apportées, le principe
demeure que la marque ne peut être transférée qu'avec l'entreprise.
L'évolution parcoure commande cependant une interprétation libérale des
dispositions en vigueur, d'autant plus que cette évolution n'est
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manifestement pas parvenue à son terme. Avant la dernière guerre déjà, les
milieux spécialisés se sont prononcés en faveur d'une revision de l'art.
6quater de la Convention d'Union de Paris dans le sens de la cession libre des
marques indépendamment du transfert de tout ou partie de l'entreprise, sauf
maintien du 2me alinéa visant à empêcher que le public ne soit induit en
erreur, notamment en ce qui concerne la provenance, la nature ou les qualités
substantielles des produits auxquels la marque est appliquée (Congrès de
Prague, 1938, de l'Association internationale pour la protection de la
propriété intellectuelle, AIPPI, Congrès de Copenhague, 1939, de la Chambre de
commerce internationale, CCI). Après la guerre, le même voeu a été repris
(Congrès de La Haye, 1947, de l'AIPPI, Congrès de Québec, 1949, de la CCI).
3. L'art. 11 LMF ne met pas obstacle à ce que Chocolat Suchard S. A. fasse
cession à la recourante de la marque Vitaco. Si l'on interprète largement la
notion de la partie d'entreprise afférente aux produits pour lesquels la
marque cédée est enregistrée, il doit suffire que le cédant mette le
cessionnaire en état de fabriquer ou de faire fabriquer des produits
semblables, c'est-à-dire qu'il lui transfère les éléments nécessaires pour
maintenir en tout cas les qualités essentielles de la production sur
lesquelles se fonde le prestige de la marque. A tout le moins doit-on s'en
contenter lorsque la cession de la marque a lieu en faveur d'une maison
étroitement liée au point de vue économique avec la cédante (cf. art. 67bis
LMF).
En l'espèce, la société de fabrication ne cède rien à la holding, en dehors de
la marque Vitaco. Mais si le procédé de fabrication de ce produit n'est pas
cédé par Chocolat Suchard à la recourante, c'est qu'il n'a pas cessé
d'appartenir à cette dernière. La cession même de la marque est purement
formelle et apparaît plutôt comme une rétrocession. Dans les rapports
internes, c'est la holding qui est considérée comme titulaire de la marque et
qui touche les redevances en vertu des contrats de licence. Seule la
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crainte de violer la loi sur les marques a déterminé la recourante à faire
enregistrer la marque par la société de fabrication. Par la rétrocession, les
parties veulent mettre fin à un rapport fiduciaire et créer erga omnes une
situation conforme à celle qui existe entre elles. Il n'est pas douteux qu'on
doive assimiler un cas de ce genre à ]a cession d'une marque avec transfert
simultané du procédé de fabrication.
Dans les circonstances où elle a lieu, la cession de la marque à la holding ne
fait nullement courir au public le danger de recevoir sous la marque Vitaco
d'autres produits, de qualité inférieure ou différente. Aussi bien la cession
se fait-elle à une entreprise qui se confond économiquement avec la cédante,
quoique juridiquement distincte d'elle (cf. RO 58 II 180). La holding ne
pouvant, d'après ses statuts, fabriquer elle-même, il n'y a même pas le danger
qui existait dans l'affaire Gaba qu'il se trouve sur le marché des
produits identiques portant la même marque, mais provenant d'entreprises
juridiquement distinctes. Par ailleurs, comme la société de fabrication ne
doit pas conserver la marque Vitaco pour d'autres produits, la condition de
l'art. 11 al. 2 LMF relative à la différenciation des « produits compris dans
la partie cédée », par rapport à a ceux pour lesquels la marque est
enregistrée », devient sans objet.
L'art. 11 LMF ne s'oppose pas non plus à ce que la recourante, devenue
titulaire de la marque Vitaco, concède à Chocolat Suchard S. A. un droit
restreint sur cette marque. Comme la société de fabrication continuera
d'exploiter la partie d'entreprise afférente à la marque, la condition posée
par la jurisprudence pour l'octroi d'une licence est remplie (cf. RO 61 II 61;
ci-dessus, consid. 2 litt. d). Un tel contrat de licence soulève d'autant
moins d'objections que le titulaire de la marque ne fabriquera pas le produit
et qu'ainsi le danger de confusion pour le public sera encore moindre. Le
public connaît le Vitaco fabriqué selon la recette appartenant à la holding;
il n'aura qu'une garantie
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supplémentaire lorsque la marque Vitaco elle-même sera, formellement aussi,
entre les mains de la recourante.
4. Aux termes de l'art. 7 al 1 ch. 1 LMF, « sont autorisés à faire
enregistrer leurs marques les industriels et autres producteurs... et les
commerçants... ». La marque Vitaco est une marque de fabrique, non une marque
de commerce. La recourante doit donc en principe pouvoir revendiquer la
qualité d'industriel ou de producteur pour faire enregistrer la cession
intervenue (art. 14 et 16 LMF). Or elle déclare elle-même être une holding
pure, sans établissement industriel. Elle ajoute qu'elle n'exploitera pas
elle-même la marque, de sorte qu'on doit aussi se demander si elle ne s'expose
pas au danger qu'un tiers lui intente l'action en radiation pour défaut
d'usage (art. 9 LMF), auquel cas elle n'aurait guère d'intérêt à faire
enregistrer la marque en son nom.
a) La loi fait une exception au principe de l'art. 7 en ce qui concerne les
marques collectives. L'art. 7bis al. 1 LMF (introduit par la novelle du 21
décembre 1928, cf. FF 1928 vol. 1, p. 200, retouché par la novelle du 22 juin
1939 pour tenir compte de l'art. 7bis, modifié à Londres, de la Convention
d'Union) dispose:
« Les collectivités d'industriels, de producteurs ou de commerçants qui
possèdent la personnalité sont autorisées à déposer des marques destinées à
distinguer les marchandises produites par les membres de ces collectivités, ou
mises par eux dans le commerce (marques collectives); ce droit appartient à la
collectivité, même si elle n'exploite pas elle-même l'entreprise. »
La collectivité n'a pas besoin d'utiliser elle-même la marque, pas plus
qu'elle n'a à produire ou à mettre dans le commerce des produits qui en sont
munis. Elle peut donc n'être pas elle-même un producteur ou un commerçant.
L'usage de la marque collective par les industriels, producteurs ou
commerçants auxquels elle est destinée suffit à la préserver de l'action en
radiation (cf. art 9 al. 2 LMF).
La marque Vitaco, pas plus sans doute que les autres marques que la recourante
désire se faire rétrocéder, n'a en elle-même le caractère d'une marque
collective; c'est
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une marque individuelle, destinée à distinguer les produits de la déposante de
ceux de tous les entrepreneurs de la même branche. Indépendamment de cela; la
recourante ne peut pas, en invoquant directement l'art. 7bis, déposer une
marque commune à ses sociétés affiliées, car elle n'est pas une collectivité
d'industriels, de producteurs ou de commerçants, au sens de cette disposition.
Ses membres sont ses actionnaires, non les sociétés qu'elle contrôle. Or,
d'une part, il n'est pas question, pour une holding, de déposer une marque
collective destinée aux produits de ses actionnaires, qui ne sont pas
nécessairement industriels, producteurs ou commerçants. D'autre part, une
holding ne saurait, d'après les termes de la loi, couvrir d'une marque
collective les produits de sociétés affiliées qui ne sont pas ses membres.
Le Bureau fédéral pense que la recourante aurait pu se constituer en 1930
comme une collectivité de ses sociétés contrôlées. Mais cela aurait été
directement à l'encontre des buts clairement reconnaissables qui ont été visés
par les dirigeants de l'entreprise lorsqu'ils ont créé la holding Suchard: ce
qu'ils ont voulu tout à fait licitement, c'est ériger les filiales étrangères
en sociétés indépendantes pour les placer juridiquement dans la même position
(fisc, protection de l'industrie indigène, etc.) que les sociétés nationales
de l'Etat où elles ont leur domicile, tout en les maintenant sous une même
administration financière et une même haute direction ayant leur siège en
Suisse. La holding aurait renoncé à un des moyens les plus puissants de
maintenir sous sa dépendance les sociétés affiliées étrangères si elle s'était
associé celles-ci dans la titularité des marques, dessins, brevets, etc. La
recourante aurait certes pu atteindre le but envisagé en créant une holding
mixte, c'est-à-dire une centrale exploitant elle-même la fabrique suisse. Mais
elle aurait renoncé alors au bénéfice de la répartition rationnelle de
l'activité des différents organes de la holding. Celle-ci aurait dû continuer
à s'occuper de l'organisation technique d'une des usines, au lieu de se
consacrer
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exclusivement au contrôle de tous ses affiliés disséminés en Suisse et à
l'étranger.
b) Il y a lieu cependant de reconnaître à la recourante, sans qu'elle ait à
adopter l'une ou l'autre de ces formes, le droit de faire enregistrer en son
nom une marque individuelle destinée à des produits fabriqués et mis dans le
commerce par une société qu'elle contrôle entièrement.
En consacrant, par l'art. 6bis LME, le système des marques dites de a konzern
~, le législateur n'a pas fait qu'apporter une exception au principe de la
différenciation des marques, inscrit à l'art. 6. Le Conseil fédéral avait
proposé d'ajouter comme dernier alinéa à cet article la disposition qui est
devenue l'art. 6bis. L'Assemblée fédérale a préféré en faire un article
distinct, pour souligner que ces marques exigeaient d'être prises en
considération à d'autres points de vue encore qu'en ce qui concerne leur
enregistrement, cela pour laisser la porte ouverte aux initiatives de la
jurisprudence. Le rapporteur au Conseil national a envisagé la possibilité que
la maison affiliée la plus récente se prévale, à l'égard des tiers, de l'usage
plus ancien par une autre maison affiliée, et aussi que la maison affiliée
attaquant le contrefacteur lui réclame le dommage causé à tout le « konzern »,
(Bull. stén., C. N., p. 434). Le législateur reconnaissait donc que la
solidarité existant entre membres du même groupement peut et doit, en matière
de marques, produire des effets qui, stricto jure, seraient justifiés
seulement par l'existence d'une unité juridique. Cette solidarité implique en
tout cas que l'usage par l'une des maisons affilées profite à toutes celles au
nom desquelles la marque est enregistrée, et elle fait ainsi échec à une
action en radiation fondée sur l'art. 9 contre la maison qui n'utilise pas la
marque.
L'art. 6bis ne trouve pas application en l'espèce. Actuellement, la marque
Vitaco n'est pas enregistrée par les deux maisons en cause, et elle ne le sera
pas non plus en cas d'admission du recours. Elle est enregistrée au seul nom
de la société de fabrication, et elle le sera au seul
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nom de la holding si celle-ci obtient gain de cause. Il n'en reste pas moins
que Chocolat Suchard est avec Suchard Holding dans des rapports semblables à
ceux qui existent entre deux membres d'un cartel, ces rapports étant plus
étroits encore. En soi, la recourante devrait donc pouvoir se prévaloir de
l'usage de la marque par la société de fabrication et-supposé que cette marque
eût été enregistrée au nom de la holding et le fût demeurée-elle devrait
pouvoir, comme le membre d'un a konzern », résister victorieusement à l'action
en radiation pour non-usage. La même idée de solidarité économique demande
qu'elle puisse invoquer le caractère industriel de sa société-fille. Il est
artificiel de ne pas reconnaître la qualité d'industriel ou de producteur à
une holding qui ne se présente pas comme une société de placement ou de
financement, mais uniquement comme une société de contrôle industielle, ayant
pour but principal de réunir les intérêts de différentes entreprises
appartenant au même groupe industriel et de rationaliser leur production, tout
en leur assurant les moyens financiers nécessaires. En prêtant à chacune des
entreprises auxquelles elle s'intéresse le concours de ses dirigeants et de
ses services centraux, la holding exerce au sens large une activité
d'industriel ou de producteur qui devrait lui permettre de se mettre au
bénéfice de l'art. 7 LMF.
A tout le moins convient-il d'appliquer par analogie l'art. 7bis LMF au cas de
la holding industrielle qui entend faire enregistrer en son nom des marques
individuelles pour en concéder les licences à ses sociétés-filles. Du point de
vue de la réalité économique, une telle holding-comme l'est la recourante -se
présente comme la réunion de toutes ses sociétés de fabrication. En tant que
celles-ci sont effectivement dominées par la holding, tout se passe comme si
elles étaient des membres de la société qui les contrôle. La situation de ces
sociétés, qui exploitent les entreprises fabriquant les produits munis des
marques inscrites au nom de la holding, est à cet égard analogue à celle des
industriels, producteurs ou commerçants qui font
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partie d'une collectivité au sens de l'art. 7bis et qui utilisent, en vertu de
leur qualité de membres, une marque collective déposée par la collectivité,
celle-ci n'exploitant pas elle-même d'entreprise (cf. art. 7bis al. 1er in
fine).
En conséquence, il convient en principe d'admettre les sociétés holdings à
faire enregistrer en leur nom propre des marques de fabrique ou de commerce,
sans qu'elles aient besoin d'exploiter elles-mêmes directement une entreprise
ou un commerce, l'usage fait d'une marque par les sociétés affiliées devant
être assimilé à son emploi par la société holding (en ce sens, une proposition
du groupe suisse de l'AIPPI au Congrès de La Haye de 1947).
Toutefois seules pourront revendiquer ce droit les holdings qui ont le
caractère de sociétés de contrôle industrielles (Verwaltungsholding), à
l'exclusion des sociétés de financement qui se bornent à prendre des
participations dans diverses entreprises d'une branche. La structure
économique de ces dernières sociétés ne permet pas de les assimiler aux
collectivités visées par l'art. 7bis, ni de considérer qu'elles exercent une
activité d'industriel ou de Commerçant. Aussi bien le risque serait-il grand
que les marques détenues par ces sociétés de financement ne soient apposées
sur des produits qui ne proviendraient pas de l'entreprise désignée par la
marque. D'autre part, si, postérieurement au dépôt par une holding de marques
destinées à être utilisées par ses sociétés affiliées, cette holding perd le
caractère d'une société de contrôle industrielle, il y aura lieu d'appliquer
l'art. 7bis al. 5 LMF, aux termes duquel, si la collectivité tolère
l'application de la marque collective contrairement à son but ou d'une manière
propre à induire le public en erreur, toute personne qui justifie d'un intérêt
peut demander la radiation de la marque. En outre, la holding industrielle qui
deviendrait une simple société de financement ne pourrait plus invoquer
l'usage de la marque par les sociétés contrôlées et s'exposerait à l'action en
radiation de l'art. 9 LMF.
5.- La recourante, qui a le caractère d'une société de
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contrôle industrielle, doit être admise, en vertu des art. 7 et 7bis LMF, à
déposer en son nom la marque Vitaco destinée à des produits de ses sociétés
affiliées, après que cette marque a pu lui être régulièrement cédée par
Chocolat Suchard S. A.
Par ces motifs le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.
Vgl. auch Nr. 61. - Voir aussi no 61.