S. 174 / Nr. 45 Uhrenindustrie (f)
BGE 74 IV 174
45. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 novembre 1948 dans la cause
Chambre suisse de l'horlogerie contre Koller et Ferner.
Regeste:
Protection de l'industrie horlogère suisse.
1. Fabrication de sous-produits. Quid lorsqu'une partie de la production n'est
pas affectée à ]'horlogerie (art. 2 a]. 2 de l'ACF du 21 décembre 1945)?
2. Qualité de la Chambre suisse de l'horlogerie pour se pourvoir en nullité
(art. 26 al. 3 et 5 ACF, 270 al. 3 et 6 PPF).
Schutz der schweizerischen Uhrenindustrie.
1. Herstellung von Teilfabrikaten. Was gilt, wenn ein Teil der Produktion
nicht für die Uhrenindustrie verwendet wird (Art. 2 Ziff. 2 BRB vom 21.
Dezember 1945)?
2. Legitimation der Schweizerischen Uhrenkammer zur Nichtigkeitsbeschwerde
(Art. 26 Abs. 3 und 5 BRB, Art. 270 Abs. 3 und 6 BStP).
Protezione dell'industria degli orologi svizzera.
1. Fabbricazione di sottoprodotti. Quid se una parte della produzione non è
destinata all'industria degli orologi (art. 2 cp. 2 del DCF 21 dicembre 1945)?
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2. Facoltà di ricorrere per cassazione della Camera svizzera per l'industria
degli orologi (art. 26 cp. 3 e 5 DCF, art. 270 cp. 3 e 6 PPF).
A. Le 27 juillet 1944, le Département fédéral de l'économie publique a
autorisé A. Koller à fabriquer des barrettes à ressorts pour l'industrie
horlogère et ~ occuper un ouvrier. Il ajoutait: «Sans permis préalable, vous
ne pouvez, cependant, pas augmenter l'effectif de votre personnel ni
entreprendre la fabrication d'autres produits horlogers».
Le 21 décembre 1945, Koller et R. Ferner, avec qui il s'était associé
entre-temps, ont été condamnés à une amende de 100 fr. chacun pour avoir, sans
permission, engagé dix ouvriers et entrepris la fabrication de gonds, plots et
attaches.
B. Malgré cette condamnation, ils ont continué d'occuper onze ouvriers et de
fabriquer les articles indiqués. Sur dénonciation de la Chambre suisse de
l'horlogerie (ci-après la Chambre), le Tribunal de police du district de La
Chaux-de-Fonds a infligé à chacun d'eux, le 23 avril 1948, une amende de 800
fr. en vertu des art. 1, 2, 3 et 26 de l'arrêté du Conseil fédéral du 21
décembre 1945 protégeant l'industrie horlogère suisse (ACF).
C. Sur recours des condamnés, la Cour de cassation neuchâteloise a annulé ce
jugement, le 23 juin. Elle estime que la barrette à ressorts, dont les
prévenus livrent une pièce sur six à des industries étrangères à l'horlogerie,
n'est pas un produit spécifiquement horloger et que, partant, sa fabrication
est libre. En ce qui concerne les attaches, plots et gonds, elle admet que les
décolletages exécutés par les prévenus sont très demandés notamment dans la
bijouterie et la maroquinerie et que, pour être utilisés dans l'horlogerie,
ils doivent encore être transformés et que seules les opérations ultérieures,
effectuées en général dans les ateliers de monteurs de boîtes, leur donnent
leur caractère horloger.
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D. Contre cet arrêt, la Chambre s'est pourvue en nullité au Tribunal
fédéral.
Koller et Ferner concluent au rejet du pourvoi.
Considérant en droit:
1. Le Ministère public neuchâtelois ayant participé à la procédure
cantonale, les intimés invoquent l'art. 270 al. 3 PPF et dénient à la Chambre
la qualité pour se pourvoir en nullité. Aux termes de l'art. 26 al. 3 ACF,
elle a la faculté de présenter des conclusions dans le procès pénal et d'y
intervenir comme partie civile pour la défense des intérêts généraux de
l'industrie horlogère. Cette faculté ne dépend pas de l'attitude de
l'accusateur public. Elle a été prévue précisément parce qu'il n'a point paru
opportun de confier à ce magistrat, d'ordinaire peu familiarisé avec les
problèmes de l'horlogerie, la défense des intérêts généraux de cette industrie
(arrêt Hehlen du 10 juillet 1940). Le droit d'intervention expressément
conféré à la Chambre n'est donc pas subordonné à la condition de l'art. 270
al. 3 PPF.
Au surplus, la Chambre intervient en l'espèce non pas simplement sur la base
de l'art. 26 al. 3 ACF, mais encore par mandat du Département de l'économie
publique. Or, dans le cadre de l'arrêté, cette autorité assume en particulier
les fonctions du procureur général de la Confédération. Cela résulte de l'art.
26 al. 5, qui oblige les gouvernements cantonaux à lui communiquer toute
décision pénale ou ordonnance de non-lieu. Par conséquent la recevabilité du
pourvoi découle aussi de l'art. 270 al. 6 PPF.
2. L'art. 1er ACF interdit d'ouvrir, sans autorisation préalable, de
nouvelles entreprises dans l'industrie horlogère, ou d'agrandir et de
transformer des entreprises existantes. Font notamment partie de l'industrie
horlogère, la fabrication de l'ébauche et des fournitures ou sous-produits, y
compris toutes les opérations accessoires rentrant dans la fabrication (art. 2
al. 2). L'art. 3 considère comme agrandissement toute augmentation du nombre
des ouvriers
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(al. 1) et comme transformation toute introduction d'une nouvelle branche de
fabrication (al. 2).
a) Les premiers juges ont constaté souverainement (art. 277 bis PPF) que les
barrettes, attaches, gonds et plots forment une partie de la boîte à laquelle
ils adhèrent. Ils sont donc des sous-produits de la montre. Sans doute les
plots, les attaches et les gonds sortant de l'atelier des intimés ne sont-ils
utilisables dans l'horlogerie qu'après avoir été terminés par fraisage,
perçage, etc. Mais ils ne perdent pas pour autant la qualité de sous-produits,
car cette notion n'implique pas un degré d'avancement déterminé. Du reste,
fabriquer ne signifie pas achever. Le mot fabrication à l'art. 2 al. 2 ACF
désigne toutes les opérations dont l'objet considéré (ébauche, fourniture ou
sous-produit) est l'aboutissement, et non seulement la dernière.
b) Il est constant que la production des intimés n'est pas exclusivement
destinée à l'industrie horlogère. La Cour cantonale en a déduit sans se
référer à aucune disposition légale que leur entreprise échappait à l'empire
de l'arrêté. Cette opinion est manifestement erronée. Rien, dans le texte en
vigueur, ne permet d'admettre qu'une activité visée par l'art. 2 serait
soustraite aux interdictions de l'art. 1er parce qu'une partie de la
production n'est pas affectée à l'horlogerie. Cette thèse ne se justifie pas
davantage par le souci de ne pas étendre le champ d'application de l'arrêté.
On ne pourrait parler d'interprétation extensive que si une activité étrangère
à l'horlogerie tombait sous le coup des restrictions. Tel n'est pas le cas.
Certes, l'entreprise qui fabrique à la fois des produits horlogers et des
articles destinés à un autre usage doit organiser deux départements, dont l'un
est réglementé, tandis que l'autre travaille librement. Pareille division, que
l'arrêt attaqué juge anormale, est très fréquente. Elle constitue le seul
moyen de soumettre chaque activité au régime juridique qui la concerne.
Prétendant assurer à l'entreprise entière la liberté dont jouissent ses
branches de fabrication non horlogères, la
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solution adoptée par la Cour neuchâteloise mènerait à des conséquences
inadmissibles. Les nombreuses entreprises qui fabriquent aussi des fournitures
(aiguilles, pierres, cadrans, etc.) pour des articles qui n'appartiennent pas
à l'industrie horlogère au sens de l'art. 1er ACF, par exemple des compteurs
ou des pendules (art. 21 al. 1), cesseraient de s'y rattacher, bien que leur
assujettissement n'ait jamais été contesté. Il en serait de même des
manufactures qui, outre des montres, fabriquent des pendules ou bien qui
livrent des mouvements à des fabriques de compteurs ou de fusées d'obus.
Ainsi, la protection instituée par le Conseil fédéral se bornerait aux seules
entreprises qui ne fabriquent que les produits spécifiquement horlogers
qu'énumère l'art. 2 ACF. Une telle limitation ne se concilierait pas avec le
sens et l'esprit de l'arrêté.
3. Selon l'arrêt attaqué, Koller et Ferner ont livré à des monteurs de
boîtes, en 1947, pour plus de 25000 fr. de décolletages, soit 11% du chiffre
d'affaires total. Ils ont donc ajouté une branche de fabrication à celle qui
faisait l'objet de l'autorisation du 27 juillet 1944, contrevenant ainsi à
l'art. 3 al. 2 ACF.
D'autre part, il est établi que la grande majorité des barrettes à ressorts,
dont la vente représentait en 1947 62% du chiffre d'affaires total, ont été
livrées à des fabricants de boîtes et à des fabricants d'horlogerie.
L'entreprise se vouant donc principalement à des fabrications visées par
l'art. 2 ch. 2 ACF, l'augmentation du nombre des ouvriers s'explique surtout
par les besoins de ces activités. Il s'ensuit que les intimés ont agrandi leur
entreprise sans autorisation (art. 3 al. 1 ACF).
Ces contraventions étant réprimées par l'art. 26 al. 1 litt. a ACF, ils
devront être jugés à nouveau.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause
la juridiction neuchâteloise pour nouveau jugement.