S. 72 / Nr. 12 Organisation der Bundesrechtspflege (f)

BGE 66 I 72

12. Arrêt du 12 avril 1940 dans la cause Etat du Valais contre Banque
commerciale de Sion.

Regeste:
Qualité de l'Etat cantonal pour recourir.
L'Etat cantonal, pris comme détenteur de la puissance publique n'est pas
recevable à former un recours de droit public contre une décision d'un de ses
propres organes.
Il n'a notamment pas cette qualité lorsqu'il est recherché en responsabilité
du chef d'un acte accompli par un de ses fonctionnaires dans l'exercice de son
mandat officiel:
Legitimation des Staates (Kantons) zur staatsrechtlichen Beschwerde.
Der Staat als Inhaber der öffentlichen Gewalt ist zur Beschwerde gegen den
Entscheid eines seiner Organe nicht legitimiert.
Die Legitimation fehlt ihm insbesondere gegenüber einem Entscheid über seine
Verantwortlichkeit für Amtshandlungen seiner Beamten.
Qualità dello Stato (Cantone) per interporre ricorso di diritto pubblico.
Lo Stato, in quanto detentore dei pubblici poteri, non ha veste per ricorre
contro la decisione di uno dei suoi organi, segnatamente quando si tratti di
una decisione che concerne la sua responsabilità per atti compiuti da uno dei
suoi funzionari nell'esercizio della sua funzione.

A. ­ En avril 1933, la Banque de Riedmatten & Cie ­ à laquelle a succédé
l'intimée au recours ­ a escompté une lettre de change de 1500 fr. qui, selon
son texte, était tirée par Camille Dussex à l'ordre d'un certain Julien
Pralong et sur laquelle figuraient en outre les signatures d'Antoine Dussex,
Nicolas Dussex et Adolphe Rossier. Les quatre signatures étaient légalisées
par le

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notaire de Quay à Sion. Lorsque la banque présenta la lettre au paiement, il
se révéla que le débiteur et les cautions n'avaient jamais signé l'effet et
que toutes les signatures étaient l'oeuvre de Julien Pralong. La Banque
commerciale de Sion, ayant cause de la Banque de Riedmatten & Cie, rechercha
le notaire de Quay en paiement du montant de l'effet et des frais occasionnés.
De Quay ne contesta pas sa responsabilité prévue par l'art. 1er de la loi du 4
mars 1896 sur le notariat, mais ne fut pas en mesure de réparer le dommage
causé. La poursuite engagée contre lui aboutit à un acte de défaut de biens de
3698 fr. 20.
La Banque commerciale de Sion, invoquant l'art. 21 Const. val. qui dispose que
l'Etat est subsidiairement responsable des actes accomplis officiellement par
les fonctionnaires nommés par lui, réclama alors ce montant à l'Etat du
Valais. Celui-ci excipa d'une transaction qui serait intervenue entre la
banque et les cautions du notaire. Il soutint d'autre part que les notaires
valaisans ne seraient pas des fonctionnaires au sens de l'art. 21 Const. val.
Confirmant le jugement de première instance, le Tribunal cantonal du Valais a
admis l'action de la banque par arrêt du 2 novembre 1939.
C. ­ L'Etat du Valais a formé un recours de droit public tendant à
l'annulation de cet arrêt pour violation de l'art. 4 CF. Il estime avoir
qualité pour recourir du fait qu'il a été actionné par la voie d'un procès
civil ordinaire; il serait ainsi atteint par le jugement de la même manière
qu'un simple particulier; il doit par conséquent être considéré comme une
corporation au sens de l'art. 178 ch. 2 OJ. Au fond, le recourant développe,
sous l'angle de l'arbitraire, les moyens avancés devant les juridictions
cantonales.
D. ­ La banque intimée a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet
du recours. Elle invoque notamment le défaut de qualité pour recourir de
l'Etat du Valais.

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E. ­ Le Tribunal cantonal a présenté des observations tendant au rejet du
recours.
Considérant en droit:
1. ­ Le recours de droit public appartient aux particuliers ou aux
corporations lésés par une décision ou un arrêté de l'autorité cantonale (art.
178 ch. 2 OJ). En vertu des art. 113 CF et 175 ch. 3 OJ, il n'est ouvert que
pour violation des droits constitutionnels des citoyens. L'Etat comme tel,
c'est-à-dire en sa qualité de détenteur de la puissance publique, ne peut être
sujet de droits constitutionnels; ceux-ci existent précisément contre lui,
destinés qu'ils sont à protéger les particuliers contre les abus du pouvoir.
L'Etat ne saurait donc à cet égard être une corporation au sens de l'art. 178
ch. 2 OJ. La jurisprudence en a déduit qu'un canton n'a pas qualité pour
attaquer devant la Cour de droit public le jugement d'un de ses tribunaux
pénaux (RO 48 I 108), ni la décision d'un juge civil refusant de prononcer une
interdiction (RO 49 I 462), ni les décisions de ses propres autorités de
recours en matière fiscale (RO 60 I 230; cf. également pour les communes RO 65
I 129
), encore que lui-même ou un de ses organes ait joué dans la procédure le
rôle d'une partie. Du point de vue de l'Etat (ou de la commune), il s'agit
uniquement, dans les cas précités, de l'application du droit objectif (pénal,
administratif ou fiscal) par les autorités instituées à cet effet, et de
divergences séparant ces diverses autorités quant à l'application du droit. On
peut en revanche se demander si, lorsque l'Etat figure comme partie dans des
rapports de droit privé à rang égal avec des particuliers, il ne doit pas
avoir qualité pour se pourvoir au Tribunal fédéral par la voie du recours de
droit public contre les jugements de ses propres tribunaux; il cesserait alors
d'apparaître comme détenteur de la puissance publique et pourrait participer,
comme une corporation de droit privé, aux droits constitutionnels des citoyens
(cf. KIRCHHOFER,

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Ueber die Legitimation zum staatsrechtlichen Rekurs, Zeitschr. f. schw. Recht,
55, p. 145). La question peut présentement rester indécise, car le canton du
Valais n'est pas recherché ici comme une association de particuliers, mais
comme Etat souverain. (Demeure également réservé le droit des cantons de
former un recours de droit public dans les cas où, agissant comme des
personnes soumises à la souveraineté d'un autre canton, ils réclament contre
celui-ci le bénéfice de droits constitutionnels accordés de la même manière
aux particuliers soumis à la même souveraineté, RO 54 I 169; 58 I 363; 60 I
232
).
2. ­ La banque intimée réclame à l'Etat du Valais la réparation du dommage
résultant de la légalisation par un notaire de signatures fausses. Le
recourant conteste en première ligne le principe même de sa responsabilité,
les notaires valaisans n'étant pas des fonctionnaires; subsidiairement, il
excipe d'une transaction.
La responsabilité de l'Etat, notamment de l'Etat cantonal, à raison des actes
de ses agents l'existence comme la mesure de cette responsabilité ­ relève en
Suisse du droit public. La réserve de l'art. 59
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 59 - 1 Für die öffentlich-rechtlichen und kirchlichen Körperschaften und Anstalten bleibt das öffentliche Recht des Bundes und der Kantone vorbehalten.
1    Für die öffentlich-rechtlichen und kirchlichen Körperschaften und Anstalten bleibt das öffentliche Recht des Bundes und der Kantone vorbehalten.
2    Personenverbindungen, die einen wirtschaftlichen Zweck verfolgen, stehen unter den Bestimmungen über die Gesellschaften und Genossenschaften.
3    Allmendgenossenschaften und ähnliche Körperschaften verbleiben unter den Bestimmungen des kantonalen Rechtes.
CC vise en effet également
l'art. 55 du même code, en tant du moins que l'Etat est appelé à répondre
envers les tiers d'actes accomplis par ses fonctionnaires dans l'exercice de
leur mandat officiel (RO 63 II 30). Au fond, la responsabilité de l'Etat
repose sur l'idée que les particuliers ont la faculté et, dans de nombreux
cas, sont obligés de recourir aux institutions publiques; il peut dès lors
paraître équitable que l'Etat répare le dommage causé par les agents préposés
à ces institutions. L'Etat s'impute ainsi à lui-même le mauvais fonctionnement
des services qu'il assure. L'obligation qu'il assume de la sorte à titre
primaire ou subsidiaire est raison de la puissance publique qu'il exerce et
participe à la nature de celle-ci. Lors donc que l'Etat est recherché du chef
d'un de ses fonctionnaires, il ne l'est pas comme le serait une personne
morale de droit privé obligée par les actes de ses organes (art. 55
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 55 - 1 Die Organe sind berufen, dem Willen der juristischen Person Ausdruck zu geben.
1    Die Organe sind berufen, dem Willen der juristischen Person Ausdruck zu geben.
2    Sie verpflichten die juristische Person sowohl durch den Abschluss von Rechtsgeschäften als durch ihr sonstiges Verhalten.
3    Für ihr Verschulden sind die handelnden Personen ausserdem persönlich verantwortlich.


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al. 2 CC); il l'est en tant qu'Etat. Le particulier lésé adressera d'abord sa
réclamation à l'autorité administrative prévue par la loi; s'il est éconduit,
il saisira le tribunal compétent. Mais même si celui-ci statue dans les formes
d'un procès civil ordinaire et que l'autorité qui représente l'Etat apparaisse
devant lui comme une partie, le conflit ne perd pas son caractère
administratif et les deux autorités demeurent les organes de la même puissance
publique. Le jugement accueillant la demande n'est pas d'une autre nature que
l'acte par lequel le gouvernement cantonal reconnaîtrait d'emblée la
responsabilité de l'Etat; il s'agit de deux décisions de degré différent. Or
si un canton ne peut s'adresser à la Cour de droit public lorsque, à son gré,
ses propres tribunaux ont méconnu l'un de ses droits souverains (action
pénale, prétention fiscale), il ne peut le faire non plus lorsqu'il estime que
ces mêmes tribunaux ont reconnu à tort une obligation rattachée à l'exercice
de sa souveraineté. Dans les deux cas, la puissance publique peut être lésée;
mais le recours de droit public et les droits constitutionnels qu'il met en
oeuvre, notamment l'égalité devant la loi, ne sont pas propres à protéger
cette puissance dans le conflit qui oppose deux organes de l'Etat qui la
détiennent l'un et l'autre (RO 65 I 133).
C'est en vain que le recourant arguerait du caractère pécuniaire de l'action
en responsabilité et de l'extension donnée par la jurisprudence à la notion de
différend de droit civil de l'art. 48
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 55 - 1 Die Organe sind berufen, dem Willen der juristischen Person Ausdruck zu geben.
1    Die Organe sind berufen, dem Willen der juristischen Person Ausdruck zu geben.
2    Sie verpflichten die juristische Person sowohl durch den Abschluss von Rechtsgeschäften als durch ihr sonstiges Verhalten.
3    Für ihr Verschulden sind die handelnden Personen ausserdem persönlich verantwortlich.
OJ. Cette disposition ne vise que les
actions directes portées devant le Tribunal fédéral. L'interprétation qui lui
a été donnée s'explique historiquement par le souci qu'on a eu, à une certaine
époque, d'assurer au citoyen plaidant contre son canton une juridiction
offrant des garanties particulières d'impartialité (RO 63 II 49). L'Etat
cantonal recherché en responsabilité devant ses tribunaux à raison d'un acte
d'un de ses fonctionnaires ne saurait invoquer le bénéfice de cette
interprétation pour justifier de sa qualité de recourant. Au demeurant,
l'aspect pécuniaire du litige passe en l'espèce au second plan: le recours
pose essentiellement la question

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de principe d'une responsabilité de l'Etat du Valais pour ses notaires. Cette
question relève du droit public cantonal à un degré éminent. Le Conseil d'Etat
ne saurait attaquer devant la Cour de droit public la solution qui lui a été
donnée par l'autorité cantonale désignée pour trancher les litiges de cette
nature. Le recourant dispose d'autres moyens pour faire triompher sa thèse. Il
lui est loisible de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi levant toute
ambiguïté, ou simplement de provoquer une interprétation législative des
dispositions en cause.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.
Vgl. auch Nr. 1, 4, 9. ­ Voir aussi nos 1, 4, 9.
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 66 I 72
Date : 01. Januar 1940
Published : 11. April 1940
Source : Bundesgericht
Status : 66 I 72
Subject area : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Subject : Qualité de l'Etat cantonal pour recourir.L'Etat cantonal, pris comme détenteur de la puissance...


Legislation register
OG: 48  175  178
ZGB: 55  59
BGE-register
48-I-106 • 49-I-461 • 54-I-166 • 58-I-363 • 60-I-230 • 63-II-28 • 63-II-46 • 65-I-129 • 66-I-72
Keyword index
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