S. 145 / Nr. 25 Niederlassungsfreiheit (f)

BGE 66 I 145

25. Arrêt du 4 octobre 1940 dans la cause Chillier contre Conseil d'Etat du
canton de Genève.


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Regeste:
Const. féd. art. 45 al. 3. Une fois que l'établissement a pris fin, l'autorité
compétente ne peut, en règle générale, se prévaloir de ce que les conditions
justifiant une expulsion se seraient trouvées réalisées pendant cet
établissement pour prendre après coup un arrêté d'expulsion contre
l'intéressé.
Art. 45 Abs. 3 BV. Nach Beendigung der Niederlassung kann diese im allgemeinen
von der zuständigen Behörde nicht mehr unter Berufung darauf entzogen werden,
dass die den Entzug rechtfertigenden Tatsachen bereits während Bestehens der
Niederlassung vorhanden waren.
Art. 45 cp. 3 CF. Cessato il domicilio, l'autorità competente non può, in
generale, emanare contro l'interessato un decreto di espulsione, invocando il
fatto che durante il periodo di domicilio le condizioni giustificanti
un'espulsione si erano verificate.

A. ­ Le recourant Camille-Joseph Chillier, originaire de Châtel-St-Denis
(Fribourg), s'est établi à Genève le 20 septembre 1930. Il avait à ce
moment-là encouru les condamnations suivantes:
31 mars 1927: Tribunal correctionnel de Nantua, 4 mois de prison pour vol,
30 janvier 1930: Même tribunal, 20 jours d'emprisonnement pour outrage public
aux moeurs.
Par la suite il a été encore condamné:
le 19 décembre 1930, par le Tribunal de police de Lausanne, à 10 francs
d'amende pour outrage aux moeurs, et
le 14 février 1935, par la Cour correctionnelle de Genève, à 11 jours
d'emprisonnement et 2 ans et demi d'expulsion judiciaire, également pour
outrage public aux moeurs.

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Le recourant étant sorti de prison le 17 février 1935, l'expulsion judiciaire
devait produire ses effets jusqu'au 17 février 1937.
Par arrêté du 14 août 1937, le Département de Justice et Police de Genève, se
fondant sur les condamnations encourues par le recourant et en particulier sur
celle du 14 février 1935, décida a de ne pas accorder l'autorisation de
séjourner dans le Canton de Genève à Chillier Camille, manoeuvre...
actuellement sans domicile connu».
«En conséquence, dit l'arrêté, il est expulsé du territoire genevois et il lui
est enjoint d'avoir à se retirer immédiatement.»
Le 14 juin 1940, Chillier a adressé au Conseil d'Etat un recours contre cette
décision.
Par arrêté du 30 juillet 1940, le Conseil d'Etat a maintenu la décision
attaquée en se bornant, comme cette dernière, à faire état des condamnations.
B. ­ Contre l'arrêté du Conseil d'Etat, Chillier a formé en temps utile un
recours de droit public pour violation de l'art. 45 Const. féd.
Le recours est motivé en substance de la manière suivante:
L'arrêté du Département de Justice et Police du 4 août 1937 n'est pas un
retrait mais un refus d'établissement. Or, en vertu de l'art. 45 al. 2 Const.
féd., l'établissement ne peut être refusé qu'à celui qui, par suite d'un
jugement pénal, ne jouit pas de ses droits civiques. Mais tel n'est pas le cas
du recourant. A supposer d'ailleurs que la décision du Département puisse être
interprétée comme un retrait d'établissement, celui-ci n'en serait pas moins
inconstitutionnel, étant donné que le recourant n'a pas été, comme l'exige
l'art. 45 al. 3, puni à réitérées fois pour délits graves. Seule la
condamnation du 31 mars 1927 pourrait éventuellement être prise en
considération à cet égard, encore qu'il s'agisse d'une condamnation ancienne,
commise alors que le recourant était un tout jeune homme et séjournait à
l'étranger. En revanche, la condamnation

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du 19 décembre 1930 par le Tribunal de police de Lausanne à 10 fr. d'amende ne
présente évidemment aucun caractère de gravité. Quant à la condamnation du 14
février 1935 par la Cour correctionnelle de Genève, elle peut être qualifiée
d'erreur judiciaire. Il résulte en effet des pièces produites avec le recours
et notamment du rapport du Dr G. de Morsier que le recourant n'était pas
responsable du délit qui lui a été reproché, celui-ci devant être considéré
comme la conséquence directe de lésions consécutives à un accident. Dès lors,
bien que le jury, par suite d'une erreur regrettable, ait condamné Chillier,
on doit dire que l'infraction n'a pu constituer un délit grave, puisque son
auteur a agi en état d'irresponsabilité. Le recourant relève en terminant
qu'il est actuellement tout à fait guéri, qu'après avoir été exempté du
service militaire à la suite de son accident, il a été réincorporé et
mobilisé, qu'il a le légitime désir de vivre auprès de sa femme qui gagne sa
vie à Genève, où il a lui-même trouvé un emploi.
C. ­ Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours. Il soutient qu'il y a
bien eu retrait et non refus de l'établissement. La mesure prise par le
Département était une mesure d'expulsion administrative qui devait doubler la
mesure d'expulsion judiciaire et qui a été prise avant l'expiration de cette
dernière. Tantôt l'autorité administrative double immédiatement la mesure
d'expulsion judiciaire, tantôt elle attend quelque temps avant de le faire, ce
qui a été le cas en l'espèce. Quant aux conditions de l'art. 45 al. 3, le
Conseil d'Etat estime qu'elles sont réalisées. Le délit de vol pour lequel le
recourant a été condamné en 1927 est un délit grave d'après la jurisprudence
fédérale, et il en est de même du délit d'outrages aux moeurs jugé le 14
février 1935. La question de l'aliénation mentale avait été soulevée aux
débats par le défenseur de Chillier, son mandataire actuel, mais la
culpabilité du recourant a été reconnue. S'il s'était agi vraiment d'une
erreur judiciaire, il aurait été du devoir de l'avocat de tout mettre en
oeuvre pour obtenir la revision du jugement.

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Considérant en droit:
Contrairement à ce que soutient le recourant, l'arrêté du Département de
Justice et Police du 14 août 1937 constituait, aussi bien en la forme qu'au
fond, un retrait et non un refus d'établissement. En effet le Département
invoquait expressément l'art. 45 al. 3 Const. féd., et il était clair que son
intention était d'ajouter à l'expulsion judiciaire, limitée à deux ans et
demi, une expulsion administrative d'une durée indéterminée. Considérée en
elle-même, cette mesure n'avait rien d'inconstitutionnel, car on ne voit pas
la raison pour laquelle l'autorité administrative ne pourrait pas, lorsque les
conditions de l'art. 45 al. 3 sont réalisées (et elles l'étaient
incontestablement en l'espèce, cf. entre autres les arrêts Rochat du 25 mai
1928, Burnier du 19 septembre 1930 et Maillard du 19 novembre 1937), user des
droits que lui confère le susdit article même à l'égard d'une personne contre
laquelle un tribunal a déjà prononcé une expulsion pour un temps limité. Il
s'agit toutefois de savoir en l'espèce si, au moment où a été prise la
décision attaquée, le Département de Justice et Police était encore en droit
de se prévaloir de l'art. 45 al. 3. Cette question doit être tranchée par la
négative. Un retrait d'établissement doit en effet, par définition même, être
prononcé alors que cet établissement dure encore. Dès le moment où il a pris
fin, il ne peut plus normalement être question que du refus d'un nouvel
établissement, refus soumis aux conditions particulières de l'art. 45 al. 2 et
éventuellement de l'art. 45 al. 4. A cette règle la jurisprudence n'a apporté
de dérogation que dans le cas seulement où l'intéressé a quitté le lieu de son
établissement pour se soustraire à la mesure d'expulsion (RO 33 I 288) ou à
des poursuites pénales (RO 56 I 505), hypothèses qui ne sont pas réalisées en
l'espèce. Elle s'est refusée à étendre cette dérogation aux cas où le canton
de l'établissement n'avait eu connaissance de la condamnation qui eût pu
justifier le retrait de l'établissement qu'à

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l'occasion d'un nouvel établissement de l'intéressé dans le canton, et elle
s'est bornée à réserver le cas où l'interruption de l'établissement n'aurait
eu d'autre but que de permettre à l'intéressé d'échapper à une expulsion basée
sur l'art. 45 al. 3 (cf. arrêt non publié du 20 septembre 1935 dans la cause
Nagel, p. 6). Le Tribunal fédéral ne voit aucun motif de s'écarter du principe
susrappelé et encore moins d'y déroger dans le cas où, comme en l'espèce,
c'est par l'effet d'une décision judiciaire rendue dans le canton de
l'établissement que l'établissement a pris fin, si bien que ce sont les
autorités de ce canton qui ont mis l'intéressé en situation de se prévaloir,
le moment venu, de l'art. 45 al. 2. Il est vrai que pratiquement cette
solution risque d'avoir pour seul résultat d'amener les autorités genevoises à
doubler immédiatement, là où cela est possible, l'expulsion judiciaire d'une
expulsion administrative. Cela n'est cependant pas une raison suffisante pour
les autoriser, lorsqu'elles n'y ont pas songé en temps voulu, à réparer leur
omission après coup.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et l'arrêté attaqué est annulé.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 66 I 145
Date : 01. Januar 1940
Publié : 03. Oktober 1940
Source : Bundesgericht
Statut : 66 I 145
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Const. féd. art. 45 al. 3. Une fois que l'établissement a pris fin, l'autorité compétente ne peut...


Répertoire ATF
33-I-288 • 56-I-505 • 66-I-145
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
autorisation de défricher • autorité administrative • conseil d'état • domicile connu • durée indéterminée • décision • emprisonnement • expulsion • expulsion • fin • fribourg • irresponsabilité • lausanne • marchandise • membre d'une communauté religieuse • mois • quant • recours de droit public • service militaire • syndrome d'aliénation parentale • tribunal de police • tribunal fédéral • tribunal pénal