S. 71 / Nr. 16 Familienrecht (f)

BGE 64 II 71

16. Extrait de l'arrêt de la IIe Section civile du 8 avril 1938 dans la cause
Dupré contre Dupré.


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Regeste:
Exception de litispendance en droit international privé, Cas dans lequel
l'exception pourrait être utilement invoquée. Règles applicables à la
détermination de la compétence du juge étranger.
Mesures protectrices de l'union conjugale entre époux étrangers domiciliés en
Suisse. For du domicile du demandeur.
(Traité franco-suisse du 15 juin 1869, art. 17; Loi fédérale du 25 juin 1891
sur les rapports de droit civil, art. 7 lit. g et 32; CCS, art. 169 et 170).

Les époux Dupré, de nationalité française, sont domiciliés en Suisse depuis
1930. Le 19 mai 1937, Dame Dupré a demandé au Tribunal de première instance de
Genève de l'autoriser à avoir un domicile séparé et de condamner son mari à
lui payer par mois et d'avance une pension alimentaire de 5000 francs suisses.
Dupré a soulevé une exception d'incompétence et une exception de
litispendance, celle-ci tirée du fait que, de son côté, il avait, en date du 9
du même mois, introduit devant le Tribunal civil de la Seine une action
tendante à obtenir une réduction de la pension que, à la demande de Dame
Dupré, ce même Tribunal avait accordée à celle-ci deux ans auparavant. Dame
Dupré a objecté que le 9 mai 1937 elle était déjà de retour à Genève. Par
jugement du 1er novembre 1937, le Tribunal de première instance de Genève a
débouté Dupré de son exception d'incompétence. En ce qui concerne les
conclusions relatives à la pension, il a jugé qu'il y avait lieu à surseoir à
statuer jusqu'à ce que le Tribunal de première instance de la Seine se serait
prononcé sur la validité de l'instance introduite par Sieur Dupré à Paris.
Sur recours de Dame Dupré, le Tribunal fédéral a annulé le jugement du
Tribunal de Genève dans la mesure où il avait admis l'exception de
litispendance.

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Sur ce point, le Tribunal s'est exprimé de la manière suivante:
C'est à tort en revanche que le Tribunal de Genève a jugé que l'exception de
litispendance pourrait éventuellement faire obstacle à l'action de la
recourante. L'exception de litispendance, ayant pour fin de prévenir la
contrariété de jugements qui auraient même autorité de force jugée et même
force exécutoire, ne pourrait tout au plus se concevoir en l'espèce qu'autant
que le jugement que rendrait le Tribunal de la Seine sur la demande formée par
Sieur Dupré serait susceptible de recevoir son exécution en Suisse. Or, selon
l'art. 17 du Traité franco-suisse du 15 juin 1869 (qui, ainsi qu'on l'a jugé,
s'applique à tous les jugements rendus dans l'un et l'autre pays et non pas
seulement à ceux qui sont rendus dans les matières pour lesquelles le traité
institue des règles spéciales de compétence; cf. RO 58 I p. 185), une des
conditions auxquelles est subordonné l'exequatur du jugement est qu'il émane
d'une juridiction compétente. Or cette condition n'est pas réalisée en
l'espèce. Il ne suffit pas, en effet, à cet égard, ainsi que l'a admis à tort
le Tribunal de Genève, que le Tribunal de la Seine soit compétent au regard du
droit français. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà jugé (cf. RO 25 I p. 89
et suiv.) et suivant un principe qui prévaut de plus en plus en doctrine (cf.
pour le droit suisse: SCHURTER et FRITZSCHE, Das Zivilprozessrecht des Bundes,
p. 609 lit. a et 610 note 821; LEUCH, Die Zivilprozessordnung für den Kanton
Bern, 2e édit., p. 353, et, pour le droit français: PILLET, Traité pratique de
droit international privé, Tome II no 694 p. 652; PILLET et NIBOYET, Manuel de
droit international privé, no 609, p. 686; ARMINJON, Précis de droit
international privé, Tome III no 306, p. 321; Répertoire de droit
international privé sous «Décisions judiciaires étrangères», no 101 et suiv.;
Cass. civ. 2 mai 1928; CLUNET, 1929 p. 76), il faudrait pour cela qu'il le fût
d'après les règles de solution de conflits de lois du droit suisse. Or on

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chercherait vainement en droit suisse une disposition légale ou même une règle
de jurisprudence autorisant à admettre en l'espèce la compétence d'un autre
juge que le juge suisse. Les parties étant l'une et l'autre de nationalité
française, les règles de compétence fixées par le Traité de 1869 ne sauraient
être invoquées en l'espèce. Le seraient-elles qu'elles conduiraient d'ailleurs
à admettre la compétence du juge suisse en qualité de juge du domicile de la
partie défenderesse, l'intimé n'ayant jamais contesté que son domicile fût à
Genève. Le seul texte dont l'application pourrait à la rigueur donner lieu à
discussion est celui de l'art. 7 g de la loi fédérale du 25 juin 1891 (art. 59
du Titre final du Cc) combiné avec l'art. 32 de cette même loi. Du moment,
pourrait-on dire, que la loi suisse reconnaît au Suisse habitant l'étranger le
droit d'intenter une action en divorce devant le juge de son lieu d'origine et
qu'en vertu de l'art. 32 de la loi de 1891 il faut admettre, à l'inverse, que
l'époux étranger habitant la Suisse est recevable à ouvrir action en divorce
devant les tribunaux de son pays d'origine - ce qui impliquerait l'obligation
d'accorder l'exequatur en Suisse du jugement rendu sur cette demande --, il
doit en être de même et de l'action tendant à la fixation de la pension
alimentaire due par l'un des époux à l'autre et du jugement rendu dans une
telle instance. Cette argumentation part toutefois d'une prémisse erronée,
c'est à savoir que le for exceptionnel prévu par l'art. 7 g pour le cas de
divorce de l'époux suisse domicilié à l'étranger vaudrait aussi pour les
actions fondées sur les art. 169 et 170 Cc. En effet, ainsi que le Tribunal
fédéral l'a déjà relevé (RO 54 I p. 251), si l'on en est venu, pour combler
une lacune de la loi et par analogie avec le cas de l'action en divorce, à
attribuer au juge du domicile de la partie demanderesse la connaissance des
actions prévues aux art. 169 et 170 Cc, il ne s'ensuit pas pour cela que
l'application de cette dernière règle, en matière internationale, soit soumise
nécessairement aux mêmes variations que la règle formulée à l'art. 144

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en matière de divorce. Au contraire, sa sphère d'application, en ce domaine,
doit être déterminée pour elle-même, selon le caractère particulier des droits
litigieux. Il ne serait donc pas juste de dire que la loi de 1891 autoriserait
en toute circonstance l'époux suisse domicilié à l'étranger à porter l'action
prévue à l'art. 170 Cc devant le juge de son lieu d'origine. Aussi bien, la
solution des questions que soulève une action de ce genre dépendra-t-elle
avant tout des circonstances particulières du cas, et il est incontestable que
le juge du domicile de la partie demanderesse est mieux placé pour les
connaître et les apprécier qu'un juge dont le ressort peut se trouver à une
distance considérable du lieu où sa décision devrait s'exécuter. On ne peut
donc, en l'espèce, tirer aucune inférence de l'art .22 de la loi de 1891.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 64 II 71
Date : 01. Januar 1937
Publié : 08. April 1938
Source : Bundesgericht
Statut : 64 II 71
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Exception de litispendance en droit international privé, Cas dans lequel l'exception pourrait être...


Répertoire ATF
64-II-71
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
litispendance • droit international privé • première instance • droit suisse • action en divorce • tribunal fédéral • décision • lieu d'origine • domicile à l'étranger • domicile en suisse • mois • calcul • jour déterminant • garantie du juge du domicile • nullité • tribunal • pension d'assistance • obligation d'entretien • salaire • rapport de droit • domicile séparé • tribunal civil • doctrine • union conjugale • analogie • pays d'origine • titre final
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