S. 167 / Nr. 35 Obligationenrecht (f)

BGE 63 II 167

35. Extrait de l'arrêt de la I re Section civile du 23 juin 1937 dans la cause
Banque populaire valaisanne S. A. contre Fleury.

Regeste:
Notion fédérale de l'ouverture d'action:
La citation en conciliation constitue une ouverture d'action même si elle
n'est pas obligatoire mais simplement possible d'après la procédure cantonale.
Libération de la caution qui s'est engagée dans l'idée que d'autres cautions
s'obligeraient avec elle, lorsque, à son insu, le créancier renonce à
certaines cautions ou en accepte d'autres que les cautions prévues (art. 497
al. 3 CO).

Résumé des faits:
Cautionnement consenti dans l'idée que cinq autres cautions s'engageraient
également. - Au dernier moment, renonciation de la Banque créancière à l'une
des cautions et substitution d'une nouvelle caution à l'une des cinq autres.
Validité de son engagement contesté par la première caution, qui ouvre action
en répétition de la somme indûment payée par elle à la Banque (art. 86 LP, 497
CO). Moyen libératoire de la défenderesse tiré du fait que seulement une
tentative de conciliation non prévue par la procédure cantonale et non
introductive d'instance d'après le droit cantonal a eu lieu dans le délai
d'une année fixé par l'art. 86 LP. Mais instance introduite en temps utile

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selon la notion de droit fédéral de l'ouverture d'action. Demande déclarée
recevable et admise au fond par jugement du Tribunal cantonal valaisan du 20
janvier 1937. - Recours de la défenderesse. Confirmation du jugement cantonal
mais pour d'autres motifs que ceux du prononcé attaqué.
Considérant en droit:
1.- La recourante reproche à la Cour cantonale d'avoir admis l'applicabilité
de l'art. 497 , al. 3 CO, aux termes duquel, «lorsqu'une caution s'est engagée
sous la condition (Voraussetzung, opinione) reconnaissable pour le créancier
que d'autres cautions s'obligeraient avec elle pour la même créance, elle est
libérée si cette condition ne s'accomplit pas».
Les constatations du juge du fait conduisent d'emblée au rejet de ce moyen de
recours.
Le Tribunal fédéral doit en effet tenir pour constant:
1° que, dans les pourparlers entre les débiteurs et les cautions, il n'a pas
été question du cautionnement de Giacomini;
2° qu'il n'en a pas davantage été question entre les débiteurs et la Banque;
3° que la substitution de Giacomini aux deux cautions prévues de Jean Schwéry
a été décidée par la Banque et le débiteur au dernier moment, rapidement, sans
prendre l'avis des autres intéressés;
4° que la Banque savait qu'en signant l'acte de cautionnement le demandeur
Fleury partait de l'idée que cinq autres cocautions le signeraient aussi, soit
notamment Camille Schwéry et Barthélemy Gillioz présentés par Jean Schwéry.
Dès lors la Banque ne pouvait, sans s'exposer au moyen libératoire tiré de
l'art. 497 , al. 3 CO, se contenter de cinq cautions parmi lesquelles ne
figuraient ni Schwéry ni Gillioz.
La recourante objecte en vain que la preuve n'a pas été fournie que Fleury ait
connu ses cocautions. Le premier

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juge a considéré ce fait comme établi et son appréciation des preuves
administrées par le demandeur échappe au contrôle du Tribunal fédéral.
C'est aussi en vain que la recourante conteste que le demandeur ait posé comme
condition formelle de son cautionnement celui de Schwéry et de Gillioz. Cette
circonstance, fût-elle exacte, serait inopérante. La comparaison du texte
allemand et de l'italien avec le texte français de l'art. 497, al. 3, montre
que la loi n'exige nullement la stipulation d'une véritable condition. Le
texte allemand se contente d'une «Voraussetzung» de la caution, le texte
italien, de son «opinione». Le texte français seul parle d'une condition. Mais
ce terme n'est pas adéquat puisque, en cas de condition formellement
reconnaissable comme telle par le créancier, l'art. 497, al. 3 serait superflu
pour libérer la caution en cas d'inaccomplissement de la condition (arrêt du
Tribunal cant. vaud. du 18 avril 1921 dans la cause Deladoey c/ Saugg, Schw.
J. Z. 18 p. 18 et WEISS no 5868; OSER no 46 sur art. 497 CO).
Le demandeur a donc été libéré de son engagement au moment même où la Banque a
agréé comme caution Giacomini à la place des deux autres garants prévus.
D'où il suit que le demandeur en versant à la défenderesse en trois acomptes
11400 fr., lui a payé une dette inexistante et l'a enrichie sans cause. Aussi
est-il fondé en principe à réclamer la restitution de l'indu.
2.- Le demandeur invoque tout d'abord l'art. 86 LP. Selon le premier et le
dernier alinéa de cet article, celui qui paye un indu parce qu'il n'a pas fait
opposition à la poursuite ou parce que le juge a donné mainlevée au
poursuivant, peut répéter la somme dans l'année par la procédure ordinaire,
et, en dérogation à l'art. 63 CO, il lui suffit de prouver l'inexistence de la
dette.
On vient d'exposer que le demandeur a prouvé avoir payé une somme qu'il ne
devait pas. Ce paiement est intervenu dans une poursuite restée sans
opposition. Le premier versement date du 12 avril 1934, deux jours après

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réception de l'avis de saisie. L'action en répétition est donc fondée et doit
être admise, à moins que, comme le Tribunal cantonal l'admet, elle n'ait pas
été exercée dans l'année.
3.- En cas de paiement par acomptes, la dette ne s'éteint qu'au versement du
solde; le délai d'un an court dès ce moment pour la répétition du montant
total et ne doit pas se calculer pour chaque acompte en particulier (JAEGER,
n. 7 sur art. 86 LP). Le demandeur a versé le dernier acompte de 1400 fr. le 3
décembre 1934. Le délai pour ouvrir action expirait donc le 3 décembre 1935.
Avant cette date, soit le 11 novembre 1935, le demandeur a cité la
défenderesse en conciliation, et le 22 novembre le Juge lui a délivré acte de
non-conciliation. Mais ce n'est que le 13 janvier 1936 que le demandeur a
déposé son mémoire introductif d'instance. La défenderesse en conclut que
l'action est périmée. Le Tribunal cantonal a admis ce moyen. Il considère que
si la citation en conciliation interrompt la prescription en vertu de l'art.
135 CO, elle ne crée pas la litispendance en procédure valaisanne et, par
suite, n'empêche pas la péremption; or, le délai de l'art. 86 LP est un délai
de péremption, non de prescription.
La dernière remarque est juste (JAEGER note 7 sur art. 86 LP; BLUMENSTEIN, P.
322), et le Tribunal fédéral doit tenir pour acquis au débat que la citation
en conciliation n'introduit pas l'instance d'après la procédure valaisanne;
cette question de droit cantonal échappe à son contrôle.
Mais le rejet du moyen tiré de la péremption n'en résulte pas forcément.
D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, lorsque le droit
fédéral fixe le délai dans lequel une action doit être intentée, la notion
d'ouverture d'action est une notion de droit fédéral, indépendante de ce que
les lois cantonales entendent par introduction de l'instance ou par
litis-contestation (RO 33 II p. 455, à propos de l'art. 242 LP; 41 III p. 390;
art. 250 et 242 LP; 42 I p. 360, art. 250 LP; 42 II p.332, art. 308 CC; 49 II
P.41,

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enrichissement illégitime; 49 III p. 68, art. 83 LP; cf. arrêt Roh c; Echo des
Diablerets du 1 er juin 1937 confirmant cette jurisprudence. La distinction
faite par JAEGER entre l'action de l'art. 86 LP et celle de l'art. 83 LP, v.
n. 7 sur ces art., ne se justifie point, car dans les deux cas le délai est
fixé par le droit fédéral).
Or, suivant cette notion «fédérale» l'action est intentée par l'acte
introductif ou même seulement préparatoire par lequel le demandeur requiert
pour la première fois, sous une forme déterminée, la protection du juge,
l'acte dût-il ne pas correspondre en tous points à l'ouverture d'action de la
procédure cantonale (RO 41 III p. 391; 42 I p. 360; 42 II p. 101, 332; 46 II
p. 88; 47 II p. 108; 49 II p. 41).
Aux termes de l'art. 127 du code de procédure valaisan, «toutes les causes
civiles sont soumises en principe aux préliminaires de la conciliation devant
le juge de commune». Mais l'art. 128, chif. 5, du même code dispense de la
tentative de conciliation en général «toutes les causes qui, soit en vertu du
droit fédéral, soit en vertu du droit cantonal, doivent être introduites dans
un délai péremptoire». Le chiffre 4 du même article est plus restrictif; il
dispense de la conciliation «les causes découlant de la LP, mais seulement
dans les cas suivants», qu'il énumère sans citer l'art. 86. D'où l'on pourrait
être tenté de conclure que la dispense générale du chiffre 5 ne vaut pas pour
l'action fondée sur l'art. 86 et que, dans ce cas, la conciliation doit être
tentée.
Mais cette question peut rester indécise car le chiffre 5 de l'art. 128, du
moins dans son texte français, renferme explicitement une simple dispense, à
savoir une permission de ne pas procéder à l'acte préliminaire en raison de la
nature de la cause; il ne l'exclut pas; la note marginale français le
corrobore en disant que l'art. 128 indique les «cas où la tentative de
conciliation n'est pas nécessaire». Et même le texte allemand de l'art. 128,
qui est le texte original, n'exclut pas la conciliation; il dit seulement que
les cas énumérés n'y sont pas soumis: «unterliegen nicht»,

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et la note marginale dit qu'il s'agit d'exceptions à la règle selon laquelle
la tentative est obligatoire «Ausnahmen». D'où l'on peut conclure que la
conciliation, sans être prévue dans ces cas, est cependant possible, en ce
sens que si une partie cite l'autre devant le juge conciliateur et que
celui-ci délivre un acte de non-conciliation, il ne procède pas à un acte qui,
juridiquement, doit être tenu pour nul et non avenu. Quant à l'art. 129 CPC,
il dispense certaines causes de la conciliation en raison du domicile ou de la
qualité d'une des parties (demandeur domicilié hors du canton, administration
publique partie au procès).
L'arrêt du Tribunal fédéral, 42 II p. 103, parle, il est vrai, du cas où la
procédure cantonale «prescrit» («vorschreibt») la citation en conciliation,
mais ne distingue en réalité pas entre la tentative obligatoire et la
tentative simplement facultative. Avec raison. Cette question n'est pas
essentielle. Ce qui importe du point de vue du droit fédéral, ce n'est pas le
caractère obligatoire ou facultatif de la tentative de conciliation, c'est la
constatation que le demandeur a requis à un moment donné pour la première fois
la protection du juge, sous une forme déterminée, admise par le droit
cantonal. Faire abstraction de la tentative conciliatoire lorsque la loi
cantonale ne l'ordonne pas mais ne l'exclut pas non plus, ce serait faire
pâtir le demandeur de l'essai d'accommoder le conflit sous l'autorité du juge
conciliateur avant de déposer son «mémoire introductif d'instance». Dans le
présent cas, la défenderesse a été citée en conciliation, elle n'a pas décliné
la compétence du juge de commune pour procéder à cet acte préliminaire; et le
juge ne s'est pas non plus déclaré d'office incompétent, il a, au contraire,
délivré un acte de non-conciliation. Ces faits mêmes montrent que la tentative
de conciliation pouvait valablement avoir lieu. Enfin, il convient de
remarquer que l'action n'était pas fondée uniquement sur les art. 86 LP et 62
et 63 CO, mais que le demandeur invoquait aussi les art. 41 et 509 CO,

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moyens sur lesquels la conciliation devait être tentée selon l'art. 127 CPC
valaisan.
Il suit de ces considérations que, contrairement à l'avis des premiers juges,
le demandeur a intenté l'action dans le délai d'une année fixée par l'art. 86
LP, que cette action est fondée et que, dès lors, le jugement attaqué doit
être confirmé dans son dispositif.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement
attaqué.
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : 63 II 167
Data : 01. gennaio 1936
Pubblicato : 23. luglio 1937
Sorgente : Tribunale federale
Stato : 63 II 167
Ramo giuridico : DTF - Diritto civile
Oggetto : Notion fédérale de l'ouverture d'action:La citation en conciliation constitue une ouverture...


Registro di legislazione
CC: 308
CO: 41  63  135  497  509
CPC: 127  129
LEF: 83  86  242  250
Registro DTF
63-II-167
Parole chiave
Elenca secondo la frequenza o in ordine alfabetico
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