S. 441 / Nr. 68 Organisation der Bundesrechtspflege (f)
BGE 61 I 441
68. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 décembre 1935 dans la cause
Hunkeler contre Cour de Justice de Genève.
Regeste:
Loi fédérale déléguant au Conseil fédéral la compétence pour édicter, par voie
d'ordonnance, des prescriptions sur un certain objet. Ordonnance du Conseil
fédéral déléguant à son tour aux cantons la compétence pour édicter des
règlements d'application, sous réserve d'approbation par le Conseil fédéral
lui-même. Une fois cette approbation donnée, le Tribunal fédéral n'a pas
qualité pour examiner si le règlement cantonal est conforme à l'ordonnance du
Conseil fédéral.
L. f. du 8 décembre 1905 sur le commerce des denrées alimentaires et de divers
objets usuels, art. 7 al. 7.
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Ord. du Conseil fédéral du 29 janvier 1909, concernant l'abatage du bétail,
l'inspection des viandes et le commerce de la viande et des préparations de
viande.
A. - Auguste Hunkeler-Delavigne exploite à Genève, depuis 1928, un commerce de
charcuterie et de viande fraîche de volailles, de lapins, etc. Une
autorisation lui a été accordée à ces fins le 8 septembre 1928 par le
Département genevois de justice et police.
Le 21 novembre 1933, le Conseil d'Etat de Genève a élaboré un nouveau
règlement concernant l'abatage du bétail, l'inspection et le commerce des
viandes. Ce règlement - qui a été approuvé par le Conseil fédéral le 14
décembre 1933 - contient, entre autres dispositions, les articles ci-après:
«§ 23. - Boucherie-Charcuterie. - La vente de viande fraîche de volailles,
lapins, poissons, tortues, gibier, crustacés, mollusques, etc., est interdite
dans ces locaux.
»§ 37. - La vente, la manipulation, la confection ou l'entrepôt de toutes
espèces de viande ou de préparations de viande sont interdits en tous lieux
autres que ceux prescrits par le présent règlement...
»§ 69. - Dès l'entrée en vigueur du présent règlement, seule la vente des
viandes et préparations de viande prescrite pour chaque genre de commerce est
autorisée. - Un délai de six mois est accordé à tout détenteur d'une
autorisation pour se conformer aux prescriptions concernant les installations
et aménagements de ses locaux...»
Un extrait de ce règlement a été remis à Hunkeler. Néanmoins celui-ci a
continué à exploiter son commerce comme par le passé. Mis en contravention à
trois reprises, il a déclaré qu'il refusait de se conformer aux nouvelles
prescriptions.
B. - Le 1er octobre 1934, le Procureur général de la République et Canton de
Genève a fait citer Hunkeler devant le Tribunal de police de ce canton, sous
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prévention d'avoir, à trois reprises, exposé ou mis en vente de la viande
fraîche, sans autorisation de l'autorité compétente, infraction aux art. 11,
23, 24, 37 et 38 du règlement du 21 novembre 1933.
Hunkeler a conclu à libération.
C. - Par jugement du 3 juin 1935, le Tribunal a libéré Hunkeler de la
prévention d'infraction aux art. 11 et 24 du règlement cantonal, mais l'a
condamné à 60 fr. d'amende et aux frais pour infraction aux art. 23, 37 et 68
dudit règlement.
Sur appel du prévenu, ce jugement a été confirmé par la Cour de Justice de
Genève, qui a condamné l'appelant aux frais de seconde instance (arrêt du 5
octobre 1935).
D. - Par acte déposé en temps utile, Hunkeler s'est pourvu à la Cour de
cassation pénale du Tribunal fédéral, en concluant à l'annulation du jugement
de première instance et de l'arrêt d'appel, tous les frais étant mis à la
charge de l'Etat de Genève.
E. - La Cour de Justice et le Procureur général de la République et Canton de
Genève s'en réfèrent à l'arrêt attaqué.
Considérant en droit:
En son art. 7 al. 7, la loi fédérale du 8 décembre 1905 sur le commerce des
denrées alimentaires et de divers objets usuels dispose comme il suit:
«Le Conseil fédéral édictera, par voie d'ordonnance, des dispositions
spéciales sur l'abatage et l'inspection des viandes...»
En exécution de cet article, le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance du 29
janvier 1909 concernant l'abatage du bétail, l'inspection des viandes et le
commerce de la viande et des préparations de viande. Les cantons sont chargés
de l'application de cette ordonnance, conformément à son article 63. Les
ordonnances d'exécution promulguées par eux doivent être approuvées par le
Conseil fédéral.
Le Tribunal fédéral a jugé à plus d'une reprise (v. notamment RO 52 I 161) que
l'approbation donnée par le
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Conseil fédéral à la législation cantonale ne dispensait pas les tribunaux
d'examiner, en cas de litige, si cette législation était conciliable avec le
droit fédéral. Mais il s'agissait de l'approbation prévue par l'art. 102 no 13
OF, qui ne suppose, en somme, qu'un examen sommaire de la conformité des actes
cantonaux avec les lois votées par l'Assemblée fédérale.
Or, en l'espèce, l'approbation du règlement cantonal genevois n'a pas eu lieu
en vertu de l'art. 102 ch. 13 CF, mais bien en vertu de l'art. 63 précité de
l'ordonnance du 29 janvier 1909. Ayant reçu de l'Assemblée fédérale, par
l'art. 7 al. 7 de la loi sur les denrées alimentaires, une délégation de
compétence, le Conseil fédéral en a délégué à son tour une partie aux cantons,
tout en se réservant de ratifier leur oeuvre. Il suit de là que cette
ratification n'est que le prolongement de son activité de législateur délégué.
En d'autres termes: par cet acte, il fait siennes les prescriptions édictées
par les cantons. Dès lors le Tribunal fédéral peut bien encore revoir la
conformité de ces textes avec les lois fédérales; en revanche, la question de
leur conformité avec l'ordonnance même du Conseil fédéral est définitivement
tranchée par l'exécutif.
C'est donc en vain que le recourant critique le règlement genevois du 21
novembre 1933 (notamment son art. 23), en le prétendant inconciliable avec
l'ordonnance du 29 janvier 1909. Au contraire, ce règlement - que Hunkeler ne
prétend pas contraire aux lois fédérales - doit être considéré comme rentrant
dans le cadre de cette ordonnance (notamment de son art. 25, al. 2). Or il est
constant que le recourant a violé ledit règlement. Il s'est donc rendu
passible des peines prévues par l'ordonnance (art. 63), soit des peines
énoncées dans la loi fédérale du 8 décembre 1905.
Le Tribunal fédéral prononce: Le pourvoi est rejeté.