BGE 60 II 172
29. Arrêt du 8 mars 1934 dans la cause Angst contre Communauté héréditaire
Alfred Kaufmann.
Regeste:
Nature des obligations de l'usufruitier lors de l'extinction de l'usufruit.
Prescription de ces obligations (consid. 2).
Responsabilité solidaire des héritiers de l'usufruitier pour l'exécution
desdites obligations (consid. 3).
Lorsque le nu propriétaire réclame cette exécution à quelques-uns seulement
des membres de la communauté héréditaire de l'usufruitier défunt, les
défendeurs peuvent lui opposer les exceptions appartenant à la communauté,
notamment l'exception de compensation, jusqu'à concurrence des conclusions du
demandeur (consid. 5).
Art. 751, 752, 600, 602 al 3, 603, CCS, 127, 145 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 145 - 1 Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
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1 | Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
2 | Jeder Solidarschuldner wird den andern gegenüber verantwortlich, wenn er diejenigen Einreden nicht geltend macht, die allen gemeinsam zustehen. |
Résumé des faits.
A. - Madeleine, née Hegi, a épousé en secondes noces, en 1895, Alfred
Kaufmann, négociant à Fribourg. Elle apportait différents biens en mariage.
Alfred Kaufmann est décédé en 1909 après avoir fait un testament par lequel il
instituait héritiers ses 12 frères et soeurs et laissait l'usufruit de toute
sa fortune à sa veuve, Dame Kaufmann reprit alors une partie de ses apports.
Elle reput régulièrement les revenus de la fortune laissée par le défunt,
lesquels lui étaient remis par le notaire Bourgknecht, qui gérait les biens de
la succession.
Bourgknecht mourut en 1923; sa fille remit alors à Dame Kaufmann, sur la
demande de celle-ci, un lot
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d'obligations au porteur de la Banque Populaire Suisse, pour une valeur de
9500 fr., et un livret d'épargne de ladite banque au nom des hoirs d'Alfred
Kaufmann.
Dame Kaufmann est décédée à Fribourg le 2 janvier 1927. Elle laissait un
testament par lequel elle faisait divers legs et instituait pour héritiers les
enfants de Rodolphe Hegi, pour un tiers, Dame Troesch, pour un tiers, et la
famille Angst, pour un tiers également.
Le 3 août 1927, les héritiers de Dame Kaufmann procédèrent à un partage, dans
lequel étaient comprises les obligations de la Banque Populaire dont il a été
question plus haut.
B. - Au cours de la liquidation de cette succession, des réclamations
surgirent de la part de quelques-uns des héritiers d'Alfred Kaufmann, qui
prétendirent avoir droit au carnet d'épargne et aux obligations de la Banque
Populaire dont il a été question plus haut. En juillet 1928, les enfants de
Rodolphe Hegi conclurent, avec les hoirs d'Alfred Kaufmann, une transaction
aux termes de laquelle ils leur versaient une somme de 3000 fr., et
consentaient à ce que le livret d'épargne leur fût remis.
Nommé représentant de la communauté héréditaire d'Alfred Kaufmann, le notaire
Freiburghaus ouvrit action à Dame Marie Troesch, d'une part, à Jules, Bertha
et Hulda Angst, d'autre part, en concluant à ce qu'il plaise au juge les
condamner:
«1. à lui payer la somme de 6333 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an à partir du 2
janvier 1927;
«2. à lui rendre en mains propres et exempt de gage le carnet de la Banque
Populaire Suisse à Fribourg No 12024 II.»
C. - Les défendeurs ont conclu à libération.
D. - Le Tribunal du district de la Sarine a admis la demande. Jules, Bertha et
Hulda Angst ont recouru à la Cour d'appel du canton de Fribourg.
Dans sa séance du 19 juillet 1933, la Cour d'appel a rejeté le recours.
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E. - Par acte déposé en temps utile, Jules, Bertha et Hulda Angst ont recouru
en réforme au Tribunal fédéral, en reprenant leurs conclusions d'appel.
La partie intimée conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Il n'est pas contesté que le livret d'épargne No 12024 II appartient aux
hoirs d'Alfred Kaufmann. Quant aux obligations de la Banque Populaire Suisse,
d'une valeur nominale de 9500 fr., il ressort des constatations très
détaillées de la Cour d'appel qu'elles avaient été acquises avec les deniers
de la succession. Les défendeurs ont prétendu que Dame Kaufmann en avait reçu
la propriété, en quelque sorte, à titre de dation en paiement, pour une partie
de la créance qu'elle possédait contre son mari du chef de ses apports. Mais
cette acquisition n'aurait pu avoir lieu que du consentement des hoirs
d'Alfred Kaufmann ou de leur représentant, le notaire Bourgknecht. Or, dans
les faits retenus par les juges cantonaux, il n'y a pas trace d'un tel
consentement, exprès ou tacite. En effet, la Cour constate que le notaire a
toujours considéré les titres dont il s'agit comme la propriété de l'hoirie et
non de Dame Kaufmann. Elle constate également que celle-ci les reput de Dlle
Bourgknecht non pas à titre de propriété, mais simplement pour les gérer et en
tirer les revenus.
Les hoirs réclament donc des objets qui leur appartiennent. Mais les
défendeurs croient pouvoir opposer à cette réclamation une série de moyens
exceptionnels, qui doivent être examinés les uns après les autres et qui sont:
a) l'exception de prescription;
b) l'exception dite de défaut de «légitimation passive»;
c) ...
d) l'exception de compensation.
2.- Nature de l'action. Exception de prescription. - Au dire des défendeurs,
la demande devrait être déclarée irrecevable parce qu'elle n'a pas été
introduite dans le
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délai d'un an prévu à l'art. 600 CCS. Mais cet article est relatif à l'action
en pétition d'hérédité, telle qu'elle est prévue et réglée par le Code civil
suisse, tandis qu'en réalité, les demandeurs agissent en vertu des règles sur
l'usufruit. L'art. 751 CCS prévoit, en effet, que le possesseur est tenu de
rendre la chose au propriétaire dès que l'usufruit a pris fin, et, en vertu de
l'art. 752 CCS, l'usufruitier répond de la perte de la chose. Partant, le nu
propriétaire ne possède pas seulement le droit de suite attaché à toute
propriété; mais l'usufruitier - ou ses héritiers quand l'usufruit a pris fin
par la mort - ont en outre, à l'égard du propriétaire, une obligation légale
de restitution. Cette obligation personnelle se résout naturellement en
dommages-intérêts - sauf au débiteur à s'exculper - lorsque l'exécution n'est
plus possible, notamment lorsque les biens soumis à l'usufruit ont été aliénés
par les héritiers à des tiers de bonne foi, comme cela paraît avoir été le cas
en l'espèce.
Aucune prescription spéciale n'est prévue pour l'action en restitution ou en
paiement de la valeur de l'objet. C'est dire qu'elle est soumise au délai de
prescription ordinaire de dix ans (art. 127
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 127 - Mit Ablauf von zehn Jahren verjähren alle Forderungen, für die das Bundeszivilrecht nicht etwas anderes bestimmt. |
l'usufruit. Dans le cas présent, ce délai n'est pas encore écoulé, puisque
l'usufruit a pris fin le 2 janvier 1927 par la mort de Dame Madeleine
Kaufmann.
L'exception de prescription n'est donc pas fondée.
3.- Exception de défaut de «légitimation passive». - Obligation personnelle de
l'usufruitier, la dette qui résulte des art. 751 et 752 CCS oblige
solidairement tous ses héritiers, conformément à l'art. 603 CCS. Il en résulte
que le nu propriétaire peut la faire valoir en entier - dans la mesure où il
n'a pas encore été payé - contre l'un ou l'autre, ou quelques-uns d'entre eux,
sans que ceux-ci puissent exciper du fait que les autres membres de la
communauté ne seraient pas en cause. C'est donc à juste titre que la Cour
cantonale a considéré que Jules, Bertha et Hulda Angst avaient qualité pour
défendre au procès,
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malgré la transaction conclue par les demandeurs avec les enfants Hegi, et
encore que Dame Troesch ne fût plus en cause.
...
5.- Exception de compensation. - Les défendeurs prétendent que, si l'hoirie
Kaufmann peut invoquer contre eux l'art. 751 précité, ils ont, en revanche,
une créance contre elle, créance qui appartenait à Dame Kaufmann contre son
mari pour la restitution des apports de la femme mariée. Le mérite de cette
prétention sera abordé plus bas (consid. 6). Pour l'instant, il y a lieu
d'examiner si, - à supposer que cette créance existe - les défendeurs peuvent
la compenser, jusqu'à due concurrence, avec celle que les demandeurs possèdent
contre eux en vertu de l'art. 751 CCS.
La Cour cantonale a déclaré cette exception irrecevable dans le présent
procès, par le motif qu'elle ne saurait appartenir qu'à la communauté
héréditaire de Dame Kaufmann et ne pourrait être invoquée, par conséquent, que
par tous les membres de cette communauté conjointement ou par un représentant
nommé conformément à l'art. 602 al. 3 CCS, mais non pas par quelques-uns
seulement des communistes, soit par les défendeurs.
Pour en juger ainsi, la Cour s'appuie sur la jurisprudence du Tribunal fédéral
(notamment RO 41 II 28; 50 II 219; 54 II 243). Mais elle en tire des
conclusions trop absolues. En effet, comme on l'a relevé plus haut (consid.
3), la responsabilité des héritiers de l'usufruitier du chef de l'art. 751 CCS
est une responsabilité solidaire; d'où il suit qu'ils peuvent opposer à
l'action du nu propriétaire, conformément à l'art. 145 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 145 - 1 Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
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1 | Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
2 | Jeder Solidarschuldner wird den andern gegenüber verantwortlich, wenn er diejenigen Einreden nicht geltend macht, die allen gemeinsam zustehen. |
exceptions qui leur sont communes, alors même qu'ils ne sont pas tous en
cause. Parmi les exceptions qui leur sont communes, il y a lieu de comprendre
l'exception de compensation tirée d'une créance appartenant à la communauté
héréditaire. Certes, le droit de disposer de cette créance n'appartient en
principe qu'aux héritiers conjointement. Mais
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l'art. 145 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 145 - 1 Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
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1 | Ein Solidarschuldner kann dem Gläubiger nur solche Einreden entgegensetzen, die entweder aus seinem persönlichen Verhältnisse zum Gläubiger oder aus dem gemeinsamen Entstehungsgrunde oder Inhalte der solidarischen Verbindlichkeit hervorgehen. |
2 | Jeder Solidarschuldner wird den andern gegenüber verantwortlich, wenn er diejenigen Einreden nicht geltend macht, die allen gemeinsam zustehen. |
justifiée par le fait même que l'art. 603 CCS, dérogeant au principe de la
dette en main commune, a institué chaque héritier débiteur solidaire de toutes
les dettes du défunt. A cette dérogation, du côté passif de la succession,
devait correspondre une dérogation du côté actif; autrement les héritiers
recherchés isolément par le créancier se trouveraient privés d'un de leurs
meilleurs moyens de défense.
C'est donc à tort que la Cour cantonale a dénié aux défendeurs la qualité pour
exciper de la compensation.
La créance que les défendeurs prétendent exercer contre les demandeurs du chef
des apports de Dame Kaufmann est manifestement indivise. Si cette créance
existe, le droit de la compenser avec les dettes de la défunte constitue donc
une exception commune à tous les héritiers et peut être invoquée par les
défendeurs dans le présent procès sans limitation à leur part présumable du
produit de ce bien, et jusqu'à concurrence des conclusions de la partie
adverse. Le jugement cantonal doit être réformé sur ce point.
6.- Quant à la question de savoir si l'exception de compensation est fondée,
elle doit être résolue à la lumière du droit cantonal. En effet, la créance
que les défendeurs prétendent faire valoir, du chef des apports de la femme
mariée, est née sous l'empire de l'ancien droit, le mariage des époux Kaufmann
ayant été conclu et dissous avant l'entrée en vigueur du Code civil suisse. Il
y a donc lieu de provoquer une nouvelle décision des juges cantonaux sur ce
point.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est partiellement admis, le jugement cantonal est partiellement
réformé et l'affaire renvoyée aux juges cantonaux pour statuer à nouveau dans
le sens des considérants ci-dessus.