S. 394 / Nr. 59 Obligationenrecht (f)

BGE 59 II 394

59. Arrêt de la Ire Section civile du 25 octobre 1933 dans la cause Muster
contre Etat de Genève.


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Regeste:
Responsabilité de l'Etat propriétaire d'une route, art. 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
CO.
Le propriétaire d'une route ordinaire peut exiger de la part de ceux qui
l'utilisent une attention et une prudence plus grandes qu'on ne peut l'exiger
de la part de ceux qui circulent sur une autostrade. Il n'est pas responsable
des accidents causés par de petites dénivellations (tassements de fouilles
entre autres), qui ne sont dangereux que pour les conducteurs des véhicules à
moteur qui ne prennent pas les précautions voulues pour éviter ou franchir ces
légers obstacles dont la suppression constante entraînerait des frais
disproportionnés.

A. - Le 2 avril 1930, vers 16 h. 30, Auguste Muster, qui roulait à
motocyclette sur la route de 3e classe de Collex-Bossy à Bellevue, dérapa et
se fractura le crâne en se jetant contre le poteau téléphonique 5/09. Il
décéda sitôt après.
Le poteau en question se trouve à droite de la route dans la direction de
Bellevue. A l'endroit où l'accident s'est produit, la route a une largeur de 4
m. 90. Dans le sens de sa longueur et du même côté que le poteau,
l'administration des téléphones avait fait creuser par l'entrepreneur Miazza,
en août et septembre 1929, une fouille large de 40 cm. Pour réparer une fuite
d'eau d'une canalisation à 7 ou 8 m. environ avant ledit poteau, le même
entrepreneur fit une deuxième fouille en travers de celle du téléphone. Elle
avait une largeur de 1 m. 60, une longueur de 1 m. 50, empiétait sur le bord
herbu de la route et dépassait légèrement la première fouille. Entre la
seconde fouille et le bord gauche de la route, il restait un espace de 3 m.
40. Bien que remblayées et recouvertes de Colas par les soins de Miazza et des
cantonniers, les fouilles présentaient néanmoins des affaissements. A certains
endroits, la différence de niveau entre le sol dur de la route et le fond des
tassements était de 2 à 4 cm

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B. - Par exploit du 10 mars 1931, Dame Muster, agissant en son nom personnel
et au nom de son fils mineur Paul, a réclamé à l'Etat de Genève une indemnité
totale de 39972 fr. pour dommage matériel, perte de soutien et tort moral.
Elle invoquait notamment l'art. 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
CO.
L'Etat de Genève a conclu au déboutement des demandeurs.
Le Tribunal de Ire instance, par jugement du 2 mai 1932, et la Cour de Justice
civile du Canton de Genève, par arrêt du 19 mai 1933, ont débouté les
demandeurs et mis les dépens à leur charge.
Les demandeurs ont recouru en réforme au Tribunal fédéral. lequel a rejeté le
recours.
Extrait des motifs:
L'endroit où la Cour de Justice situe le lieu de l'accident présentait une
différence de niveau et cet état de la route a été cause de l'accident. Ce
point est acquis au débat. Il reste dès lors à examiner s'il s'agit d'un vice
de construction ou d'un défaut d'entretien au sens de l'art. 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
CO, qui
s'applique aussi à la corporation de droit publie propriétaire de l'ouvrage
formé par la route (RO 58 II p. 357 et les arrêts cités)...
Toute source de danger d'un ouvrage ne constitue pas un vice de construction
ni un défaut d'entretien selon l'art. 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
CO. On ne saurait exiger une
perfection correspondant à un idéal théorique et l'on doit tenir compte des
circonstances et des nécessités pratiques. Un ouvrage n'est défectueux que
s'il n'offre pas une sécurité suffisante pour l'usage auquel il est destiné et
non dès qu'il ne présente pas tous les avantages de la technique la plus
récente. On ne peut, en particulier, parler d'un manque d'entretien que dans
les cas où, sans frais disproportionnés, on aurait pu éviter et pourrait
encore modifier l'état de choses dangereux (RO 53 II p. 359 in fine et sv. et
la jurisprudence citée; v. aussi les commentaires d'OSER

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et de BECKER ad art. 58). En l'espèce, il s'agit d'une route de troisième
classe. Exiger qu'une pareille voie de communication, destinée essentiellement
au trafic local, soit construite et entretenue comme une autostrade, ce serait
imposer à l'Etat ou à la commune des frais excessifs, hors de proportion avec
ce que l'on peut raisonnablement réclamer de la part du propriétaire de
l'ouvrage et sans rapport avec les avantages procurés aux usagers habituels de
la route. Si, à la vérité, une autostrade doit être construite et maintenue
dans un état répondant aux exigences d'une circulation rapide de véhicules à
moteur, il n'en est pas de même pour les voies de communication ordinaires. Le
propriétaire peut alors exiger un plus grand degré d'attention et de prudence
de la part de ceux qui utilisent la route: ils doivent compter avec certains
risques inhérents à ces sortes d'ouvrages et conduire leurs machines en
conséquence.
Les fouilles comme celles de la route de Collex ne sont pas des travaux
extraordinaires et les tassements et affaissements qu'elles occasionnent ne
sont pas non plus exceptionnels. On sait par expérience qu'ils sont au
contraire inévitables et qu'on ne peut y remédier d'emblée complètement. Il ne
s'agit d'ailleurs pas de vices cachés. Les conducteurs de véhicules peuvent
les reconnaître; ils doivent s'y attendre et prendre des précautions pour les
éviter ou les passer sans dommage. Comme le Tribunal fédéral l'a relevé dans
l'affaire Bignens (RO 58 II p. 359), de telles dénivellations ne sont pas en
général dangereuses en elles-mêmes; elles ne le deviennent que si on ne les
aborde pas avec la prudence voulue.
Le creux qui a causé en l'espèce le dérapage de la motocyclette ne présentait
pas un danger particulier. Le juge du fait constate que l'entrepreneur et les
cantonniers ont fait en sorte de diminuer dans la mesure du possible
l'inégalité de niveau: la fouille a été creusée, remblayée et «colassée»
(recouverte de Colas) dans les règles de l'art; en automne 1929, des
tassements s'étant produits, ils ont

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été aussitôt rechargés; et «il n'est pas possible de procéder à la réfection
des tassements pendant la mauvaise saison».
On doit dès lors admettre avec la Cour de Justice que l'Etat de Genève a fait
tout ce qui lui incombait et n'encourt point la responsabilité instituée par
l'art 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
CO.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 59 II 394
Date : 01 janvier 1932
Publié : 25 octobre 1933
Source : Tribunal fédéral
Statut : 59 II 394
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Responsabilité de l'Etat propriétaire d'une route, art. 58 CO.Le propriétaire d'une route ordinaire...


Répertoire des lois
CO: 58
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
1    Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
2    Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef.
Répertoire ATF
59-II-394
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
diligence • vice de construction • défaut d'entretien • motocyclette • véhicule à moteur • tribunal fédéral • saison • danger • responsabilité de l'état • lieu • circulation routière • transport • décision • enfant • mesure de protection • incombance • tennis • dommage matériel • tort moral • examinateur
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