S. 221 / Nr. 38 Sachenrecht (f)

BGE 59 II 221

38. Arrêt de la IIe Section civile du 7 avril 1933 dans la cause Lindenmeyer
contre Société Immobilière «Madeleine-Foncière».

Regeste:
1. L'art. 670 CCS. est applicable aux murs de maison construits à cheval sur
la limite de deux fonds.
2. L'art. 670 ne contient qu'une présomption, qui peut être détruite par la
preuve du contraire; mais lorsque cette présomption est établie au moyen des
inscriptions du registre foncier ou de ses annexes (plan cadastral), ladite
preuve ne peut être faite que par des mentions contraires contenues dans le
registre foncier lui-même.

A. - Emile Lindenmeyer est propriétaire d'une maison d'habitation sise à
l'avenue Paul Cérésole, à Vevey, qu'il a acquise en 1915 dans la faillite de
Charles Schambacher. Au nord et au sud, les murs de cette maison sont
construits en bordure de la propriété. Sur les extraits authentiques du plan
cadastral qui ont été versés aux dossiers de la

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cause, ces murs sont figurés par deux traits rectilignes, parallèles à un
trait plus fort situé entre deux et à égale distance, lequel représente la
limite des fonds. Le terrain contigu au nord appartenait naguère aux frères
Pfeiffer; le terrain contigu au sud était la propriété d'Albert Chollet.
Le 2 juin 1913, avant la construction de sa maison, Schambacher a passé avec
Chollet un contrat, dans lequel il était dit notamment ce qui suit:
«Charles Schambacher se propose de construire sur le terrain qu'il possède...
une maison d'habitation avec dépendances...
»III. -Dans le but de se faciliter réciproquement à l'occasion de la
construction de bâtiments, les comparants conviennent que le mur séparatif de
leurs propriétés sera mitoyen.
»VII. - Le jour où Albert Chollet utilisera tout ou partie du mur mitoyen en y
adossant n'importe quelle construction, il devra payer à Charles Schambacher
la moitié du mur dont il aura emploi à raison de dix-neuf francs cinquante
centimes le mètre cube, crépissage compris. Le volume sera calculé du pied du
mur, jusqu'à l'héberge de la construction Chollet.»
A la même date, Schambacher a conclu une convention analogue avec les frères
Pfeiffer.
En 1931, la propriété des immeubles Chollet et Pfeiffer frères a passé à deux
sociétés qui construisirent chacune un bâtiment sur son terrain. Le premier de
ces bâtiments s'appuie sur le mur de la façade sud de l'immeuble Lindenmeyer
(ex-Schambacher). Le second s'appuie sur la façade nord dudit immeuble.
B. - Un litige s'est élevé entre les propriétaires au sujet de l'utilisation
de ces murs, et Lindenmeyer a assigné la «Madeleine Foncière» S. A. en
paiement de 7868 fr. 55 avec intérêt à 5% dès le 1er mai 1931.
C. - ...
D. - Par jugement des 26 octobre/30 novembre 1932, la Cour civile du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté la

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demande et mis les frais et les dépens à la charge du demandeur. Ce jugement
est motivé de la façon suivante:
... Au fond, les murs nord et sud de l'immeuble Lindenmeyer ont été constitués
en murs mitoyens avant que les sociétés Madeleine eussent acheté les terrains
contigus. Par cet achat, lesdites sociétés ont acquis de plein droit «la
mitoyenneté de la moitié du mur». Elles n'avaient donc pas à «rendre le mur
mitoyen» selon les prescriptions de l'art. 143 de la loi vaudoise
d'introduction pour le Code civil suisse (LVI). Aussi bien ce n'est pas cet
article qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce, mais l'art. 144 LVI, qui
autorise tout propriétaire à faire bâtir, contre un mur mitoyen, et à y faire
placer des poutres ou solives, jusqu'à moitié de son épaisseur, sans avoir
quoi que ce soit à payer de ce chef aux copropriétaires.
Les conventions Schambacher du 2 juin 1913 n'ont pas été inscrites au registre
foncier et, par conséquent, elles ne lient pas les ayants cause des
cocontractants, Chollet et Pfeiffer frères.
E. - Par acte déposé en temps utile, le demandeur a recouru en réforme en
reprenant ses conclusions de première instance.
F. - L'intimée conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Les murs nord et sud de la maison de Lindenmeyer sont construits à cheval
sur les limites de son fonds, de sorte que la moitié desdits murs (dans le
sens de l'épaisseur) repose sur les terrains voisins. La question qui se pose
dès lors est de savoir si la propriété de ces terrains implique un droit sur
les parties de murs qu'ils soutiennent.
A première vue, on pourrait être tenté de faire découler ce droit du principe
superficies solo cedit et de dire, en conséquence, que le successeur de
Chollet ou de Pfeiffer frères est propriétaire unique de celle des moitiés de
mur

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dont la projection horizontale tombe en deçà des limites de son fonds.
Règle de droit fédéral expressément consacrée par le code civil (art. 667 et
671), le principe superficies solo cedit doit cependant fléchir devant toute
disposition dérogatoire spéciale du même code. Or une telle disposition
existe; c'est celle de l'art. 670 CCS, qui statue: «Les clôtures servant à la
démarcation de deux immeubles, telles que murs, haies, barrières, qui se
trouvent sur la limite, sont présumées appartenir en copropriété aux deux
voisins». A vrai dire, en adoptant cet article, le législateur a eu
principalement en vue des clôtures qui ne soutiennent pas de constructions (p.
ex. des murs de jardin, de vigne, etc.: Mot. p. 67). Il ne paraît pas avoir
spécialement songé, en cet endroit de son oeuvre, aux murs de maisons, dont la
fonction principale est, au contraire, de soutenir l'édifice. Mais la ratio
legis de l'art. 670 découle de considérations qui se rapportent tout aussi
bien à ces murs, lorsqu'ils sont construits sur la limite de deux fonds. En
effet, si le législateur a trouvé bon de faire une exception à la règle de
l'art. 667 en faveur des clôtures, haies, etc., c'est parce qu'on se
heurterait aux plus graves inconvénients si ces ouvrages devaient être divisés
en deux moitiés distinctes, appartenant chacune à un propriétaire différent.
Ces murs de jardin, de vigne, etc., forment en réalité un objet unique; leur
entretien nécessite souvent des travaux portant sur toute leur épaisseur. Or
ces nécessités sont les mêmes pour les murs de maison. D'ailleurs ceux-ci
peuvent parfaitement bien être considérés comme des «clôtures» dès le moment
où, en fait, ils marquent la séparation entre deux propriétés.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu d'admettre que le régime de copropriété
établi par l'art. 670 est applicable aux murs de maison construits à cheval
sur la limite de deux fonds (cf. HUBER, Drei Vorträge zum schweiz.
Sachenrecht, P 13; WIELAND, art. 668 n. 1 b; FROELICHER, Gemeinschaftliche
Mauern nach schweizerischem Rechte, p. 14/15).

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2. et 3. - Mais la règle de l'art. 670 CCS n'est pas sans exception. La
question de savoir si et dans quelle mesure les cantons sont libres d'y
déroger dans leurs législations peut demeurer ouverte dans le cas particulier
(cf. art. 686 al. 2 CCS). En effet, aucune des dispositions cantonales
invoquées par les parties dans le présent procès ne s'écarte du système de la
copropriété, dont la mitoyenneté - qui fait l'objet des art. 142 sq. LVI -
n'est qu'une expression particulière.
Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, il convient d'observer que, comme il résulte
de son texte même, l'art. 670 CCS ne contient qu'une présomption nullement
irréfragable. Le recourant estime qu'en l'espèce cette présomption est
renversée par les conventions du 2 juin 1913...
Mais, à supposer que lesdites conventions eussent bien eu pour but de déroger
à la règle précitée, elles ne seraient pas opposables à la défenderesse. En
effet, suivant l'art. 973 CCS, celui qui acquiert la propriété ou d'autres
droits réels en se fondant de bonne foi sur une inscription du registre
foncier est maintenu dans son acquisition. En l'espèce, bien que la
copropriété des murs ne soit pas l'objet des inscriptions proprement dites du
registre foncier, elle n'en est pas moins attestée par une des annexes de ce
registre, le plan cadastral. Celui-ci indique, de la façon la plus claire, que
les murs nord et sud de la maison Schambacher-Lindenmeyer sont construits sur
la limite des fonds, cette limite étant figurée par un trait médian, parallèle
aux deux traits plus fins qui représentent les borde du mur. Or le plan
cadastral fait partie intégrante du registre foncier (art. 948 CCS). La foi
publique due à ce registre est également attachée aux indications de ce plan
(RO 44 II 463). D'autre part, l'art. 670 étant applicable aux murs de maison
(ainsi qu'on l'a exposé sous no 1 ci-dessus), toute personne qui, par la
lecture du plan cadastral, constatait que la limite des propriétés suivait la
ligne médiane des deux murs, devait admettre d'emblée que ceux-ci
appartenaient en copropriété aux voisins.

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Sans doute, comme on l'a montré plus haut (no 2), l'art. 670 ne contient
qu'une présomption, qui n'est pas irréfragable; mais lorsque, comme en
l'espèce, cette présomption est établie par le moyen des indications du
registre foncier ou de ses annexes, il serait contraire au principe de la foi
publique due à ces instruments d'admettre que la preuve contraire pût être
faite autrement que par des mentions contraires contenues dans le registre
lui-même. Or l'existence de telles mentions n'a pas été prouvée ni même
alléguée dans le cas particulier.
4.- A vrai dire, l'art. 973 ne protège que l'acquéreur de bonne foi. Mais la
défenderesse est dans ce cas...
5.- La détenderesse étant au bénéfice de l'art. 670 CCS, elle pouvait élever
des constructions contre les murs nord et sud de l'immeuble Lindenmeyer, en
utilisant gratuitement ces murs dans toute la mesure prévue à l'art. 144 LVI,
lequel n'excède pas les droits découlant normalement de la copropriété.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 59 II 221
Datum : 01. Januar 1932
Publiziert : 07. April 1933
Quelle : Bundesgericht
Status : 59 II 221
Sachgebiet : BGE - Zivilrecht
Gegenstand : 1. L'art. 670 CCS. est applicable aux murs de maison construits à cheval sur la limite de deux...


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44-II-463 • 59-II-221
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