S. 93 / Nr. 14 Familienrecht (f)

BGE 58 II 93

14. Arrêt de la IIme Section civile du 3 mai 1932 dans la cause Dame X. contre
X.

Regeste:
Art. 148 Cc. et 7 h al. 2 de la loi fédérale sur les rapporte de droit civil.
L'action en divorce intentée par l'épouse séparée de corps d'un Italien, après
réintégration de la demanderesse dans la nationalité suisse, est recevable
même avant l'expiration du délai de séparation fixé par l'art. 148 Cc. et lors
même que la cause de divorce invoquée date de l'époque où les époux étaient
encore régis par la loi italienne (inapplicabilité de la disposition de l'art.
7 h al. 2 de la loi féd. sur les rapports de droit civil).

A. - Demoiselle M., de nationalité suisse, a épousé, le .... 1923, sieur X.,
sujet italien. Le 5 décembre 1929, elle a ouvert action contre son mari en
concluant principalement au divorce et, subsidiairement, à la séparation de
corps.

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Par jugement du 20 octobre 1930, le Tribunal civil du district de Lausanne a
rejeté les conclusions en divorce et prononcé la séparation de corps aux torts
du mari pour un temps indéterminé. n a jugé que la demanderesse qui était
devenue Italienne par son mariage n'était pas recevable à conclure au divorce,
mais qu'en revanche ses conclusions subsidiaires étaient pleinement fondées.
Il retenait le fait que le défendeur avait complètement abandonné sa femme,
après lui avoir communiqué une maladie vénerienne dont les conséquences
avaient été graves. Ces faits constituaient une cause de séparation soit au
regard du droit italien, soit au regard du droit suisse. Si, d'après la
jurisprudence du Tribunal fédéral, ils ne pouvaient être envisagés comme une
injure grave au sens de l'art. 138 Cc., ils fournissaient en tout cas la
preuve de la rupture complète du lien conjugal, telle qu'elle est prévue à
l'art. 142 Cc.
B. - Dame X., qui avait obtenu le 16 janvier 1931 sa réintégration dans la
nationalité suisse, a introduit le 24 février 1931 une nouvelle action en
divorce, en invoquant de nouveau l'abandon dans lequel son mari l'avait
laissée.
Le défendeur, dont le domicile est inconnu, n'a pas procédé.
Par jugement du 10 décembre 1931, le Tribunal civil du district de Lausanne a
débouté la demanderesse de ses conclusions par application de l'art. 148 Cc.
S'il n'est pas douteux, dit le jugement, que la femme suisse d'un étranger
dont elle est séparée de corps puisse obtenir son divorce en application du
droit suisse, on peut se demander si elle n'est pas tenue d'attendre
l'expiration du délai de trois ans prévu par cette disposition. Le Tribunal
fédéral a jugé, il est vrai, que l'action était recevable même avant
l'expiration de ce délai lorsqu'elle était fondée sur des faits postérieurs au
jugement de séparation. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce. La demanderesse
n'a allégué aucun fait survenu ou venu à sa connaissance après le 20 octobre

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1930. L'abandon dont elle fait état est bien antérieur à cette date et a déjà
été retenu comme un motif de la séparation. Dans ces conditions, la demande
est prématurée.
C. - Dame X. a recouru en réforme, en reprenant ses conclusions qui tendent à
ce que le divorce soit prononcé aux torts du défendeur et à ce que ce dernier
soit condamné à lui payer «à titre d'indemnité, soit réparation morale une
pension mensuelle de 50 francs ou subsidiairement au même titre la somme de
400 francs en capital».
Le défendeur n'a pas procédé.
Considérant en Droit:
1.- La Suisse ayant dénoncé la Convention de la Haye du 12 juin 1902, le
litige appelle exclusivement l'application du droit suisse.
2.- C'est à tort que le Tribunal de district a cru devoir opposer à la demande
l'exception tirée de l'art. 148 Cc. Il est clair que cette disposition n'a été
édictée qu'en considération de la situation qui résultait de la séparation de
corps, telle qu'elle venait d'être réglée aux termes des articles précédents.
Or il n'est pas douteux non plus que la séparation de corps du droit suisse
n'ait été conçue, d'une manière générale, comme une mesure essentiellement
temporaire, destinée sans doute à épargner aux époux de nouvelles occasions de
conflits, mais en même temps à leur permettre un retour à la situation
normale. On peut donc dire que l'idée d'une réconciliation est à la base de
l'institution, et aussi bien la loi dispose t-elle expressément que si l'un
des époux conclut au divorce et que sa demande soit fondée, le juge ne pourra
prononcer la séparation de corps que si la réconciliation paraît probable
(art. 146). Cette considération n'a évidemment joué aucun rôle lors du
jugement du 20 octobre 1930. D'une part, la demanderesse n'avait pas laissé de
conclure au divorce; d'autre part, si le Tribunal n'a prononcé qu'une
séparation de corps, ce n'est nullement parce qu'il

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estimait qu'une réconciliation était encore probable ou même possible, mais
seulement pour la raison que le droit italien, qui constituait alors le statut
de la demanderesse et dont le respect s'imposait au juge suisse en vertu de
l'art. 7 lettre h al. 1 de la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de
droit civil des citoyens établis ou en séjour (cf. CCS Tit. final, art. 59),
ignore le divorce. On peut ainsi tenir pour certain que si la demanderesse
avait été de nationalité suisse, ce n'est pas la séparation de corps mais le
divorce qui aurait été prononcé. 11 n'est donc pas possible dans ces
conditions d'attribuer audit jugement les effets qu'aurait eus un jugement de
séparation de corps rendu entre des époux suisses. La raison de l'art. 148,
qui est d'obliger les époux d'attendre l'expiration du temps d'épreuve fixé
soit par le juge soit par la loi, ne pouvant être invoquée ici, l'article
lui-même doit être considéré comme inapplicable.
3.- On pourrait se demander en revanche si, Dame X. n'invoquant aucune autre
cause de divorce que celle sur laquelle elle fondait déjà sa première action,
il n'y aurait pas là un motif pour écarter ses conclusions, par application de
l'art. 7 lettre h al. 2 de la loi précitée. Mais cette question doit être
également tranchée par la négative. Si ce texte rappelle sans doute la règle
posée à l'art. 4 de la Convention de la Haye du 12 juin 1902, une différence
essentielle sépare toutefois les effets de ces deux dispositions. Tandis que
la première impliquait une renonciation conventionnelle au droit pour la
Suisse d'appliquer la loi nationale à certaines catégories de ses
ressortissants, la seconde ne constitue qu'une disposition législative dont il
appartient au juge d'apprécier la signification et la portée en s'inspirant
des intentions du législateur. Or, non seulement rien n'autorise à présumer
que le législateur suisse ait entendu priver un citoyen suisse des avantages
découlant de son statut personnel, autrement dit renoncer a l'application du
droit suisse envers un Suisse, mais il est clair que l'art. 7 h al. 2 doit
s'interpréter au regard du

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contexte, et il ressort aussi bien du premier alinéa que du troisième, que
l'article en son ensemble ne concerne que le cas d'une demande formée par un
étranger, c'est-à-dire, pour ce -qui est plus spécialement de l'alinéa 2, de
l'action intentée par un époux dont le statut s'est bien modifié depuis
l'époque où s'est produit le fait invoqué comme cause de divorce, mais dont la
nationalité nouvelle est autre que la nationalité suisse.
4.- La demande est non seulement recevable, mais elle est fondée. Les faits
établis en la cause démontrent à l'évidence que le lien conjugal est si
profondément atteint que la vie commune est devenue insupportable. Il se
justifie donc de prononcer le divorce sans qu'il soit nécessaire de renvoyer
l'affaire aux premiers juges. Il y a lieu également d'allouer à la recourante
une pension alimentaire de 50 francs par mois.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que le mariage
célébré à ... le ... entre sieur X. et dame X. est déclaré dissous par le
divorce, le défendeur étant condamné à payer à la demanderesse une pension
alimentaire de 50 francs par mois.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 58 II 93
Date : 01. Januar 1931
Publié : 03. Mai 1932
Source : Bundesgericht
Statut : 58 II 93
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Art. 148 Cc. et 7 h al. 2 de la loi fédérale sur les rapporte de droit civil.L'action en divorce...


Répertoire ATF
58-II-93
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
séparation de corps • application du droit • rapport de droit • cause de divorce • tribunal fédéral • lausanne • droit suisse • action en divorce • mois • convention de la haye • doute • tribunal civil • décision • conclusions • nationalité suisse • parlement • autorité législative • fin • obligation d'entretien • calcul • pension d'assistance • tennis • inconnu • injure grave • reprenant
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