S. 163 / Nr. 26 Sachenrecht (f)

BGE 56 II 163

26. Arrêt de la IIe Section civile du 27 mars 1930 dans la cause Société
immobilière Fundus C. contre Beltrami et dame Bianchini.


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Regeste:
Art. 837 ch. 3 Cc. - L'entrepreneur ou le sous-traitant qui travaille pour le
compte d'un locataire, ce dernier fût-il même autorisé par le propriétaire,
n'a pas droit à l'hypothèque légale si le propriétaire n'est pas responsable
du coût des travaux.

A. - La société immobilière «Fundus C.» est propriétaire d'un immeuble sis à
l'angle de l'avenue de Mail et de la rue des Savoises à Genève. Suivant
contrat du 9 avril 1925, elle a loué la totalité de cet immeuble à dame
Bianchini, pour une durée de 18 ans, soit du 1er octobre 1926 au 30 septembre
1944, et pour le prix de 22 000 francs par an. Il était entendu que l'immeuble
serait utilisé comme «bar-dancing». L'art. 5 du bail disposait à cet égard ce
qui suit: «La preneuse pourra installer et transformer l'immeuble loué pour
l'adapter à ses besoins commerciaux, toutefois, elle devra à cet effet
présenter les plans à l'approbation de la bailleresse, laquelle pourra
surveiller les travaux, sans toutefois y mettre opposition, pour autant que
les autorités compétentes auront donné leur approbation. Ces aménagements et
transformations seront faits exclusivement à la charge de la preneuse, même
ceux de maçonnerie et de poutraison, de plancher et toiture, en un mot tous
les travaux même ceux nécessités pour de grosses réparations en cas de
vétusté. A la fin du bail, toutes les améliorations et aménagements qui
auraient pu être exécutés par la preneuse resteront la propriété exclusive de
la bailleresse.»
Dame Bianchini fit procéder aux transformations prévues. Un sieur Beltrami
notamment fut chargé par

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l'entrepreneur général Badel des travaux de menuiserie et de charpente.
Le 7 décembre 1926, dame Bianchini fut déclarée en faillite. Beltrami
produisit pour 13 826 fr. 70, somme qui fut admise par la masse.
Le 12 janvier 1927, Beltrami mit la société en demeure de lui payer le montant
de sa facture ou de lui fournir des sûretés en application de l'art. 839 Cc.
Il l'avertissait que si satisfaction ne lui était pas donnée, il requerrait
l'inscription d'une hypothèque légale. La société ayant répondu par une fin de
non recevoir, il requit et obtint du Tribunal l'inscription provisoire de
l'hypothèque pour le montant de sa créance. L'inscription fut prise le 10 mars
1927.
B. - Dans le délai qui lui avait été fixé, Beltrami ouvrit action contre la
masse en faillite Bianchini et contre la société immobilière Fundus C. pour
faire reconnaître qu'il était créancier de la susdite somme et était en droit
de faire convertir l'inscription provisoire de l'hypothèque en une inscription
définitive.
Le 17 juillet, en cours de procès, la faillite fut révoquée, dame Bianchini
ayant obtenu un concordat aux termes duquel elle s'engageait à payer à ses
créanciers le 100% de leurs créances au moyen des bénéfices réalisés par une
société anonyme dite du Moulin Rouge, qui reprenait l'exploitation de
l'établissement. Les créanciers devaient recevoir des obligations de second
rang non productives d'intérêts, mais amortissables à raison de 10% par an au
minimum. Il était toutefois stipulé que les créanciers ne donneraient
quittance définitive que «moyennant fidèle exécution par dame Bianchini et la
société du Moulin Rouge» des conditions du concordat. Beltrami refusa
d'adhérer au concordat. Ce dernier ayant recueilli les majorités requises fut
homologué.
L'instance fut alors reprise par Beltrami contre la société Fundus C. et dame
Bianchini personnellement.
Dame Bianchini n'a pas procédé et n'a plus comparu parés la première audience.

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La société défenderesse s'est opposée à la demande en invoquant divers moyens
qui peuvent se résumer comme il suit: La société n'a pas commandé de travaux à
Beltrami et est restée étrangère au contrat passé entre lui et dame Bianchini.
Elle a ignoré l'existence des travaux. Aucun plan ne lui a été soumis,
contrairement à l'art. 5 du bail. Les travaux destinés à l'aménagement du
bâtiment étaient de nature spéciale et ne devaient profiter qu'au tenancier,
le bail étant de longue durée. Il était du reste stipulé qu'ils devaient
rester à la charge du locataire, ce qui démontrait que la propriétaire
entendait n'en être en aucun cas responsable. L'art. 837 Cc n'accorde le droit
à l'hypothèque légale que pour les créances que les entrepreneurs et artisans
possèdent contre le propriétaire ou un entrepreneur et non contre une autre
personne. Le demandeur ne possède d'ailleurs plus de créance, ayant été payé,
en exécution du concordat, par la cession d'obligations de la société du
Moulin Rouge.
Beltrami a persisté dans sa demande, soutenant que le droit à l'hypothèque
légale de l'entrepreneur ne présuppose pas un lien de droit entre le
propriétaire, mais découle du seul fait d'une prestation de travail jointe à
une fourniture de matériaux. Les travaux dont il s'agissait, disait-il,
étaient considérables; ils impliquaient la réfection de l'immeuble entier et
le propriétaire aurait dû les exécuter lui-même vu l'état de vétusté de
l'immeuble. Contrairement à ce qu'a prétendu la défenderesse, les plans ont
été soumis à un de ses administrateurs. Les travaux étaient prévus par le bail
et par conséquent autorisés par la propriétaire. On peut même dire qu'ils ont
profité à l'immeuble puisque c'est en prévision de leur exécution que le loyer
a été porté de 15 000 à 20 000 francs. Le demandeur ayant ignoré jusqu'en
cours d'instance la clause du bail prévoyant que les plans devaient être
préalablement soumis à la propriétaire, cette clause ne lui est pas opposable.
Il en est de même de celle qui prévoit que le coût des travaux restera à la
charge du locataire.

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Le demandeur a contesté enfin la valeur du moyen tiré du concordat, les
obligations remises ne constituant pas un payement mais une garantie.
C. - Par jugement du 2 février 1929, le Tribunal a adjugé au demandeur ses
conclusions et condamné les défenderesses aux dépens.
Sur appel de la défenderesse, la Cour de Justice civile de Genève a, par arrêt
du 17 décembre 1929, confirmé ce jugement en ramenant toutefois à 12 481 fr.
30 la somme pour laquelle l'hypothèque était accordée, retenant sur ce point
que le demandeur reconnaissait avoir reçu un acompte de 1268 fr. 70.
D. - La défenderesse a recouru en réforme en reprenant ses conclusions
libératoires.
Le demandeur a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.
Considérant en droit:
1.- Dame Bianchini n'ayant pas recouru, l'arrêt doit donc être considéré comme
définitif à son égard et il n'y a pas lieu de rechercher si c'est à bon droit
ou à tort qu'elle a été mise en cause.
2.- Il est incontestable que le droit de requérir l'inscription de
l'hypothèque légale instituée par l'art. 837 ch. 3 Cc ne suppose pas
nécessairement l'existence d'un lien contractuel entre le propriétaire de
l'immeuble et le titulaire de la créance, puisqu'aux termes mêmes de la loi ce
droit est reconnu au sous-traitant aussi bien qu'à l'entrepreneur général. Ce
n'est pas une raison cependant pour en conclure que le seul fait d'une
fourniture de travail, jointe ou non à une fourniture de matériaux, soit un
titre suffisant pour bénéficier de l'hypothèque.
Dans ses deux arrêts du 25 juin 1913 dans la cause Gürtler contre Laub (RO 39
II No 40) et 18 novembre 1914 dans la cause Masse Waldvogel contre les fils de
J. Frutiger (RO 40 II No 80), le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de
relever que l'obligation du propriétaire

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de laisser grever son immeuble au profit du sous-traitant était limitée, quant
à son étendue, à la somme dont il avait pu devenir débiteur du chef des
travaux en question. Il n'y a aucun motif de se départir de ce principe qui
non seulement répond au but de l'institution, mais seul, comme on l'a déjà
dit, tient compte des intérêts légitimes des deux parties en cause. Si la loi
a en effet étendu sa protection au sous-traitant malgré l'absence d'un rapport
contractuel entre lui et le propriétaire, il, ressort de l'historique de
l'institution que c'est avant tout par une considération d'ordre pratique,
autrement dit pour éviter que le propriétaire ne tourne la loi en interposant
entre lui et l'auteur des travaux un tiers, c'est-à-dire un homme de paille,
envers lequel seul il deviendrait débiteur. Tirer de là la conséquence qu'il
ne serait pas nécessaire que le propriétaire fût débiteur envers qui que ce
soit du coût des travaux serait donc inadmissible et de plus contraire à la
règle selon laquelle toute disposition qui crée un privilège ou une exception
doit s'interpréter strictement.
Quant à fonder le droit de l'entrepreneur ou du sous-traitant sur la
considération qu'ils ont augmenté la valeur de l'immeuble et mériteraient de
ce seul fait une situation privilégiée, quelques allusion qu'on ait pu y faire
au cours des travaux législatifs, il est incontestable qu'elle n'a pas trouvé
son expression dans la loi. Celle-ci ne contient aucune disposition que l'on
puisse interpréter dans le sens d'une référence à la notion d'une plus-value.
Aussi bien si le législateur y avait attaché de l'importance, il eût été tout
d'abord logique de proportionner et de limiter en tout cas la garantie à la
plus-value résultant du travail ou des fournitures livrés. Or la loi ne dit
rien de cela, mais au contraire, comme il a été jugé dans les arrêts précités,
confère en principe la garantie pour le montant même de la créance du
constructeur (entrepreneur ou sous-traitant) contre celui qui l'a chargé du
travail (propriétaire ou entrepreneur général). Au reste, il y a certains
genres de travaux qui, bien que nécessaires, ne se traduiront pas

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forcément par une augmentation appréciable de la valeur de l'immeuble et si
l'on devait faire intervenir ici la notion de la plus-value, il arriverait
qu'il faudrait dans certains cas dénier le droit à l'hypothèque, alors que
d'après les termes de la loi ce droit serait pourtant incontestable.
Si l'on part du principe que le propriétaire n'est pas tenu de laisser prendre
l'hypothèque au delà du montant dont il est devenu débiteur pour les travaux
en question, on doit logiquement en conclure que lorsqu'il ne doit rien et n'a
jamais rien dû de ce chef, il n'est pas obligé de fournir de garantie.
Il est vrai que certains passages de ces mêmes arrêts semblent réserver
l'hypothèse où les travaux auraient été exécutés sur l'ordre d'un tiers, mais
avec l'autorisation du propriétaire, et l'assimiler au cas où le propriétaire
a effectivement à répondre du coût des travaux. Mais à supposer qu'il faille
donner ce sens à une remarque faite incidemment à l'occasion d'une comparaison
toute théorique entre la situation du propriétaire et celle du fabricant sous
l'empire de la loi du 25 juin 1881, cette opinion ne saurait être maintenue.
Il est tout d'abord des cas où elle irait à {encontre du texte légal, car s'il
est vrai que même dans l'hypothèse où les travaux ont été commandés par un
tiers, le sous-traitant pourrait encore arguer de ce qu'il possède une créance
contre l'entrepreneur général, ce dernier en tout cas ne pourrait pas soutenir
qu'il possède une créance contre le propriétaire, et l'on aboutirait ainsi à
ce résultat: soit à s'écarter des termes de la loi pour accorder néanmoins
l'hypothèque à l'entrepreneur général, soit, en la refusant, à reconnaître
plus de droits au sous-traitant qu'à l'entrepreneur général, ce que le
législateur n'a certainement pas voulu.
Bien moins encore qu'en ce qui concerne le montant de la garantie serait-il
possible de faire intervenir ici la notion de plus value, considérée comme un
titre suffisant pour fonder le droit à l'inscription. Il se peut en effet - et
ce sera même le cas le plus fréquent - que les travaux

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ne soient exécutés que dans l'intérêt du tiers, le locataire, par exemple,
pour les besoins de sa profession ou de son industrie comme aussi pour sa
propre commodité, et qu'ils ne profitent par conséquent en rien au
propriétaire. n suffit de citer le cas d'un médecin, d'un dentiste, ou d'un
restaurateur' Comme on ne peut obliger le propriétaire à conserver la même
destination à l'immeuble, il serait évidemment contraire à l'équité de
l'obliger à répondre de travaux pour lesquels il n'a assuré aucune
responsabilité.
S'il est normal, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé, que même dans le
cas où les travaux ont été commandés par le propriétaire, le sous-traitant se
donne la peine de s'informer si le lot de travaux qui lui a été adjugé rentre
ou non dans le devis général passé entre le propriétaire et l'entrepreneur
général et s'enquière même du prix pour lequel il a été porté en compte, il
est encore plus normal que celui qui est chargé d'un travail par un autre que
le propriétaire prenne la précaution de rechercher, non pas seulement si le
propriétaire a donné son autorisation, mais si et dans quelle mesure il en
répondra. Cela est d'autant plus naturel que le propriétaire ne sera pas
toujours en mesure de connaître le nom des entrepreneurs engagés par le tiers,
qu'il pourra même se faire qu'il n'ait pas connaissance des travaux et que
pratiquement il ne lui serait donc pas possible de notifier aux constructeurs
qu'il entend n'assumer aucune responsabilité du chef de leurs prestations.
Tout autre serait la situation si le propriétaire était tenu de par la loi,
sinon par un contrat, d'indemniser l'auteur de la commande du coût des
travaux, et l'on pourrait alors se demander si, dans ce cas là, l'entrepreneur
et le sous-traitant ne seraient pas fondés à requérir l'inscription de
l'hypothèque légale. Mais la question ne se posant pas en l'espèce, il n'est
pas nécessaire de la trancher. Non seulement il n'a pas été allégué que dame
Bianchini était ou aurait été en droit de se retourner contre la défenderesse
pour lui réclamer tout ou partie

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du prix des travaux, mais il est constant, au contraire, que la défenderesse
n'a autorisé les travaux qu'à la condition expresse qu'ils seraient à la
charge de la locataire. Il résulte de ce qui précède que dans de telles
circonstances le demandeur n'avait aucun droit à revendiquer le bénéfice de
l'hypothèque légale. Il n'est donc pas nécessaire non plus d'examiner quel a
pu être l'effet du concordat sur les droits du demandeur envers dame
Bianchini.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les
conclusions de la demande sont rejetées.
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 56 II 163
Datum : 01. Januar 1930
Publiziert : 27. März 1930
Quelle : Bundesgericht
Status : 56 II 163
Sachgebiet : BGE - Zivilrecht
Gegenstand : Art. 837 ch. 3 Cc. - L’entrepreneur ou le sous-traitant qui travaille pour le compte d'un...


BGE Register
56-II-163
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