S. 39 / Nr. 12 Obligationenrecht (f)

BGE 55 II 39

12. Arrêt de la I re Section civile du 12 mars 1929 dans la cause Delétraz
contre Hauser & Fils.

Regeste:
Nature et fonctionnement du contrat de soumission ou de consignation de
marchandises (contractus aestimatorius, Trödelvertrag).

A. - Le 12 octobre 1926, Charles Delétraz, bijoutier, à La Chaux-de-Fonds, a
écrit à Hauser et Fils, Formosa Watch Manufactory, dans la même ville, qu'il
leur remettait un lot de 37 pièces d'horlogerie (calottes or et platine) et de
bijouterie, de la valeur totale de 12737 fr. 05. Le même jour, Hauser et Fils
ont accusé réception à Delétraz de la «soumission ... de 12737 fr.» et lui ont
envoyé deux effets sur la Banque cantonale neuchâteloise, de 3500 fr. et de
2500 fr., au 10 janvier et au 10 février 1927, «à valoir sur cette soumission
au cas où nous vendrions ces pièces. Au cas contraire, il reste entendu que
vous restez notre débiteur pour cette somme». Delétraz répond le 15 octobre
qu'il a reçu les deux effets à valoir sur la soumission en cas de vente et
ajoute: «Au cas contraire, vous me retournez ces pièces contre paiement de
6000 fr.» Dès le printemps et jusqu'en automne 1927, Delétraz a invité à
plusieurs reprises Hauser et Fils oralement et par

Seite: 40
écrit à lui restituer les marchandises de sa soumission ou à lui en payer le
solde. Le 25 août, Delétraz manda à Hauser et Fils que, comme convenu, ce qui
n'aura pas été restitué jusqu'au 15 septembre sera facturé définitivement.
Hauser et Fils protestèrent le même jour, déclarant qu'ils ne restitueront les
marchandises que contre remboursement de la somme payée par eux et des frais.
Delétraz maintint son point de vue et le 17 septembre accorda à Hauser et Fils
un dernier délai au 20 du même mois pour lui rendre la marchandise non vendue.
Hauser et Fils ne s'étant pas exécutés, Delétraz leur fit notifier le 21
septembre qu'il mettait en circulation une traite sur eux, à l'échéance du 10
octobre, de 5984 fr. (soit 11 984 fr., montant rectifié de la soumission,
moins 6000 fr. montant des deux effets du 12 octobre 19x6). Le 22 septembre
1927 Hauser et Fils protestèrent derechef et mirent la soumission à la
disposition de Delétraz, sauf une ou deux pièces vendues, contre paiement
comptant de leur avance et des intérêts de celle-ci. Ils faisaient observer
que, même remboursés, ils ne pourraient se dessaisir de la marchandise puisque
Delétraz avait fait cession de sa créance à la Banque populaire suisse à
Bienne.
B. - Delétraz refusa d'accepter l'offre du 22 septembre qu'il estimait tardive
et le 11 novembre 1927 il actionna Hauser et Fils devant le Tribunal cantonal
neuchâtelois en paiement de 5984 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 septembre
1927.
Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande et reconventionnellement ont
réclamé paiement par le demandeur de 6834 fr. 70 plus 490 fr. français avec
intérêts à 6% dès le 10 février 1927. En outre, ils ont revendiqué un droit de
gage ou de rétention sur les marchandises données en soumission. Les 837 fr.
en sus du montant des deux effets représentent la valeur des mouvements,
glaces et cadrans qu'ils ont, posés sur les boites du demandeur ainsi que les
frais de douane payés lors de l'envoi des objets en France.

Seite: 41
Le demandeur a conclu au rejet des conclusions reconventionnelles.
C. - Par jugement du 8 janvier 1929 le Tribunal cantonal neuchâtelois a
déclaré la demande mal fondée; dit que Charles Delétraz est tenu d'accepter la
restitution par Hauser et, Fils des marchandises de sa soumission du 12
octobre 1926 dont ces derniers n'ont pas disposé; dit qu'il est tenu de
restituer à Hauser et Fils la somme de 5685 fr. qu'il a reçue d'eux à valoir
sur ladite soumission, avec intérêts au 5% dès le 23 novembre 1927; dit que
Hauser et Fils sont au bénéfice d'un droit de gage sur les marchandises de la
soumission de Delétraz, pour se garantir du paiement de ce que ce dernier leur
doit selon compte a établir d'après les données ci-dessus; condamné Charles
Delétraz aux frais et dépens.
D. - Le demandeur a recouru contre ce jugement au Tribunal fédéral. Il reprend
ses conclusions.
Les intimés ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du prononcé
cantonal.
Considérant en droit:
1.- Les intimés estiment à tort que la valeur litigieuse dépasse 8000 fr. Le
demandeur réclamait devant la dernière instance cantonale 5984 fr. (art. 59
OJF). Les défendeurs en réclamaient 6834 fr. 70 plus 490 fr. français, soit au
total 6932 fr. 70 suisses (au change de 20) et demandaient qu'un droit de gage
ou de rétention leur fût reconnu. Ce dernier chef de conclusions n'augmente
pas la valeur litigieuse, car cette valeur se détermine d'après le montant de
la créance lorsque celle-ci est, comme en l'espèce, inférieure à la valeur du
gage (RO 33 II p. 459). De même pour le droit de rétention. D'autre part, à
teneur de l'art. 60 OJF, le montant de la demande reconventionnelle n'est pas
additionné avec celui de la demande principale. La valeur litigieuse atteint
par conséquent 6932 fr. 70. Elle se calcule en effet d'après les chiffres
articulés

Seite: 42
devant l'instance cantonale et non d'après le prix de vente total des
marchandises (11984 fr.), ni d'après l'intérêt même que les parties ont au
procès (RO 31 II p. 107 consid. 1; 32 II p. 98; 33 II p. 5' 9 consid. 2).
2.- Les marchandises litigieuses ont été remises aux défendeurs «en
soumission». Dans l'horlogerie on désigne par ce terme un contrat en vertu
duquel une partie, généralement un fabricant, remet à l'autre partie,
généralement un négociant, des marchandises dont elle conserve la propriété,
étant entendu que la partie qui reçoit les objets en soumission doit ou bien
les restituer ou bien payer la valeur qui leur a été attribuée dans le
contrat, soit le prix d'estimation (cf. SJZ 1924 p. 26 et 27; ZBJV 57 p. 379
et 60 p. 243; ROGUIN, la Règle de droit, p. 372) Ces points ne sont pas
litigieux. La contestation porte sur la question de savoir si, dans la
soumission, la valeur attribuée aux marchandises est due aussitôt que leur
propriétaire a sommé le soumissionnaire (ou consignataire) de les restituer
dans un délai déterminé et que la restitution n'a pas eu lieu.
Le demandeur répond affirmativement à cette question, soutenant que la
soumission particulière dont il s'agit n'est en réalité qu'une vente à l'essai
ou à l'examen à laquelle sont applicables les art. 223
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 223 - 1 Dans la vente à l'essai ou à l'examen, l'acheteur est libre d'agréer la chose ou de la refuser.
1    Dans la vente à l'essai ou à l'examen, l'acheteur est libre d'agréer la chose ou de la refuser.
2    Tant que la chose n'est pas agréée, le vendeur en reste propriétaire, même si elle est passée en la possession de l'acheteur.
et 225
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 225 - 1 Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
1    Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
2    La vente est également réputée parfaite si l'acheteur paie sans réserves tout ou partie du prix, ou s'il dispose de la chose autrement qu'il n'était nécessaire pour en faire l'essai.
CO, notamment
l'art. 225 al. 1er, aux termes duquel «lorsque la chose a été remise à
l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne
déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la
convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement
après la sommation du vendeur». Subsidiairement, le demandeur estime que
l'art. 225 al. 1er doit à tout le moins être appliqué par voie d'analogie.
Le contrat de soumission, qui présente des analogies avec la remise de livres
par l'éditeur au libraire «en dépôt» ou en consignation, n'est en réalité pas
autre chose que ce que le droit commun appelait le contractus aestimatorius et
ce que la terminologie allemande dénomme le

Seite: 43
Trödelvertrag (v. M. NAUMANN, Der Trödelvertrag, 1902, p. 5). Analysant un
contrat de cette nature - qui différait quelque peu du contrat en litige - le
Tribunal fédéral a jugé (arrêt Dillier c. Weber, du 22 juin 1921, RO 47 II p.
218) que les règles régissant le contrat de commission lui étaient
inapplicables. En effet, tandis que l'engagement du commissionnaire d'opérer
pour le compte du commettant la vente ou l'achat, ainsi que la stipulation
d'un droit de commission sont les éléments constitutifs du contrat de
commission, dans le Trödelvertrag, le Trödler ne revend pas la marchandise
pour le compte du Vertrödler, mais pour son propre compte et ne transfère par
conséquent pas à ce dernier les profits et les risques inhérents à l'affaire
qu'il conclut, le cas échéant, avec un tiers acheteur. En outre, le Trödler
n'a pas de droit de commission; il peut revendre la chose au prix qui lui
convient, mais il peut aussi la garder; dans l'un et l'autre cas, il doit au
Vertrödler le prix d'estimation et n'a droit qu'à la remise de la chose.
Les règles sur le mandat proprement dit ne s'appliquent pas non plus au
contrat dont il s'agit ici. Celui qui a reçu mandat de vendre une chose doit
remettre au mandant le prix qu'il a touché, mais seulement ce prix, car il
n'est pas, dans la règle, responsable d'une perte. Le Trödler, en revanche,
doit au Vertrödler ni plus ni moins que la valeur estimative de la chose (cf.
BECHMANN, Der Kauf II p. 409).
Le contractus aestimatorius n'est pas davantage un contrat de société simple,
qui suppose que les parties conviennent d'unir leurs efforts ou leurs
ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1er
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 530 - 1 La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun.
1    La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun.
2    La société est une société simple, dans le sens du présent titre, lorsqu'elle n'offre pas les caractères distinctifs d'une des autres sociétés réglées par la loi.
CO). Le
consignataire (accipiens) ne joint ni ses efforts ni ses ressources à ceux du
cocontractant. Il est libre de restituer la chose ou bien de la revendre ou de
la garder en payant au consignateur (dans) le prix convenu (cf. NAUMANN, OP.
cit. p. 20).
L'arrêt Dillier contre Weber voit dans un Trödelvertrag

Seite: 44
tel que celui dont il s'agissait alors une vente conclue sous la condition
suspensive de la non-restitution (Sic CHAMBON, Beiträge zum Obligationenrecht
p. 1 et sv; contra BRINZ, Kritische Blätter No 1, p. 12 à 15; BECHMANN, op.
cit. II p. 411; NAUMANN, p. 10 et 11). Mais cette construction, qui ne laisse
pas d'être artificielle, ne tient pas compte du fait que dans le contractus
aestimatorius la restitution est une obligation contractuelle, bien
qu'alternative, ce qui n'est pas le cas dans la vente.
Il est plus exact de considérer le «contrat de soumission» type, tel qu'il se
présente en l'espèce, comme un contrat sui generis, ainsi que le fait la
doctrine dominante pour le Trödelvertrag et le contractus aestimatorius
(BECHMANN, loc. cit.; ROGUIN, La Règle de droit, p. 372).
Même si l'on envisage le contrat de soumission comme une vente conclue sous la
condition suspensive de la nonrestitution, il n'y en a pas moins entre lui et
la vente à l'essai ou à l'examen des différences telles que l'art. 226 al. 1
ne lui est pas applicable, fût-ce par analogie.
La vente à l'essai ou à l'examen est une vente conditionnelle. La condition
dont l'événement fait naître l'obligation de l'acheteur consiste dans la
déclaration de ce dernier qu'il agrée la chose après l'avoir examinée ou
essayée. L'examen ou l'essai est donc postérieur à la conclusion du contrat.
Dans la «soumission» par contre, il est possible que le soumissionnaire
examine ou essaye la chose avant la conclusion du contrat. Tandis que dans la
vente à l'essai ou à l'examen il y a incertitude au sujet de la question de
savoir si la chose est propre à l'usage auquel l'acheteur la destine, il
n'existe aucune incertitude semblable dans la soumission. Ce qui, dans ce cas,
est incertain et empêche la conclusion d'une vente ferme, c'est le point de
savoir si le soumissionnaire trouvera acquéreur de la marchandise ou aura
intérêt à la garder lui-même.
En outre, et surtout, la vente à l'essai ou à l'examen est faite sous la
condition suspensive que l'acheteur agrée la chose. Et tandis que l'acheteur
est libre de l'agréer ou

Seite: 45
de la refuser, le vendeur est lié à un double point de vue: il n'a pas le
droit d'annuler la vente et il ne doit rien faire qui empêche l'événement de
la condition au mépris des règles de la bonne foi (art. 156
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 156 - La condition est réputée accomplie quand l'une des parties en a empêché l'avènement au mépris des règles de la bonne foi.
CO). D'où il suit
que la faculté de l'acheteur d'agréer ou de refuser la chose, faculté
illimitée à tous autres égards, doit être limitée dans le temps, sinon le
vendeur serait à la merci de son cocontractant. Aussi bien, le vendeur
prend-il souvent la précaution de stipuler un délai dans lequel l'acheteur
doit se décider. Parfois c'est l'usage qui fixe ce délai. Faute d'un délai
ainsi déterminé, la loi intervient pour protéger le vendeur; elle lui confère
le droit de sommer l'acheteur de prendre un parti. Si ce dernier ne le fait
pas immédiatement après la sommation, ou bien le vendeur cesse d'être lié
lorsque l'examen doit se faire chez lui, ou bien la vente est réputée parfaite
lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen (art. 224 al. 2 et
225 al. 1er).
Dans la soumission la situation est autre. Il n'y a pas de danger que le
consignateur de la marchandise reste lié indéfiniment si ni la convention ni
l'usage ne fixent un délai au consignataire pour accomplir son obligation
alternative de payer ou de restituer la chose. Sauf convention contraire,
expresse ou résultant des circonstances, celui qui remet la marchandise en
soumission a le droit d'exiger en tout temps que le soumissionnaire s'exécute
(art. 75
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 75 - À défaut de terme stipulé ou résultant de la nature de l'affaire, l'obligation peut être exécutée et l'exécution peut en être exigée immédiatement.
et 102
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 102 - 1 Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier.
1    Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier.
2    Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour.
CO). Lorsque celui-ci ne le fait pas, il est en demeure et
doit réparer le dommage qui en résulte, à moins qu'il ne prouve qu'aucune
faute ne lui est imputable. On ne saurait lui infliger une autre sanction.
Donner au fournisseur de la marchandise le droit de transformer en vente ferme
une soumission lorsque le soumissionnaire est en demeure, c'est pratiquement
lui permettre d'introduire unilatéralement une clause pénale dans la
convention. Il ne faut en effet pas perdre de vue ce que dit l'expert commis
au cours du procès: «En général, lorsqu'il s'agit de remettre en soumission ou
consignation un stock de montres, il est d'usage de pratiquer des prix
légèrement

Seite: 46
supérieurs à ceux cotés pour une vente ferme. Cela se comprend d'ailleurs
aisément, car la personne qui reçoit de la marchandise en soumission ou
consignation ne discute pas le prix de la même façon que lorsqu'elle achète à
compte ferme». En outre, il ne faut pas oublier que le soumissionnaire ne
travaille pas avec son propre capital, mais avec celui de la personne qui lui
confie la marchandise, ce qui explique aussi «les prix légèrement supérieurs».
Enfin, si, dans 1& vente à l'essai où à l'examen, le silence de l'acheteur
après la sommation peut tout naturellement s'interpréter soit comme une
renonciation lorsque la chose est encore entre les mains du vendeur, soit
comme une acceptation lorsque la chose a été remise à l'acheteur, aucune
présomption de cette nature ne s'impose dans le contrat de soumission. Le
silence du soumissionnaire ne signifie pas, sans autre, qu'il renonce au choix
qui lui appartient et consent à payer le prix d'estimation au lieu de
restituer la chose. La demeure du consignataire donne au consignateur le droit
d'ouvrir action pour obtenir l'exécution de l'obligation alternative. Sa
demande doit avoir un contenu alternatif; elle doit tendre au paiement du prix
estimatif ou à la restitution de la chose, au choix du défendeur. Et le
jugement doit de même porter une condamnation alternative (cf. VON TUHR,
Partie générale du CO p. 65). Celui qui a donné la chose en soumission peut
naturellement réclamer en outre des dommages-intérêts en raison de l'exécution
tardive (art. 103 al. 1er
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 103 - 1 Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive et répond même du cas fortuit.
1    Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive et répond même du cas fortuit.
2    Il peut se soustraire à cette responsabilité en prouvant qu'il s'est trouvé en demeure sans aucune faute de sa part ou que le cas fortuit aurait atteint la chose due, au détriment du créancier, même si l'exécution avait eu lieu à temps.
CO). L'art. 107
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 107 - 1 Lorsque, dans un contrat bilatéral, l'une des parties est en demeure, l'autre peut lui fixer ou lui faire fixer par l'autorité compétente un délai convenable pour s'exécuter.
1    Lorsque, dans un contrat bilatéral, l'une des parties est en demeure, l'autre peut lui fixer ou lui faire fixer par l'autorité compétente un délai convenable pour s'exécuter.
2    Si l'exécution n'est pas intervenue à l'expiration de ce délai, le droit de la demander et d'actionner en dommages-intérêts pour cause de retard peut toujours être exercé; cependant, le créancier qui en fait la déclaration immédiate peut renoncer à ce droit et réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution ou se départir du contrat.
CO n'est pas applicable à la
soumission, pas plus que l'art. 82, parce que ce contrat n'est pas
essentiellement bilatéral. Il met, à la vérité, les obligations à la charge
des deux parties, mais lorsque le soumissionnaire restitue la chose, il ne
fournit pas une contre-prestation, son acte est la conséquence de la remise de
la chose et du fait qu'il ne paie pas le prix stipulé (cf. VON TUHR, Partie
générale du CO, p. 127).
L'action du demandeur, dans la mesure où elle tend au paiement du solde du
prix d'estimation, doit dés lors

Seite: 47
être rejetée, car elle ne réclame pas la condamnation alternative des
défendeurs à payer ou à restituer la marchandise et part même de l'idée
erronée que les défendeurs sont déchus du droit de restitution.
Il convient d'ajouter que le consignateur de la marchandise peut, en vertu de
son droit de propriété, la revendiquer contre quiconque la détient sans droit
(art. 641 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 641 - 1 Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.
1    Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.
2    Il peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation.
CC).
3.- Le demandeur invoque en vain l'arrêt Dillier contre Weber. Dans cette
espèce, le consignataire devait dans les 30 jours revendre la marchandise ou
la restituer à Weber, lequel - une fois le délai expiré - avant le droit de
réclamer le prix d'estimation. Ces circonstances ne se retrouvent pas dans le
présent litige.
Le demandeur cherche aussi à tirer argument de l'art. 225 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 225 - 1 Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
1    Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
2    La vente est également réputée parfaite si l'acheteur paie sans réserves tout ou partie du prix, ou s'il dispose de la chose autrement qu'il n'était nécessaire pour en faire l'essai.
CO aux termes
duquel la vente à l'essai ou à l'examen est réputée parfaite si l'acheteur
dispose de la chose autrement qu'il n'était nécessaire pour en faire l'essai.
Les défendeurs auraient agi de la sorte en logeant des mouvements dans les
calottes données en soumissions et en y adaptant cadrans, aiguilles et glaces,
en portant ou en laissant porter deux pièces et en exportant le tout en
France. Cette argumentation se heurte déjà au fait que le contrat de
soumission n'est pas régi par les dispositions applicables à la vente à
l'essai ou à l'examen. Au reste, les défendeurs n'ont pas fait de la
marchandise un usage contraire à la nature particulière du contrat. Les
calottes n'avaient pas été remises aux défendeurs pour qu'ils les examinent ou
les essayent, mais pour qu'ils les écoulent. A cette fin ils devaient, le cas
échéant, les compléter, et ils pouvaient même les exporter, ou les confier à
leur personnel pour régler les mouvements ou à des clients qui voulaient
essayer les montres. Ils ne renonçaient pas pour autant à faire usage de leur
droit de restituer la marchandise. Ils assumaient seulement l'obligation de
réparer le dommage qu'ils pourraient ainsi causer au demandeur en détériorant
sa marchandise. Delétraz conserve intacte la faculté de faire valoir à cet

Seite: 48
égard ses droits lors de la restitution, mais il ne saurait refuser les
calottes et en réclamer le prix sous prétexte que deux montres ont été
portées.
Par les mêmes motifs, le demandeur est mal venu de prétendre que les
défendeurs ont acheté ferme ces deux pièces.
Enfin, du fait que les défendeurs ont versé 6000 fr. à réception de la
marchandise, il ne résulte pas qu'ils aient renoncé au droit de la restituer
dans sa totalité le cas échéant. Ils n'ont fait cette avance de fonds que pour
rendre service au demandeur.
Le recours doit donc être écarté dans la mesure où il conclut à l'admission de
la demande.
4.- Le recours est également mal fondé dans la mesure où il tend au rejet des
conclusions reconventionnelles. L'instance cantonale ne les a admises que
partiellement et, faute de recours de la part des défendeurs, c'est cette
partie seulement qui est soumise à l'examen du Tribunal fédéral.
L'obligation d'accepter la restitution de la marchandise est le corollaire du
rejet de la demande. Demeurent réservés les droits éventuels du demandeur en
raison d'une détérioration des objets rendus.
La restitution par le demandeur de l'avance de 6000 fr. moins 543 fr.
représentant le prix de deux pièces vendues par les défendeurs est aussi le
corollaire du rejet de la demande.
La somme de 5686 fr. que le demandeur est condamné à restituer comprend 68 fr.
d'impenses faites par les défendeurs pour poser des verres et des cadrans sur
les calottes. L'instance cantonale constate en fait, d'une façon qui lie le
Tribunal fédéral, que les défendeurs devaient procéder de la sorte pour
pouvoir écouler la marchandise et que le demandeur le savait, comme il savait
aussi que les glaces et cadrans seraient inutilisables- si on les enlevait
maintenant. Il devait dès lors se rendre compte, lors de la conclusion du
contrat, que si les montres n'étaient pas

Seite: 49
vendues les verres et cadrans resteraient sur les calottes. Il est donc tenu
de les payer.
5.- L'instance cantonale reconnaît aux défendeurs un droit de gage sur la
marchandise du demandeur pour garantir le paiement de ce qui leur est dû à
teneur du jugement. Cette décision est justifiée. Lorsque le soumissionnaire
paie une avance sur le prix d'estimation, il peut fort bien stipuler un droit
de gage en garantie du remboursement de l'avance pour le cas où il déciderait
de restituer la marchandise. Faute d'une pareille clause, il peut être tenu de
restituer la marchandise sans avoir obtenu le remboursement de l'avance, car
l'art. 82
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 82 - Celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du contrat.
CO n'est pas directement applicable puisque le contrat de soumission
n'est point essentiellement bilatéral En l'espèce, le demandeur reconnaît dans
sa lettre du 15 octobre 1926 que, si la marchandise n'était pas vendue, les
défendeurs la restitueraient «contre paiement des 6000 fr.» et non pas avant
ce paiement. Ce mode de procéder correspond à ce que la loi prescrit à l'art.
889
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 889 - 1 Le créancier doit restituer la chose à l'ayant droit, lorsque son gage est éteint par le paiement ou pour une autre cause.
1    Le créancier doit restituer la chose à l'ayant droit, lorsque son gage est éteint par le paiement ou pour une autre cause.
2    Il n'est tenu de rendre tout ou partie du gage qu'après avoir été intégralement payé.
CC pour le cas de la constitution d'un gage. Le créancier gagiste n'est
tenu de rendre tout ou partie du gage qu'après avoir été intégralement payé.
Il semble donc bien que les parties aient voulu conférer aux défendeurs un
véritable droit de gage. En faveur de l'existence de ce droit on peut aussi
relever le fait que le versement d'une avance à la réception de la marchandise
n'est pas usuel dans là soumission et que la stipulation d'une garantie paraît
dés lors naturelle. Le droit de gage ne devant sortir ses effets que dans le
cas où les défendeurs décideraient de rendre la marchandise, il importe peu
qu'ils l'aient d'abord modifiée, expédiée en France et vendue en partie
conformément à leurs droits de soumissionnaires.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement
attaqué.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 55 II 39
Date : 01 janvier 1929
Publié : 12 mars 1929
Source : Tribunal fédéral
Statut : 55 II 39
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Nature et fonctionnement du contrat de soumission ou de consignation de marchandises (contractus...


Répertoire des lois
CC: 641 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 641 - 1 Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.
1    Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.
2    Il peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation.
889
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 889 - 1 Le créancier doit restituer la chose à l'ayant droit, lorsque son gage est éteint par le paiement ou pour une autre cause.
1    Le créancier doit restituer la chose à l'ayant droit, lorsque son gage est éteint par le paiement ou pour une autre cause.
2    Il n'est tenu de rendre tout ou partie du gage qu'après avoir été intégralement payé.
CO: 75 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 75 - À défaut de terme stipulé ou résultant de la nature de l'affaire, l'obligation peut être exécutée et l'exécution peut en être exigée immédiatement.
82 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 82 - Celui qui poursuit l'exécution d'un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offrir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du contrat.
102 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 102 - 1 Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier.
1    Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier.
2    Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour.
103 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 103 - 1 Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive et répond même du cas fortuit.
1    Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive et répond même du cas fortuit.
2    Il peut se soustraire à cette responsabilité en prouvant qu'il s'est trouvé en demeure sans aucune faute de sa part ou que le cas fortuit aurait atteint la chose due, au détriment du créancier, même si l'exécution avait eu lieu à temps.
107 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 107 - 1 Lorsque, dans un contrat bilatéral, l'une des parties est en demeure, l'autre peut lui fixer ou lui faire fixer par l'autorité compétente un délai convenable pour s'exécuter.
1    Lorsque, dans un contrat bilatéral, l'une des parties est en demeure, l'autre peut lui fixer ou lui faire fixer par l'autorité compétente un délai convenable pour s'exécuter.
2    Si l'exécution n'est pas intervenue à l'expiration de ce délai, le droit de la demander et d'actionner en dommages-intérêts pour cause de retard peut toujours être exercé; cependant, le créancier qui en fait la déclaration immédiate peut renoncer à ce droit et réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution ou se départir du contrat.
156 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 156 - La condition est réputée accomplie quand l'une des parties en a empêché l'avènement au mépris des règles de la bonne foi.
223 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 223 - 1 Dans la vente à l'essai ou à l'examen, l'acheteur est libre d'agréer la chose ou de la refuser.
1    Dans la vente à l'essai ou à l'examen, l'acheteur est libre d'agréer la chose ou de la refuser.
2    Tant que la chose n'est pas agréée, le vendeur en reste propriétaire, même si elle est passée en la possession de l'acheteur.
225 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 225 - 1 Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
1    Lorsque la chose a été remise à l'acheteur avant l'examen, la vente est réputée parfaite si l'acheteur ne déclare pas refuser la chose ou ne la rend pas dans le délai fixé par la convention ou par l'usage, ou, faute d'un délai ainsi fixé, immédiatement après la sommation du vendeur.
2    La vente est également réputée parfaite si l'acheteur paie sans réserves tout ou partie du prix, ou s'il dispose de la chose autrement qu'il n'était nécessaire pour en faire l'essai.
530
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 530 - 1 La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun.
1    La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun.
2    La société est une société simple, dans le sens du présent titre, lorsqu'elle n'offre pas les caractères distinctifs d'une des autres sociétés réglées par la loi.
Répertoire ATF
55-II-39
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
acheteur • vente à l'essai • tribunal fédéral • consignataire • montre • vue • rejet de la demande • conclusion du contrat • analogie • condition suspensive • valeur litigieuse • autorisation ou approbation • mandant • effort • contrat de commission • tribunal cantonal • calcul • décision • salaire • demande reconventionnelle
... Les montrer tous
RSJ
1924 S.26