S. 221 / Nr. 37 Handels- und Gewerbefreiheit (f)

BGE 55 I 221

37. Arrêt du 4 octobre 1929 dans la cause Favre et consorts contre Genève.


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Regeste:
Notion du «colportage» soumis par le droit genevois au paiement d'une patente.
Le commerçant étranger qui se borne à livrer à domicile des marchandises déjà
vendues ne peut être assimilé à un colporteur.

A. - La loi genevoise du 27 octobre 1923 sur l'exercice des professions ou
industries permanentes, ambulantes ou temporaires astreint certains commerces
au paiement d'une patente, qui est due, notamment, d'après l'art. 17 al. 2,
pour «les grands étalages qui occupent plusieurs numéros sur la place publique
et le colportage avec voiture attelée ou véhicule à moteur». L'art. 20
autorise le Conseil d'Etat à édicter les règlements nécessaires à

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l'application de la loi. Agissant en vertu de cette autorisation, le Conseil
d'Etat a pris le 21 juin 1926 un arrêté aux termes duquel «les négociants en
combustibles établis hors du canton ne pourront à l'avenir y vendre leurs
marchandises sans avoir préalablement acquitté à la frontière les taxes
prévues par la loi sus-visée (art. 17, deuxième catégorie, IIe classe)».
B. - Les recourants, Léon Favre et consorts, tous marchands de combustibles,
domiciliés en France, ont été invités à payer les taxes prévues à l'art. 17
al. 2 de la loi de 1923, en application de l'arrêté du 21 juin 1926, alors
qu'ils pénétraient sur territoire genevois avec des camions de combustible.
Dans l'idée que leurs marchandises seraient séquestrées s'ils ne s'en
acquittaient pas, ils ont payé les taxes qui leur étaient réclamées par la
gendarmerie; Favre et Chassagnon ont versé 50 fr., Droux, Moge et Syord, 400
fr. chacun, et Touvier 50 fr.
Ils ont recouru en temps utile au Conseil d'Etat de Genève aux fins d'obtenir
que les patentes fussent annulées et que les montants versés leur fussent
remboursés. Ils estimaient que ces taxes avaient été perçues à tort parce
qu'ils n'avaient pas fait de colportage, mais étaient entrés à Genève
uniquement pour livrer du combustible commandé préalablement par des clients
genevois.
Par arrêté du 16 mars 1929, le Conseil d'Etat a rejeté les recours.
C. - Dans le délai légal, Favre et consorts ont interjeté un recours de droit
public au Tribunal fédéral en invoquant les art. 4 et 31 de la Constitution
fédérale et l'article premier du Traité d'établissement franco-suisse du 23
février 1882. Ils soutiennent derechef qu'ils n'ont fait aucun acte de
colportage et se sont bornés à livrer à des clients de Genève du combustible
commandé à l'avance par lettres ou par téléphone.
Dans sa réponse le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

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Ensuite d'un échange de vues au sujet de la compétence, le Conseil fédéral a
admis qu'il appartenait au Tribunal fédéral de statuer sur le recours dans son
entier.
Invité par le Juge délégué à dire quelle était, à son avis, la portée exacte
de l'arrêté du 21 juin 1926 et à déclarer s'il admettait réellement qu'en fait
les recourants s'étaient livrés sur territoire genevois à des actes de
colportage, le Conseil d'Etat de Genève a répondu comme suit, en date du 20
septembre 1929:
1. L'arrêté du 21 juin 1926 étant un règlement d'exécution de la loi du 27
octobre 1923 sur l'exercice des professions ou industries permanentes,
ambulantes et temporaires, il faut admettre qu'il vise principalement le
colportage.
2. Il est de notoriété publique genevoise que nombre de marchands de
combustibles, domiciliés dans les régions françaises limitrophes, s'ils
livrent souvent leur marchandise sur commande, n'hésitent cependant pas,
lorsque tel est leur intérêt, à faire aussi du colportage. En fait, la
distinction entre ces deux activités est plutôt difficile à faire. En
l'espèce, le Conseil d'Etat n'est pas en mesure d'établir après coup que les
recourants ont colporté leur marchandise.
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
1.- Bien qu'ils soient de nationalité française et tous domiciliés en France,
les recourants ont incontestablement qualité pour former un recours de droit
public basé sur l'art. 4 de la Constitution fédérale. Il est en effet de
jurisprudence constante que les étrangers, domiciliés à l'étranger, sont en
droit d'invoquer la garantie de l'art. 4, même en l'absence de tout traité de
droit public, pour attaquer des décisions cantonales consacrant à leur égard
des dénis de justice quant à la forme ou constituant des actes d'arbitraire
(cf. RO 41 I p. 148; 48 I p. 285).
Point n'est besoin d'examiner si les recourants ont en outre vocation pour se
plaindre d'une violation de l'art. 31

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Const. féd., en vertu du traité d'établissement franco-suisse de 1882, car
leur grief d'arbitraire est évidemment fondé.
2.- Ainsi que le Conseil d'Etat le reconnaît lui-même, l'arrêté du 21 juin
1926 n'est qu'une mesure d'exécution de la loi du 27 octobre 1923. Comme il se
réfère à l'art. 17 al. 2 de la loi, il ne peut viser les négociants en
combustibles établis hors du canton, et qui viennent y «vendre» leur
marchandise, que dans la mesure où ces négociants font du «colportage» dans le
canton de Genève. L'art. 5 chiffre 1 de la loi donne la définition suivante du
colportage: «...profession consistant à circuler de maison en maison ou de rue
en rue pour y vendre ou y offrir en vente des marchandises que le marchand
transporte avec lui et dont il fait livraison immédiate.» L'élément
caractéristique de cette activité réside donc dans le fait que le colporteur
circule dans l'intention de vendre ou de chercher à placer immédiatement sa
marchandise. Dès lors, ne constitue évidemment pas un colportage au sens de
l'art. 17 al. 2 de la loi, le simple fait pour un négociant établi hors du
canton de pénétrer sur le territoire genevois pour y livrer des marchandises
commandées et vendues d'avance, soit pour y exécuter un contrat de vente déjà
conclu.
En l'espèce, les recourants soutiennent précisément qu'ils sont venus à Genève
dans le seul but d'effectuer des livraisons de combustibles déjà vendus. A
l'appui de leurs dires, ils ont produit une série de commandes écrites qui
leur ont été adressées en France par des habitants de Genève. Invité à se
déterminer sur ces allégations de fait, le Conseil d'Etat a déclaré qu'il
n'était pas en mesure d'établir que les recourants aient colporté leurs
marchandises.
Cette déclaration tranche le litige. Il en résulte en effet que les autorités
genevoises ont exigé des recourants le paiement de taxes prévues pour le
colportage sans s'être assurées qu'elles avaient à faire à des colporteurs, et
qu'elles ont négligé de surveiller les faits et gestes de

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Favre et consorts sur le territoire genevois. Du moment qu'elles ne peuvent
prouver que ces marchands aient exercé l'activité visée par l'arrêté de 1926
et par les art. 5 et 17 al. 2 de la loi, elles ne sauraient, sans arbitraire,
maintenir l'application qu'elles ont faite de l'arrêté en question.
La circonstance que nombre de marchands de combustible, domiciliés en France,
font du colportage à Genève, et qu'il est difficile de contrôler lorsqu'ils
pénètrent dans le canton s'ils viennent y faire des livraisons en vertu de
commandes déjà passées ou du véritable colportage n'autorise certainement pas
les autorités à frapper indistinctement de taxes de colportage tous les
négociants étrangers qui amènent du combustible à Genève. En se basant de la
sorte sur une simple «présomption», les autorités courent précisément le
risque d'appliquer arbitrairement les dispositions de la loi à des personnes
qui ne sont pas visées par elle et de transformer d'une manière arbitraire la
taxe de colportage en un véritable droit d'entrée.
Le Conseil d'Etat ne saurait tirer argument en l'espèce du fait que les
recourants ont acquitté les taxes qui leur étaient réclamées par la
gendarmerie, et prétendre qu'ils auraient admis par là qu'elles étaient
justifiées. S'il est vrai qu'en cas de refus les recourants n'avaient pas à
craindre que leurs marchandises fussent séquestrées, il est certain toutefois
que la gendarmerie les eût empêché d'entrer à Genève et par conséquent
d'effectuer la livraison de leurs combustibles. S'ils ont préféré payer les
taxes pour pouvoir exécuter leurs obligations envers leurs clients de Genève,
ils ne peuvent évidemment pas être censés en avoir reconnu la légalité, ni
avoir renoncé à les répéter.
L'admission du présent recours emporte naturellement pour les autorités
genevoises l'obligation de restituer aux recourants les sommes arbitrairement
perçues.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et l'arrêté pris le 16 mars 1929 par le Conseil d'Etat de
Genève est annulé.
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 55 I 221
Date : 01. Januar 1929
Published : 04. Oktober 1929
Source : Bundesgericht
Status : 55 I 221
Subject area : BGE - Verfassungsrecht
Subject : Notion du «colportage» soumis par le droit genevois au paiement d'une patente. Le commerçant...


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55-I-221
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