BGE 54 II 192
38. Arrêt de la I re Section civile du 9 mai 1928 dans la cause Chablais
contre Guéron et consorts.
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Regeste:
L'art. 10 CCS n'a trait qu'à la preuve d'actes juridiques, il ne vise pas les
actes illicites.
L'art. 43
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 43 - 1 Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
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1 | Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
1bis | Lorsqu'un animal qui vit en milieu domestique et n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain, est blessé ou tué, le juge peut tenir compte dans une mesure appropriée de la valeur affective de l'animal pour son détenteur ou les proches de celui-ci.26 |
2 | Des dommages-intérêts ne peuvent être alloués sous forme de rente que si le débiteur est en même temps astreint à fournir des sûretés. |
concerne le dommage mais non en ce qui concerne Pacte dommageable.
A. - Au cours de l'année 1922, l'assemblé des chefs de famille de la commune
de Bouveret décida la construction d'une cure et nomma un comité.
Pendant les travaux, on utilisa à plusieurs reprises des explosifs, fournis à
titre gracieux par M. Bussien. Le 30 septembre 1923, Théophile Chablais, âgé
de 11 ans, manipula un détonateur qui fit explosion et lui arracha une partie
des doigts de la main gauche. L'enfant resta en traitement à l'Infirmerie de
Monthey pendant 41 jours. Il est affecté d'une incapacité partielle permanente
de 15%.
Abel Chablais, père de la victime de l'accident, prétendit que le détonateur
provenait de l'entreprise de la cure et qu'il avait été dérobé par Armand
Bozonet et Jean Baruchet, deux camarades du petit Théophile, dans l'église, où
un ouvrier en avait déposé un paquet. C'est Baruchet qui aurait remis l'engin
à Chablais alors que les trois enfants jouaient ensemble. S'étant adressé en
vain au Comité de construction pour obtenir la réparation du dommage causé à
son fils - on voulait bien faire un sacrifice pour adoucir quelque peu le sort
de la victime, mais non payer l'indemnité réclamée - Abel Chablais intenta
action, le 13 février 1924, contre Guéron, Bussien, Cachat et Baruchet,
président, vice-président, caissier et secrétaire du Comité, ainsi que contre
Forny et Bonvin, membres de l'association pour la construction du presbytère.
Le demandeur réclamait paiement de 10470 fr. 20 avec intérêts à 5% dès le 30
septembre
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1923, les défendeurs étant tenus solidairement de réparer le dommage.
Les défendeurs ont conclu à libération des fins de la demande.
B. - Le Tribunal cantonal du Valais, siégeant comme Cour civile, a rejeté la
demande et condamné le demandeur aux frais, par jugement du 17 janvier 1928,
motivé en résumé comme suit:
Les défendeurs ont qualité pour résister à l'action. François Curdy, l'un des
ouvriers, cacha dans l'église, la veille de l'accident, les détonateurs et les
cartouches qui lui restaient, mais il déclare avoir retrouvé après l'accident
son paquet intact et sans qu'un seul détonateur en ait été distrait. A défaut
de preuve ou d'indice contraire, le Tribunal accorde quelque crédit à cette
déclaration et la présume exacte. Le demandeur a échoué dans la preuve du
fait, par lui allégué, que le détonateur qui en explosant, a atteint le petit
Théophile est l'un des détonateurs cachés par Curdy. La victime elle-même n'a
pu fournir aucun renseignement sur la provenance de l'engin que Jean Baruchet
lui avait remis. Quant à l'audition des deux autres enfants, Baruchet et
Bozonet, elle n'a pu avoir lieu, car ils étaient âgés de moins de 12 ans et
l'art. 214 Cpc val. statue que seules les personnes âgées de 14 ans peuvent
déposer en justice. L'on ne saurait pas davantage entendre comme témoins le
sieur Imhof ni le gendarme Vaudan en tant qu'ils sont appelés à relater ce que
les deux enfants Baruchet et Bozonet leur ont dit. Il n'échet pas de suspendre
la cause jusqu'au moment où l'un ou l'autre des enfants aura atteint l'âge de
14 ans, car le procès doit être jugé avec célérité (art. 76 Cpc) et uniquement
sur la base des pièces du dossier. Ce serait interpréter d'une manière erronée
la loi que d'adopter le moyen de la suspension, proposé par le demandeur; on
rendrait illusoire l'art. 214 qui est d'ordre public. Il incombait au
demandeur d'examiner au moment où il a intenté
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l'action, s'il avait les preuves voulues pour établir la relation de causalité
entre l'accident et le dépôt de détonateurs dans l'église (art. 42
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur. |
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1 | La preuve du dommage incombe au demandeur. |
2 | Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. |
3 | Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25 |
lien n'étant pas établi, la demande doit être rejetée.
C. - Le demandeur a formé contre ce jugement un recours au Tribunal fédéral.
Il reprend ses conclusions définitives tendant au paiement de 10000 fr. avec
intérêts à 5% dès le 30 septembre 1923, de 208 fr. 75 pour frais médicaux et
de 500 fr. pour tort moral. Subsidiairement, il conclut à ce que le Tribunal
fédéral ordonne la suspension de la cause jusqu'à l'audition de Fernand
Bozonet, qui aurait lieu à la requête de la partie la plus diligente à partir
du 14 août 1928.
Les intimés ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement
attaqué.
Considérant en droit:
On peut laisser sans solution la question douteuse de savoir si tous les
défendeurs ou certains d'entre eux sont responsables des actes de l'ouvrier
Curdy, car la demande doit en tout cas être rejetée par le motif que
l'instance cantonale n'a pas considéré comme prouvée l'allégation du demandeur
suivant laquelle le détonateur dont l'explosion a blessé le petit Chablais
provenait du paquet caché par Curdy dans l'église. Cette appréciation des
preuves se rapporte a un fait matériel dont l'inexistence est ainsi constatée
d'une manière qui lie le Tribunal fédéral puisqu'on n'est en présence ni d'une
contrariété avec les pièces du dossier, ni d'une violation des dispositions du
droit fédéral régissant la preuve.
Le témoin Vaudan a, il est vrai, déclaré: «De suite après dîner j'ai fait une
enquête. Le fils Bozonet a d'abord nié... puis a reconnu devant le garde-pêche
Imhof qu'il avait pris des détonateurs dans l'église, sous l'escalier. Il a
spécifié qu'il y avait onze détonateurs, qu'il en avait pris deux sur les
onze.» Mais l'instance cantonale n'a pas retenu ce témoignage comme probant,
l'art. 214
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Cpc val. s'opposant à ce qu'il fût pris en considération. Cette décision,
basée sur le droit cantonal, échappe au contrôle du Tribunal fédéral. Elle est
donc définitive, à moins que la disposition invoquée ne soit elle-même
contraire au droit fédéral et que, par conséquent, son application n'implique
une violation de ce dernier droit. D'ou il suivrait que l'instance cantonale
devrait être invitée non seulement à apprécier la portée des déclarations du
témoin Vaudan, mais aussi à entendre les témoins Imhof, Bozonet et Baruchet,
l'offre de preuve du demandeur étant pertinente.
Toutefois, on ne saurait dire que l'art. 214 Cpc val. soit contraire à l'art.
10 CCS, à teneur duquel la loi cantonale ne peut faire dépendre de formes
spéciales la preuve «des droits et obligations dont la validité n'est
subordonnée à aucune forme par la législation fédérale». Le texte français de
l'art. 10 ne traduit pas, le mot «Rechtsgeschäft» du texte allemand, qui est
ainsi conçu: «Wo das Bundesrecht für die Gültigkeit eines Rechtsgeschäftes
keine besondere Form vorsieht, darf das kantonale Recht auch für die
Beweisbarkeit des Rechtsgeschäftes eine solche nicht vorschreiben», ce que la
version italienne rend fidèlement comme suit: «Se il diritto federale non fa
dipendere la validità di un negozio giuridico dall'osservanza di una forma
speciale, il diritto cantonale non può prescrivere una forma speciale neppure
per la prova del medesimo» (negozio). Il résulte de la comparaison de ces
textes que le législateur a voulu empêcher que le droit cantonal prescrive une
forme spéciale pour la preuve d'un «acte juridique» (Rechtsgeschäft, negozio
giuridico) lorsque le droit fédéral n'en subordonne la validité à aucune forme
particulière. Or, en l'espèce, il ne s'agit pas de la preuve d'un «acte
juridique», il s'agit de la responsabilité dérivant d'actes illicites.
On pourrait, en revanche, se demander si l'art. 214
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 214 - 1 Si la chose doit n'être livrée qu'après ou contre paiement du prix et que l'acheteur soit en demeure de payer, le vendeur peut se départir du contrat sans autre formalité. |
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1 | Si la chose doit n'être livrée qu'après ou contre paiement du prix et que l'acheteur soit en demeure de payer, le vendeur peut se départir du contrat sans autre formalité. |
2 | Il est néanmoins tenu, s'il veut faire usage de ce droit, d'aviser immédiatement l'acheteur. |
3 | Lorsque l'acheteur a été mis en possession de l'objet de la vente avant d'en avoir payé le prix, sa demeure n'autorise le vendeur à se départir du contrat et à répéter la chose que s'il s'en est expressément réservé le droit. |
l'encontre de l'art. 43
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 43 - 1 Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
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1 | Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
1bis | Lorsqu'un animal qui vit en milieu domestique et n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain, est blessé ou tué, le juge peut tenir compte dans une mesure appropriée de la valeur affective de l'animal pour son détenteur ou les proches de celui-ci.26 |
2 | Des dommages-intérêts ne peuvent être alloués sous forme de rente que si le débiteur est en même temps astreint à fournir des sûretés. |
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dernière disposition ne vise, il est vrai, expressément que la détermination
du mode et de l'étendue de la réparation ainsi que de la gravité de la faute,
et confère implicitement à cet égard toute liberté d'appréciation au juge.
Mais on serait tenté d'étendre ce pouvoir du juge à tous les éléments que
comporte la détermination de la responsabilité, et, partant, aussi à la
question de la cause du dommage, soit au rapport de causalité. En effet, on
doit reconnaître que, dans les procès en dommages-intérêts, seule la libre
investigation et la libre appréciation de toutes les circonstances permet au
juge de prononcer en pleine connaissance de cause et, partant, de rendre un
jugement à tous égards juste et équitable. Aussi bien la loi fédérale du 28
mars 1905 sur la responsabilité civile des entreprises de chemins de fer, etc.
(art. 20) et la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les installations
électriques (art. 38) prévoient, la première, que «le juge prononce librement,
sans être lié en matière de preuves, par les lois de procédure» et, la
seconde, que «le tribunal prononce sur les faits et sur le montant de
l'indemnité, en appréciant librement l'ensemble de la cause, sans être lié par
les règles des lois de procédure en matière de preuves». Mais du fait que,
dans ces lois spéciales, le législateur fédéral a pris soin de statuer
l'entière liberté appréciation du juge, tandis qu'à l'art. 43
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 43 - 1 Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
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1 | Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
1bis | Lorsqu'un animal qui vit en milieu domestique et n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain, est blessé ou tué, le juge peut tenir compte dans une mesure appropriée de la valeur affective de l'animal pour son détenteur ou les proches de celui-ci.26 |
2 | Des dommages-intérêts ne peuvent être alloués sous forme de rente que si le débiteur est en même temps astreint à fournir des sûretés. |
d'employer une formule aussi générale, il a spécifié l'objet de cette libre
appréciation (mode et étendue de la réparation, gravité de la faute), on doit
conclure que, dans le domaine de la responsabilité fondée sur le droit commun,
le législateur a voulu limiter quelque peu la liberté du juge. WEISS (Berufung
an das Bg in Zivilsachen, p. 262) arrivé à la même conclusion. Il estime que
l'art. 51 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 51 - 1 Lorsque plusieurs répondent du même dommage en vertu de causes différentes (acte illicite, contrat, loi), les dispositions légales concernant le recours de ceux qui ont causé ensemble un dommage s'appliquent par analogie. |
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1 | Lorsque plusieurs répondent du même dommage en vertu de causes différentes (acte illicite, contrat, loi), les dispositions légales concernant le recours de ceux qui ont causé ensemble un dommage s'appliquent par analogie. |
2 | Le dommage est, dans la règle, supporté en première ligne par celle des personnes responsables dont l'acte illicite l'a déterminé et, en dernier lieu, par celle qui, sans qu'il y ait faute de sa part ni obligation contractuelle, en est tenue aux termes de la loi. |
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 43 - 1 Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
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1 | Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
1bis | Lorsqu'un animal qui vit en milieu domestique et n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain, est blessé ou tué, le juge peut tenir compte dans une mesure appropriée de la valeur affective de l'animal pour son détenteur ou les proches de celui-ci.26 |
2 | Des dommages-intérêts ne peuvent être alloués sous forme de rente que si le débiteur est en même temps astreint à fournir des sûretés. |
principe de la libre appréciation des preuves seulement en ce qui concerne le
dommage et non en ce qui concerne l'acte dommageable. Et REICHEL (Commentaire
de
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l'OJF, note 3 sur art. 56 p. 59), qui range l'art. 51 al. 1, au nombre des
dispositions de procédure relatives à la preuve, n'attribue pas à cette
disposition une portée autre que celle qui ressort de ses termes mêmes. Le
Tribunal fédéral ne l'a pas fait non plus (RO 31 II P. 705).
Quant à la demande de suspension du procès, elle a été rejetée par le Tribunal
cantonal pour des motifs de procédure qui échappent au contrôle du Tribunal
fédéral.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours et confirme le jugement attaqué.