S. 220 / Nr. 31 Lotteriegesetz (f)

BGE 54 I 220

31. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 11 juin 1928 dans la cause Schmitt
et Peyer.

Regeste:
prohibition des loteries. Eléments constitutifs de la loterie.

Willy Schmitt et Pierre Peyer ont lancé, en novembre 1927, un journal
intitulé: «Le Guide de l'acheteur et du consommateur, organe fribourgeois
d'informations commerciales et de publicité, distribué gratuitement dans les
ménages du canton. Le journal paraît à Romont

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tous les quinze jours. Pas d'abonnement. En payant 1 fr. vous recevrez le
journal à votre adresse personnelle.»
Le premier numéro contenait l'avis suivant: «Nous offrons gratuitement à nos
lecteurs à chaque parution du journal, trois bons-primes, soit d'une valeur de
30, 15 ou 5 fr., de la façon suivante: Il est procédé à un double tirage au
sort entre les lecteurs et les commerçants ayant fait insérer une
annonce-réclame. Exemple: chaque exemplaire du journal porte un numéro
différent. La personne possédant le numéro du journal sorti au sort, soit, par
exemple, le No 1196, peut retirer à l'administration, en présentant le journal
portant ce numéro, un bon-prime d'une valeur de 30, 15 ou 5 fr., à échanger en
marchandises chez le commerçant dont l'annonce est également sortie au sort,
soit, par exemple, l'annonce No 73. Un délai de huit jours est accordé pour
retirer ces primes. L'attribution des bons-primes se fait en présence d'une
personne officielle.» - Le Guide de l'acheteur annonçait un tirage de 8000
exemplaires. Le prix de ses annonces était fixé à 50 ct. la ligne.
La Chambre de commerce de Fribourg a signalé cette annonce à la Direction
cantonale de la Police. Sur rapport de la gendarmerie, Willy Schmitt et Pierre
Peyer, éditeurs responsables du journal, ont, dès lors, été traduits devant la
justice pénale, pour contravention à la loi fédérale du 8 juin 1923 sur les
loteries et les paris professionnels. Par jugement du 16 avril 1928, le
Tribunal correctionnel de la Glâne les a condamnés à la peine de 10 fr.
d'amende chacun, et aux frais. Le Tribunal considère, en résumé, ce qui suit:
Les éléments constitutifs de la loterie, telle que la définit l'article 1er de
la loi fédérale, sont: la mise (versement ou contrat), la chance d'un gain et
le tirage au hasard du sort. Le premier de ces éléments fait défaut, en ce qui
concerne l'une des catégories de personnes sollicitées, soit les lecteurs. Il
n'y a, en effet, de la part de ceux-ci, ni versement ni conclusion d'un
contrat,

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puisque le journal est distribué à titre gratuit et qu'il n'existe pas
d'abonnement; le franc versé pour recevoir les numéros à domicile ne saurait
être considéré comme tel.
Par contre, le Tribunal déclare qu'il y a bel et bien loterie à l'égard des
commerçants: a) La mise de fonds se trouve combinée avec le prix de l'annonce,
qui est majorée en conséquence. Comparé au tarif des feuilles locales et
d'autres journaux, celui de 50 ct. la ligne est, en effet, anormal pour un
petit organe, présentement dépourvu de toute renommée. Car la Feuille
fribourgeoise, à Romont, et l'Indicateur de la Veveyse, à Châtel-St-Denis,
demandent 15 ct. la ligne, la Liberté, de Fribourg, et le Fribourgeois, de
Bulle, 20 ct. pour le canton, la Tribune de Lausanne, 35 ct. b) La chance de
gain réside dans l'acquisition de nouveaux clients, d'autant plus que ceux-ci
sont attirés par la perspective d'un achat gratuit. Le gain consiste également
dans la possibilité que le possesseur du numéro gagnant omette de retirer son
lot, auquel cas le commerçant touche le prix de la marchandise sans avoir à la
livrer. c) Quant au rôle du hasard, il n'est point contesté.
Willy Schmitt et Pierre Peyer ont recouru en temps utile au Tribunal fédéral
contre ce jugement, dont ils demandent l'annulation, comme contraire à la loi
fédérale. Le Ministère public du canton de Fribourg a proposé le rejet du
pourvoi.
Considérant en droit:
1.- Les recourants s'attachent à démontrer que les négociants paient un prix
normal pour les annonces du Guide, et qu'ils ne fournissent, dès lors, pas de
véritable mise en échange du bon qui pourrait leur échoir.
Cette thèse se heurte aux constatations de fait du jugement attaqué, lequel
mentionne le barème, très inférieur, des feuilles locales fribourgeoises.
C'est à de tels périodiques, qui s'adressent aux mêmes cercles

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de lecteurs que le Guide, et non au tarif intercantonal des grands quotidiens
suisses, que peut seul être comparé utilement celui de Schmitt et Peyer. Or le
chiffre du tirage annoncé, chiffre qui n'emporte pas, - on le sait, -
présomption de vérité, et la perspective, nullement établie, d'ailleurs, d'une
plus grande diffusion du journal, ne sauraient, à eux seuls, déterminer les
négociants à payer les annonces 100% plus cher que dans les journaux de même
importance. La marge, très considérable, existant entre les prix du Guide et
ceux de la concurrence, ne se justifie, dès lors, que par la chance de gain
attachée à toute commande d'une annonce, chance que le commerçant paie en sus
du coût de l'insertion. Le bénéfice supplémentaire, obtenu de cette façon par
les éditeurs, est affecté, en partie tout au moins, à l'achat des bons. Il est
clair, en effet, que, si le prix de 50 ct. la ligne était normal, les
recourants devraient prélever la valeur des primes sur leurs bénéfices
ordinaires, ce qui n'a rien de vraisemblable. L'administration du journal
avance qu'en fait les annonces sont reçues pour un prix inférieur à 50 ct. Le
Tribunal fédéral ne saurait, toutefois, s'arrêter à cette allégation, qui
n'est appuyée d'aucune preuve.
2.- Les recourants font valoir, en outre, que la chance de gain offerte aux
souscripteurs d'annonces est minime et que, pour ce motif également,
l'opération ne peut être assimilée à une loterie. Sans doute, le bénéfice
procure au commerçant n'est pas considérable. Il n'en existe pas moins.
Conditionné par l'apport d'une mise et déterminé par le hasard, il suffit pour
donner au système le caractère d'une loterie prohibée. Comme le Tribunal
fédéral l'a déjà considéré (RO 52 I p. 67), la loi fédérale ne fait aucune
distinction selon l'étendue du risque ou l'importance du gain que comporte une
combinaison, si cette dernière présente, par ailleurs, les caractères d'une
loterie. Il serait, en effet, impossible, pratiquement, de déterminer jusqu'à
quel point les

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opérations de ce genre doivent être tolérées. Les travaux législatifs
montrent, au contraire, que l'on a cherché à atteindre n'importe quelle forme
de loterie. Au surplus, la chance de gain ne réside pas seulement, en
l'espèce, dans l'occasion d'effectuer une vente de 30, 15 ou 5 fr., mais
encore dans la perspective intéressante de bénéficier de la négligence des
lecteurs et de recevoir, par conséquent, dans certains cas, le prix du bon
sans avoir à livrer de marchandise.
On ne saurait, enfin, établir de rapprochement entre le bénéfice éventuel
promis aux souscripteurs d'annonces dans le Guide, et les rabais, ristournes
ou primes accordées par certains commerces à leurs clients. Il existe, en
effet, entre ces deux genres de combinaisons une différence essentielle: les
avantages concédés, notamment par les grands magasins, ne dépendent pas du
hasard; il suffit, pour les obtenir, d'effectuer des achats pour un certain
montant. L'allocation d'un rabais ou d'une ristourne de ce genre dépend, par
conséquent, d'une condition purement potestative, et elle échappe, pour ce
motif, aux restrictions qui frappent les opérations aléatoires telles que le
système de bons-primes imagine par les recourants.
La Cour de cassation pénale prononce: Le recours est rejeté.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 54 I 220
Date : 01. Januar 1927
Publié : 11. Juli 1928
Source : Bundesgericht
Statut : 54 I 220
Domaine : BGE - Strafrecht und Strafvollzug
Objet : prohibition des loteries. Eléments constitutifs de la loterie.


Répertoire ATF
54-I-220
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
loterie • tribunal fédéral • abonnement • cour de cassation pénale • acheteur • décision • tirage au sort • communication • réduction • membre d'une communauté religieuse • caractère onéreux • fribourg • calcul • spectateur • fausse indication • publicité • vente • intercantonal • prohibition des loteries • constatation des faits • chambre de commerce • mention • quant • lausanne • doute
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