I. FAMILIENRECHTDROIT DE LA FAMILLE

33. Etta-ail; da l'ai-ret de la II° Section civile dv. 23 juin 1927 dans
la cause G. contre dame D.

Effets accessoires du divorce. En attribuant à l'un des exépoux la
puissance pata-nelle sur les enfants issus du mariage, le juge dn divorce
est competent pour Ordonner le placement des mineurs dans une famille
ou dans un ètablissement, si les faits révélés par le proeès justifient
l'application de l'art. 284 CCS. Mesures commandées par les faits nouveaux
(en l'espèce, le remariage de l'un des ex-époux}.

Re'sume' des faiis :

Par jugement du 14 décembre 1922, le Tribunal civil du district de
Lausanne 3 prononcé le divorce des époux (I.-D. et attribué à dame
D. l'exercice de la puissance paternelle sur l'enfant Josanne C.

Stam-ant le 27 juillet 1923 par voie de mesures provisionnelles à
l'instance de C., le Président du Tribunal a confié à celui-ci la
garde de l'enfant, à la condition de la placer, à ses frais, dans un
pensionnat de Lausanne ou des environs immédiats, agréé par le magistrat.
Le pronunce constate, notamment, ce qui suit: Les faits nouveaux
de nature àsi entraîner une modification du jugement de divorce sont
l'accentuation de la nervosité de l'enfant et l'aggravation de celle de
la mère. L'état de dame D. paraît, en effet, l'empècher d'avoir, pour
sa fille, les égards et l'affection que l'on est en droit (l'attendre
d'une mère. Les circonstances rendent donc impossible la continuati-rm
de la vie commune de la mère et de l'enfant. I} ne saurait, toutefois,
etre question d'attribuer sans autre la fille'tte à son pere, celui-ei
n'étant point ken simesure de s'occuper personnellement

Lean 1925 ' ss si kn-

190 Familienrecht. N° 33. de l'enfant. Il ne convient meme pas de lui
laisser le

libre choix de la personne a qui elle sera confiée. En effet, une
influence exclusive du pere ne paraît point désirable. '

Le 28 septemhre 1923, les 'parties ont eonclu, sous

l'autorité du President; une convention tenant lieu de jugement,
convention qui donne a C. l'exercice de la puissanoepaternelless et
stipule que l'enfant restera au pensionnat Lecoultre, à Lausanne.
ss En date du 181 avril 1926, C. a, derechef, ouvert action et requis
la levée des réserves mises à ses droits de père. Dame D. a conclu,
reconventionnellement, à ce que la puissance paternelle lui soit à
nouveau attribuée.

Dans le prononcé dont est reeours, rendu le 21 février 1927, le Tribunal
du district de Lausanne oonsidère qu'il n'existe aucun motif d'enlever la
puissance paternelle à C., pour la rendre à dame D. Il pa'rai't, en effet,
suffisamment prouvé par les experiences passées et la présente instruction
quela défenderesse ne posséde pas la capacité materielle, l'attention,
le dévouement et les aptitudes morales nécessaires pour mener à bien,
sans contröle, l'éducation et l'instruction de sa fille. Au point de
vue purernent physique, meme, il est certain que l'enfant a vu son état
nerveux s'améliorer sensiblement dès qu'elle n'a plus habité avec sa mère.
C. a, d'ailleurs, témoigné, depuis plus de trois ans, qu'il est absolument
digne et capable d'exercer la puissance paternelle. Le fait qu'il s'est
remarié n'a, jusqu'ici, porte aucun préjudice aux intérèts matèriels et
moraux de la petite Josanne ; celle ci paraît, au contraire, avoir trouvé
chez sa belle mère affection et bons soins. Néanmoins, le Tribunal ne
peut se résoudre à confier sans restriction l'enfaut à son pére. En
effet, celle-'ci est devenue la confidente de l'hostilité violente
dont les deux ex époux sont restés animes l'un à l'égard de l'autre,
hostisilité qui les pousse, par leurs propos etFamilienrecht; N° 33. 191

leurs appréciatiòns réciproques, à se ruiner mutuellement dans l'esprit
et le coeur de leur fille. Il serait, dès lors, à craindre que, vivant
en contact permanent avec le demandeur, celui-ci n'arrive, consciemment
ou non, à la dètacher totalement de sa mère, qui deviendrait alors,
pour elle aussi, un objet de haine. Le Tribunal declare donc qu'il ne
voit pratiquement pas d'autre solution que le maintien du régime actuel,
si boiteux qu'il soit et quelque défavorahle qu'il puisse paraître pour
l'éducation et la formation du caractère de l'enfant. Par ces motifs,
il a confirmé le demandeur dans l'exercice de la puissance paternelle sur
l'enfant Josanne, mais sous réserve que celle-ci soit laissée .ou placée
dans un pensionuat agree du Président du Tribunal. Le jugement fixe la
contribution de la défenderesse aux frais d'entretien et d'èducationss
del'enfant, règle les modalités du droit de visite de la mère, écarte
toutes autres conelusions et compense les dépens.

Emile C. a recouru en reforme au Tribunal fédéral, en concluant à la
suppression de la réserve mise par l'instance cantonale à l'exercice
dela puissance paternelle.

' Conside'rant en droit :

2. En cas de divorce ou de séparation de corps dit l'art. 156 CCS le
juge prend les mesures necessaires quant à l'organisation ( Gestaltung )
de la puissance paternelle et aux relations personnelles entre parents
et enfants.

Ne pouvant remettre le mineur en commun aux deux ex époux, le juge
est contraint de décider a qui sera confié l'exercice de l'autorità
paternelle, l'attribution de celle-ci à l'un des conjoints entrainant,
ipso facto, la déchéance des droits que possédait, jusqu'alors, l'autre
partie (RD 40. II. p. 315; 47. II. p. 38213). Bien plus, le juge a,
exceptionnellement, la faculté de ne remettre l'enfant, ni'à l'un ni à
l'autre des parents et de priver, par conséquent, ceux-ciside la puissance

192 Familienrecht. N° 33.

paternelle, lorsque les faits révéiès par l'instruction sont tels qu'en
l'ahsence de divorce, l'autorità competente aurait nécessairement
dù décheoir les deux époux de leurs droits (RO 40. II. p. 315 ;
47. II. p. 382; 48. II. p. 305). Sans doute, pour que la déchéance de
la puissance paternelle soit applicable, il faut, dans la règle, que la
procédure de l'art. 285 CCS ait été suivie, et cela devant une autorité
qui, suivant les cantons, peut etre autre que celle du divorce. La
jurisprudence federale n'en a pas moins décidé que, si les Conditions de
fond de l'art. 285 sont manifestement remplies, le tribunal a le droit de
retirer lui-meme aux deux époux leurs prérogatives et de confier l'enfant
aux soins de l'autorité tutélaire. Le juge'du divorce a, en effet, pour
mission d'adapter le régime nouveau aux circonstances et de fixer, dans
leurs details, les modalités d'exercice de l'autorité paternelle. Vu les
termes très généraux de l'art. 156 CCS, le juge peut donc, non seulement
priver l'un des Parents de ses attributions et confier celles-ci à
l'autre, mais aussi déolarer les deux parties déchues de leurs droits ou
se contenter de prendre, dans le cadre du droit matériel, toutes autres
mesures qu'il estime justifiées (cf. RO 40 II p. 316 ; 48 II p. 306).

Or, l'une de ces mesures consiste à retirer simplement la garde de
l'enfant a l'époux investi de la puissance paternelle et à placer le
mineur dans une famille ou dans un etablissement (art. 284 ccs). Visant
en premier lieu le cas, normal et usuel, de parents non divorcés,
le législateur a donné, en principe, cette competence à l'autorité
tutélaire. Lorsqu'il pronunce le divorce des parents, le tribuna] n'est,
toutefois, point tenn de renvoyer, sur ce point, la cause à l'autorité
tutélaire, s'il estime le placement de l'enfant indiqué. Pour les motifs
retenus, déjà, à l'égard de l'art. 285, on doit, bien plutòt, admettre
qu'en cas de divorce, le droit de faire usage de l'art. 284 passe à
l'autorité judiciaire, par attraction de competence. Si cette faculté
ne lui était pas reconnue,

Familienrecht. si N° 33. 393

le juge pourrait se trouver contraint, seit de conférer sans réserve la
puissance paterneile à l'époux le moins disqualifié à cet effet (alors
mème que les circonstances justîfieraient l'application de l'art. 284),
soit (le déclarer cet époux déchu de tous ses droits, quelque rigoureuse
et excessive que cette mesure pùt paraître. Obliger, d'autre part, le
tribuna] a se dessaisir en faveur de l'autorité tutélaire, présenterait
de non moins sérieux inconvénients pratiques : l'autorité tutéiaire se
verrait forcée d'instruire à nouveaux frais une question déjà débattue,
durant des mois peut etre, au cours d'une procédure contradictoire,
souvent très approfondie. La solution la plus simple (puisqu'aussi bien
l'art. 156 l'autorise) consiste, dès lors, à reconnaître au juge du
divorce le droit de prendre les mesures visées à l'art. 284, lorsqu'elles
lui apparaissent justifiées en fait.

3. La competence de l'autorité judiciaire, dans ce domaine, étant ainsi
reconnue, il reste à examiner l'usage qu'en a fait, dans la présente
cause, ie Tribunal du district de Lausanne.

Le recours n'est pas dirige contre le jugement seit contre l'homologation
de la convention qui a ordonné a C. de placer sa fille dans un pensionnat,
mais bien contre le refus du Tribuna] de modifier ces dispositions.

L'art. 157 CCS prescrit qu'à la requète de l'autorité tutélaire ou de
l'un des parents, le juge prend les mesures commandées par des faits
nouveaux, tels que le mariage, le départ, la mort du pére ou de la
mère. Le magistrat charge d'appliquer cet article n'a, par consequent,
point à se demander comment le premier juge aurait décide', dans les
circonstances présentes. Il doit examiner lui-meme le cas concret
et apprécier personneilement si des faiis nouveaux nécessitent une
modification du jugement en vigueur (cf. R0 38 II p. 38 i. f.).

Le seul fait vraiment nouveau est le remariage du demandeur. Bien que
le législateur ait, selon toute vraisemblance, visé principalement,
à l'art. 157, le cas de

194 Familienrecht. N°: 33.

l'ex-époux déjà investi de la puissance paternelle, qui contracte une
seconde union, et quele *remariage soit, ' dès lors, plutòt considéré par
le code comme une cause de retrait que comme un motif d'attribution de
la puissance paternelle, on ne sauraît exclure & priori le droit pour
l'un des èpoux de demander l'attribution de la puissance paternelle
en se prevalant du fait qu'il a fonde un nouveau foyer. Aussi bien,
le Tribunal fédéral ne s'est-il point refusé à entrer en matière sur
de telles demandes (cf. RO 43 II p. 476 ei: suiv. ; 48 II p. 305 et
suiv.). Mais il a toujours, et à juste titre, manifesté la plus grande
réserVe à cet égard.

Il est vrai que, dans les espèces précédentes, la question était de
savoir si l'enfant serait enlevé à l'un des ex conjoints pour etre confié
à l'autre. Or l'attribution de la puissance paternelle n'est plus en
cause aujourd'hui. Il s'agit uniquement de rechercher si le fait que le
demandeur a convolé en seoondes noces devait engager le juge à renoncer,
pour l'avenir, à l'application de l'art. 284 CCS.

Aux termes de cet article, l'autorità tutélaire peut ordonner le
placement du mineur, en particulier lorsque son développement physique
ou intellectuel est compromis. Cette solution s'impose, également, dans
le cas où l'attribution pure et Simple de la puissance paternelle à l'un
des ex époux risquerait de porter atteinte au développement des facultés
murales de l'enfant. Or, declare le Tribunal de distn'ct, si la jeune
Josanne était confiée sans restriction à son pere, il serait à craindre
vu l'animosité violente des parties l'une pour l'autre que, consciemment
ou inconsciemment, le demandeur n'arrive à dètacher totalement la fillette
de sa mère et à lui faire prendre celle-ci en haine. Cette opinion, basée
sur des constatations de fait formelles et aujourd'hui inattaquables,
ne saurait ètre contredite. Elle suffit à commander le maintien du régime
actuel, si défavorable qu'il puisse paraître à d'autreségards.

Familienrecht. N° 33. ' 195

L'intérèt de l'enfant, qui doit etre considéré en première ligne
(R0 38 II p. 37; 43 II p. 476; 48. II. p. 305) exige, en effet, que
l'äme de eelui-cj ne seit point empoisonnée par le relent des disputes
conjugales et qu 'il garde intact le respect du par tout etre à l'auteur
de ses jours.

Mais il y a plus. L'épouse actuelle du demandeur n'est point étrangère
aux discussions qui ont déchiré les époux C. et qui les divisent
encore. Elle a, au contraire, joue un role regrettable dans cette
affaire, dont la responsahilité lui incombe, pour partie. Sans doute,
le jugement de divorce, du 14 décembre 1922 (qui fait partie integrante
de la décision attaquée) n'a pas constaté que Dlle Laure G. ait commis
adultère charnel avec Emile C. Sans doute aussi, dame D. s'était elle
rendue coupable, à l'époque, de fautes pour le moins égales à celles
de Son époux. La femme actuelle de C. n'en a pas moins été, en fait,
la rivale de la défenderesse. Mèlée, dès le début, à la crise du ménage,
elle a constitué, objectivement parlant, une des causes de la désunion
et, par voie de conséquence, des difficultés qui ont suivi ainsi que du
présent procès. L'intérèt de la mère, dont on peut également tenir compte,
en seconde ligne (RD 38 II p. 37 cons. 4), s'accorde donc, en l'espèce,
avec le souei de l'avenir de l'enfant. Cette double consideration doit,
partant, engager le juge à ne point confier la mineure exclusivement à
son père et à sa helle-mère. Il y 3 lieu, en revanche, de préciser que,
s'il s'élevait, dans l'avenir, des eontestations sur le Choix de la
famille ou de l'institut dans lequel la jeune Josanne doit etre plaeée,
les parties, ou l'une d'elles, auraient la faculté de saisir l'autorité
tutélaire et de lui faire trancher le différend.

Le Tribunal fédéral pronunce. ·

Le recours est rejeté, dans le sens des eonsiderants qui précèdent.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 53 II 189
Date : 23 juin 1927
Publié : 31 décembre 1927
Source : Tribunal fédéral
Statut : 53 II 189
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : I. FAMILIENRECHTDROIT DE LA FAMILLE 33. Etta-ail; da l'ai-ret de la II° Section


Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
autorité tutélaire • lausanne • vue • tennis • tribunal fédéral • remariage • doute • autorité judiciaire • examinateur • physique • jugement de divorce • enfant • relations personnelles • effet • décision • matériau • membre d'une communauté religieuse • autorisation ou approbation • augmentation • droit de garde
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