54 Staatsreent.

des instances, des jugements contradictoires avaient été rendus. Rien de
semblable ne se rencontre en l'espèce ; le demandeur le reconnaît. L'arrét
Meister (RO 52 I p. 136 et suiv. ) insiste, du reste, sur le caractère
tout à fait exceptionnel de la solution adoptée dans l'affaire
Walther contre Frey et dit que de simples inconvénients de procédure
-conséquence fatale de la division de cause ne saurait l'emporter sur
le principe du for du domicile. Ce ne sont d'ailleurs pas de semblabies
difficultés procédurales qu'invoque le demandeur pour échapper à la
règle de l'art. 59 Const. feci., mais bien le risque que le jugement
vaudois, d'une part, et celui du Tessin, d'autre part, pourraient ne pas
concorder dans l'appréciation des faits du litige, en particulier des
fautes respectives de Panchaud et du recourant, de leur gravité et de
leur influence attenuante l'éeiproque. Cette possibilitè de jugements
contradictoires existe, certes. Elle se prèsente toutes les fois que
deux ou plusieurs juges différents sont appelés à connaître de litiges
identiques ou analogues. Et comme cette Situation peut résulter de
la garantie du for du domicile des que plusieurs codébiteurs sont en
cause, il s'agit d'un risque inhéreut à l'application meme du principe
constitutionnel, et devant ce risque l'on doit s'incliner. C'est de cette
éventualité, sous la forme Speciale qu'elle revèt dans le present litige,
que le demande-ur fait état et pas d'autre chose; s'agissant d'apprecier
les fautes prétefidues de Panchaud et du recourant, il se peut que les
opinions des juges des deux cantons divergent. Cet inconvénient, si tant
est qu'il se présente, force est donc de l'acoepter comme la conséquenee
d'un principe d'ordre supérieur, et il ne faut du reste pas en exagérer
l'importanoe en l'espèce, car les deux prononcés seront susceptibles de
recours en reforme au Tribunal fédéral qui, lui, réalisera la concordance
des jugements quant à l'appréciation juridique des fautes respectives des
défendeurs, concordance à laquelle les juges des deux cantons n'auraient
pu arriver. Il serait

z ecis-

Gerichtsstand. N° 9. 55

peut-etre opportun que l'un des tribunaux, celui du Tessin de preference,
suspendît son jugement jusqu'à chose connue par la Cour civile vaudoise,
qui est plus près du lieu de l'aceident.

Le Tribunal fédéral prononce :

Le recours est admis et la Cour civile vaudoise est déclarèe incompetente
pour connaître du litige pendant entre le recourant et Alfred Aubert.

9. Arrèt du 1er avril 1927, dans la cause Moré contre Moré.

Art. 145 CCS. Toute autorité judiciaire saisie d'une demande en divorce
a qualité pour prendre les mesures provisoires de l'art. 145 CCS, à moins
que son incompétenee ne résulte d'emblée des éléments dont elle dispose.

Le 8 juillet 1926, dame Joséphine Moré Gattabin & ouvert, devant le
Tribunal du district de Neuchatel, une action en divorce contre son mari
Arthur-Edouard More, domicilié à Genève. Par requète du 23 juin 1926,
confirmée le 9 juillet 1926, elle a sollicité du juge neuchàtelois les
mesures provisoires prévues à l'art. 145 CCS.

Dans son ordonnance, du 16 juillet 1926, le Prèsident relève que le
défendeur a contesté la competence du Tribunal de Neuchatel, mais que
le déclinatoire ne met point obstacle à ce qu'il soit entre en matière
sur la demande. En conséquence, le President a autorisé la requerante à
avoir un domicile distinct et à résider à Neuchatel. Il 3, d'autre part,
astreint Edouard More à verser à sa femme, dès le 9 juillet 1926, une
pension de 500 fr. par mois, payable d'avance. La demande de dame More,
tendant à ce que le défendeur fasse l'avance des frais de procédure, a,
par contre, été repoussée.

Edouard Moré a recouru en cassation, déclarant etre dans l'impossibilité
de servir une pension aussi élevée

56 Staatsrecht.

à sa femme et ajoutant que celle ci n'en a, au surplus, pas besoin. Par
arrèt du 13 septembre 1926, la Cour de cassation civile du Canton de
Neuchatel a rejete le pourvoi.

Agissant à la regnete de dame More, l'Office des poursuites de Genève a
notifié, le 7 octobre 1926, au débiteur un commandement de payer N° 29
219, pour 1500 fr. (montant de trois mensualités) et pour une somme de 20
fr., le tout avec intéréts à 5 % dès l'introductien de la poursuite. Moré
a fait opposition. Par sentence du 8 novembre 1926, le Tribunal de Genève
a refusé, en l'état, d'accorder la main-levée. Le Tribunal considère ce
qui suit :

L'autorité qualifiée pour ordonner des mesures provisoires est, en cas
de divoree, l'instance saisie de la demande au fond (art. 145 CCS). Le
Président du Tribunal de Neuchatel, dont la vacation était contestée, ne
pouvait donc statuer sur Ia requète en mesures provisionnelles qu'après
avoir examiné sa competence ratione loci. Or il n'en a rien fait,
le declinatoire n'empéchant pas, à son avis, d'accorder une pension à
dame More pour la période litispendentielle. La requérente doit, par
conséquent, etre dèhoutée, mais en l'état seulement. Elle pourra agir
à nouveau, si le Tribunal de Neuchatel vient à admettre saeompétence
au fond.

Ce prononcè a été maintenu par arrét de la Cour de Justice civile, du
26 novembre 1926, motivé comme suit : Le déhiteur qui a fait opposition
peut contester la compétence du magistrat dont èmane la decision invoquée
(art. 81 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
3    Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162
LP). II appartient, dans ce cas, au juge de la poursuite
d'examiner sic-ee magistrat avait qualité pour statuer. Or l'action
en divorce doit etre ouverte au domicile de la partie demanderesse
(art. 144 CCS). Seule, l'autorité de ce domieile a vacation pour ordonner
des mesures provisionnelies. Le Tribunal du district de Neuchätel ne
pouvait, en conséquence, etre saisi valahlement par dame More que si
cette dernière était, à l'époque,.... wm ___" _.

Gerichtsstand. N° e. 57 ' '

domicilièe dans le ressort. En principe, les deux époux avaient leur
domicile à Genève (art. 25 CCS). Quant au changement de demeure prévu
par l'art. 145 et par l'art. 170 al. 2 CCS, il ne saurait étre pris en
considération, puisqu'il ne s'effeetue qu'après l'ouverture du procès.
Enfin, dame More n'allègue point que, lors du dépòt de la demande, elle
ent des motiss sérieux et objectifs de se constituer un domicile séparé
(art. 170 al. 1 CCS). Elle ne justifie done pas de la competence du juge
neuchàtelois pour ordonner, en l'espèce, des mesures provisionnelles.

Le 20 décembre 1926, soit postérieurement à l'arrèt de la Cour de
Justice civile de Genève, le Tribunal du district de Neuchatel a
écarté le dèclinatoire et admis sa competence pour instruire et juger
la cause en divorce Moré-Gattabin. Le Tribunal considère, en resume,
que la demanderesse s'est créée, déjà en 1925, un domicile personnel
à Genève et qu'elle & valablement transfer-é ce domicile à Neuchatel,
avant i'introduction du procès.

Enfin, par ordennance du 31 janvier 1927, le Président du Tribunal
de Neuchätel a modifié, sur la base de nouveaux renseignements, son
prononcé du 16 juillet 1926 et réduit à 50 fr. la pension mensuelle due
par le defen(leur.

En temps utile, dame More a conclu, par la voie du recours de droit
public, à la mise à néant de l'arrèt de la Cour de Justice de Genève,
du 26 novembre 1926, pour violation des art. 4 et 61 Const. fed. L'intimé
à conclu au rejet du recours.

Conside'rant en droit :

1. Confirmée par l'arrèt de la Cour de cassation civile neuchäteloise,
I'ordonnance de mesnres provisoires du Président du Tribunal de Neuchatel
constitue un jugement civil définitif exécutoire dans toute la Suisse,
comme le prescrit l'art. 61
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 61 - En cas de maladie grave du débiteur, le préposé peut suspendre la poursuite pendant un temps déterminé.
Const. feci., article qui, pour le domaine
de la poursnite, a trouve son application dans l'art. 81 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
3    Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162
LP. Devant
l'autorité de main--

58 Staatsrecht.

levée d'un autre canton, le débiteur a, néanmoins, le droit de discuter
la competence du magistrat qui a rendu le jugement invoque. Ce droit ne
saurait etre limite, contrairement à ce que croit la recourante, au seul
cas où ledit magistrat aurait omis d'examiner sa vacation. L'instance de
main-levée a, au contraire, la faculté et meme le devoir de rechercher,
à la demande du débiteur, si la sentence dont il est fait état émane
bien du juge competent (BO 15 p. 137 ; BURCKHARDT, Comment-, p. 595 et
suiv.). C'est, des lors, avec raison que la Cour de Justice de Genève a
examine la competence des autorités neuchàteloises pour prendre à l'égard
des époux Moré-Gattabin les mesures provisoires de l'art. 145 CCS. Sa
décision peut, toutefois, etre revue librement par le Tribunal fédéral. Il
s'agit, en effet, de l'application d'une disposition federale en matière
de for (art. 189 al. 3 OJF; BO 40 Ip. 423; 41 lp. 104; 42 I p. 94,144,
152; 49 I p. 385). Et, d'autre part, un refus non justifie de main levée
constituerait une violation du principe de l'art. öl Const. fed. combine
avec l'art. 81 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
3    Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162
LP (RD 41 I p. 121 et arréts Cites). Il y a done
lieu d'entrer sans réserve en matière sur le recours.

2. L'art. 145 CCS dispose ce qui suit : Le juge prend, après
l'introduction de la demande, les mesures provisoires nécessaires,
notamment en ce qui concerne la demeure et l'entretien de la femme,
les intérèts pécuniaires des époux et la garde des enfants.

Le present recours soulève la question de savoir si le juge competent
à cet effet est celui-là seul qui peut valablement statuer sur l'action
en divoroe ou en séparation de corps.

Du texte de l'art. 145, il résulte, dans tous les cas, que, seul le
Tribunal saisi effectivement de l'action au fond (éventuellement le
Präsident ou un membre de ce tribunal) a qualité pour ordonner les mesures
provisionnelles requises par l'une ou l'autre des parties. Ratione
materiae tout au moins, cette competence s'identifie donc avec la
competence au fond.Gerichtsstand. N° 9. 59

Alors que la loi fédéralesisur l'état civil et le mariage, du 24 décembre
1874, était encore en vigueur, le Tribunal

federal avait admis que, ratione loci également, les deci-

sions concernant la demeure de la femme, son entretien et celui des
enfants pendant la litispendance, rentraient dans les attributions
exclusives de l'autorité chargée de prononcer sur la demande en divorce
(RO 8 p. 738; 32 II p. 434). ss

Sous le régime du CCS, le Tribunal federal n'a pas encore tranche
la question de savoir si le juge competent pour prononcer le divorce
peut seul rendre des décisions basées sur l'art. 145. Les autorités
cantonales et les auteurs sont divisés sur cette question : Pour
la competence exclusive du juge au fond, voir: Zurich, Obergericht,
19 juin 1915, Blatter für zürcherische Rechtssprechung, t. XV N0 203;
Argovie, Obergericht, Schw. Juristen Zeitung, t. XII p. 234 N° 190; Gmiir,
Comment, 2e éd. art. 145 note 10, contra : Zurich, Obergericht, 30 aoùt
'1913, Blatter für züreh. Rechtssprech. t. XIV N°5 in fine,Thurgovie,
Obergericht, Schw. Juristen-Zeitung t. XI p. 83 ; Vaud, Tribunal cantonal,
ibid. t. XII, p. 374 et t. XVIII p. 90; cf. CPC vaudois, art. 403:
Les mesures provisoires sont ordonnées par le président du Tribunal
saisi de l'action , et art. 50 : Les mesures provisionnelles peuvent
etre ordonnées lors mème que le procès au fond n'est pas du ressort
des tribunaux du canton. STAUFFER, Der Ehescheidungsgerichtsstand in
der Schweiz, p. 57 et suiv. ; ci. dans le meme sens, la jurisprudence
francaise, basée sur l'interprétation de l'art. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 3 - 1 La bonne foi est présumée, lorsque la loi en fait dépendre la naissance ou les effets d'un droit.
1    La bonne foi est présumée, lorsque la loi en fait dépendre la naissance ou les effets d'un droit.
2    Nul ne peut invoquer sa bonne foi, si elle est incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui.
CC; Revue de droit
international privé, 1905 p. 523; 1906 p. 513; 1907 p. 158 ; 1909 p. 206;
1910 p. 839; 1914 p. 134; 1919 p. 485; 1920 p. 140. Voyez enfin l'art. 6
de la Convention de La Haye pour régler les conflits de lois et de
juridictions en matière de divorce et de séparation de corps.

3. Un raisonnement purement logique ahoutirait à la conclusion que,
seul le juge competent pour retenir, au fond, la demande en divorce ou
enséparation de corps,

GO staatsrecht-

doit avoir qualité pour régler les relations des parties, pendant le
cours de l'instance. Toutefois, cette solution aboutirait, pratiquement,
à des résultats peu satisfaisants, nullement conformes à la ratio legis
de l'art. 145 et aux nécessités de la vie.

Les dispositions que le magistrat est appelé à prendre, au début d'un
procès en diverse, revètent, en effet, de par leur nature, un caractère
d'urgence accentué. Il s'agit d'assurer, sans délai, pour la durée de
l'instance, la tranquillité personnelle des 'eonjoints, d'éviter aux
enfants le spectacle, pénible et démoralisant, de la désunion de leurs
auteurs, et de donner aux uns et aux autres les moyens de subsister. Ce
but ne peut etre atteint que par une procédure rapide et sommaire.

Sous l'empire de la loi fédérale de 1874 sur l'état civil et le mariage,
l'action en divorce devait etre introduite au domicile du mari et,
à défaut de domicile actuel en Suisse, au lieu d'origine ou au dernier
domicile de l'intéressé. La determination du'for competent n'offrait donc,
dans la plupart des cas, aucune difficulté. L'ancienne jurisprudence
ne portait, dès lors, pas atteinte aux intéréts essentiels des parties
en prescrivant que la requète en mesures provisionnelles devait étre
présentée au juge qualifié pour statuer sur le div'orce lui-meme.

Mais, depuis l'entrée en Vigueur du CCS, la demande en divoree est
introduite au domicile de la partie demanderessesi (art. 144). Or, le
domicile de la femme mariée n'est pas nécessairement celui de son mari. Le
Tribunal fédéral a admis, en effet, dans une jurisprudence bien connue,
que l'épouse peut se créer un domicile personnel, sans autorisation du
juge, lorsqu'il existe des circonstances objectives considérées par
la loi comme de nature à justifier la dissolution de la vie commune
(art. 25 al. 2, 170 al. 1 CCS, RO 41 I p. 105 et suiv. c. 4, 302, 305
et 455; 47 I p. 424 et suiv. c. 4).

Aurait-elle meme des doutes sur l'existence de son domicile distinct,
la femme qui Vit séparée de son épouxGerichtstand. N° 9. 61

et qui se croit au bénèfice de L'art. 170 al. 1 CCS n'a pas la ressource
d'intenter le proce-s au for de son conjoint. Elle ne peut ouvrir
action qu'à son domicile, c'est à dire, suivant le cas, au lieu de sa
résidence propre ou au domicile de son mari. La femme s'expose donc,
dans les deux éventualités, à une exception d'incompétence. Or, si,
en procédure ordinaire, les complications, les longueurs et les frais
qu'entraînent l'instruction et le jugement de lfincident, aux divers
degrés, ne présentent, en général, pas d'inconvénients majeurs pour les
parties, il est clair qu'on ne peut demander à l'instant aux mesures
provisionnelles d'attendre la solution definitive de l'exception.

On doit Observer, de plus, que les motifs objectifs de eonstitution d'un
domicile distinct se confondent, très souvent, avec les griefs invoqués
à l'appui de la demande en divorce elle-meme. L'examen approfondi du
problème du for entraînerait, par eonséquent, le juge sur le terrain
du litige au fond. Saisi d'une requète urgente en mesures provisoires,
le magistrat se trouve, dès lors, fréquemment place devant le dilemme
suivant : ou bien procéder à une instruction complète de la question
de competence, et surseoir, jusque là, quelles qu'en puissent etre les
conséquences, à toute décision sur l'entretien de la femme et sur la
garde des enfants ou bien limiter cette instruetion à une étude sommaire
des éléments de preuve à sa disposition, au risque d'admettre a text sa
competence. La seconde solution doit etre préférée, vu l'objet particulier
et la nature Speciale du litige. Les inconvenients d'une distraction de
for apparaissent, sans aucun doute, inférieurs à ceux qui résulteraient
de longs retards dans la décision à prendre.

Il convient, en outre, de considérer que le CCS donne, a chacun des
époux, le droit de cesser la vie commune sitòt après l'introduction
d'une demande en divorce ou en séparation de corps (art. 170 al. 2), et
que l'art. 160 al. 2 in fine prociame l'obligation du mari de pourvoir
à l'entretien de sa femme. La droit de cette dernière d'exiger, si

62 Staatsrecht.

elle en a besoin, des aliments de son époux, pour la période
de litispendance (art. 145), découle, dès lors, du dépòt de la
demande en justice et de la faculté qui en résulte de se créer
une demeure distincte. Or cette faculté n'est point subordonnée à
une permission expresse du magistrat. Elle existe du seul fait de
l'introduction du procès, quand bien meme le juge saisi ne serait pas
compétent. L'autorisation, générale et illimitée, donnée à chacun des
épcux, de se séparer, immédiatement après l'ouverture de l'action,
tend, en effet, à prévenir le trouble que cet acte provoque presque
fatalement dans les relations des conjoints (v. ROSSEL, 28 ed. t. I
p. 253), trouble dont l'intensité ne depend d'aucune maniere du point de
savoir si l'action est ou non portée devant l'instance competente. Or,
il y aurait contradiction à ce qu'une demande en divorce mal introduite
puisse entraîner, de plein droit, la séparation de fait des conjoints,
et qu'elle n'ait pas, en meine temps, pour conséquence d'obliger le
mari à subvenir, selon ses facultés, à l'entretien de la femme. Pour ce
second motif, également, on doit, par conséquent, sous réserve de ce
qui sera expliqué plus loin admettre que le juge saisi de l'action en
divorce est compétent pour prendre, dans le cadre de l'art. 145 'CCS,
les mesures provisoires qui lui paraissent s'imposer.

Cette solution ne porte, d'ailleurs, pas atteinte de facon inadmissihle
aux droits du ,défendeur. Les mesures en question ont un caractère
temporaire et elles deviennent sans effet si le tribuna] saisi se declare
incompétent pour connaître du fond du procès. En outre, le défendeur
a la faeulté de former, dans les 60 jours, un recours de droit public
au Tribunal fédéral contre tout acte de l'autorité dont il conteste la
vacation, et déjà contre une simple assignation en justiee. S'agissant
de prétendue Violation du droit federal en matière de for, le recourant
n'est, en effet, point tenu d'épuiser prealablement les instances
cantonales (RO 33 I p. 350; 35 I p. 72; 40 I p. 305; 47 I p. 423). Le
Tribunal federal pourra, alors, pendantGerichts-tandN° 9. 63

l'instruction du recours, prendre toutes dispositions utiles pour e'viter
à l'une ou l'autre des parties un dommage irreparable. Le cas échéant,
il suspendra l'exécution du jugement de mesures provisionnelles attaqué.

4. Lorsqu'il est saisi d'une action en divorce, puis d'une requète basée
sur l'art. 145 CCS, le juge ne doit, cependant, pas entrer sans autre en
matière sur la demande de mesures provisionnelles. Il doit, au contraire,
examiner d'office si, des pièces déposées et des explications recueillies,
il ne résulte pas d'emblée que la partie demanderesse s'est adre'ssée à
un for incompétent. C'est seulernent dans le cas où le juge saisi aurait
manqué à ce devoir de Verification et admis une requète manifestement
irrecevable, d'après les éléments dont il disposait, que l'autorité de
poursuite pourra considérer le jugement comme rendu par un magistrat
incompétent et refuser la main-levee de l'opposition (art. 81 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
3    Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162
LP).

Or, tel n'est point le cas, en l'espèce. Dame More n'a point délaissé
le koyer eonjugal pour s'établir à Neuchatel. Au moment où elle s'y est
rendue, elle Vivait, depuis plusieurs mois deja, séparée de son mari. Sans
doute, le point de savoir si la demanderesse s'est, parlà, créée un
domicile distinct devait paraître douteux au Président du Tribunal
de Neuchatel, et il reste encore très discutable. La competence de la
juridiction neuchàteloise pour connaître du fond du procès en divorce
n'était, cependant, nullement exclue d'emblée. Que cette opinion put
etre raisonnablement défendue, cela résulte également du fait qu'elle a
ete ultérieurement adoptée par le Tribunal de Neuchatel in corpore. Peu
importo, enfin, que dame More ait obtenu grace à des allégations inexactes
la fixation de la pension au chiiîre eleve de 500 fr. par mois. Les
manoeuvres en question ne Vicient l'ordonnance du 16 juillet 1926 qu'en
ce qui concerne la quotité des subsides alloués. Elles n'ont pu avoir
et n'ont eu, en réalité, aucun effet sur la declaration de competence du
juge neuchàtelois. C'est, dès lors, au Tribunal du fond qu'il appartiendra
de tenir de

{34 Staatsreeht .

ces faits et du tort cause au défendeur tel compte que de raison.

5. Il résulte de ee qui précède qu'en refusant, par prononeés des 8
et 26 novembre 1926, la main-levée definitive de l'opposition à la
poursuite N° 29 219, basée sur l'ordonnance de mesures provisionnelles
des 16 juillet/ 13 septembre 1926, les tribunaux genevois ont fait une
application erronee de l'art. 145 CCS et viele l'art. 6] Const. féd. Bien
que la recourante n'ait pas pris de conclusions formelles dans ce sens,
le Tribunal fédéral peut et doit, dès lors, en ver-tu du principe de
l'art. 61, accorder lui meme 1a main-levée (BO 42 I p. 101), dans la
mesure où elle est justikiee parle titre exécutoire produit, c'est-adire
pour 1500 fr., avec intéréts, frais de main-levée et frais de poursuite,
à l'eXclusion de la somme de 20 fr., au sujet de laquelle le dossier
ne fournit pas d'indications suffisantes. La mise à néant de l'ai-ret
dont est recours entraîne, d'autre part, la liberation de l'amende que
la Cour de Justice avait dü infliger à la recourante.

Le Tribunal fédéral pronunce :

Le recours est admis et l'arrèt de la Cour de Justice civile de Genève,
du 26 novembre 1926, annulé. En conséquence, l'opposition mise au
vcommandement de payer N° 29 219, du ? octobre 1926, est levée pour la
somme de 1500fr. avecintéréts à 5 % dés le 7 octobre 1926, ainsi que pour
les frais de main-levée (de 1re et de 2e instance), qui sont mis à 1a
charge de sieur Moré, etpour les frais de poursuite.Gewaltentrennung. N°
10. 65

VII. VOLLZ IEHUNG AUSSERKANTONALER ZIVILURTEILEEXÉCUTION DE JUGEMENTS
CIVILS D'AUTRES CANTONS

Vgl. Nr. 9. Voir N° 9.

VIII. DEROGATORISCHE KRAFT DES BUNDESRECHTSFORCE DÉROGATOIRE DU DROIT
FÉDÉRAL Vgl. Nr. 5. Voir n° 5.

IX. GEVVALTENTRENNUNG

SÉPARATION DES POUVOIRS

10. Arrèt du 19 février 1927 dans la cause Journal de Genève S. A. et
consorts contre Conseil d'Etat'du canton de Genève.

Affermage de la Feuille des avis officiels avec autorisation d'y
publier o'utre les avis officiels, des annonces de particuliers et des
informations. Interpretation non arbitraire de la constitution et de la
loi cantonales.

A. Depuis le milieu du dix-huitièmesi s'iècle paraît à Genève une
Feuille d'avis dont le régime juridique kut réglé par une loi du 10 mars
1828. L'article unique de cet acte législatif est ainsi congu :

La feuille périodique, destinee à publier les ssactes et avis officiels
et judiciaires, portera exclusivenîexit le

A5 53 1 1927 ss 5
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 53 I 55
Date : 01 avril 1927
Publié : 31 décembre 1927
Source : Tribunal fédéral
Statut : 53 I 55
Domaine : ATF- Droit constitutionnel
Objet : 54 Staatsreent. des instances, des jugements contradictoires avaient été rendus.


Répertoire des lois
CC: 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 3 - 1 La bonne foi est présumée, lorsque la loi en fait dépendre la naissance ou les effets d'un droit.
1    La bonne foi est présumée, lorsque la loi en fait dépendre la naissance ou les effets d'un droit.
2    Nul ne peut invoquer sa bonne foi, si elle est incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui.
LP: 61 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 61 - En cas de maladie grave du débiteur, le préposé peut suspendre la poursuite pendant un temps déterminé.
81
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription.
3    Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
mesure provisionnelle • tribunal fédéral • examinateur • action en divorce • calcul • séparation de corps • mois • doute • décision • frais de poursuite • recours de droit public • communication • litispendance • quant • acte législatif • violation du droit • provisoire • compétence ratione loci • autorité judiciaire • tribunal cantonal
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