238 Staatsrecht.

III. DOPPELBESTEUERUNG

DOUBLE IMPOSITION

33. Arrät du 22 mai 1926 dans la cause Peter-Gailler-Kohler contre
Fribourg et Vaud.

Société possédant des usines et des dépòts dans divers cantons, et
intéressée de plus à des entreprises étrangères. Imposition du capital
et des bénéfices. Dépòts permanents dont l'exploitation constitue une
partie importante de l'activité commerciale de la société ; domicile
fiscal distinct pour chacun des dépòts (cons. 3). Les participations
étrangères d'une Holding Company et les avances perma-nentes consenties
aux sociétés akkiliees sont assujetties au fisc du siege central (cons. 4
et 5). S'agissant d'une entreprise de fabrication, les éléments d'actif
représentés par les débiteurs, les credits en banque et les titres
doivent ètre considérés comme des fonds de roulement et répartis entre
les cantons intéressés (cons. 6 et 7). Pour l'impöt sur les hénéfiees,
le facteur capital doit étre determine d'après les meines normes que
pour la fixation de l'impöt sur la fortune (cons. 9).

A. La Société Peter-Cailler Kohler (PCK) exploite à Orbe (Vaud) et à Broc
(Fribourg) des fahriques de chocolat qui sont sa propriété. Elle possède
en outre à Echandens (Vaud) une imprimerie où sont préparés les emballages
de ses produits. Elle était propriétaire d'une usine à Hochdorf (Lucerne),
qu'elle a cessé d'exploiter en juin 1922 déjà et qu'elle a vendue le 30
juin 1924.

Son siège est a La Tour-de-Peilz (Vaud). C'est là que se trouve sa
direction commerciale, qui s'occupe de la comptabilité, de l'achat
des matières premières et de la vente des produits, des encaissements,
et de la gérance des titres. '

Elle possède, de plus, dans diverses villes suisses, soit à Lausanne,
Lucerne, Zurich, Genève, Bale, Berne, Lugano, St Gall et Coire, des
dépòts, qui sont chargesDoppelbesteuerung. N° 33. 239

de la livraison des marchandises, pour autant que les fabriques
n'effectuent pas directement les expédssitions à la clientele.

La Société PCK a encore des intérèts dans plusieurs entreprises étrangères
de fabrication et de vente de chocolat ( participations étrangères ).

B. La répartition des impöts entre les cantons de Vaud et Fribourg s'est
faite conventionnellement, jusqu'à l'année 1924, sur la base des quantités
de production, tant pour le capital que pour le hénéfice. Toutefois,
eu sa qualité de canton du Siege social, le Canton de Vaud percevait
seul l'impòt sur le produit des participations étrangères et se voyait
attribuer préalahlement le 5% du hénéfice général.

Pour l'année 1924, la Société PCK décida d'abandonner ce systeme
transactionnel, et demanda aux cantons intéressés de s'en tenir
aux principes posés par la jurisprudence en matière d'imposition
intercantonale. Après un échange de vues avec le fisc vaudois, elle
adressa, le 13 octobre 1924, aux eantons de Fribourg et de Vaud, des
déclarations d'impòts en vertu desquelles le capital et le hénéfice
étaient répartis comme suit :

Capital. Benéfice. Vaud . . . . . . . . . 73,347% 63,55%
Fribourg. . . . . . . . 22,490% 33,75% Lucerne et autres cantons 2,163%
2,70%

Le canton de Vaud proceda à la taxation en se conformant exactement
aux declarations de la contribuable. Celle-ci paya ses impòts vaudois,
par 158 768 fr. 35, en se réservant cependant le droit de revenir sur
la question si elle se trouvait imposée a double.

La direction fribourgeoise des contributions demanda, avant de se
déterminer, une consultation juridique aux Professeurs Blumenstein et
Weyermann. Le rapport de ces deux experts, daté du 30 mars 1925, a été
publio par la Revue trimestrielle de droit fiscal suisse (livraison de
juin 1925).

240 Staatsrecht.

.' Sur requete des autorités frihourgeoises, la Société PCK dressa, sous
toutes réserves, un nouveau bilan fiscal tenant compte des systémes
préconisés par l'expertise. Appelés a se déterminer sur ce bilan,
les Professeurs Blumenstein et Weyermann le firent dans un rapport
complèmentaire du 11 juillet 1925.

En date du 31 juillet 1925, le fisc iribourgeffls, se basant
sur l'exportise, établit la cote des impòts dus pour 1924 par la
recourante. D'après les principes qu'il a adoptés, les impots se
répartiraient de la manière smvante entre les cantons intéressés :

Capital. Bénéfice.

Fribourg . . . . . 56,70% 44,99%

Vaud . . . . . . . . . 38,98% 51,59%

Lucerne et autres cantons 4,32% 3,42%

C. Par mémoire déposé en temps utile, la Société PCK a interjeté un
_recours de droit public basé sur l'art. 46 al. 2 Const. féd. Ses
conclusions tendent à faire prononcer par le Tribunal federal :

10 Que la réclamation d'impòt formulée pour l'année 1924 par le Canton
de Fribourg, selon hordereau fixant la cote daté du 31 juillet 1925,
est nulle et de nu] effet dans la mesure où l'impòt demandé par le fisc
fribourgeois frappe des éléments d'actif qui ont fait l'objet de l'impòt
réclamé par le Canton de Vaud selon bilan fiscal anque] on se réfère,
ces éléments ayant trait : a) Aux matières premières et en cours de
fabrication, aux matières d'imprimeries et en cours d'impression,
à la poudre au lait à Broc, aux produits manufactures, aux produits
manufaeturés en stocks dans les dépòts; b) aux débiteurs;

c) aux comptes correspondants; al) aux titres et partici-

pations...

2° Subsidiairement et pour le cas où tout ou partie de l'actif frappè
par la demande du Canton de Fribourg et déjà atteint par l'iinpòt payé
au Canton de Vaud serait admis comme assujetti à l'impòt fribourgeois,
que le Canton de Vaud est tenu de restituer à la société recourante tout
impòt percu sur ledit actif... !Doppelbesteuerung. N° 33. 241

D. Dans sa réponse, l'Etat de Fribourg conclut à confirmation du bordereau
fribourgeois du 31 juillet 1925 et au rej et du recours, avec suite de
frais. '

L'Etat de Vaud conclut a l'admission des conclusions principales de
la recourante.

Dans leurs écritures ultérieures (réplique et duplique), les cantons de
Vaud et de Fribourg persistent dans leurs conclusions. .

Les arguments déve10ppés par les parties et les details du bilan seront
repris, pour autant que de besoin, dans les considérants ci-dessous.

Conside'rant en droit :

1. _En ce qui concerne l'impét sur le capital, il est evident que l'on
se trouve en présence d'un cas de double imposition; les cantons de
Vaud et de Fribourg prétendent en efiet imposer à eux seuls le 75,347%
et le 56,700% des eapitaux de la recourante.

Le conflit provient uniquement d'une divergence d'opiuion sur les
principes en vertu desquels les divers postes de l'actif doivent
etre répartis entre les cantons. La discussion ne porte pas sur les
chiffres du bilan, dont les Etats de Vaud et de Fribourg reconnaissent
Peantitude.2. Les cantons admettent avec la recourante que les immeubles
et terrains, borderean z'ndustriel, oufillage, meubles, moules ei
avoir en caisse, doivent étre imposés au lieu de leur situation. Il
n'y a pas de ljtige sur ce point ; la répartition se fait comme suit
:Vaud. Fribourg. Lucerna. Total.

Immeubles et

machines. . 7 020 000 11 355 584 1 000 000 19 375 584 Outillage, mo-

bilier, etc. . 205 490 186 925 7 585 400 000 Caisse . . . . 42 769 3
516 111 46 396 Totaux . . . 7 268 259 11 546 025 1 007 696 19 821 980

3. Le poste M aiiéres premières el en cours de fabri--

calion, produits fabrique's s'éléve au total à 12 683 134 fr. Le canton
de Fribourg le divise en plusieurs rubriques :

242 Staatsrecht. I. Matières premières et en cours de fabrication
........ . . Fr. 10334 116 II. Matières d'imprirnerie et en cours
d'impression ........ . 645 205 III. Poudre au lait à Broc . . . . .
486 211 IV. Produits manufactures ..... 551346 V. Produits manufactures
en stocks dans les dépòts ...... . 666 255 Total ...... Fr. 12 683 133

De ce total, le canton de Fribourg s'est attribué luimème 6 166 897 fr.,
somme qui se décompose comme suit :

I. Matières premières, etc ..... . Fr. 4 917 977 II. Matières d'imprimerie
etc.. . . . 306 989 III. Poudre au lait . . ....... 231339 IV. Produits
manufactures ..... 321 765 V. Produits manufactures en stocks

dans les dépòts ....... 388 837

Le canton de Vaud ne lui reconnaît à cet égard de souveraineté fiscale
que sur 5 491 845 fr. La difference est donc de 675 052 ir.

a) C'est à tort premièrement que le canton de Fribourg veut percevoir
des contributions sur une partie des dépòts que la recourante a établis
dans les cantons de Vaud, Lucerne, Zurich, Genève, Bale, Berne, Tessin,
St Gall et Grisons. Bien que lesdits dépòts ne puissent etre considérés
comme des sucsscursales, puisque leur comptabilité est faite au siège
de La Tour de-Peilz, il n'en faut pas meins admettre qu'ils sont
constitutifs de domiciles fiscaux distincts dans les cantons précités.
En effet, d'après la jurisprudence la plus recente du Tribunal fédéral,
une entreprise dont l'exploitation a lieu dans divers cantons se crée
un domicile fsiiscal (pour les revenus et les hiens mobiliere) dans
chacun des cantons où elle possède un établissement ou des installations
permanentes au moyen desquels elle exerce une partie . importante de
son activité commerciale ou technique, tant au point de vue qualitatif
qu'au point de vue quan-Doppelbesteuerung. N° 33. 243

' titatif (of. BO 37 I p.256; 38 1 p.482 ; 41 I p. 432 et

suiV.; 46 I p. 19; arrèts non publiés: Terlinden, du 7 mars 1913;
Milchverband de Bale, du 11 Septembre 1914; les Fils d'lgnace Esseiva,
du 26 novembre 1914; Schweiz. Automatengesellschaft, du 12 octobre 1923).

Il est incontestable d'une part que les dépòts de la Société PCK ont
le caractère d'installations permanentes. En vain prétendrait on que la
recourante ne saurait revendiquer ce caractère de permanence pour ceux
de ces entrepòts et magasins dont elle n'est pas propriétaire; ainsi que
le Tribunal fédéral en a juge à divers reprises, il est sans importance
aucune à cet égard que les locaux de l'établissement appartiennent à
l'entreprise ou qu'ils soient simplement loués par elle (cf. BO 40 I
p. 74, et arréts précités Terlinden et Milchverband).

Il est indeniable d'autre part que l'exploitation de ces dépòts constitue
une partie importante de l'activité commerciale de la recourante,
tant au point de vue qualitatif que quantitatif. Leur importance
qualitative résulte du fait mérne qu'ils effectuent la livraison
des marchandises à la clientele et collaborent ainsi directement aux
operations commerciales de la Société PCK (cf. BO 40 I p. 74, arrèts
Terlinden et Milchverhand). Quant à leur importance quantitative, elle
doit etre appréciée, selon la jurisprudence, d'après leur valeur propre,
et non d'après leur importance comparée à celle de toute l'entreprise
dont ils font partie (cf. BO 39 I p. 548). Dr, pris en eux mémes, ils ne
sont point quantité négligeable; la valeur des marchandises qui y sont
entreposées varie, selon les lieux de 25 000 fr. à 150 000 fr. Voulùt-on
d'ailleurs comparer leur importance à celle de l'entreprise dans son
ensemble, qu'il faudrait la considérer comme suffisante ; en effet, si la
Société PCK ne retirait pas de l'existence de ces dépöts des avantages
commerciaux appréciables, l'on ne comprendrait pas qu'elle fit pour eux
les frais élevés qu'ils lui Occasionnent le loyer du dépòt de Lausanne
s'élève à lui seul à 20 300 fr.

244 Staatsrecht. par an et qu'elle ne préférät point faire expédier ses
produits aux clients par les fabriques direetement.

Le Tribunal federal a déjà reconnu maintes fois que de pareils
établissements étaient assujettis a la souveraineté fjseale des cantons où
ils se trouvent (cf. BO 33 I p. 714 ; arrét non publié LöwenbräuBurgdorf
c. Soleure et Berne; RO 33 I p. 54z 29 I p. 11). Conformément à cette
jurisprudence, tous les cantons dans lesquels la Société PCK a constitué
des dépöts frappent ceux ci de contributions, excepté toutefois le canton
du Tessin. Si ces cantons ont ainsi le droit de prélever des impòts,
ils ont sans aucun doute le droit d'imposer tout le capital investi dans
les dépòts, et donc les marchandises qui y sont entreposées.

II s'ensuit que le canton de Fribourg n'est pas fonde à porter à son
compte la rubrique Produits manufactures en stock dans les dépöts: 321
765 fr. En revanehe, la taxation va udoise est conforme sur ce point
aux principes posés par le Tribunal de céans; I'Etat de Vaud a estimé,
à juste titre, qu'il n'avait pas à imposer les produits emmagasinés dans
d'autres dépòts que celui de Lausanne.

b) En ce qui concerne le poste siMaiières premières d'imprimerie el en
cours d'impression, il convient tout d'abord de relever ce qui suit dans
les explications qui ont été données par la recourante :

L'imprimerie que la Société PCK exploite à Echandens (Vaud) fournit une
partie seulement des enveloppes, étiquettes, vignettes, etc., utilisées
par la recourante pour emballer, marquer ou orner ses produits. Le
surplus de ces enveloppes, étiquettes, etc., est livré par d'autres

imprimeries. Dans le poste matiéres premières d'impri-

merie et en cours d'impression , porté au bilan pour 645 205
fr. 39, sont compris : 1° les matières premières pour l'impression,
à Echandens ; 2° les matières en cours d'impression, à Echandens ;
les imprimés, pour autant qu'il en reste en 'stock à l'imprimerie
d'Echandens. EnDoppelbesteuerung. N° 33. 24'5

revanche, ne figurent pas sous ce poste : les imprimés qui sont fournis
par d'autres imprimeurs et ceux qui ont déjà été expédiés par l'imprimerie
d'Echandens aux usines d'Orbe et de Broc. Les stocks d'imprimés qui
se trouvent aux usines ont été comptés dans le bilan avec les matières
premières de chacune des fabriques. Quant aux cnveloppes, etiquettes,
vignettes etc. qui emballent et ornent déjà les produits prèts pour la
vente, leur valeur a été portée sous la rubrique produits manu-facturés .

Dans ces conditions, il est clair que les matières premières d'imprimerie
et en cours d'impression qui se trouvent à Echandens doivent ètre
imposées exclusivement par l'Etat de Vaud. Le canton de Fribourg l'a
reconnu lui-meme après coup, dans sa duplique du 28 octobre 1925 (p. 4),
en déclarant qu'il restait à Echaudens les machines, l'outillage, les
salaires payés aux ouvriers et enfin les maäiéres premières desténe'es
ellesmémes à élre fransformées en maiiéres d'imprimerie. Il en est de
meme des imprimés (enveloppes, emballages, etc.) qui sont en stocks à
l'imprimerie d'Echandens. Ce n'est qu'au moment où ils sont expédiés
aux usines d'Orbe et de Broc qu'il existe entre eux et les fabriques un
rapport direct permettant de les considérer comme un élément de l'actif
desdites fabriques. En conséquence, le poste de 645 205 fr. doit figurer
dans le seul bordereau de I'Etat de Vaud.

Le canton de Fribourg voudrait répartir cette somme entre les deux cantons
sur la base des quantités de production de chocolat. Mais il méconnait
de la sorte le droit que possède incontestablement le fisc du territoire
où se trouve l'imprimerie d'imposer, tout comme le fisc du lieu où est
installée une fabrique, outre I'installation elle-mème, tous les éléments
d'actif qui sont en relation directe avec cette installation. Il serait
certes inéquitable d'autoriser la commune d'Echandens à percevoir des
contributions uniquement pour l'immeuble, les machines

246 Staatsrecht.

et l'aménagement mobilier de l'imprimerie, et de répartir entre Orbe et
Broc, d'après la production du chocolat, la valeur de toutes les matières
premières qui sont travaillées à Echandens et de tous les emballages,
enveloppes, etc. qui y sont imprimés.

0) Si l'on déduit du bordereau de Fribourg les sommes de 388 837
fr. (produits manufactures en stocks dans les dépòts) et de 306 989
fr. (matières premières d'imprimerie et en cours d'impression), qui y
sont inscrites à tort comme il vient d'ètre démontré, reste soumise à
l'impòt fribourgeois, pour le poste matières premières et en cours de
fabrication, produits fabriquésis , une valeur totale de 5 471 081 fr. Or,
l'Etat de Vaud a admis à cet égard que le canton de Fribourg était en
droit d'imposer la recourante sur une somme de 5 491 845 fr. qui est donc
supérieure -de 20000 fr. environ à celle qui résulte des considérations
et calculs ci dessus. Cela étant, le Tribunal fédéral peut se dispenser
de prendre position en ce qui concerne les trois autres rubriques de
ce meme poste ( matières premières en cours de fabrication à Orbe et à
Broc, poudre au lait à Broc et produits manufactures ), et laisser
ouverte la question de savoir si la répartition doit se faire à leur
égard d'après le systeme adopté par la recourante et l'Etat de Vaud,
soit d'après la situation locale des matières premières et produits
fabriqués, ou d'après les systèmes préconisés par l'Etat de Fribourg,
à savoir sur la base des quantités de production, pour les matières
premières et la poudre au lait, et d'après la valeur des différentes
installations fixes, pour les produits manufactures.

Toutefois, pour éviter à l'avenir des contestations sur ce point, le
Tribunal fédéral estime opportun d'indiquer brièvement quel est son
avis. Le mode de répartition

de l'Etat de Vaud est conforme a la jurisprudence, tant -

en ce qui concerne les matièr'es premières que les produits

manufactures (cf. R0 34 I p. 501; 37 Ip. 263; 45 I p.188; 50 I p. 180;
arrèt du 7 avril 1919 en la cause Brown,Doppelbesteuerung N° 33. 247

Boveri & Cie). Et l'on ne voit en l'espèce aucune raison

qui milite en faveur d'un changement de jurisprudence. Le systeme de la
répartition d'après la situation locale des éléments de fortune peut,
il est vrai, présenter des inconvénients dans certaines circonstances
particulières (par exemple, lorsque les matières premières sont
entre-posées en un endroit Spécial avant d'ètre distribuées aux usines,
ou lorsqu'au moment de l'inventaire les provisions de matières premières
ou les stocks de produits fabriqués sont, par hasard ou calcul,
anormalement considérables en un lieu et exceptionnellement faibles
dans un autre). Mais ces circonstances particulières ne se reneontrent
point en l'espèce, et la jurisprudence permet d'ailleurs d'obvier aux
inconvénients qui Viennent d'ètre signalés (ci. BO 34 I p. 501). En
revanche, les systèmes que le canton de Fribourg voudrait inaugurer,
et surtout celui qu'elle entend appliquer aux produits, peuvent ahoutir
et aboutiraient en fait à des résultats évidemment inéquitables. Qu'il
suffise de relever entre autres que l'Etat de Fribourg attribue,
conformément à ses principes, une partie des produits manufacturés au
fisc lucernois, proportionnellement à la valeur de l'usine de Hochdorf
dont l'exploitation a cessé depuis le mois de juin 1922 déjà.

4. Le poste participaiians étrangères , qui s'élève à 24 549 861 fr. 45,
représente les intérèts que la Société PCK a dans cinq entreprises
situées a l'étranger, à savoir la Compagnie des Chocolats PeterCailler
Kohler à Pontarlier (France), Lamont, Corliss & C° à NeW-York, The Hayes
Cocoa Company en Angleterre, Otto & Quantz Schokoladenwerke A.-G. à
Francfort, et la Silverthorne C°, actuellement en liquidation. Toutes
sices entreprises s'occupent de la fabrication et de la vente des
chocolats Peter, Cailler, Kohler et Nestlé; quelques unes fabriquent
et vendent en outre d'autres denrées alimentaires et des articles de
toilette. La plupart d'entre elles ont été fondées pendant la guerre

248 Staatsrecht.

par les soins ou avec l'aide de la recourante, dont le capital-actions
s'est accru parallèlement, passant de 10 500 000 fr. qu'il était au
début à 21 000 000 fr. en 1916, puis à 35 000000 fr. en 1918·

II s'agit la d'une organisation spéciale que l'on rencontre fréquemment
dans la vie économique moderne. Pour bénéficier à l'étranger des mèmes
droits et avantages que les établissemenfs nationaux des pays où elles
veulent installer des succursales, les entreprises consti-tuent celles-ci
en sociétés distinctes dont elles conservent par devers elles tout ou
partie des actions. En l'espèce, il n'est pas douteux que les sociétés
étrangères mentionnées ci-dessus sont, au point de vue économique,
sinon au point de vue juridique, de véritables succursales de la Société
PCK. cela est si vrai que l'Annuaire financier de la Suisse pour l'année
1925 indique que ia recourante possède des fabriques à Broc, Orbe,
Pontarlier, Echandens, Londres et Fulton (Amérique). La Société PCK
détient notamment la totalité des actions de la Silverthorne C°.

D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, les participations sont
soumises dans la règle à la souveraineté fiscale du canton où l'entreprise
a son siège principal (cf. R0 45 I p. 368 et suiv.; arréts Brown, Boveri
& Cie, du 7 avril 1919; Allgemeine Gasindustriegesell-schaft c. Berne et
Zurich, du 12 mai 1924). Le Tribunal a prévu qu'il serait fait exception
à cette reng dans le seul cas où les participations devraient ètre
considérées comme un capital d'exploitation.

Suivant sur ce point également les suggestions des Professeurs Blumenstein
et Veyermann, qui n'ont pas tenu compte de la jurisprudence précitée,
l'Etat de Fribourg prétend imposer une partie du poste participations
, dont il veut répartir la valeur entre les cantons intéressés
proportionnellement à celle de la fortune localisée, systeme le plus
avantageux pour lui. Cette facon de procéder est inadmissible. Elle est
contraireDoppelbesteuerung. N° 33. 249

a la règle' suivie jusqu'ici par le Tribunal de céans, qui

ne voit aucun motif de s'en départir, et les circonstances de la cause 'ne
justifient aucune répartition exceptionuelle. En effet, l'on tenterait en
vain de soutenir que les participations de la recourante constituent un
capital d'exploitation ou un fonds de roulement pour les usines d'Orbe et
de Broc. Ce n'est évidemment pas le cas; ces participations représentent
économiquement des capitaux engagés dans des succursales étrangères,
soit la valeur de fabriques, matières premières et produits manufactures
qui se trouvent à l'étranger. Si la Société PCK avait établi hors de
Suisse des succursales proprement dites, sans recourir à la fondation
de sociétés distinctes, il no serait certes pas venu à l'idée du fisc
fribourgeois d'envisager les capitaux investis dans les succursales
comme des fonds de roulement ou d'exploitation de l'usine de Broc. Le
fait que ces capitaux situés à l'étranger sont représentés en l'espèce
par des actions de sociétés étrangères ne change rien à la situation;
il n'existe aucun rapport quelconque entre les participations et la
fabrique de chocolat de Broc-

Il convient de relever au surplus que le systeme adopté par l'Etat de
Fribourg aurait pour conséquence ahsurde de permettre au canton de Lucerne
d'imposer aussi une partie des participations , proportionnellement à
la valeur de la fabrique de Hochdorf qui est fermée depuis 1922.

Les participations étrangères de la recourante ont actuellement une
importance telle (elles représentent avec les avances faites aux sociétés
affiliées plus de la moitié de la fortune totale) que la Société PCK ne
peut plus etre considérée comme une simple entreprise de fabrication;
elle est de plus une Holding-Company , soit une société dont le but est
de s'intéresser à d'autres entreprises. En cette qualité elle doit etre
assujettie exclusivement au fisc de l'endroit où se trouve son siege
central.C'est dono a bon droit que l'Etat de Vaud exige

250 Staatsrecht.

d'elle qu'elle lui paye intégralement les impòts afferents aux
participations .

5. Dans son bilan, la recourante fait figurer sous la désignation
comptes correspondants une somme de 12 088 725 fr. 81 qui se rapporte
à des avances permanentes ou quasi permanentes consenties par elle
aux sociétés affiliées, sous forme de machines, matières premières,
produits, etc... Les parties estiment qu'au point de vue fiscal le
sort de ce poste doit etre réglé de la meme maniere que celui du poste
préeédent. Elles ont entièrement raison, car ces avances permanentes
ou quasi permanentes sont en relation économique directe avec les
participations . Le Tribunal fédéral a déjà admis d'ailleurs que les
créances d'une entreprise concernant des sociétés affiliées étaient,
tout comme les participations de cette meme entreprise, imposables au
seul siège principal (cf. arret Brown, Boveri & Cie, du 7 avril 1919).

6. sous le poste de'biteurs divers (6 401 779 fr. 60) sont portés
l'avoir auprès des clients, les credits en banque, etc... Le canton
de Vaud veut imposer cette somme a lui seul en sa qualité de canton du
siége social. Cette prétention ne saurait etre admise.

Il est vrai que dans certains cas, le Tribunal fédéral a attribué au fisc
du siège social tous les fonds disponibles (cf. RO 41 I p. 435; 46 I
p. 32; 50 I p. 180; arrét Elektra Fraubrunnen, du 31 mai 1924). Mais dans
aucune de ces espèces il ne s'agissait d'entreprises de fabrication. En
revanche, à l'égard des entreprises qui exploitent des fabriques hors
du canton de leur siege central, le Tribunal de céans a juge au cours
de ces dernières années qu'une partie des fonds disponibles devaient
etre frappés de contributions aux endroits où se trouvent les usines.
Il est parti de l'idée que les fabriques ne pouvaient etre exploitèes
sans fonds de roulement, et que ceux-ci étaient précisément constitués
par tout ou partie de l'avoir liquide (cf. RO 45 I p. 188; tout
spécialementDoppelbesteuerung. N° 33. 251

RO 50 I p. 181 ; arrét non publié Industriegeseilschaft

für Schappe, du 9 juillet 1920, p. 7).

En vertu de cette jurisprudence, la valeur du poste débiteurs divers
doit étre répartie entre les cantons intéressés. Le canton de Fribourg
procède à cette repartition proportionnellement à la valeur des éléments
localisés de la fortune. Ce mode de faire a été suivi par le Tribunal
dans divers cas; il pourrait etre admis en l'espèce, a la condition
toutefois que l'on tienne compte des circonstances particulières de la
cause, ainsi que la jurisprudence le permet (cf. arrét Floretspinnerei
Ringwald c. Bale-Ville et Bale-Campagne, du 11 novembre 1922). Il faudrait
entre autres, dans la determination des éléments de fortune, ne prendre en
considération ni la fabrique de Hochdorf, ni les marohandises emmagasinées
dans les dèpòts (BO 50 I p. 179), ni 1a valeur des participations et
des comptes correspondants (cf. arrétBrown, Boveri & Cie). Entreraient
donc senls en ligne de compte: 1° les terrains,immeuh1es, machines,
installations, etc... d'Orbe, de La Tour de-Peilz, d'Echandens et de
Broc; 2° l'avoir en caisse dans lesdits endroits ; 3° les marchandises
(matières premières, produits manufactures et mi Îabriqués) se trouvant
à Orbe, Echandens et Broc.

L'on pourrait aussi répartir le poste en question d'après les quantités
de production.

Le Tribunal juge inutile toutefois de prendre position à cet égard. En
effet, que l'on adopte le premier ou le second de ces systèmes de
répartition, l'on aboutit à des résultats à peu près semblables. D'après
le premier mode, le canton de Fribourg aurait le droit d'imposer un
peu plus du 50% de la somme de 6 401 779 fr. 60 et le canton de Vaud
un peu moins; d'après le second mode, 1a situation serait renversée,
et ce serait le canton de Vaud qui aurait le droit de calculer l'impòt
sur plus du 50% de ce poste. Dans ces conditions, il paraît tout à fait
indiqué et equitable d'attribuer à chacun des cantons de Vaud et de
Fribourg la moitié d a somme.

252 Staatsrecht.

7. Pour le dernier poste du capital, celui des litres qui est relativement
peu élevé et se monte à 211 350 fr., il convient aussi, comme pour le
poste precèdent, d'en répartir la valeur entre les cantons de Vaud et
de Fribourg par moitiés.

8. D'aprés les considérations qui précèdent, la fortune de la reeourante
doit etre répartie comme suit, pour l'impòt sur le capital :

1. Immeubies, machines, ouVaud. Fribourg. AUII'GS tillage, mobilier,
avoir en cantons. caisse ......... 7 258 259. 11 546 025.1 007 696

2. Matières premières et en cours de fabrication, pro-duits fabriqués
..... 6 560 882. 5 491 845.630 407 3. Participations . . . . ss . 24
549 861.45 4. Comptes correspondants . 12 088 725.81 5. Débiteurs
divers . . . . 3 200 889.80 3 200 889.80 _ 6. Titres. ........ 105
675. 105 675. Totaux . . . . 53 774 293.06 20 344 434.80 1 638 103
Proportion. . . . 70,983 % 26,855 % 2,162 %

9. En ce qui concerne l'impöi sur le produit da fravail ou le béne'fice,
il y a également double imposition ; les cantons de Vaud et de Fribourg
frappent ensemble

8,54% des bénéfices de la recourante.

Les cantone intéressée calculent l'un et l'autre cet impòt d'après les
facteurs de production (capital et travail). La double imposition résulte
cle ce que chacun des fiscs determine le facteur capital conformément
aux principes adoptés par lui pour la fixation des contributions sur
la fortune.

Bien que le recours ne soit pas explicite à cet égard, il faut admettre
que la Société PCK attaque aussi sur ee point l'Etat de Fribourg, dans
la mesure où il prend en considération pour fixer le facteur capital des
éléments de fortune qui sent soumis à la souveraineté fiscale de l'Etat
de Vaud.

Les parties sont d'accord que ce facteur capital doit etre determine
d'après les normes applicables à la repartition de la fortune pour
l'impòt sur le capital, ce qui est d'ailleurs conforme a la jurisprudence
constanteDoppelbesteuerung. N° 33, 253

(of. RO 36 I p. 26 ; arréts Gesellschaft für Bandfabrikation, du 21 mai
1920; Floretspinnerei Ringwald, du 11 novembre 1922).

Elles sont également d'aecord que, pour fixer le facteur, travail, il faut
capitaliser a 5% les salaires et traitements payés par la recourante. Du
moment que ce taux de 5% n'est pas contesté, il doit etre maintenu pour
l'année 1924, bien que dans un jugement recent, le Tribunal fédéral ait
applique un taux de capitalisation inférieur (cf. arrét Schwarzenbach,
du 28 novembre 1925).

Il s'ensuit que la répartition des bénéfices pour l'impòt de 1924 doit
ètre la suivante :

Vaud. Fribourg. Autres cantons. ' 1o Capital . 53 774 293.06 20 344
434.80 1 638 103 2° Travail . 89 381 262.60 742 640. 4 583 136

Totaux . 143 155 555.06 81 087 074.80 6 221 239

Proportion 62, 1 16 % 35, 184 % 2, 700%

Le Tribunal fédéral prononce :

I. Le recours est admis en se sens que pour l'année 1924, l'Etat de
Vaud ne peut imposer plus du 70,983% des capitaux et plus du 62,116%
des béné si fices, et que l'Etat de Fribourg ne peut imposer plus du
26,855% des capitaux et plus du 35,184% des bénéfices de la Société PCK.

II. L'Etat de Vaud est tenu de restituer à la recourante le montant des
impòts qu'il a percus en trop. '

IV. GLAUBENSUND GEWISSENSFREIHEIT

LLBERTÉ DE CONSCIENCE ET DE CROYANCE vg1. Nr. 34. Voir n° 34. ss

AS 52 I 1928 18
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 52 I 238
Date : 22. Mai 1926
Publié : 31. Dezember 1926
Source : Bundesgericht
Statut : 52 I 238
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : 238 Staatsrecht. III. DOPPELBESTEUERUNG DOUBLE IMPOSITION 33. Arrät du 22 mai


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