1 60 Staatsrecht.

VI I I. STAATSVERTRÄGE

TRAITÉS INTERNATI'ONAUX '

23. Ari-61. du 19 juillet 1920 dans la cause Masse Godet contre Präsident
du Tribunal de Nyon.

Traité france-suisse: application du principe de l'unité de Ia faillite
non seulement en cas de faillite proprement dite, mais aussi lorsque le
debiteur a simplement été declare en état de cessation de paiements

A. Eugène Godet, citoyen francais, est domicilié à Paris où il exerce
un commerce de Vins, biéres et articles d'alimentation; il possèdedes
magasins à Argenteujl, Palaiseau et Annemasse et à des marchandises
entreposées à Charenton, Amiens, Dunkerque, Lille, Tourcoing, Bruxelles
et Liege. Son chiffre d'affaires s'est élevé à 835 000 fr. en 1917, à 3
600 000 fr. en 1918 et à _700 000 fr. pour le premier semestre de 1919.
_ Le 12 novembre 1918 il a acheté le matériel de la Brasserie du Lion
de Beau-Séjour à Nyon pour le prix

de 170 000 fr., argent suisse, dont 100 00011payés lors

de la stipulation de l'acte et le solde payable lors de la prise de
possession qui devait avoir lieu le les févriei 1919. Par le meme contrat
la brasserie était donnésse à bajl à Godet pour 9 ans, moyennant layer
de 6000 fr. pour les deux premières années et de 10 000 fr. pour les
suivantes. Le 10 janvier 1919 M. Eindiguer à Genève, a été engagè comme
directeur de la brasserie aux appointements de 1000 fr. par mois. Le
28 mars 1919 Eugène Godet s 'est fait inscrire au registre du commerce
de Nyon.' Le 2 septembre 1919 la Chambre de vacations du Tribunal de
commerce de la Seine a été appeiée à statuerStaatsvertràge. N° 234 161

sur une requéte présentée par Godet qui, invoquant sen état de
cessation de paiements, demandait à obtenir le bénéfice de la liquidation
judiciaire. Le Tribunal a estimé que Godet ne mérite à aucun titre d'étre
admis au bénéfice de la liquidation judiciaire et qu'il y a lieu des
lors de la déclarer d'office en état de eessation de paiements. Il a des
lors rejeté la requéte, declare Godot en état de eessation de paiements,
fixé au 25 aoùt l'on-. verture des operations de la dite eæsation de
paiements ordonné l'apposition des seellis et nommé comme commissaire
l'un des membres du tribuna] et comme syndic provisoire M. Lemonnier.

Du bilan joint à la requéte de Godot il résulte que l'actif s'élève à
1 303 034 fr. 30 et le passik à 1 745 572 fr. 28. Un certain nombre de
créanciers qui ne figuraient pas sur la liste, notamment M. Eindiguer
et la Brasserje du Lion de Beau-Séjour y ont été ajoutés par le syndic.
Celui-ci a été autorisé par le commissaire, le 5 janvier 1920, à vendre
' à l'amiable le materie] gamissant la Brasserie du Lion de Beau-Séjour,
le dit material dépendant de l'actif de la cessation de paiements .

Le 27 aoùt 1919 Eindiguer avait fait notifier à Godet un commandement de
payer pour une Somme de 30000 fr suivi de commination de faillite le 20
septembre. D'autre part la Brasserie du Lion de Beau-Séjour a intente
à Godet une poursuite pour effets de change le 10 septembre 1919 et le
17 septembre elle a requis la faillite du débiteur.

Le 7 janvier 1920 le Präsident du Tribunal de Nyon a prononcé la faillite
de Godet, écartant l'opposition kalte par le débiteur par le motif quele
jugement declaratif de l'état de eessation de paiements paraît ne pas

equivaloir àun jugement de faillite, au sens de l'art. 6

de la convention france-suisse de 1869, et que par conséquent il ne met
pas obstacle à l'ouverture de la faillite en suisse 01'1 le débiteur
possède un ètablissement commercial.

AS 4151 1920

1 62 Staatsrecht.

B..La masse de Eugène Godet représentée-par le syndic de 1a cessation
de paiements et, pour autant que de besom, Eugène Godet ont forme un
recours de drort public contre ce prononcé de faillite dont ils demandent
Iannulation. Ils invoquent le principe de l'unité de la failhte consacré
par l'art. 6 du traité france-suisse et goals-Bemerkt que le jugement
déclaratif d'état de cessa on e paiements doit étre assimilé à un '
faillite. ]llgement de

La Brasserie du Lion de Beau-Séjour a concia au rejet du reeours._Elie ne
conteste pas que Godet ait en France son donucile 'pnncipal, mais elle
est d'avis qu'une calcolare-mon de faillite au lieu de l'étahlissement
secon. aire n'est pas contraire au rinci e d I' ' ' ' failljte, _ p p
e unlte de la

En réplique les reeourants se sont attachés à démontrer que les Jugements
déclaratifs de cessation de paie11113335, rendus en vertu de l'art. 2
du decret du 21 aoùt

, sont, au nom près, de veritahles ' kannte Jugements de

,En duplique, la Brasserie du Lion de Beau-Séjour declare ne'pas vouloir
se prononcer sur la question de sav01r 51 letat de cessation de paiements
prononcé le

2 septembre 1919 doit etre asissimîlé à la faillite au sens .

de l'art. 6 du traité, mais, pour le cas où le Tribunal federal résoudrait
affirmativement cette question et adrnettrait par conséquent le reeours,
elle demande qu'il In: soit donné acte de son droit d'intervenir dans
l'etat de cessation de paiements et d'étre pavée en argent suisse. .

C. Le texte des art. 1, 2 et 3 du déeret francais du 21.aoüt 1914 relatif
aux cessations de paiements aux failhtes et aux iiquidations judiciaires
est le suivant" . Art. 181. Pendant la durée de la mohilisation et !usqu
a une date qui sera fixée ultérieurement, aucune instance en declaration
de faillite ne pourra étre engagéesi contre les citoyens presents sous
les drapeanx.

Staatsverlräge. N° 23. 163

Durant la méme péliode ne pourront ètrc poursuissvie les instanees
engagées avant la mobilisation contre des citoyens appelés depuis sous
les drapeaux.

Art. 2. Pour toutes autres personnes les cessalions de paiements survenues
depuis le 31 juillet 1914 inclusivement ou qui surviendront jusqu'à une
date à iixer ultérieurement, bien que régies par les dispositions du
livre III du Code de commerce, ne recevront la qualifieation de kaillite
que dans les cas où le Tribunal'de commerce refuserait d'homologuer le
concordat ou, en l'homologuant, ne déelarerait pas le dehiteur affranchi
de eette qualification, on dans le cas où la l'aillite serait clòturée
poui insuffisanee d'actii' .

Art. 3. Tout commercant qui aura eessé ses paiements durant la période
indiquée au prèeédent article pourra obtenir, en se consorment aux
dispositions de la loi du 4 mars 1889, le bènéfice de la liquidation
judiciaire telle qu'elle est regie par cette loi, alors méme que sa
requète sera présentée plus de quinze jours après la cessation de ses
paiements.

Le débiteur assigné en declaration de faillite mème après l'expiration
dudit délai de quinze jours peut obtenir Ie bénéfice de la liquidation
judiciaire.

Considéram' en droit :

I. f Le recours étant fonde sur le Traité france-suisse de 1869, la
competence du Tribunal federal n'est pas discutable (art. 175 ch. 3
(HP). Aux termes de l'art. 6 du dit traité,le syndie de la masse, anque]
s'est joint d'ailleurs le failli, a qualité pour recourir. Peu importe
enfin que le jugement déclaratif de l'état de cessation de paiements
qui est invoqué n'ait pas reen l'exéquatur en Suisse: ainsi que cela
a toujours été admis par la doctrine et la jurisprudenee (v. CURTI,
Gerichtsstandsvertrag, p. 133; ROGUIN, Conflit des lois, p. 752. LYONCAEN
et RENAULT, Traité de droit commercial VIII N° 1316 et suiv.; PILLET,
Conventions internationales,

164 Staatsrecht.

p. 198 et SV,; RO 29 I p. 341 /2; 30 Ip. 8.8; 35 I p. 592), le jugement
rendu dans l'un des pays contractants peut, sans exéquatur préalable, etre
oppo's'éssss àr-une demande d'ouverture de la faillite dans I'autre pays.

2. Conformément au Message du Conseil fédéral du 28 }uin1869 (v. Feuille
féd. 1869 H p. 510 ei: sv.) et d'accord sur ce point avec tous les auteurs
(v. notamment LYON-CAEN et RENAULT, VIII N° 1314 etw.; AUJAY, Traité
france-suisse N° 26819, Reicka p. 742 et SV.), le Tribu-nal fédéral a
recennu en jurisprudence

constante (RO 15 p. 577 et sv.; 21 p. 55 et w.; 30 I p. -

87 ct sv.; 35 I p. 592)-cp1e l'art. 6 du Traitéimnco-suuse consacre le
principe de l'unité de la faillitesi soit de la force attractive de
la faillite prononcéessau lieu du principal étabiissement, celle-ci
mettantsiobstaelessà-l'ouvertm de la faillite dans l'autre payset
paralynnt meme la faillite qui ); aurait été déclarée' Messen-most u
n'y a aucun motif de modifier cette interpretation du traité qui n'est
d'ailleurs pas contestée par la partie intimee.

. D'autre part, il est constant (v. faits sous litt. ci-dessus} et
expressémen't reconnu par l'int'nnee que c'est en France que Godet a
son domicile et son principal étahlissement commercial. Tout le début
se ramène ainsi a la question de savoir si le jugeinent rendu à Paris
doit étre assimilé à un prònoncé de sifaillite. Or cette question doit
etre _résolue affirmativement.

Tenant compte des circonstances particulièrffl resultant de la guerre,
le décret du 21 aoùt 1914 (conformément à ce qui avait eu lieu déjà dans
des périodes de crise préce'dentes en 1848 et en 1870 : v. PEncenou,
Faillites et banqueroutæ I p. 32 et 33) a eu pour objet, d'une part,
d'interdire toutes instances en déciaration de faillite contre les
citoyens mobilisec (art. 1) et, d'autre part, à l'égard des anti-os
eitoyens en état de mention de paiementg de supprimer dans la régle la,
We de i'aillite et par conséquent les incapacità att-chen à la condition
de failii (art. 2). En ce qui concerne les commer-' Staatsverträge. N°
23. us.-z

pants non mobilisés, le décret prévoit trois éventualités : l'état de
cessation de paiement, une mesure aggravée, c'Wt-à-dire la faillite, dans
trois cas énumérés à l'art. 2 et enfin (art. 3) une mesure atténussée,
c'est-à-dire la liquidation judiciaire, lorsque les conditions fixées par
la loi du 4 mars 1889 sont réalisées. Godet ne se trouvant pas dans l'un
des trois cas exceptionnels dans lesquels' la qualification dess'failli
a été maintenue par l'art. 2, mais n'ayant pas été jugé digne d'obtenir
le bénéfice de la liquidation judiciaire, il a été declare en étant de
cessation de paiements. Les effets de cette decision sont précisés par
Part. 2 du décret qui spécifie que les cessations de paiements sont
régies par les dispositions du livre III du code de commerce , seit
par le livre consacré aux iaillites et banqueroutes . La liquidation
des biens du déhiteur est donc soumise entièrement aux règles de la
faillite. Simplement le débiteur n'est pas appelé failli et il est, de
ce chef, soustrait à l'application des nombreux textes législatifs qui
frappent d'incapacités de droit public les faillis. Mais pour le surplus
l'état de cessation de paiements ne se djstingue en rien de la faillite;
ce n'est pas une situation juridique 'faisant l'objet d'une règlementation
Speciale; c'est lajaillite, meins le nom. Il va sans dire que, an point
de vue de l'application du . traité, c'est cette identité foncièressdes
deux institutions qui Seule importe et non 'pas une difference de
nom qui n'a d'effets que sur la condition personnelle du débiteur et
n'affecte nullement ses relations avec ses creanciers, ni la procédure
de liquidation de ses biens. Dans une affaire antérieure (masse Schwob
: BO 21, p. 56 et SV.), le Tribunal fédéral a juge que le principe de
l'unité de la faillite s'applique' non seulement à l'égard de la faillite
proprement dite, mais aussi à l'égard de ses modalités spéciales, seit
de la liquidation judiciaire et du sursis concordataire. Il doit, à bien
plus fort raison, en ètre de mérne à l'égard de l'état de cessation de
paiements qui se eonfond récllement avec la faillite, tandis que par

HN; Staatsrecht

exemple la liquidation judiciaire en difi'ère assez sensiblement
(le débiteur n'étant pas dessaisi de ses biens). Il résulte de ee qui
précède que, declare en état de cessation de paiement-s au siege de
son établissement principal en France, Godot ne pouvait ètre déclaré
en faillite en Suisse et que la decision du Président du T ribunal de
Nyon doit done étre aunulée comme impliquant une violation du Traité
france-suisse. Quant aux conclusions subsidiaires de la partie intimée,
elles sont irrecevables. Au lieu de les formuler dans sa reponse _au
reeours, la Brasserie du Lion de Beau-Séjour ne les a prises qu'en
Duplique, alors que la Réplique ne contenait aucunes conclusions qui ne
fussent déjà contenues dans le recours. En outre, elles sortent du cadre
de la question soumise au Tribunal federal : il ne s'agit pas, comme dans
l'arrét Schwob invoqué par l'intimée, de savoir si le prononce frank-ais
doit reeevoir l'exéquatur en Suisse, éventuellement à quelles conditions
ou" sous quelle-5 rèserves ; ce qui est en discussion c'est la conformité
de la decision du Président du Tribunal de Nyon avec les dispositions du
traité et le Tribunal federal ne saurait à cette occasion se prononeer
sur les droits que les creanciers suisses pourront faire valoir dans la
procédure ouverte en France. Au surplus, la première des conclusions
subsidiaires paraît Superfine, 'puisque le syndic de la eessation de
paiements a déjà inscrit l'intimée sur la liste des créanciers et, en ce
qui c'oncerne la demande tendant à obtenir paiement en francs suisses,
elle reléve du fond du droit et échappe à la competence de la Section
de droit public du Tribunal federal chargée de contròler l'application
du traité de 1869. '

Le Tribunal fédéral pronunce :

Le recours est admis et i'ordonnance de faillite rendue par le Président
du Tribunal de Nyon le 7 janvier 1920 est annulée .Organisation der
Bundesrechtspflege. N' 2-1. 167

III. ORGANISATION DER BUNDESRECHTSPFLEGE

ORGANISATION JUDICIAIRE FEDERALE

Vgl. Nr. 15.si_Voir n° 15.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 46 I 160
Date : 19. Juli 1920
Publié : 31. Dezember 1920
Source : Bundesgericht
Statut : 46 I 160
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : 1 60 Staatsrecht. VI I I. STAATSVERTRÄGE TRAITÉS INTERNATI'ONAUX ' 23. Ari-61.


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1919 • brasserie • tribunal fédéral • ouverture de la faillite • directeur • décision • tribunal de commerce • duplique • droit public • fin • salaire • traité international • matériau • liquidation • forme et contenu • traité entre canton et état étranger • concordat • acte législatif • conclusions • bilan
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AS 4151/1920