540 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsinstanz.
Par ces motifs, Le Tribunal fédéral
prononce :
Le recours introduit par dame Henriette-Emma Girard née Dehanne est
déclaré fonde, et l'arrét rendu entre parties par la Cour de Justice
civile de Genève en date du 16 octobre 1909 est reforme en ce sens que
la demande de divorce intente per sieur Emile Girard à sa prédite femme
est écartée.
IV. Haftpflicht der Eisenbahnund Dampfschiffahrtsunternehmungen und. der
Post. Responsabilité des entreprises de chemins de fer
et de bateaux à vapeur et des postes.
70. Arrét du 27 octobre 1909, dans la cause Compagnie des chemins de
fer de Paris à Lyon et à la. Méditerranée, de'f. et rec. prinsic. ,
con-tre Guibentif, dem. et rec. p. fu. d. j.. et Dép. féa. des Postes
et des Chemins de fer, def. et int.
Double action se dirigeant contre deux personnes distinctes et
en vertu de lois différentes intentée dans deux preces séparés et
successifs. Violation du principe : non bis in idem ? Droit fédéral
et cantonal. Responsabilité civile des entreprises de chemins de fer,
art. i LF du 28 mars 1905. Accident dù à la faute ooncurrente de la
viotime et de l'entreprise ainsi qu'au cas foi-fuit. Determination de
l'indemnité, art. 3 LF : Les dépenses nécessaires pour I'entretien et
le renouvellement d'un membre artifioiel rentrent dans la categorie
des frais remboursables à la personne lésée, conformément à l'art. 3.
Quant à la s'i-nation des dommages-intérèts pour diminution de la capacité
de travail, c'est la diminution reelle de cette capacité qui doit etre
prise en considération alors meme qu'en fait elle ne s'est pas traduite
par une elimination correspendente du salaire du lese qui continue à etre
occupé par son patron. Mutilation qui compromet l'avenir du Iésé (perte
des deux jambes). Réduction de l'indemnité conformé--IV. Haftpflicht
für den Eisenbahn-, Dampfschiffund Postbetrieh. N° 70. 541
ment à l'art. 4 LF, la viotime réalisant un gain exceptionnellement
élevé? Application de i'art. 8 LF: Allocation d'une somme équitable ,
indépendamment de la réparation du dommage constaté.
A. Le demandeur Paul Guibentif, né le 28 octobre 1868, était fonctionnaire
postal à Genève et attaché, en mars 1906, au service des ambulants. Le
23 mars 1906 il devait quitter la. gare de Coruavin à 12 h. 40, par
le train 25, pour accompagner l'ambulant jnsqu'à Palézieux. Il est
arrive vers midi au bureau du transit, où il devait prendre sa blouse
et oonsulter le livre d'ordre. Le Bureau du transit est situé au nord
du bätiment des voyageurs; il en est séparé par les voies du PLM et des
CFF. Pour se rendre du bureau à la voie 1 CFF où se trouvait le train 25,
le plus court était de traverser les voies.
Guiloentif est sortj par la porte qui ouvre sur la cour des Postes; il s'y
est arreté pour satisfaire un besoin naturel, puis a gagne le trottoir
longeant la voie 3 PLM. Les trains ne circulent pas habituellement sur
cette voie. Guibentif & suivi ce trottoir pour arriver au passe-ge sur
voies qui se trouve en face du bureau du transit; le jour de l'accident
le passage n'était pas ferme par une chaine et il n'y avait pas de
planten. La bise souffiait violemment et il neigeait; Guibentif, le col
de sen pardessus relevé, marchait vite, la téte baissée.
A ce moment avanqait sur la voie 3 PLM, à une allure de 6 à 8 km., un
train de manceuvr'es. Le chef d'équipe Gravier, charge de commum'quer
an mécanicien les ordres du chef de manoeuvre, marchait à còté du
train. Voyant devant lui Guibentif, il lui a crié : attention ; le
mécanicien a. Sifflé trois fois. Guibentif n'a entendu ni le cri ni
les sifflets. Arrivé à la hauteur du passage à niveau, il a fait un
brusque mouvement ä gauche pour s'engager sur le passage. Gravier a
essayé de le retenir par ses vétements, mais il avait déjà été atteint
par la. locomotive; il a été terrasse et entraîné sur une longueur de
plusieurs mètres. Il a été relevé et transporté à l'hòpital, où il a
subi l'amputation des deux jambes.
As 35 n 1909 37
542 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster Zivügerichtsinstanz.
Guibentif était un fonctionnaire sérieux, consciencieux et prndent. Il
avait, au moment de l'accident, un traitement de 8200 fr.; il touchait
en outre des indemnités de déplacement qui lui rapportaient, frais de
déplacement déduits, un supplément d'environ 180 fr. par an.
B. Guibentif e, en date du 26 septembre 1906, ouvert action
à. l'Administration des Postes en paiement de 80000 fr. d'indemnité. Par
exploit du 25 octobre 1906, le Département des Postes a appelé en cause
la Cie PLM. Celle-ci a excipé de l'irrecevabilité de la demande par le
motif que le Departement des Postes n'aurait pas qualité pour ester en
justice; cette exception a été écartée en dernière instance par arret
du Tribunal federal du 8 mai 1907 *.
Entre temps, soit par exploit du 7 mars 1907, Guibentif avait ouvert
action à. .la Cia PLM, également en paiement de 80000 fr. La Compagnie
a demandé au tribunal de déclarer cette demande irrecevable, Guibentif
n'ayant pas le droit, après avoir assigné le Département des Postes,
d'assigner ensuite par exploit séparé la Cis PLM en paiement de la meme
indemnité, pour le meme accident.
Par jugement du 25 juin 1907, le tribuna] de première instance a declare
la demande recevable et a ordonné la jonetion des deux causes. La Cis
PLM ayant appelé de ce jugement, la Cour de Justice l'a confirmé par
arrèt du 5 octobre 1907.
Guibentif a pris le 4 avril 1908 les conclusions suivantes : Plaise
au tribunal
1° condamner solidairement les Festes fédérales snisses et la Cie PLM
a lui payer 82000 fr. avec intérèts à 5 0O dès le 23 mars 1906;
2° eendamner la PLM à lui payer 20 000 fr., en application de l'art. 8
de la loi du 25 mars 1905 snr la responsabilité des chemins de fer.
L'indemnité de 82 000 fr. se décompose de la fac-on suivante :
* RO 33 II no 53 p. 375 ct suiv. (Noicdu réd. du HO.)[V. Haflpflicht
für den Eisenbahn-, Dampfschiffund Postbatrieb. N° 70. 543
Frais occasionnés par l'accident 2000 fr. Dommages-intéréts pour
incapacité de travail 70 000 fr. Indemnité pour mutilation 10 000 fr.
,Les défendeurs ont conclu, l'un et l'autre, à liberation, le Departement
des Postes a maintenu ses conclusions en garantie contre la Compagnie. Le
26 juillet 1908, le Procureur général a pris des conclusions tendant à
ce que le tribuna] declare les défendeurs solidairement responsables et
ordonne une expertise.
Les experts médicaux, DW Girard, Mégevand et Veyrassat, ont déclaré dans
leur rapport que, d'après l'évaluation ordinaire des tables d'accidents
de travail, la diminution de capacité de travail de Guibentif devrait
etre fixée a 100 9/0. Ils Pont estimé à 80 % en tenant compte du fait
qu'il a obtenu un poste de faveur dans l'Administration des Postes,
à raison meme de sa mutilation.
Par jugement du 1er février 1909, le tribunal de 1re instance a condamné
les Postes fédérales et la Cie PLM a payer au demandeur avec intéréts
léganx dès le 23 mars 1906 :
1802 fr. 10 pour frais de guérison ;
46 440 fr. pour incapacité de travail;
10 000 fr. indemnité de mntilation.
Le jngement admet qu'aucune fante ne peut etre relevée à, la charge de
l'une ou l'antro des parties.
Les trois parties ont appelé de ce jugement. Par arrét du 3 juillet 1909,
la Cour de justice civile a débouté Guibentif de sa. demande contre le
Département fédéral des Festes et condamné la Cie PLM à payer à Guibentif
avec intéréts dès le 23 mars 1906
a) la somme de 2000 fr. pour frais médicaux;
5) celle de 43 860 fr. pour indemnité d'incapacité de travail;
c) 10 000 fr. pour indemnité de mutilation;
d) 5000 fr. pour indemnité en application de l'art. 8 de la loi fédérale
sur la responsabilité des chemins de fer.
La Cour a admis que l'accident était du à la faute grave de la Cie PLM
età une faute légère de Guibentif.
544 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsinstanz.
C. La Cie PLM a, en temps utile, reconru au Tribunal fédéral, en
concluant à ce que le Tribunal fédéral reforme les arrèts rendus par
la Cour de justice civile le 5 octobre 1907 et le 3 juillet 1909 et
déboute Guibentif et le Département fédéral des Postes de toutes leurs
conclusions tant principales que subsidiaires prises contre elle.
Guibentif a, en temps utile, déclaré recourir par voie de jonction contre
l'arrét du 3 juillet 1909. II declare s 'ineliner devant la décision par
laquelle la Cour de just-ice a mis hors de cause les Postes fédérales. Par
contre il persiste dans ses conclusions directes contre la C PLM, tendant
à. ce qu'elle soit condamnée a lui payer les sommes de 82000 fr. et de
20 000 fr.
Stamani sur ces fails et conside'ra-nt en droit :
1. La Cje PLMa dirige son recours en premier lien contre l'arrèt du 5
octobre 1907 par leqnel la Cour de justice civile a déclaré recevable
l'action directe de Guibentif contre la Compagnie et a ordonné la
jonction de cette cause avec la cause deja pendente entre Guibentif
et l'Administration des Postes, d'une part., et, d'autre part, entre
celle-ci et la Cis PLM évoquée en garantie. 11 y a lieu d'examiner tout
d'ahord cette conclusion du recourant qui interesse les trois parties,
pnisqne, si elle était admise, elle aurait pour effet d'annuler tente la
procédure postérieure à l'arrèt du 5 cctobre 1907. Le Tribunal fédéral ne
peut, bien entendu, réformer cet arrèt que s'il a été rendu en violation
de dispositions de droit fédéral. La question qui se pose est des lors
celle de savoir s'il existe un principe de droit fédéral s' epposant à ce
que Guibentif, ayant commence par actionner l'Administration des Postes,
ouvrit ensnite une action directo contre la Cis PLM.
Il est incontestable que Guibentif avait une double action, l'une contre
l'Administration des Postes en vertu de la loi federale du 5 avril
1894 sur la régale des Postes, l'autre contre la Cje PLM en vertu de la
loi fédérale du 28 mars 1905 sur la responsabilité des entreprises de
chemins de fer. La ()ie PLM ne le conteste pas, mais elle prétend que
Gui-IV. Haftpfiicht für den Eisenbahn-, Dampfschiffund Postbetrieh. N°
70. 545
bentif ne pouvait l'assigner après coup, une fois 'le premier procès
lie. Or il n'existe pas de règle de droit fédéral obligeant celui qui
a une double action à attaquer simultanément les deux défendeurs et
l'empéchant de conduire deux procès séparés et successifs; en l'espèce
Guibentif avait le droit d'ouvrir action d'abord à l'Administration
des Postes et ensuite à la Cie PLM, sans que celle-ci pùt lni opposer
I'exception tirée du principe non bis in idem. Ce principe ne saurait
s'appliquer, puisqu'il n'y a ni identité de parties dans les deux preces,
ni identité de demande, les deux actions de Guibentiî étant basées sur
deux lois différentes.
Il est vrai que la Cie PLM se trouvait etre partie déjà an premier
procès par suite du recours exercé contre elle par l'Administration des
Postes. Mais cette circonstance ne modifie pas la situation et ne permet
pas a la Compagnie d'invoquer le principe non bis in idem ; il n'y a pas
identité entre l'action directe de Guibentif fondée sur la loi sur la
responsabilité des entreprises de chemins de fer et l'action récursoire
de I'Administration des Postes fondée sur l'art. 19 de la loi sur la
régale des Postes.
Pour le surplus le Tribunal fédéral n'a pas à examiner si c'est à bon
droit que la Cour de justice civile a ordonné la jonction des deux actions
ou si elle aurait dù suspendre l'action directe de Guibentif contre la
Cia PLM jusqu'à droit connu sur les actions principale et récursoire
du premier procès. C'est là. une pure question de droit cantonal dont
l'examen échappe à la competence du Tribunal fédéral.
Il résulte de ce qui précède que le recours de la Compagnie doit
ètre écarté en tant qn'il est dirigé contre l'arrèt ineident du 5
octobre 1907. Quant aux conclnsions des recours soit de la Compagnie
soit de Guibentif contré l'arrét du 3 juillet 1904, il y a lieu
d'observer qu'elles n'intéressent que les rapports entre les deux
parties; l'Administration des Postes est définitivement hors de cause,
Guibentif n'ayant pas recouru contre la décision par laquelle la Cour
de justice civile l'a débouté de sa demande contre dite administration.
L'action récursoire de cette dernière est par là. meme deve-
546 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsinstanz.
nue sans objet et il n'y a pas lieu dès lors d'entrer en matière sur
les conclusions que la (31° PLM & prises contre elle dans son recours
et qui n'avaient de raison d'étre que dans l'éventualité, non réalisée,
d'un recours de Guibeutif contre l'Administration des Postes.
2. La Cie PLM prétend que sa responsabilité ne peut étre engagée
qu'en cas de faute de sa part. Cela n'est vrai qu'en ce qui concerne
sa responsabilité vis-à-vis de I'Administration des Postes (loi sur
la regale des Postes, art. 19). Vis-à-vis de Guibentif, an contraire,
elle est tenne au paiement d'une indemnité meme en i'absence de toute
faute de sa. part (loi sur la responsabilité des chemins de ker, art. 1
et 2). Pour échapper a cette responsabilité, elle doit prouver qu'elle
peut se mettre au bénéfice de l'une des canses de libération prévnes par
l'art. 1 de la dite loi. A cet effet, elle a pretenda que l'accident est
dù à la force majenre et à la faute propre de Guibentif. Il ne sanrait
etre question d'admettre le premier de ces moyens; le temps qu'il faisait
au moment de l'accident (bise et neige) ne constitue évidemment pas un
cas de force majeure (cf. arrèt du Tribunal fédéral du 5 mai 1897, C
des chemins de fer à voie étroite de Genève c. Milliquet, RO 23, p. 626,
consid. 4). Il y a lieu de rechercher des lors si Guibentif a commis une
faute, en observant d'ailleurs qu'elle ne serait de nature à. exclure la
responsabilité de la Compagnie que si elle se révélait comme la cause
unique de l'accident. Dans tout autre cas, elle a pour seul effet de
réduire le montant de l'indemnité à laquelle le lese a droit.
La Compagnie reproche en première ligne à Guibentif d'avoir voulu
traverser les voies pour aller du bureau du transit au train 25 CFF,
au lieu de se rendre de son domicile à la voie 1 CFF en passant par la
Rue des Gares et la Rue du Mont Blanc. Cela revient à, dire ou qu'il
n'avait pas àaller au bureau du transit ou que, dans tous les cas,
pour gagner de là la voie 1 CFF il ne devait pas employer le passage
à. niveau. Or il est constaté en fait, d'une part, qu'il était obligé
par son service de se rendre au bureau du transit pour vIV. Haftpflicht
für den Eisenbahn-, Dampfschiffund Pestbetrieh. N° 70. 54?
prendre sa blouse et y consulter le livre d'ordre, et d'autre part que
tous les employee preposes au service des ambulants étaient autorisés
expressément à passer par le passage à niveau et que les personnes
chargées de la police de la. gare n'ont jamais interdit ce passage au
personuel des ambulants. Du moment qu'ils avaient affaire au bureau
du transit, il n'anrait pas été admissible de leur imposer le détour
considérable de la Rue des Gares et de la Rue du Mont-Blanc. Il est
vrai que I'Administration des Festes a, par un ordre de service du 3
avril 1906, interdit aux employés postaux de deposer leurs blouses au
bureau du transit où le livre d'ordre ne se trouve plus et de traverser
les voies. Mais cet ordre de service, postérieur à l'accident, ne peut
etre invoqué contre le demandeur; il serait tout au plus de nature à
montrer que l'Administration des Postes pouvait organiser le service
de maniere à. dispenser les ambulanciers de l'obligation de se rendre
au bureau du transit et par conséquent de traverser les voies. Mais
(lu moment que cette obligation existait encore lors de l'accident,
on ne peut faire è. Guibentif un reproche de s'y etre soumis.
La recourante voit en outre une faute de Guibentif dans le fait qu'il
n'a pas prété attention aux signaux et à l'arrive'e du train. Les
conditions atmosphériques expliquent que le demandeur n'ait pas entendu
les sifflets de la locomotive et l'avertissement de Gravier. Mais per
contro c'est a bon droit que la deuxième instance cantonale a retenu à
sa charge la negligence qu'il a commise en s'engageant sur le passage
sans s'assurer au préalable si la voie était libro. Le Tribunal fédéral
& juge à plusieurs reprises (voir notamment arrèt du 15 juillet 1896,
Habersaat c. NOB, RO 22 p. 771, consid. 4; cf. arréts du 17 mai 1899,
Gotthardbahn c. Kiittel, RO 25 II p. 276, consid. 1, et du 26 février
1903 Gotthardbahn c. Langenegger, RO 29 II p. 7 et suiv.) que le fait de
traverser une voie sans observer cette mesure élémentaire de prudence
constitue une faute, méme lorsqu'il s'agit d'un employ-é de chemin de
fer devenu par l'accentumance moins soucieux des dangers. Il est vrai
que la voie Z
548 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsinstanz.
n'est pas affectée a la circulation habituélle des trains, mais il
résulte cependant des dépositions qu'elle est utilisée fréquemment pour
des manoeuvres. De plus Guibentif connaissait le danger du passage; un
écriteau placé dans le bureau du transit recommandait aux empleyés pestaux
de faire attention en traversant les voies et cette recommandatien leur
était rappelée périodiquement. Meme en tenant compte de l'état du temps,
qui explique en partie la hate de Guibentîi et son défaut d'attention,
il demeure à sa charge une faute d'une certaine gravité.
3. Cette kaute est en relation de cause à. effet avec l'accident. Mais
elle n'en & pas été la cause unique. Ainsi qu'on l'a vu, l'accident
est du également aux conditions atmosphériques défavorables et cela
suffirait pour que la respensabilité de la Cîess PLM fùt engagée en
principe. Mais il reste encore à examiner si la Compagnie n'a pas en
outre commis elle-meme une faute. Independamment de divers autres griefs
de Guibentif (défaut de signaux, vitesse excessive du train) qu'il n'y a
plus lieu d'examiner, les constatations de fait de l'iustance cantonale
ayant établi d'une manière qui lie le Tribunal federal qu'ils ne sont pas
fondés le demandeur a pretenda que la Gie PLM aurait dù faire piloter
le train en manoeuvre. 11 entend par la que le train aurait dü ètre
précéde' d'un employé marchant devant la locomotive. Or cette mesure
n'est pas prescrite par le Reglement d'exploitation du PLM Iqui donne
au mot pilotage un sens tout differenti (le pilote étant swla machine
et non devant elle) et qui d'ailleurs n'organise le pilotage que dans
des cas exceptionnels dans aucun desquels on ne se trouve en l'espèce
(v. Règlement art. 262-281). En ne faisant pas précéder le train d'un
employé, la Compagnie n'a viele aucuue prescriptien réglementaire. Et
elle n'a pas non plus viele une règle générale de prudence; les
circonstances n'exigeaieut pas une mesure de précaution d'une nature
aussi exceptionnelle, d'autant plus que le train était, sinon précédé,
du moins accompagné par un employé.
Le demandeur allègue encore à la charge de la CompagnielV. Haftpflicht
für den Eisenbahn-, Dampfschiffund Postbetrieb. N° 70. 549
le fait que le jour de l'accident le passage n'était pas ferme par
une chaine et qu'il n'y avait pas de planten. Il résulte des pièces
du dossier que plusieurs années avant l'accident le chef de la gare
de Genève a ordonné qu'un employé surveillàt le passage et placet une
chaine barrant le passage. C'était à une époque où la voie 3 servait
aux trains venant de France. Quelque temps avant l'accident le planton
a été supprimé; la chaine par contre existait toujours, mais le jour de
l'accident elle n'était pas placée.
Les deux instances cantonales ont admis qu'il n'existe pas de relation de
cause à eifel; entre l'abseuce de chaine et l'accident, puisque Guibentif
ne sertait pas du local des Postes, mais venait de la cour en longeaut la
voie 3. Elles ont sans deute entendn censtater par là que la chaine était
placée de maniere à empécher de pénétrer sur le quai depuis l'intérieur
du bureau de transit, mais qu'elle n'empèchait pas
' une personne se trouvant sur le quai de s'engager sur le pas-
sage à. niveau. Le Tribunal fédéral ne peut revoir cette appréciation
basee sur la connaissance des circoustances losales.
Par contre en emettant de faire surveiller le passage par un planten, la
Compagnie a certainement commis une faute. Cette kaute est d'autant plus
grave que le passage était reconnu dangereux, que des accidents avaient
déjà failli s'y prednire et que, à diverses reprises, l'Administration
des Postes avait adressé à la Compagnie (les réclamations à, ce sujet. La
recourante aurait dù dès lors veiller à ce que les mesures de précaution
édictées quelques années auparavant fussent maintenues en vigueur. A
supposer donc qu'on ne puisse pas dire avec Guibentif que l'accident est
dù à l'organisation défectueuse de la gare de Genève, au défaut de police
dans la gare en général et que cet état de choses est imputable & la
faute de la Compagnie, on doit tout au moins reconnaitre avec la deuxième
instance cantonale que sur le point particulier de la surveillance de
ce passage à niveau dangereux la Compagnie n'a pas pris les mesures
nécessitées par les circonstances. Cette faute est en relation de cause à
550 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsinstanz.
effet avec I'accident, car il est à présumer que le planton aurait vu
venir Guibentif et aurait pu l'avertir .et le retenir à temps.
En résumé l'accident est dù à, la faute concurrente de Guibentif et de
la Cie PLM et au cas fortuit. Il y a lieu de déterminer le montant de
l'indemnité en tenant compte de cette responsabilité partagée.
é. Le demandeur a droit tout d'abord au remboursement des frais
occasionnés par l'accident. La somme de 1802 fr. 10 allouée de ce chef par
la première instance a été portée a 2000 fr. par la Cour de justice civile
cette somme supplémentaire de 200 fr. ayant pour but de tenir compte
des frais de renouvellement et d'entretien des jambes artificielles. Il
convient de confirmer l'ai-ret de la Cour de justice civile sur ce point,
ces frais de renouvellement et d'entretien rentrantsseffectivement dans
la categorie des frais dont, à teneur de l'art. 3, le lésé a le droit
de réclamer ie remboursement et la somme de 200 fr. n'étant certes
pas exagérée.
5. Guibentif a reclame de plus une indemnité de 70 000 fr. pour incapacité
de travail permanente. Pour la fixation de cette indemnité il y a lieu
de tenir compte des éléments suivants:
Au moment de l'accident Guibentif avait un traitement fixe de 3200
fr. et il se faisait environ 180 fr. net de supplément à raison des
indemnités de déplacement. Il réSulte des dépositions de ses chefs que
son salaire aurajt augmenté deja de 300 fr. l'année suivante et que
dans quatre ou cinq ans il aurait pu raisounablement prétendre à un
poste de chef de bureau aux appointements de 4.500 fr. On doit, ainsi
que le Tribunal federal l'a décidé à maintes reprises, tenir compte de
ces chances d'augmentation de salaire. Si l'on prend en considération
le fait qu'elles étaient probables et prochaines, il se justifie de
calculer la diminution de capacité de travail snr la base d'un salaire
annue] de 4000 fr. (somme qui représente à peu près la moyenne entre le
salaire au moment de l'accident et celui qu'il aurait pu avoir quatre ou
cinq ans plus tard).IV. Haftpflicht für den Eisenbahn-, Dampfschiffund
Posthetrieb. N° 70. 551
Quant ausstaux de la diminution de capacité de travail, les experts
ont déclaré qu'en règle générale, pour une lésion de cette gravité, il
devrait etre fixé è. 100 0/9. Dependant ils l'ont évalué à 80 0/0 pour
tenir compte du fait que Guibentif a obtenu une place de iaveur à. la
Poste. Eu eet l'Administration des Festes l'a conservé à son service et
il gagne actuellement 3400 fr. par an. Les deux instances cantonales ont
adopté le tanx de 80 9/0 fixé par les experts. La recenrante attaque sur
ce point l'arrét de la Cour de justice civile en faisant observer que
le préjudice reel est inférieur à celui qui résulterait d'une diminution
de capacité de travail de 80 00 et que soit le demandeur lui-meme, soit
le chef de bureau Guster ont évalué a 60 "0 cette diminution de capacite.
Le Tribunal fédéral a jugé (v. notamment arrèt du 14 septembre 1883
Kübler c. Vereinigte Schweizerhahnen, RG 9 p. 283-284 consid. 4) que ce
qui doit servir de base de calcul, ce n'est pas la difference effective
de salaire avant et après l'accident, mais bien la diminution reelle de
capacité de travail, méme lorsque en fait elle ne s'est pas traduite par
une diminution de salaire correspondante. Il n'y a pas de raison pour
abandonuer ce principe qui est le seul conforme a la lettre et à l'esprit
de la loi. On voit assez les dangers d'application du principe contraire
qui permettrait au débiteur de l'indemnité d'en fixer en quelque sorte
lui-meme le montant, en accordant, pendant le procès, un salaire qui
ne correspondrait pas à la véritable capacité de travail dela victime
de l'accident.
En ce qui concerne les évaluations faites par le demandeur lui-meme
et par le chef de bureau Custer, il convient d'observer qu'elles ont
trait uniquement à la reduction de capacité de travail de Guibentif
comme fonctionnaire postal . Or sa situation à la Poste est précaire;
elle depend uniquement du bon vouloir de l'administration et il faut
admettre que s'il devait choisir un autre métier, sa capacité de travail
se trouverait réduite dans une mesure plus forte. Cependant elle ne
serait pas nulle; il pourrait encore se livrer sans deute à. des travaux
de bureau et dès lors le taux de 80 0/0
552 A. Entscheidungen des Bundesgerichts als oberster
Zivilgerichtsiustanz.
admis par les experts semble bien tenir' compte de toutes les
circonstances. '
L'indemuité doit ètre accordée sous forme d'un capital, les parties
étant d'accord sur ce point et la Société debitrice ayant son siege hors
de Suisse. Une rente de 4000 fr., pour un homme de l'äge du demandeur,
correspond à un capital de 53 500 fr. en chiffre rond.
Il convient de réduire cette somme a raison de l'avantage de l'allocation
d'un capital. Cette reduction doit etre relativement forte, la rente qui
sert de base aux calculs étant supérieure au salaire du demandeur lors
de l'accident et tenant compte dans une forte mesure de ses perspectives
d'avancement. Si en la fixe à 20 O/0, l'indemnité se trouve ramenéesi
à. 42 800 fr.
Elle doit encore etre réduite à raison de la kaute imputable à
Guibentif. Cette faute ne peut pas etre qualifiée de légère, comme
l'a fait l'instance cantonale supérieure, quoiquess d'ailleurs elle se
trouve atténuée dans une certaine mesure par les circonstances exposées
ei-dessus (conditions atmosphériques, accoutumance au danger, etc.). En
outre elle se trouve en ccncours avec une faute de la Compagnie qui a un
caractère plus grave. Il se justifie, pour toutes ces raisons, de fixer
à 25 0/O la reduction à. opérer de ce chef, ce qui réduit endefinitive
I'inslemnité à. 32000 fr.
Il n'y a pas lieu de la réduire encore, comme le demande la recourante,
en application de la disposition de Part. 4 de la loi. En parlant d'une
victime réalisant un gain excessivement élevé, cet article ne vise
certaiuement pas le cas d'un employé qui gagne 4000 fr. par an.
Le salaire touché par Guibentif depuis l'accident ne constitue pas non
plus un motif de reduction de l'indemnité ne fut-ce que pour cette
raison que ce salaire a été payé à. Guibentif par l'Administration
des Postes et que la Elie PLM ne peut pas bénéficier d'un paiement
fait par un tiere. La meine raison s'oppose à ce que, conformément a
la demande de la recourante, on fasse courir les intérèts seulement
dès le jour du present arrét, an lien de les faire courir dès le
jour de l'accident.lV. Haftpflicht für den Eisenbahn-, Dampfsehiffund
Postbelrieb. N° 70. 553
6. Le demaudeur a droit a l'indemnité spéeiale que l'art. 3 permet
d'allouer lorsque la victime desil'accident a été mutilée d'une faqon
qui compromet son avemr. Cette indemnité spéciale n'est pas destinée
à. réparer le tort'moral qui n'est prévu que par l'art. 8. Elle a pour
but de reparer le dommage d'ordre économique qui peut résulter del
aceident, indépendamment du dommage cause par la dimmution de capacité
de travail. En 'l'espèce Gulbentif se trouve certaiuement mutilé d'une
facou qui entraine pour lui des couséquences préjudiciables au point
de vue strictement économique; il est limite dans le choix de son
logement, ne pouvant plus, comme auparavant, habiter a un tr01s1ème
etagel; 11 a du, depuis l'accident, changer d'appartement; il a besom
de soins; il ne peut plus gnère rendre de serclces dans son ménage;
par suite de son infirmité, il se trouve ausm plus exposé sans doute aux
maladies et aux accidents. Ge sont la tout autant d'éléments de dommage
économique. Par contre le fait que depuis l'accident les relations
sociales de Guibentif sont très diminuées ne peut pas etre pris en
consrdération; ce n'est pas un element de dommage materiel. Il convient
par conséquent de réduire l'indemnite de 10000 fr. que les instauces
cantonales ont allouée en faisant a tort entrer en ligne de compte cet
élément de dommage non materiel. On peut des lors évaluer le préjudice
résultant de la mutilation a 8000 fr. somme qui doit étre rédmte de 25
fo et ramenée a 6000 fr., à raison de la faute imputable à Guibentif.
' 7. Enfin la seconde instance cantonale a encore alloue
à Guibentif, en vertu de l'art. 8, une indemnité de 5000 fr. par le
motif qu'elle a retenu une kaute grave a la charge de la Compagnie. Ce
motif ne saurait etre adopté tel quel. P'our que l'indemnité prévue
à l'art. 8 puisse etre accprdée, il n est ni nécessaire ni suffisant
que l'accident soit du .au dol ou a la faute grave de l'entreprise
(cf. arrèts du Tribunal fédéral du 9 mars 1894, Leber c. Bromberger,
BO 20 p. 209 ; 2 octobre 1903, Linder c. Bitterli, RO 29 II p. 611 ,
22 septembre 1906, Weit-neuer c. Winterthur, RO 32 II p. 515; 26 janvier
1907, Biichi c. Keller, RO 33 II p. 72,
554 A. Entscheidungen des Bundesgenchts als oberster Zivilgerichtsinstanz.
8 février 1907, Boillot c. Cordey, R0"33 Il·p. 88; 10 mai 1907,
Bex c. Moltis, RO 33 II p. 285; 30 novembre 1907, Steiner c. Zini,
RO 33 II p. 587). En effet, d'une part il suffit qu'il Y ait eu une
faute quelconque de la part de l'entreprjse le dol et la kaute grave
n'étant mentionnés qu'ä, titre exemplaire et d'autre part il faut que des
ein-onstances particnlieres justifient l'allocation de l'indemnité. Ces
deux conditions sont réalisées en l'espèce; l'accident est dii, en
majeure partie à la faute de la Cie PLM et il a eu pour Guibentif des
conséqucnces spécialement graves, les lésions qu'il a subies étant de
nature, non seulement à lui causer un préjudice économique, mais encore
si le priver de nombre de
jouissances, à diminuer pour lui le charme de la vie. Il est,
équitable de lui allouer une indemnité Speciale de ce chef malgré que
l'accident sit été causé en partie par sa faute. Le texte de l'art. 8 net
s'oppose pas ä. ce que, méme en cas de kaute concorrente de la victims,
le juge lui accorde une indemnité pourvu que, dans les circonstanees
particulières de l'espèce, cela paraisse indiqué; cependant on doit
tenircompte de cette faute pour la fixation du montant de l'indemnité que,
dans le cas present, il y & lieu d'arbitrer è., 2000 fr.
Par ces motifs,
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours de la CiePLM est écarté en tant qu'il est dirigé contre
le Département fédéral des Postes; en tant qu'il-' est djrlge contre
P. Guibentif, il est partiellement edmis et l'arrét de la Cour de justice
civile de Genève est réformé en ce sens que la Cie PLM est condamnée à
payer à P. Guibentif la somme de 42 000 fr. avec intéréts à 5 0/o dès
le 23 mars 1906.
Le recours par voie de jonction du demandeur est écarté.
IY. Haftpflicht für den Fabrikund Gewerbebetrieb. N° 71. 555
V. Haftpflicht für den Fabrik_und Gewerbebetrieb. Responsebilite pour
l'exploitation des fabriques.
71. gute vom 20. Oktober 1909 in Sachen Scholl, Kl. u. Ver.-KL, gegen
Festen Bekl. u. Ber.-Bekl.
Betriebsunfau cls Voraussetzzmg der Haftpflicht im Baugewerbe (Art. 'l
Ziff. 2 litt. & Nov. 2. FHG): Mangel dieser Voraussetzung (Unfall auf dem
Heimweg von der Arbeitsstelle begBenutzuegv eines gefährlich-en Waldwegcs,
auf den der Verunfallte mehr? spezaell angewiesen war).
Das Bundesgericht hat, da sich ex.-gibt:
A. Mit Urteil vom 24. Juni 1909 hat das Qbergericht des Kantons Solothurn
erkannt:
Der Beklagte ist nicht gehalten, dem Kläger für den dem Kläger am
26. November 1907 zugestossenen Uns-all eme Entschädigung von 4038 Fr. 45
Ets. nebst Zins zu 50/0 sett 26. November 1907 zu bezahlen- '
B. Gegen dieses Urteil hat der Kläger rechtzeitig die Berufung an das
Bundesgericht ergriffen, mit dem Antrage: es sei ihm in Abänderung des
angefochtenen Urteils eine Entschadtgung von 4038 Fr. 45 Cis. nebst 50/0
Zins seit 26. November 1907 zuzusprechen. .
C.Jn der mündlichen Verhandlung hat der klägerische Vertreter den
Berufungsantrag erneuert und der beklagtische Vertreter auf Abweisnng
der Berufung eingetragen; --
in Erwägung:
i. Jm Herbst des Jahres 1907 hatte der Beklagte, Jnhaber eines
Baugeschäftes in (Stendhal, an einem dem Dr. Albert Germiquet gehörenden
Landhause in Romont (Bezlrk Courtelaryt im Kanton Bern) Reparaturarbeiten
vorzunehmen Nachdem am ersten Tage die Arbeitsgeräte von Grenchen
nach Romont gebrach, worden waren, wies der Vor-arbeitet des Beklagten
Fritz Scholl