654 B. Strafrechtspflege.
II. Geistiges und gewerbliches Eigentum. Propriété littéraire et
industrielle.
Markenrecht. Marques de fabrique et de commerce.
101. Arrèt de la Com: de Cassation penale du 15 juillet 1907, dans la
cause Société anonyme Höchster Farbwerke contre Heinen.
Reeours en oassation contre un ncquittement basé sur le verdict
d'un jury. Competence de la Cour de Cassetion, recevabilité du
recours. -Position de la. Cour de easse-
ss tion. Elle doit envisager tous les faits que le jury a pu admettre
. comme constants, et examiner l'appréciation juridique dans
z, chacune des hypothéses admissibles OJF a1t.163. Admiseibilità d'une
max-que verbale.
A.-C. Pour les faits A. C. de la cause, on renvoie äl'arret du Tribunal
federal du 14 novembre 1906, RO 32 I n° 104, p. 699 et suiv.
D. A la suite de l'arrèt du Tribunal fédéral, la Chambre d'instrnction
de Genève a, en date du 20 avril 1907, renvoyé Heinen devant la Cour
correctionnelle siégeant avec l'assistance du jury sous la prévention
d'avoir:
1° contrefait ou imité de maniere à indnire le public en erreur la marque
de la société plaignante;
2° usurpé pour ses propres produits ou marchandises la marque
sus-énoncée ;
3° vendu, mis en vente 011 eu circulation des produits ou marchandises
revétns d'une marque qu'il savait etre contrefaite, imitée ou indùment
apposée.
A l'audience de la Cour correctionnelle du 14 mai 1907, 8 témoins cités
par le prévenu et un expert ont été entendus, puis il a été posé au jury
les trois questions suivantes:
1° Heinen Charles est il coupable d'avoir, depuis moins de deux ans, dans
le canton de Genève, contrefait ou imité,Il. Geistiges und gewerbliches
Eigentum. Markenrecht. N° lÜ'l. 955
de maniere à induire le public en erreur, la marqne de la Société anonyme
Höchster Farbwerke à Höchst aMsi?
2° Heinen Charles est ii coupable d'avoir,aux meines lieu et époque que
dessus, usurpé pour ses propres produits cu marchendîses la marque de la,
Société anonyme Höchster Farbwerke à Höchst a/M ?
3° Heinen Charles est-il coupable d'avoir, aux mémes lieu et époque que
dessns, vendo, mis en vente ou en circulation des produits ou marchandises
revètus d'une marque qu'il savait étre contrefnite, imitée ou indüment
apposée, soit de la. marque de la Société Höchster Farbwerke a Höchst
a/M. ?
A chacune de ces questions le jury &. répondu: Non.
En conséquence, la Cour a prononcé l'acquittement de Heinen.
E. C'est contre cet arrét que la plaignante e, en temps utile, receuru
à la Cour de cassation penale du Tribunal fédéral en concluant ä. ce
quele dit arret seit casse.
Le reccurs est base sur les moyens suivants:
Le verdict du jury n'est pas motivé; mais les trois questions qui lui
étaient posées sont des questions de droit. Le Tribunal federal peut
revoir les décisions rendues sur ces questions de droit, decisions qui
impliquent une violation de l'art. 24 de la loi sur les marques.
Les faits eux-mèmes ne sont pas contestés et ils résultent clairement
des pièces du dossier. Mais le jury en a tiré des déductions juridiqnes
fausses; il s'est inspiré d'une notion juridique iuexacte du dol en
matière de marques de fabrique. La recouraute se réfère d'ailleurs
aux considérations develcppées dans l'an-et du Tribunal federal du 14
novembre 1906.
F. Heinen a conclu à ce quele recours fut écarté comme irrecevable et
mal fondé. Il invoque en résumé les moyens suivants:
A tenenr de la procedure genevoise, la decision du jury échappe à toute
critique; elle est inattaquable et definitive. C'est pourquoi Pakt-. 448
Code d'instruction pénale dispose que lorsque l'accusé est acquitté,
l'arrét qui le libere, ne
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peut ètre attaqué en cassation. Le recours est dès lors irrecevable.
Au fond, l'intimé expose qu'il n'y a pas contrefaqon parce que le mot
Pyramidon est nul comme marque de fabrique. C'est un nom générique qui
ne peut etre protégé, c'est ce qu'ont décidé deux jngements francais
produits au dossier (Tribunal de Lyon, 2 mai 1906, et Cour d'appel de
Lyon, 23 février 1907).
D'ailleurs l'inculpé n'a fait que se couformer à un usage général: aux
débats devant le jury, cinq pharmaciens sont venus déposer unanimement
que chaque jour ils vendent du Pyramiden en poudre, cachets, etc., et
qu'ils mettent ce nom en toutes lettres sur des étiquettes qui portent
leur raison sociale. C'est leur droit et leur devoir, parce qu'ils ne
penvent vendre ce produit que sous son nom populaire et connu.
Statuant sur ces faits et conside'mnt en droit :
fl. _ A teueur des articles 160 et 163 OJF, le Tribunal federal est
compétent pour connaître du present recours fonde sur une prétendue
violation par l'arrèt attaqué de l'article 24 de la loi federale
concernant les marques de fabrique. Le moyen invoqué par l'opposant au
recours pour contester la. competence du Tribunal fédéral et tiré du fait
que d'après la loi genevoise le. jury prononce sourerainement et sans
recours est dépourvu de toute valeur. Il est evident en effet que cette
disposition du Code geneyois d'instmction penale ne peut s'appliquer
qu'au recours cantonal et que des lois de procédure cantonales ne
sauraient supprimer un recours au Tribunal federal garanti par l'OJF. Il
est également indifiérent, au point de vue de la competence du Tribunal
fédéral, que les réponses du jury tranchent à la fois des questions de
kalt et des questions de droit. Cette circonstance est sans doute de
nature, aimi que cela sera exposé plus loin, à rendre illusoire dans le
plus grand nombre des cas le recours au Tribunal fédéral, mais elle n'en
supprime nullement la possibilité du moment que le reoourant allegue
que ces réponses données par le jury impliqnent une violation du droit
fédéral.Il. Geistiges und gewerbliches Eigentum. Markenrecht. N° 101. 65?
2. Le sort du recours est dominé par la solution à donner à la question
préjudicielle de savoir quelle est la position que doit prendre la Cour de
eassation federale visà-vis d'arrèts cantonaux basés sur le verdict d'un
jury. La difficulté provieut de ce que le Tribunal federal n'est competent
pour revoir les décisions cantonales qu'en ce qui concerne l'application
du droit fédéral, alors que, d'autre part, le jury tranche à la fois
les questions de fait et les questions de droit. La decision n'étant pas
motivée et la procédure devant le jury étant orale, le Tribunal federal
ne peut le plus souvent savoir sur quels faits sa decision est basée,
ni par couséquent quelles sont les déductions juridiques qu'il en a
tirées. Dans ces conditions, deux partis seraient concevables. Ou bien la
Cour de cassation federale, cousidérant que l'arrét cantonal ne mentionne
pas les faits reconnus comme constants par le jury, prendra comme base
de sa decision les faits résultant du dossier qu'elle appréciera. en
toute liberté; ou bien au contraire lo. Oour de cassation envisagera
successivement tous les états de fait que le jury a pu admettre comme
constants et il examinera si le jury a fait une juste application de la
loi en se placant tour à tour dans chacune de ces hypothèses. Malgré les
graves inconvenients pratiques qu'elle présente, c'est évidemment cette
seconde méthode qui est la seule possible. En effet le Tribunal federal
n'a pas le droit d'apprécier è. sa guise les faits du dossier en faisant
abstraction de tous ceux qui ont pu résulter des débats, en particulier
des dépositions des témoins dont il ne subsiste aucune trace. Il est donc
bien obligé d'admettre comme ayant pe former la base de la decision du
jury toutes les hypothèses raisonnables. Le verdict du jury ne pourra donc
etre nasse que si dans toutes ces hypothèses il implique une violation de
la loi federale. Il en resulte qu'à l'égard des arréts cantonaux rendus
avec l'assistance du jury, la Cour de cassatîon fédérale ne pourra que
très exceptionnellement remplir d'une maniere utile sa mission d'instance
de recours. (Cf. Hafner, Motifs du Projet de l'OJF, p. 127-128.)
658 , B. Strafrechlspflege.
3. Appliquant ces principes àsil'espèce actuelle, il y a lieu-de
reconnaître que pour rendre son verdict négatif, le jury a pu s'approprier
le moyen invoqué devant le Tribunal federal par l'opposant au recours
et consistant a dire que le mot Pyramiden , sienregistré par la maison
plaignante, n'est pas susceptible d'ètre protégé comme marque de fabrique.
Le Tribunal fédéral a admis en jurisprudence constante que pour qu'une
mai-que verbale soit admissible, il faut qu'elle constitue une désignation
de fantaîsie; sont par contre inadmissibles les désiguations qui se
rapportent à la composition du produit, à ses qualités, à son origine et
à son mode de fabrication. En outre une désignation originale au début
peut perdre cette qualité, devenir une désiguation générique et tomber
dans le domaine public: dès ce moment elle n'est
plus protégée comme marque. Ces notions de désignation
originale et de fantaisie, de désignatîon générique, de Freizeichen
, etc., sont incontestablement des nations de droit et le Tribunal
fédéral peut revoir les decisions cautouales qui les appliquent d'une
facon erronée. Mais pour pouvoir le faire, il est indispensable qu'il
sache sur quels faits s'est basée l'instance cantonale pour décider
que telle désignation est originale ou que telle autre est tombée dans
le domaine public. Or, en l'espèce, le Tribunal fédéral ignore quels
sont les faits qui sont résultés des débats et, en particulier, des
depositions des huit témoins et de I'expert entendus. Il est possible
que le jury ait admis en fait que le mot Pyramiden est devenu une
désignation usuelle et courante du produit fabriqué non seulement par
la plaignante, mais encore par d'autres maisons de produits chimiques,
que c'est sous cette appellation que ce produit est connu des chimistes,
des pharmaciens et du public, que l'on entend par la non pas le produit
fabriqué par la maison plaignante, mais d'une facon générale le produit
dont la composition chimique est connue et nuque] la plaignante a donné
ce nom, que le rapport qui existait à l'origine entre cette désignation
et la maison plaignante a été perdu de. vue et a cessé d'exister pour
le public. Si c'est là l'état de fait reconnu comme constant par le
jury,ll. Geistiges und gewerbliches Eigentum. Markenrecht N° 101. 659
il pouvait à bon droit declarer que cette désignatiou est devenue
générique, qu'elle a pris le caractère de Freizeicben et que, par
conséquent, elle ne bénéfieie pas de la protection legale. Dans ces
conditions, hypothétiques mais possibles, les réponses données par
le jury et l'acquittement de l'inculpé qui en a été la conséquence
s'imposaient. Or ainsi qu'il a été dit ci dessus sous 2, le Tribunal
federal ne peut casser l'arrét attaqué comme impliquant une violation
de la loi fédérale sur les marques de fabrique du moment qu'il apparait
comme possible que le jury ait basé sa decision sur un état de fait qui
légitimait en droit la réponse qu'il a donnée à la question générale
de culpabilité. Il est d'ailleurs à remarquer que dans son arrèt du 14
novembre 1908, le Tribunal federal avait expressément réservé la question
de savoir si le mot Pyramidon peut étre valablement choisi comme marque
de fabrique. Il n'y a donc aucune contradiction nécessaire entre le dit
arrèt et l'acquittemeut de Heinen prononcé par la Cour correctionnelle.
Par ces motifs, La Cour de Cassation penale prononce: Le recours est
écarté.