884 A. staats-rechtliche Entscheidungen. I. Abschnitt. Bundesverfassung.

abattu; la. Direction de Police ne disait pas d'ailleurs que l'affaire
devait demeurer provisoirement en suspens, elle expliquait simplement qu'
avant de poursuivre l'exsmen de la question elle avait tenu à donner
au recourant connaissance de cette opposition .

Il est, d'autre part, évident que le Conseil d'Etat, qui ne conteste
point sa competence en la cause, ne saurait ni se refuser, ni terder meme
davantage à prendre une decision sur la demande de concession dont il
se trouve nenti depuis plus d'une année, soit depuis le 9 juin 1904. Une
solution quelconque doit intervenir en cette affaire, de fagon à ce que
le reeourant soit enfin fixé sur le sort de sa, demande; le recourant &
évidemment droit, de la, part du Conseil d'Etat, à. une réponse dont il
puisse soumettre la constitutjennalite, an fond, à l'autorité competente,
s'il envisage que le tort fait à sa demande de concession lese l'un ou
l'antro de ses droits constitutiounels; le silence si prolongé qu'observe
le Conseil d'Etat envers le recourant, équivaut à un refus de pronoucer,
car le retard qu'apporte le dit Conseil à statuer en la cause, est tel
qu'il comporte les mémes effets qu'un refus de prononcer et qu'il doit
etre considéré comme un véritable déni de justice (Rechtsverweigerung,
oder wenigstens Rechtsverzögerung).

Par ces motifs,

Le Tribunal federal prononce:

Le recours est declare fondé, en oe sens que le Conseil d'Etat de Fribourg
est expressément invité à statuer, à (mef délai, d'une maniere ou d'une
autre, sur la demande de concession dont il est nenti, et à porter sa
decision, des qu'elle sera intervenne, à la connaissance du reeourant.

Vergl. auch Nr. 74, 78 u. 80.Il. Pressfreiheit, N° 73. 385

II. Pressfreiheit. Liberté de la. presse.

73. Arrèt du 16 septembre 1905, dans la cause Quîllet contre Rey et
Collana.

Notion de la presse; une circulaire distribuée à l'occasion d'élections
a-t-elle droit à la. garantie de la presse? Violalion de la dite garantie,
commis par nn jugement pénal pour dianmation, etc. -Annnlation du jugement
aunque in toto (prononcés pénnl et civil).

Le 28 février 1.905 ont en lieu, dans la paroisse fribourgeoise de
Saint-Aubin, les élections pour le renonvellement du conseil paroissial. A
cette occasion, le recourant Frédéric Quillet, propriétaire au dit lieu,
et bourgeois de la commune, a fait imprimer une liste de candidate
et une proclamatiou soit circuiaire aux électeurs, qui leur furent
distribuées. Cette proclamation est de la teneur suivante:

Aux électeurs de la paroisse de Saint-Audio, Chers concitoyens,

Les élections paroissiales d'aujourd'hui ont une grande importance.

Le Comité d'initiative vous prie d'appuyer la liste ci jointe, car elle
est conforme à. la réalisation de vos reven dications età l'intérét
supérieur de notre paroisse.

Vous ne pouvez accorder votre confiance à la... dernière administration
qui s'est montrée plus insolente que ca pable, car sa principale
occupation a été de ne respeeter aucune autorité, pas meme la personue
vénérée de M. le Doyen qui les & élevés! _

Les ordres de notre Evéque, au sujet des sonneries d'Enterrement,
ont été dédaignés !

Sous pretexte (l'économie, on a fait silence sur le voeu des hautes
autorités ainsi que sur le vote de l'Assemblée où la grande majorité
avait nettement exprimé son désir de voir restanrer la. tour de notre
Vieille Eglisel Et que

386 .A staats-rechtliche Entscheidungen. !. Abschnitt. Bundesverfassung.

fallait-il dépenser pour cela? La modique somme de 200 francs, alors que
la commune, soutien naturel de la paroisse, avait fait pendant l'année
7000 francs de bene fices! Il est vrai que le president s'était empressé
d'ac cepter pour sa soeur, l'institutrice, une somme de 200 francs
accordée parle conseil communal avec une légèreté bien coupable, malgré le
deficit de 3000 francs fait en 1903. Depuis que Saint-Aubin est érigé en
paroisse, jamais nous n'avons eu d'aussi mauvais administrateurs! Certes,
tous les membres du conseil ne méritent pas un blame; mais le manque de
fermeté de la plupart d'entre eux n'a pas permis aux meilleurs de s'élever
contre l'orgueil autoritaire d'un president incapable qui ne peut plaire
qu'à certains mignons ou autres hableurs qui ne voient qu'une chose,
leurs iutérèts persounels.

Méfiez-vous de leur doucereuse attitude et de leurs ma nières hypocrites,
sournoisemeut, ils auront l'air d'ap prouver vos griefs et condamneront
l'incurie du conseil; mais une fois le des tourné, vous ponrrez les voir
avec une nouvelle figure de circonstance. Ce sont eux qui, par leur
double visage, sont responsables dela mauvaise gérance de nos affaires.

Electeurs! vous aurez à creur de voter pour notre liste, pour des gens
dévoués a l'intérét public!

Il n'est pas juste que des incapables occupent conti nuellement des
emplois publics et compromettent, par leur ignorance, l'intérét de tous.

A la dernière heure, vous verrez encore venir à leur secours un certain
pintier qui, tour a tour épicier, chocolatier ou marchand de inoutarde,
nous a déjà mis dedans avec un établissement dont tout le bénéfice lui
est acquis au détriment de nes finances et cela malgré la petition
de 75 membres de la Société des Carabiniere, tous signataires de la
protestation. N'écoutez pas les conseils intéressés de ce verseur à
outrance! S'il vous offre ses fonds de tonneau, buvez-lni sen vin,
mais ne votez pas selon ses désirs.

d-

VUUUU

UVUVV

Vll. Pressfreiheit. N° 73. 387

Vous ne pouvez continuer à suivre les conseils de ces ennemis du Progrès
et de l'Instruction.

Chers Coucitoyens! soyez fermes! Pas d'indifférence et surtuut pas
(le croisemenés/ Votez avec la liste entiere, seien s la methode du
premier syndic qui nous conduit depuis dix aus.

Aussitöt le résultat connu, ce qui ne fait aucun deute pour les électeurs
clairvoyants, réunissons-nous à l'Hotel de Ville pour triuquer a la
délivrance d'une oppression trop influente et tyrannlque, et surtout
lamentable pour les in; téréts de tous!

Vive la Paroisse de Saint-Anbu}.

Le Comité.

Les personnes suivantes se trouvèrent offensées par la dite proclamation;

a) Louis Rey, aubergiste à Saint-Aubin, qui, dans sa plainte, s'est élevé
contre le passage de la proclamation ci-haut reproduite, commencant
par les mots à la dernière heure , et finissant par ceux-ci: selen
ses désirs . Le plaignant prétend que ce passage a uni a ses intérèts,
en ce sens qu'il l'accuse de servir à ses clients des fonds de tonneaux,
et qu'il lui reproche en meme temps d'ètre un verseurä entrance ; qu'on
le traite en outre d'épicier, de chocolatier, de marchand de moutarde
et autres titres de mépris. Le premier de ces reproches est, suivant le
plaignant, de nature a lui nuire dans l'exploitation de sen industrie,
et les autres qualifications qui lui sont adressées l'exposent à la
risée et au mépris de ses concitoyens.

Quillet a reconnu que le pintier Visé par le pamphlet était bien le
plaignant Rey; Quillet affirme en outre qu'une fois, lors d'élections
communales, Rey aurait débité 1500 litres de vin, seit en moyenne 10
litres par tete, aux électeurs; que Rey avait été précédemment l'un des
auteurs d'un pamphlet injurieux, contenant les expressions les plus
outrageantes contre Quillet; que des lors il a mérité la réponse de
ce dernier.

Dans sen jugement du 14 avril 1905, le Tribunal correc-

388 A. Staatsrechtliche Entscheidungen. I. Abschnitt. Bundesverfassung.

tionnel de l'arrondissement de la Broye a admis qu'en reprochant sans
motif et sans preuve à M. Rey de vendre a outrance, non pas de la bonne
marchandise, mais des fonds de tonneaux, F. Quillet a porte atteinte
à l'honneur et au credit de Rey, et a commis ainsi le délit d'injure
publique, prevu à l'art. 408 Cp. Le jugement ne s'exprime pas sur les
autres griefs formulés par le plaignant.

b) Le president du Conseil paroissial, Albin Collaud, et quatre
membres du meme conseil, savoir Basile Collaud dit Roy, Arthur Collaud,
Louis Collaud fils d'Edouard, tous à Saint-Audio, et Auguste Marion,
aux Friques, porterent également plainte contre la prédite proclamation,
dans son ensemble, et en visant spécialement les passages suivants: Vous
ue pouvez accorder votre confiance à la dernière administration qui
s'est montrée plus insolente que capable, car sa principale occupation
a été de ne respecter aucune autorité, pas meme la personne Vénérée de
M. le Doyen qui les a élevés!

Les ordres de notre Evéque, au sujet des sonneries d'Enterrement, ont été
dédaignées! M. Albin Colland relève pour ce qui le concerne le passage
suivant: Il est vrai que le president s'était empressé d'accepter pour
sa sceur, l'institutrice, une somme de 200 fr. accordée par le Conseil
communal avec une légereté bien coupable, malgré le deficit de 3000
fr. fait en 1903. Plus loin M. Albin Collaud serait encore accusé de
ne chercher autre chose que ses intéréts personnels lorsqu'il s'occupe
d'affaires publiques. Les membres du Conseil paroissial sont traités en
outre d'hypocrites et de sournois. Ces accusations et reproches dénués
de tout fondement constituent le délit de calomnie, d'offense à l'honneur
et d'offense publique à l'égard d'une autorité ou d'un membre de celle-ci
(Cp art. 324).

Dans son jugement, le tribunal correctionnel declare que les termes
injurieux adressés aux membres du Conseil paroissial constituent le
délit de l'offense publique è. l'égard d'une autorité (013 art. 324),
que les reproches, faits à cette autorité, d'étre insolente, incapable
et de ne respecter aucunell. Pressfreihcit. N° 73. 389

autre autorité, sont des outrages graves, et que ces fausses accusations
portent atteinte à l'honneur des personnes visées, lesquelles ont
rempli loyalement et fidèlement les functions siauxquelles elles ont
été appelées.

Dans sa défense, Quillet fait valoir que Albin Coilaud a été un des
rédacteurs du pamphlet dirigé contre lui le 7 février 1904, et que ce
plaignant a, dès lors, aussi mérité la réponse qui lui a été faite.

Le tribuna] correctionnel a admis que les reproches dont A. Collaud s'est
plaint constituent également le délit prévu à l'art. 324 Cp attendu
que ces allégués sont une atteinte à. l'honnéteté et à la loyauté du
plaignant, et sont de nature à diminuer l'estime et la confiance de ses
concitoyens à son egard.

Interrogé lors des débats, Quillet a reconnu que c'était lui qui avait
colporté la circulaire relative aux elections paroissiales de Saint-Aubin,
et il a declare qu'il assumait toute la responsabilité de son contenu,
bien qu'il n'en fùt pas l'auteur.

Statuant, le tribuna] a condamné le prévenu Quillet à, une amende
correctionnelle de 100 fr. et aux frais; il a prononcé en entre, en vertu
de l'art. 415 du Gp, qu'une publication du _jugement aura lieu une fois
à la sortie de l'office divin à, Saint-Aubin, aux frais du condamné.

Statuant en entre sur les conséquences civiles de cette eondamnation,
le tribuna] condamna en outre Quillet:

a.) à payer au plaignant Rey, pour les frais de course, débours, et
aussi pour un certain préjudice è, lui cause en sa qualité d'aubergiste,
une indemnité de 30 fr. avec suite de frais;

b) à payer aux membres du Conseil paroissial, également pour frais,
débours, et un certain préjudice cause à leur honnéteté (perte morale)
une indemnité de 50 fr. avec suite de frais.

Un recours en nullité, interjeté par Quillet contre ce jugement, fut
écarté par arrét de la Cour de cassation du canton de Fribourg, en date
du 6 juin 1905.

390 A. Staatsreehtliche Entscheidungen. I. Abschnitt. Bundesverfassung.

En temps utile, Quillet a. formé un recours de droit public contre le
jugement du Tribunal correctionnel de la. Broye, du 14 avril 1905, et a
oonclu à ce qu'il plùt au Tribunal fédéral annuler le dit jugement. A
l'appui de cette conclusion, le recourant fait valoir en substance ce
qui suit:

a) Violation dela libe1 té de la p1esse, garantie a l'art. 55 CF Rien,
dans la ploclamation distribuée pa1 le iecourant, n'est attentatoire
al'honneur des plaignants, dont il n 'a fait que disouter, comme c'était
son droit, la valeur et les actes, à l'occasion du renouvellement du
Conseil paroissial. Les fonctions des membres de ce conseil étaient
expirées, et o'est à tort que le Tribunal de la Broye voit dans la dite
proclamation un outrage a l'adresse de magistrats a propos de l'exeicice
de leurs functions

&) Le jugement dont est recoms viole également l'art. 5 CF, garantissant
la liberté des citoyens. On a voulu rendre au recourant la vie impossible
dans la localité, et on a usé dans ce but de tous les moyens. Les
plaignants ont abusé de leur situation politique pour obtenir du
Tribunalde la Broye la condamnation d'un audacieux qui n'a pas craint
(l'attaquer une administration dont la réélection n'était, selon lui,
pasmén'tée.

o) Le jugement ineriminé constitue, en outre, un deni de justice,
en ce sens qu'aux termes de l'art. 324 Cp, Quillet, reconnu coupable
d'outrages publics et de calomnies à l'égard de fonctionnaires dans
l'exercice de leurs fonctions, aurait di; etre condamué à la détention
dans une maison de correction. En lui appliquant seulement l'amende,
le jugement correctionuel a viele les dispositions formelles du prédit
article; si le juge ne voulait pas appliques la peine de l'art. 324. Cp,
il devait reconnaître Quillet coupable seulement d'une infraction a
l'art. 408 ibid. Par le meme motif il ya également deni de just-ice
an point de vue de l'art. 411 Gp, du moment où le juge reconnaissait
Quillet coupable de calomnie.

d) Le jugement du Tribunal de la Broye viele diverses dispositions d'une
loi promulguée constitutionnellement, 110tamment l'art. 259 chiff. 8 Cpp,
lequel statue que tout juge-

Il. Pressfreiheit. N° 73. 391

ment doit conteuir la mention des lois appliquées. Le recourent a été
condamné à payer des indemnités civiles, sans que le jugement mentionne
les articles de la loi civile ni les articles du Cpp en vertu desquels
le prévenu a été reconnu coupable. La partie civile du dit jugement doit
dès lors étre annulée, en vertn de l'art. 491 chili. 2 et 4 Cpp.

Enfin, dans les faits qu'il expose au début de son pourvoi, Quillet
allègue, a la vérité, quele tribuna] l'a condamné sans slui laisser le
temps de citer ses témoins, mais il n'invoque pas cette circonstance
comme impliquant un déni de justice.

Dans leur réponse, les opposants au recours concluent au rejet de
celui-ci, en faisant valoir, en résumé, les considérations suivantes:

ad a: La liberté de la presse n'a pu étre violée a l'occasion d'un
misérable pamphlet, visant un cas restreint et n'ayant pas pai-u dans une
feuille périodique. D'ailieurs la garantie de l'art. 55 CF n'est point
absolue, et elle ne saurait assurer l'impunité en matière d'injures 011
de diffamations. Il est faux que les functions des plaignants eussent
été expirées, comme i'affirme le recourant, lors de la distribution de
la circuiaire incriminée; ces functions durent jusqu'à l'assermentation
des nouveaux élus.

ad b: Ce grief du recours constitue une nouvelle calomnie contre des
corps à l'abri de tout soupcon, et qui n'ont jamais abusé de leur
Situation politique.

ad 0: On ne comprend pas un condamné venant recourir d'un jugement parce
qu'il n'aurait pas été condamué à. une peine assez forte. D'ailleurs
l'amende prononcée contre Quillet est prévue aux art. 324 et 408 Cp;
il n'a done pas été pronunce une autre peine, mais une peine moindre
que celle qui pouvait lui etre infiigée.

add: Le jugement attaqué est suffisamment motivé; les dispositions
de l'art. 259 Cpp ont été observées. L'art. 491 chiff. 2° et 4° du
meme code ne sont d'aucuue application en l'espèce, attendu qu'aucune
disposition legale n'a été Vioiée dans l'instruction de la procédure,
et que non seulement les plaignants avaient demandé des dommages-intéréts,

392 A. Staatsrechtliche Entscheidungen. l. Abschnitt. Bundesverfaswng.

mais que le montant de ceux-ci était supérieur à ceux qui leur ont
été alloués.

Statuen): ser ces faéts et considémnt en droit:

1. Le Tribunal fédéral est competent pour statuer sur le recours, pour
autant qu'il porte sur une violation de la liberté de la presse, et des
art. 5 et 4 CF. En revanche, le Tribunal de céans ne peut se nantir de
l'exarnen du quatrième moyeu du recburs, concluant :; la cassatiou du
jugement du Tribunal correctionnel de la Broye par des metifs tirés de
dispositions de la procédure pénale fribourgeoise; il n'a pasmeine été
allégué par le recourant que la prétendue violation de l'art. 259 Gpp
pùt étre assimilée à celle d'un des droits constitutionnels garantie
aux citoyens.

2. Au fond:

Le premier moyen du recours est base sur l'affirmatiou d'une atteinte
portée à la liberté de la. presse (CF art. 55). Il y a donc lieu de
rechercher si le jugement attaqué viole cette garantie constitutionuelle.

Les opposants au recours font valoir d'abord que la circulaire électorale
dont il s'agit n'apparaît pas comme une publication rentrant dans la
catégorie de celles que l'art. 55 précité a pour but de protéger. La Cour
de cassation fribourgeoise, dans sen arrét du 6 juin écoulé, partage
ce point de vue, en disant que la loi sur la presse et les principes
eonstitutionnels qui s'y rattachent ue trouvent pas leur application daus
l'espèce, où il ne s'agit que d'un pamphlet lancedans un cercle restreiut
(paroisse et commune), à propos d'élections paroissiales. A l'appui de
cette maniere de voir, les opposants au recours soutiennent que l'on
doit, en effet entendre par 1a presse seulement des écrits périodiques,
des jeurnaux proprement dits, s'adressant au public en général et publiés
dans les conditions et avec la garantie prévue par la loi; que, dans le
cas actuel, on se trouve en présence d'un misérable pamphlet, visant un
cas restreiut et qui n'a pas paru dans une feuille périodique.

Cette definition apparaît toutefois comme beaucoup trop étroite. Il est
evident en eflet que les produits de la presse

. ,...-...un. -

...-M.....ss.m... ...:... ... ss

Il. Pressfreiheit. N° 73. 393

ne sont pas, pour pouvoir etre considérés comme tels, astreints à la
condition absolue de paraitre périodiqueruent, sinon la garantie de
l'art. 55 susvise' devrait etre refusée a tous les livres, brochures
etc., qui sont pourtant sans conteste des publications auxquelles cette
garantie est éminemmeut applicable. La liberté de la presse, au sens du
prédit art. 55, u'est autre chose que la liberté de la manifestation
des opinions par la voie de la presse. Sans deute que tout produit de
la presse ne peut étre mis au bénéfiee de la dite garantie, et qu'il y
aurait lieu, par exemple, d'en exclure un écrit qui n'aurait été imprimé
qu'en un exemplaire unique; la protection constitutiounelle accordée a
la presse suppose l'élément de la publicité. Il faut dès lors admettre
qu'un produit de la presse doit en tout cas jouir du bénéfice de cette
garantie lorsqu'il a été tiré a un nombre plus ou moins considérable
d'exemplaires et qu'il est destiné à un nombre plus ou moins grand
de lecteurs; il va de soi que le chiffre ne saurait en etre determine
d'une maniere précise, mais la notion de publicité est si claire qu'il
sera toujours possible de decider, dans chaque cas particulier, si le
nombre d'exemplaires ou de lecteurs prévu est suffisant pour qu'il y
ait lieu d'admettre l'existence d'une publication capable de jouir de
la protection constitutionnelle. Dans l'espèce actuelle, l'importance
de l'édition de la circulaire n'est pas établie, mais il n'en est pas
moins hors de deute qu'il s'agit d'un imprime portant les caractères
de la publicité, puisqu'il était destiué a tous les électeurs de la
paroisse de Saint-Aubin sans distinction, et qu'il a été distribué,
en fait, a la majorité de ceux-ci.

3. La circulaire dont il s'agit doit dès lors étre considérée comme
ayant droit à la protection constitutionnelle, et il y a lieu de se
demander si la condamnation du recourant, lequel &. declare assumer les
conséquences de cette publication, constitue une atteinte portée à la
liberté de la presse; il va de soi que si la dite circulaire ne contient
que la manifestation d'opinions permises, la condamnation du recourant
doit apparaître comme injustifiée.

A cet égard il convient de faire remarquer, d'une maniere

394 A. Staatsrcchtliche Entscheidungen. [. Abschnitt. Bundesverfassung.

générale, qu'en matière d'élection de n'importe quelles autorités, chaque
citoyen & le droit de critiquer librement, notamment en ce qui concerne
leur capacité, soit les candidata nouveaux, soit les anciens titulaires
dont il est question de renouveler le mandat. Le reproche d'incapacità,
meme alors qu'il est dénné de fondement, ne peut etre considéré comme
attentatoire à l'honneur, et le recourant, en déclarant les plaignants
incapables, s'est livré à une critique, peut-etre mal fondée, mais point
illicite. Il en est de meine de l'appréciation, conteuue dans la meme
circulaire: jamais nous n'avons eu d'aussi mauvais administrateurs ,
ainsi que du passage de la circulaire reprochant au Conseil pareissial
de ne pas respecter les autorités ecclésiastiques supérieures, et en
particulier de ne pas se soumettre aux ordres de l'évéque. C'est à propos
de cette désobéissance seulement que la circulaire accuse l'administration
paroissiale de s'ètre montrée insolente . Mais ent-elle été employee d'une
maniere toute générale ä l'adresse du dit conseil} cette expression, vive,
impolie, et peu parlementaire sans doute, ne saurait etre envisagée comme
portant atteinte à, l'honneur des personnes qu'elle visait. Ce terme,
le synonyme ou l'analogue de ceux d'orgueilleux, d'outrecuidant, hautain,
arrogant, comporte sans doute une critique sérieuse de certains còtés du
caractère de la personne à laquelle il s'applique, mais son emploi n'a
rien d'attentatoire à l'honneur de celle-ci. ll ne coustitue, au sens
pénal, ni une calomnie, ni une diffamation, ni une injure, et ne saurait,
surtout en temps d'élection, apparaître comme devant appeler ou pouvant
justifier une répression penale. Le contenu de l'alinéa concu en ces
termes: Méfiez-vous de leur doucereuse attitude, et de leurs maui'eres
hypocrites, sssournoisement, ils auront l'air d'approuver vos griefs
et condamneront l'incurie du conseil; mais une fois le dos tourué, vous
pourrez les voir avec une nouvelle figure de circonstauce. Ce sont eux
qui, par leur double visage, sont responsables de la mauvaise gérauce de
nos affaires pourrait étre interprete comme formulaut a l'adresse du dit
conseil des accusations plus graves, en lui reprochant de l'hypocrisie
et desMLM, ...

II. Pressfreiheit. N° 73. 395

manières sournoises. Toutefois le Tribunal correctionnel de la Broye n'a
nullement basé son juge-ment sur les dites accusations, qu'il n'a point
spécialement retenues comme constituant une offense, -à la difference
d'autres passages de la circulaire, qu'il énumère, et auxquels il attribue
un caractère injurieux.

Les prédites accusations ne peuveut des lors etre prises en considération
par le Tribunal fédéral, puisqu'il s'agit senlement de savoir si le
jugement attaqué, en ce qui concerne les passages de la circulaire
sur lesquels la condamnation du recourant se fonde, peut subsister ou
non en droit fédéral. II suit des consideretjons ci dessus que cette
condamnation, obtenue par les plaignants, est en contradiction avec
le principe de la liberté de la presse, les passages incriminés par le
Tribunal de la Broye ne contenant que des appréciations ou des critiques
permises, et en tout cas non attentatoires & l'henneur.

4. Il reste à examiner le dit jngement, en ce qui touche les plaintes
émanées du président Collaud et de l'aubergiste Rey personnellement. _

a.) Le president Collaud Signale en première ligne, comme injurieuse a
son endroit, l'assertion portant qu' il s'est empresse d'accepter pour
sa soeur, l'iustitutrice, une somme de 200 fr. accordée par le Conseil
communal avec une légèreté bien coupable, malgré le deficit de 3000
fr. fait en 1903

Ce reprcche, toutefois, n'emporce aucune attaque dirigée contre l'honneur
de ce plaignant. Tout lecteur du passage incrimiué doit en conclure,
d'une part, que la somme dont il s'agit n'a pas profité an dit plaignant,
mais a la soeur de celui-ci, en sa qualité d'institutrice, et, d'autre
part, que c'est le Conseil communal qui a vote cette dépense. L'auteur
de la circulaire ne prétend nullement que le president se seit enrichi
illégitimement de ce chef, et il ne viendra à l'esprit de personne de
pretendre qu'en ne s'opposent pas à. cette gratification, A. Collaud
ait forfait à l'honneur. Le dit président se plaint ensuite d'avoir été
accusé de ne chercher autre chose que ses intéréts personnels lorsqu'il
s'occupe d'afiaires

XXXI, {. 3.905 26

396 A. Staatsrechtliche Entscheidungen. I. Abschnitt. Bundesverfassung.

publiques. Or nulle part ce reproche ne lui est adresse, dans cette
teneur, par la circulaire, qui se borne à. prétendre que le manque de
fermeté de la plupart des membres du conseil n'a pas permis aux meilleurs
de s'élever contre l'orgueil autoritaire d'un president incapable, qui
ne peut plaire qu'a certains mignons ou autres hableurs qui ne voient
qu'une chose, leurs intérésits personnels. Ce dernier reproche n'est
ainsi point adresse au président Collaud, mais a d'autres personnes; les
seules affirmations formulées à son endroit sont celles d'ètre en proie à
un orgueil autoritaire, lequel ne peut plaire qu'à des favoris et à des
vantards. Or ces griefs-, pas plus que le reproche d'incapacité, n'ont,
avec raison, pas été considérés par le Tribunal correctionnel comme une
ofi'ense à l'honneur, et le Tribunal de céans n'a point à s'en préoccuper.

b) En ce qui concerne la plainte de l'aubergiste Rey, il est tout
d'abord evident que l'énumération, faite avec une intention satirique
par la circulaire dont il s'agit, des différentes branches d'activité
exercées précédemment par ce plaignant (épicier, chocolatier, marchand
de moutarde), n'a rien de méprisant; il en est de méme de l'assertion,
-laquelle n'a d'aillenrs pas été relevée devant le Tribunal de la
Broye, qu'il aurait contribué à doter la commune d'un établissement peu
productif. L'épithète de verseur à outrance , adressée à un pintier, n'a
certainement rien d'oftensant pour l'honneur, et l'insinuation suivant
laquelle le plaignant Rey offrirait à ses clients des fonds de tonneau,
peut paraitre d'un goùt douteux, mais n'excède en tout cas pas les bornes
d'une plaisanterie permise, si l'on considère l'état des esprits pendant
les périodes d'élections.

5. Les griefs contenus dans les plaintes particulières de A. Collaucl et
de L. Rey étaient dès lors insuffisants pour justifier les condamnations
intervenues, et il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen
du recours, Visant une violation, parle jugement attaqué, de l'art. 55
GF apparaît comme bien fondé.

6 et 7. (Rejet des autres moyens du recoursf)lll. Gerichtsstand des
Wohnortes. N° 74. 397

8. Le jugement attaqué doit etre annulé, non senlement dans son
dispositif pénal, mais aussi, en tant qu'il condamne le recourant aux
frais et au paiement d'indemnités civiles pour tort moral. Le prononcé du
tribuna] sur ces réclamations civiles peut en effet, ètre aussi annulé,
des le moment où le recourant est en droit de se placer au bénéfice
dela garantie de l'art.55 CF, et que les passages incriminés de la
circulaire ne eonstituent ni des appréciations illicites, ni des actes
délictueux. Enfin la condamnation aux frais, lesquels sont de nature
accessoire, doit suivre le sort de la cause et ne peut non plus subsister.

Par ces motifs,

Le Tribunal fédéral prononce : Le recours interjeté par sieur F. Quillet
est admis, et le

jugemeut rendu par le Tribunal correctionnel du district de la Broye,
le 14 avril 1905, est déclaré nul et de nul effet.

III. Gerichts-stand des WohnortesFor du domicile.

74. A.:-ret du 6 juillet 1905, dans la cause Cuanillon contre Garello.

Prétendue Violation de l'art. 59 CF, eommise par un jugement par défaut,
rendu par un tribunal italien. Execution du jugement italien dans le
canton de Neuchatel.

Henri Garello, négociant à Turin, avait accepté trois lettres de change,
d'une valeur totale de 1250 L., que Frédéric Cuanillon, fahricant
d'horlogerie, à la Chaux-de-Fonds, recourant actuel, avait tirées sur lui.

Cuanillon demanda au Tribunal de Turin la faillite de l'acceptenr,
en reconnaissant avoir reeu un acompte de 1000 fr.,
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 31 I 385
Date : 16 septembre 1905
Publié : 31 décembre 1905
Source : Tribunal fédéral
Statut : 31 I 385
Domaine : ATF- Droit constitutionnel
Objet : 884 A. staats-rechtliche Entscheidungen. I. Abschnitt. Bundesverfassung. abattu;


Répertoire de mots-clés
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plaignant • presse • honneur • liberté de la presse • conseil paroissial • tribunal fédéral • conseil d'état • imprimé • soie • calcul • ue • intérêt personnel • viol • doute • vue • mention • marchandise • décision • ayant droit • autorisation ou approbation
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