Urteilskopf

125 III 421

71. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 octobre 1999 dans la cause T. contre W. (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 422

BGE 125 III 421 S. 422

A.- T. a remis à bail à W. des locaux destinés à l'exploitation d'un cabinet médical, au premier étage d'un immeuble dont il est propriétaire. Par avis du 3 juin 1994, T. a manifesté la volonté d'augmenter le loyer dès le 1er juillet 1995. W. s'est opposé à la hausse.
B.- Le litige a été porté devant les tribunaux jurassiens. Il a donné lieu successivement à un jugement du 6 mars 1996 rendu par le Tribunal des baux à loyer et à ferme du district de Porrentruy et à un arrêt du 14 mai 1996 de la Cour civile du Tribunal cantonal. Par arrêt du 4 février 1997, le Tribunal fédéral a estimé, contrairement aux juridictions cantonales, que le loyer admissible devait être déterminé selon la méthode dite absolue; la cause a donc été renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle applique cette méthode (cf. ATF 123 III 76). Par jugement du 27 janvier 1999, le Tribunal des baux à loyer et à ferme du district de Porrentruy, appliquant la méthode absolue, a fixé à 2'274 fr. par mois, auxquels s'ajoute un acompte mensuel de 150 fr. pour les charges, le loyer dû par W. dès le 1er juillet 1995. Statuant sur appel des deux parties, la Cour civile du Tribunal cantonal, par arrêt du 25 juin 1999, a légèrement modifié le montant du loyer admissible, qui a été fixé à 2'129 fr. par mois dès le 1er juillet 1995.
C.- T. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Soutenant que la méthode absolue n'a pas été correctement appliquée, il critique, sur certains points précis, le calcul effectué par la cour cantonale. Il conclut à ce que le loyer mensuel admissible soit fixé à 3'065 fr. dès le 1er juillet 1995 et demande subsidiairement le renvoi de la cause à l'autorité cantonale. L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
BGE 125 III 421 S. 423

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale.
Erwägungen

Extrait des considérants:

2. a) Dans son arrêt du 4 février 1997, le Tribunal fédéral a jugé que le loyer litigieux devait être déterminé selon la méthode absolue (sur cette notion: ATF 123 III 171 consid. 6a et les références). Saisi d'un nouveau recours en réforme dans la même affaire, le Tribunal fédéral est lié par les considérants en droit de son premier arrêt de renvoi (ATF 116 II 220 consid. 4a), de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette question.
Il n'est pas contesté que la cour cantonale a appliqué la méthode absolue, conformément à l'arrêt de renvoi (cf. art. 66 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
OJ). Seuls certains points précis du calcul restent litigieux et il convient de les examiner. b) Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte les frais de démolition d'un escalier, dont il a été constaté qu'il n'avait jamais servi au locataire. La méthode absolue, déduite de l'art. 269
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
CO, exige une analyse du rendement net obtenu par le bailleur; ce rendement résulte du rapport existant entre les fonds propres investis dans la chose remise à bail et le loyer après déduction des charges d'exploitation et des intérêts débiteurs sur les capitaux empruntés; pour déterminer le montant des fonds propres investis, il faut partir du coût de revient effectif de l'immeuble, à moins que le prix d'achat de celui-ci ne soit manifestement exagéré, et en soustraire le montant des fonds étrangers (ATF 123 III 171 consid. 6a p. 174).
Pour connaître le prix de revient, il faut en principe déterminer les coûts d'acquisition et de réalisation de la chose louée. Des frais de démolition peuvent être pris en compte s'ils sont le préalable nécessaire à une construction ou une transformation (dans ce sens: PETER HIGI, Commentaire zurichois, n. 176 ad art. 269
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
CO). Pour que des frais de démolition puissent être inclus dans la notion de prix de revient, il faut qu'il soit établi que la démolition était nécessaire pour réaliser la chose louée. S'il est nécessaire de démolir une construction pour en édifier une autre, les frais de démolition font partie du prix de revient de la nouvelle construction; sans la démolition, la nouvelle construction ne pourrait pas exister. La démolition profite donc à ceux qui auront l'usage des nouveaux locaux, même s'ils n'ont jamais occupé l'ancien bâtiment.
BGE 125 III 421 S. 424

Sur ce point, l'argumentation cantonale semble erronée. Les constatations cantonales sont cependant insuffisantes sur la question essentielle du lien entre la démolition de l'escalier et la réalisation du cabinet médical loué. A lire l'arrêt cantonal (et le jugement de première instance), il semble que le montant litigieux (9'700 fr.) soit relatif à "l'investissement portant sur l'escalier." Il ne serait assurément pas contraire au droit fédéral de soustraire du prix de revient le coût de construction d'un escalier qui s'est révélé inutile, qui a été supprimé et qui n'existe plus pendant la période de bail en cause. Cette interprétation, qui correspondrait à l'argumentation cantonale, est toutefois en contradiction avec l'exposé des deux parties, qui parlent de 9'700 fr. pour la suppression d'un escalier. De surcroît, elle créerait une contradiction à l'intérieur de l'arrêt cantonal, puisque celui-ci exclut, pour les mêmes motifs, d'autres postes litigieux, qui concernent manifestement les frais liés "à l'enlèvement de l'escalier." En réalité, l'état de fait cantonal apparaît obscur sur ce point et il y a lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle complète ses constatations de fait (art. 64 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
OJ). Les frais de transformation qui étaient nécessaires pour réaliser les locaux loués doivent être compris dans le prix de revient. Cela concerne aussi bien le problème de la suppression de l'escalier que celui de la réfection du sol. d) Le recourant se plaint de la répartition du coût de l'ascenseur. Cette question n'est pas régie par le droit fédéral, de sorte que celui-ci ne pourrait être violé que si la clé de répartition adoptée par le propriétaire était à ce point insoutenable qu'elle contredise l'esprit (art. 1er al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 1 - 1 La loi régit toutes les matières auxquelles se rapportent la lettre ou l'esprit de l'une de ses dispositions.
1    La loi régit toutes les matières auxquelles se rapportent la lettre ou l'esprit de l'une de ses dispositions.
2    À défaut d'une disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier et, à défaut d'une coutume, selon les règles qu'il établirait s'il avait à faire acte de législateur.
3    Il s'inspire des solutions consacrées par la doctrine et la jurisprudence.
CC) de l'art. 269
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
CO. Il n'existe pas de système parfait pour répartir entre les locataires le coût d'un ascenseur. Le recourant soutient que les locaux commerciaux ont un plus grand intérêt à l'existence d'un ascenseur. On peut cependant lui rétorquer - comme le fait l'intimé - que les habitants peuvent utiliser l'ascenseur jour et nuit et pendant le week-end, tandis que les locaux commerciaux ne sont utilisés que pendant l'horaire professionnel. On pourrait aussi considérer que l'intérêt à disposer d'un ascenseur est plus grand pour les personnes qui occupent les étages supérieurs, parce qu'elles doivent faire un plus grand effort pour gravir les escaliers. Ces arguments sont de nature à contrebalancer ceux du recourant. On ne peut donc pas dire que le système schématique et simple adopté par la cour cantonale soit à ce point inéquitable qu'il constitue une violation du droit fédéral. Le recourant voudrait que l'on retienne un amortissement sur le coût de l'ascenseur, pour tenir compte de sa dépréciation rapide.
BGE 125 III 421 S. 425

Dans le calcul selon la méthode absolue, les fonds propres qui doivent être rentés sont déterminés en principe sur la base du coût de revient; ils ne sont pas diminués avec l'écoulement du temps, pour tenir compte de la vétusté croissante des locaux loués. Dès lors que le capital investi n'est pas diminué, dans le calcul, pour tenir compte du vieillissement des installations, ce système exclut tout amortissement. Une provision serait également exclue (cf. ATF 117 II 77 consid. 3c/aa p. 84). On ne saurait exiger des locataires qu'ils rentent le capital investi pour réaliser l'ascenseur actuel et que, de surcroît, ils versent une provision pour un second ascenseur (futur), dont ils ne jouiront peut-être jamais (parce qu'ils auront quitté l'immeuble). Lorsque le recourant changera l'ascenseur, il pourra prétendre à une augmentation de loyer en raison d'importantes réparations (art. 269a let. b
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269a - Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui, notamment:
a  se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier;
b  sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur;
c  se situent, lorsqu'il s'agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais;
d  ne servent qu'à compenser une réduction du loyer accordée antérieurement grâce au report partiel des frais usuels de financement et sont fixés dans un plan de paiement connu du locataire à l'avance;
e  ne compensent que le renchérissement pour le capital exposé aux risques;
f  n'excèdent pas les limites recommandées dans les contrats-cadres conclus entre les associations de bailleurs et de locataires ou les organisations qui défendent des intérêts semblables.
CO; art. 14 al. 1
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 14 Prestations supplémentaires du bailleur - (art. 269a, let. b, CO)
1    Sont réputés prestations supplémentaires du bailleur au sens de l'art. 269a, let. b, CO les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values, l'agrandissement de la chose louée ainsi que les prestations accessoires supplémentaires. En règle générale, les frais causés par d'importantes réparations sont considérés, à raison de 50 à 70 %, comme des investissements créant des plus-values.
2    Sont aussi réputées prestations supplémentaires les améliorations énergétiques suivantes:
a  les mesures destinées à réduire les pertes énergétiques de l'enveloppe du bâtiment;
b  les mesures visant à une utilisation rationnelle de l'énergie;
c  les mesures destinées à réduire les émissions des installations techniques;
d  les mesures visant à utiliser les énergies renouvelables;
e  le remplacement d'appareils ménagers à forte consommation d'énergie par des appareils à faible consommation.
3    Est considérée comme prestation supplémentaire uniquement la part des coûts d'investissement qui excède les coûts de rétablissement ou de maintien de l'état initial de la chose louée.
3bis    Les aides octroyées pour des améliorations créant des plus-values doivent être déduites du montant de la prestation supplémentaire.13
4    Les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques sont réputées non abusives lorsqu'elles ne servent qu'à couvrir équitablement les frais d'intérêts, d'amortissement et d'entretien résultant de l'investissement.
5    Les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques ne peuvent être notifiées qu'une fois les travaux achevés et à condition que le bailleur détienne les pièces justificatives correspondantes. Lors de travaux d'envergure, des hausses de loyer échelonnées sont autorisées en proportion des paiements déjà effectués par le bailleur.
de l'Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux [OBLF; RS 221.213.11]); il ne saurait réclamer deux fois la prise en compte du remplacement de l'ascenseur, en exigeant déjà des locataires actuels qu'ils versent une provision en vue de cette dépense future.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 125 III 421
Date : 27 octobre 1999
Publié : 31 décembre 1999
Source : Tribunal fédéral
Statut : 125 III 421
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Majoration de loyer; application de la méthode absolue (art. 269 CO). Les frais de démolition font partie du prix de revient


Répertoire des lois
CC: 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 1 - 1 La loi régit toutes les matières auxquelles se rapportent la lettre ou l'esprit de l'une de ses dispositions.
1    La loi régit toutes les matières auxquelles se rapportent la lettre ou l'esprit de l'une de ses dispositions.
2    À défaut d'une disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier et, à défaut d'une coutume, selon les règles qu'il établirait s'il avait à faire acte de législateur.
3    Il s'inspire des solutions consacrées par la doctrine et la jurisprudence.
CO: 269 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269 - Les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat manifestement exagéré.
269a
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269a - Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui, notamment:
a  se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier;
b  sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur;
c  se situent, lorsqu'il s'agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais;
d  ne servent qu'à compenser une réduction du loyer accordée antérieurement grâce au report partiel des frais usuels de financement et sont fixés dans un plan de paiement connu du locataire à l'avance;
e  ne compensent que le renchérissement pour le capital exposé aux risques;
f  n'excèdent pas les limites recommandées dans les contrats-cadres conclus entre les associations de bailleurs et de locataires ou les organisations qui défendent des intérêts semblables.
OBLF: 14
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 14 Prestations supplémentaires du bailleur - (art. 269a, let. b, CO)
1    Sont réputés prestations supplémentaires du bailleur au sens de l'art. 269a, let. b, CO les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values, l'agrandissement de la chose louée ainsi que les prestations accessoires supplémentaires. En règle générale, les frais causés par d'importantes réparations sont considérés, à raison de 50 à 70 %, comme des investissements créant des plus-values.
2    Sont aussi réputées prestations supplémentaires les améliorations énergétiques suivantes:
a  les mesures destinées à réduire les pertes énergétiques de l'enveloppe du bâtiment;
b  les mesures visant à une utilisation rationnelle de l'énergie;
c  les mesures destinées à réduire les émissions des installations techniques;
d  les mesures visant à utiliser les énergies renouvelables;
e  le remplacement d'appareils ménagers à forte consommation d'énergie par des appareils à faible consommation.
3    Est considérée comme prestation supplémentaire uniquement la part des coûts d'investissement qui excède les coûts de rétablissement ou de maintien de l'état initial de la chose louée.
3bis    Les aides octroyées pour des améliorations créant des plus-values doivent être déduites du montant de la prestation supplémentaire.13
4    Les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques sont réputées non abusives lorsqu'elles ne servent qu'à couvrir équitablement les frais d'intérêts, d'amortissement et d'entretien résultant de l'investissement.
5    Les hausses de loyer fondées sur des investissements créant des plus-values et sur des améliorations énergétiques ne peuvent être notifiées qu'une fois les travaux achevés et à condition que le bailleur détienne les pièces justificatives correspondantes. Lors de travaux d'envergure, des hausses de loyer échelonnées sont autorisées en proportion des paiements déjà effectués par le bailleur.
OJ: 64  66
Répertoire ATF
116-II-220 • 117-II-77 • 123-III-171 • 123-III-76 • 125-III-421
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
ascenseur • méthode absolue • frais de démolition • 1995 • tribunal fédéral • fonds propres • chose louée • autorité cantonale • tennis • bail à loyer • vue • droit fédéral • mois • tribunal des baux • nouvelle construction • cabinet médical • tribunal cantonal • futur • calcul • augmentation
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