125 I 257
24. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 24 juin 1999 dans la cause J.H. contre Président du Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste (de):
- Art. 4 BV, Art. 8 EMRK und Art. 7 Abs. 1 des Übereinkommens über die Rechte des Kindes; persönliche Freiheit; Anspruch auf Einsicht in archivierte Vormundschaftsakten.
- Grundsätze, die für den Anspruch auf Einsicht in archivierte Vormundschaftsakten unter den Gesichtspunkten des rechtlichen Gehörs, der persönlichen Freiheit und des Art. 8 EMRK gelten (E. 3a und 3b). Recht des Kindes auf Kenntnis seiner Abstammung (E. 3c).
- Abwägung der vorliegenden Interessen (E. 4).
Regeste (fr):
- Art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale - 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. - Rappel des principes gouvernant le droit de consulter un dossier personnel archivé, sous l'angle du droit d'être entendu, de la liberté personnelle et de l'art. 8
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale - 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. - Pesée des intérêts en présence (consid. 4).
Regesto (it):
- Art. 4 Cost., art. 8 CEDU e art. 7 n. 1 della convenzione sui diritti del fanciullo; libertà personale; diritto di consultare l'incarto archiviato della tutela.
- Richiamo dei principi relativi al diritto di consultare un incarto personale archiviato, dal profilo del diritto di essere sentito, della libertà personale e dell'art. 8 CEDU (consid. 3a e 3b). Diritto del fanciullo di conoscere i suoi ascendenti (consid. 3c).
- Valutazione degli interessi in gioco (consid. 4).
Sachverhalt ab Seite 257
BGE 125 I 257 S. 257
Le 12 février 1958, la Justice de paix du cercle d'Yverdon (ci-après: la Justice de paix) a, en application de l'art. 311 aCC, désigné le Tuteur général du canton de Vaud (ci-après: le Tuteur général)
BGE 125 I 257 S. 258
comme curateur de l'enfant à naître de P.H., célibataire née le 15 décembre 1940. Selon cette décision, le curateur avait pour mission de «sauvegarder les droits de cet enfant quant à sa paternité, sa pension alimentaire et son éducation». Le curateur était d'ores et déjà autorisé à «ouvrir action en paternité contre le père présumé et à recourir devant toute instance». Le procès-verbal relatant l'interrogatoire de la future mère, le 25 janvier 1958, désignait un dénommé A. comme le père présumé de l'enfant. Entendu le 26 juillet 1958, A. a contesté être le père de l'enfant. Tout en reconnaissant avoir entretenu des relations sexuelles avec P.H. durant la période allant de novembre 1956 à février 1958, puis une dernière fois en avril 1958, il a indiqué que leur liaison s'était distendue notamment après le 27 novembre 1957, date à laquelle P.H. lui avait adressé une lettre de rupture et avoué avoir eu des relations avec d'autres hommes à l'époque de la conception. Le 5 novembre 1958, P.H. a admis avoir entretenu des relations sexuelles en mars 1958 avec un dénommé B. Le 18 décembre 1958, P.H. a donné le jour à J.H.
Entendu le 1er février 1959, B. a nié être le père de l'enfant. Le 24 février 1959, il a cependant admis avoir entretenu des relations sexuelles avec P.H. dans la nuit du 15 au 16 mars 1958. Entendu le 24 février 1959, un dénommé C. a reconnu avoir entretenu des relations sexuelles avec P.H. les 22, 28 et 29 mars 1958. Le 6 mars 1959, P.H. a confirmé les déclarations de B. et de C. Le 7 mars 1959, le Tuteur général a présenté, au nom de P.H. et de J.H., une demande d'assistance judiciaire en matière civile, en vue d'ouvrir contre B. une action en paternité au sens de l'art. 307 aCC. Le 3 avril 1959, le Bureau d'assistance judiciaire du Département de justice et police du canton de Vaud a rejeté la requête, car «il apparaît que le procès ne serait pas engagé par une personne raisonnable plaidant à ses propres frais». Le 21 mai 1959, le Tuteur général a proposé à la Justice de paix l'abandon de l'action en paternité: compte tenu d'une période de conception fixée à mi-mars 1958, le père de l'enfant pouvait être aussi bien A., B. que C., sans que l'un d'eux ne puisse cependant être désigné avec une certitude suffisante; une action en paternité était dans ces conditions dépourvue d'emblée de toute chance de succès. Le 20 juin 1959, la Justice de paix a relevé le Tuteur général de sa fonction de curateur au sens de l'art. 311 aCC et l'a désigné comme tuteur de J.H., qui a été placé dans une famille d'accueil.
BGE 125 I 257 S. 259
P.H. est décédée en 1998.
Le 18 mars 1998, J.H. a demandé au Tuteur général le droit de consulter le dossier établi à son sujet. Le 31 août 1998, il a réitéré sa requête, en expliquant que la consultation de son dossier lui était nécessaire pour les besoins du traitement psychiatrique qu'il suivait. Le 30 octobre 1998, le Tribunal cantonal a autorisé la consultation du dossier pour la période allant du 3 avril 1959 au 4 juin 1968. En revanche, il a interdit la consultation des pièces antérieures au 3 avril 1959 et de la détermination du 21 mai 1959, la communication de ces documents pouvant porter atteinte aux intérêts des personnes citées. Le 12 novembre 1998, J.H. est revenu à la charge, en demandant à pouvoir consulter la partie cachée de son dossier. Le 11 mars 1999, le Tribunal cantonal a rejeté la requête, en confirmant qu'il n'autorisait pas la consultation des pièces antérieures au 3 avril 1959, ni la communication du 21 mai 1959, au motif que cela pouvait léser les intérêts éminemment personnels des personnes mentionnées dans l'enquête en recherche de paternité. Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par J.H. contre cette décision, qu'il a annulée.
Erwägungen
Extrait des considérants:
3. Pour le recourant, le refus de l'autoriser à consulter les pièces du dossier antérieures au 3 avril 1959, ainsi que la communication du 21 mai 1959, violerait son droit d'être entendu garanti par l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale - 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
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1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
2 | Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
BGE 125 I 257 S. 260
b) Le droit de consulter le dossier, déduit directement de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
L'établissement, le traitement et la conservation de données personnelles entre aussi dans le champ d'application de l'art. 8
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale - 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
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1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
2 | Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. |
BGE 125 I 257 S. 261
affirmer de manière abstraite l'existence d'un droit général, tiré de l'art. 8
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1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
2 | Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. |
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1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
2 | Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. |
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BGE 125 I 257 S. 262
eigenen Herkunft: Verfassungsrechtliche Aspekte. Beihefte zur Zeitschrift für Schweizerisches Recht, Heft 6, Bâle, 1987, p. 27-29, qui déduit pour sa part un tel droit de la liberté personnelle, p. 39-48; dans le même sens, du même auteur, Kein Recht auf Kenntnis des eigenen Vaters?, Recht 1986 p. 135ss). Dans l'arrêt K. et consorts, concernant l'arrêté saint-gallois sur les interventions dans la procréation humaine, le Tribunal fédéral avait renoncé à préciser si l'enfant issu d'une procréation médicalement assistée disposait d'un droit, fondé sur la liberté personnelle, à connaître l'identité du donneur de sperme, tout en mettant en doute le droit de ce dernier de prétendre à un anonymat absolu (ATF 115 Ia 234 consid. 6d p. 254-256; critique à cet égard: SUZETTE SANDOZ/OLIVIER MEXIN, Liberté personnelle et procréation médicalement assistée: quelles limites au pouvoir créateur du juge constitutionnel?, RDS 1995 I p. 453ss; CYRIL HEGNAUER, Künstliche Fortpflanzung und persönliche Freiheit, ZBl 1991 p. 341ss). bb) Dans l'intervalle est entrée en vigueur pour la Suisse, le 26 mars 1997, la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 (ci-après: la Convention; RS 0.107). A teneur de l'art. 7 al. 1 de la Convention, l'enfant est enregistré aussitôt à sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. L'art. 7 al. 1 de la Convention est directement applicable (STEPHAN WOLF, Die UNO-Konvention über die Rechte des Kindes und ihre Umsetzung in das schweizerische Kindesrecht, RJB 1998 p. 113ss, 131); partant, il peut être invoqué devant les tribunaux. Le peuple et les cantons ont en outre accepté, le 17 mai 1992, l'art. 24novies
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 119 - L'époux qui a changé de nom lors de la conclusion du mariage conserve ce nom après le divorce; il peut toutefois déclarer en tout temps à l'officier de l'état civil vouloir reprendre son nom de célibataire. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 268b - 1 L'enfant adopté et les parents adoptifs ont droit au respect du secret de l'adoption. |
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1 | L'enfant adopté et les parents adoptifs ont droit au respect du secret de l'adoption. |
2 | Si l'enfant adopté est mineur, les informations permettant de l'identifier ou d'identifier ses parents adoptifs ne peuvent être révélées aux parents biologiques que s'il est capable de discernement et que les parents adoptifs et l'enfant y ont consenti. |
3 | Lorsque l'enfant adopté est devenu majeur, les informations permettant de l'identifier peuvent être révélées aux parents biologiques et à leurs descendants directs s'il y a consenti. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 28 - 1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. |
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1 | Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. |
2 | Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi. |
BGE 125 I 257 S. 263
und das schweizerische Kindesrecht, PJA 1994 p. 817ss, 820/821). Le projet de loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA), concrétisant l'art. 24novies al. 2 let. g
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 810.11 Loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA) LPMA Art. 27 Information - 1 L'enfant âgé de 18 ans révolus peut obtenir de l'office les données concernant l'identité du donneur et son aspect physique (art. 24, al. 2, let. a et d). |
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1 | L'enfant âgé de 18 ans révolus peut obtenir de l'office les données concernant l'identité du donneur et son aspect physique (art. 24, al. 2, let. a et d). |
2 | Lorsqu'il peut faire valoir un intérêt légitime, l'enfant, quel que soit son âge, a le droit d'obtenir toutes les données relatives au donneur (art. 24, al. 2). |
3 | Avant que l'office ne communique à l'enfant les données relatives à l'identité du donneur, il en informe ce dernier, dans la mesure du possible. Si le donneur refuse de rencontrer l'enfant, celui-ci doit en être avisé et doit être informé des droits de la personnalité du donneur et des droits de la famille de celui-ci. Si l'enfant maintient la demande déposée en vertu de l'al. 1, les données lui seront communiquées. |
4 | Le Conseil fédéral peut confier le traitement des demandes à une commission fédérale. |
5 | ...49 |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
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4. L'accès au dossier en pareil cas dépend d'une soigneuse pesée des intérêts en présence (ATF 115 Ia 234 consid. 6d p. 255; ATF 112 Ia 97 consid. 5b p. 100/101; s'agissant de la consultation du dossier médical, cf. ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si l'intérêt public ou privé opposé l'emporte sur celui du requérant (ATF 112 Ia 97 consid. 5b p. 101). L'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
BGE 125 I 257 S. 264
1998 par le Dr G., psychiatre et psychothérapeute, le recourant souffre depuis l'été 1997 d'un «état dépressif avec somatisations sévères ayant entraîné de graves troubles cardiaques qui ont justifiés (sic) l'indication à une prise en charge psychothérapeutique». Selon ce certificat, «l'organisation de l'identité» du recourant serait «particulièrement lacunaire». La «question de ses origines, de son inscription dans une filiation et une histoire», serait devenue pour le recourant «l'objet d'une importante souffrance identitaire engendrant des mouvements de compensation dangereux sur le plan de sa vie somatique accompagnés par une dépression enkystée». Le Dr G. a estimé essentiel que le recourant puisse accéder à tout dossier, source ou document «lui permettant une historicisation personnelle afin de consolider son socle identitaire, ceci dans un but thérapeutique pour lui permettre de recouvrer de manière durable un équilibre psychosomatique». Il n'y a pas de motifs de mettre en doute le diagnostic du Dr G., ni le lien de causalité qu'il établit entre les souffrances physiques et psychiques endurées par le recourant, d'une part, et le secret pesant sur l'identité de son père, d'autre part. L'autorité intimée ne conteste pas la réalité de l'intérêt allégué par le recourant. Or, la jurisprudence accorde une importance primordiale au fait que celui qui veut consulter le dossier de tutelle pour connaître l'identité de son père naturel formule cette requête non par simple curiosité, soif de vérité, appât de lucre ou désir de revanche, mais en raison d'une véritable souffrance pouvant conduire à la maladie (ATF 112 Ia 97 consid. 6b in fine p. 102). Sur le vu du certificat médical du 15 novembre 1998, l'existence d'un tel intérêt ne prête pas à discussion en l'occurrence. Pour le surplus, le recourant ne poursuit aucun but économique. L'action en paternité que l'ancien droit reconnaissait à l'enfant naturel (art. 307 al. 2 aCC) devait être intentée au plus tard un an après la naissance (art. 308 aCC). En l'espèce, il est constant que ce délai de prescription (cf. CYRIL HEGNAUER, Berner Kommentar, art. 302
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 302 - 1 Les père et mère sont tenus d'élever l'enfant selon leurs facultés et leurs moyens et ils ont le devoir de favoriser et de protéger son développement corporel, intellectuel et moral. |
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1 | Les père et mère sont tenus d'élever l'enfant selon leurs facultés et leurs moyens et ils ont le devoir de favoriser et de protéger son développement corporel, intellectuel et moral. |
2 | Ils doivent donner à l'enfant, en particulier à celui qui est atteint de déficiences physiques ou mentales, une formation générale et professionnelle appropriée, correspondant autant que possible à ses goûts et à ses aptitudes. |
3 | À cet effet, ils doivent collaborer de façon appropriée avec l'école et, lorsque les circonstances l'exigent, avec les institutions publiques et d'utilité publique de protection de la jeunesse. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 327 - 1 Les père et mère répondent, de la même manière qu'un mandataire, de la restitution des biens de l'enfant. |
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1 | Les père et mère répondent, de la même manière qu'un mandataire, de la restitution des biens de l'enfant. |
2 | Ils doivent le prix de vente des biens aliénés de bonne foi. |
3 | Ils ne sont tenus à aucune indemnité pour les prélèvements qu'ils étaient en droit de faire pour l'enfant ou pour le ménage. |
Enfin, il convient de tenir compte, dans l'appréciation de l'intérêt du recourant à obtenir la consultation du dossier, de ce qu'il s'agit là pour lui du seul moyen d'obtenir les renseignements qu'il recherche. Personne ne peut l'informer à ce sujet: sa mère est décédée,
BGE 125 I 257 S. 265
emportant dans sa tombe un secret dont la famille d'accueil du recourant n'a pas eu connaissance. Quant aux fonctionnaires des autorités de tutelle et de justice de paix qui auraient pu informer le recourant - pour autant que celui-ci puisse les identifier et les interroger -, ils étaient de toute manière liés par le secret de fonction, y compris après la fin de celle-ci. Le recourant agit ainsi en dernier recours; le rejet de sa requête le priverait définitivement de tout espoir de découvrir ce qu'il cherche à savoir. Dans ces circonstances, son intérêt à pouvoir consulter l'intégralité du dossier est fondamental, sérieux et actuel. b) Il n'est pas exclu que dans certains cas, la protection même des intérêts d'un requérant puisse commander de lui refuser tout ou partie de l'accès à son dossier (cf. ATF 122 I 153 consid. 6c/cc, p. 166/167, avec un aperçu des vues doctrinales sur la question). En l'occurrence toutefois, les autorités cantonales n'ont pas évoqué un tel intérêt, qui n'est pas discernable de prime abord. Il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter. c) Parmi les intérêts opposés à celui du recourant, il faut considérer en premier lieu celui de sa mère. Même à l'égard de son enfant, celle-ci peut exiger que ne soient pas découverts des faits qui relèvent de sa propre sphère privée, garantie par la liberté personnelle. On pourrait aisément comprendre qu'elle ne tienne pas à ce que soient ravivés les souvenirs d'un comportement qui, dans les circonstances et les termes de l'époque, a dû lui être reproché comme une méconduite (cf. ATF 112 Ia 97 consid. 6e p. 106). La préservation de l'image de la mère, de son estime de soi et de celle de son enfant, pourrait, selon les circonstances, justifier de garder secrets des renseignements de nature à porter atteinte à leur équilibre respectif et mutuel. En l'espèce toutefois, l'autorité n'avait pas à prendre en compte un tel intérêt, la mère du recourant étant décédée dans l'intervalle. d) Le Tribunal cantonal a justifié le rejet de la requête exclusivement au regard des intérêts de tiers, soit ceux de A., B. et C. Une fois écarté l'intérêt économique - une action en paternité étant désormais exclue définitivement - cet intérêt, auquel le Tribunal cantonal a reconnu un caractère prépondérant, se résume à celui du droit des tiers de ne pas voir dévoilé leur passé strictement personnel sans motif impérieux (cf. ATF 112 Ia 97 consid. 6c-g p. 102-106). En d'autres termes, il conviendrait de prémunir ces hommes contre l'irruption soudaine dans leur existence, quarante ans plus tard, d'un enfant dont l'un d'eux est probablement le père.
BGE 125 I 257 S. 266
aa) Cette appréciation méconnaît certains éléments établis, ressortant du dossier. La demande du recourant tend uniquement à connaître les faits entourant les circonstances de sa conception. Sans l'exclure, cela n'implique pas nécessairement que le recourant veuille repérer A., B. et C. (à supposer que cela soit possible), les rencontrer ou leur demander des comptes. Au demeurant, A., B. et C. n'ignorent pas l'existence du recourant, à défaut de son identité précise: au moment de son interrogatoire, A. savait que la mère du recourant était enceinte; quant à B. et C., ils ont été entendus après la naissance du recourant. Même si aucun d'eux n'a voulu assumer la paternité du recourant et si aucune action en justice n'a pu être intentée contre eux à cette fin, ces hommes ne sauraient ignorer l'éventualité que le recourant vienne un jour frapper à leur porte. bb) Il reste à examiner si les intérêts de A., B. et C., ainsi précisés, l'emportent sur celui du recourant. Cette évaluation - rendue difficile par le fait que l'on ignore tout de ce qu'il est advenu de ces personnes depuis l'époque des faits -, repose en partie sur des conjectures. On ne saurait reprocher pour autant au Tribunal cantonal d'avoir statué sans avoir donné l'occasion à ces personnes de se prononcer sur la demande présentée par le recourant. Il serait en effet excessif d'exiger en pareil cas de l'autorité qu'elle procède à des recherches de grande ampleur pour retrouver la trace de personnes peut-être disparues depuis longtemps, lorsque cette autorité estime d'emblée, de manière abstraite, que l'intérêt de ces personnes s'oppose à la révélation d'informations touchant à leur sphère privée. A supposer que le recourant, informé de leur identité et des quelques indications biographiques se trouvant au dossier, se mette à la recherche de A., B. et C. et parvienne à les retrouver, il ne pourrait de toute manière rien obtenir d'eux, ni argent, ni réparation d'aucune sorte, ni aide thérapeutique. Toute démarche visant à établir une filiation, par le truchement d'un examen scientifique, par exemple, serait exclue d'emblée sans leur consentement. Quant à l'atteinte éventuelle à leur paix familiale que pourraient redouter A., B. et C., elle paraît réduite par l'écoulement du temps et le fait qu'à l'époque, ces hommes étaient célibataires. A supposer qu'ils aient ultérieurement fondé une famille, ils pourraient tout au plus encourir de la part de leurs proches la critique d'avoir gardé secret un épisode antérieur de leur vie. Enfin, on ne saurait écarter complètement l'hypothèse que A., B. et C. aient intérêt au dévoilement de leur identité. Bien qu'à l'époque, ils
BGE 125 I 257 S. 267
aient refusé d'assumer une paternité éventuelle, il n'est pas absolument exclu qu'ils puissent aujourd'hui éprouver du soulagement à connaître le recourant, ou même être satisfaits à l'idée d'avoir une descendance. Tout bien pesé, l'intérêt lié à la préservation de la sphère privée de A., B. et C., paraît, sur le vu des circonstances d'espèce, devoir céder le pas devant celui du recourant à une consultation de l'intégralité du dossier. Le grief de violation de l'art. 4
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