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48. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 18 octobre 1994 en la cause S. et O. c. Fédération romande des consommatrices, Fédération suisse des consommateurs et Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste (de):
- Art. 3 lit. l und Art. 23 UWG; öffentliche Auskündigungen über Kleinkredite.
- Begriff der öffentlichen Auskündigung im Sinne von Art. 3 lit. l UWG (E. 2a u. d).
- Art. 3 lit. l UWG will nach seinem Sinn und Zweck den Konsumenten vor den Verlockungen des Kleinkredits schützen; er betrifft somit die Werbung, die dem Kunden die Vorteile des Kleinkredits anpreist, ohne ihn über die damit verbundenen Kosten zu informieren (E. 2e-g).
Regeste (fr):
- Art. 3 let. l et art. 23 LCD; annonces publiques en matière de petits crédits.
- Notion d'annonces publiques au sens de l'art. 3 let. l LCD (consid. 2a et d).
- La ratio de l'art. 3 let. l LCD réside dans la protection des consommateurs contre les tentations alléchantes du petit crédit; cette disposition vise donc la publicité qui présente au consommateur les avantages du petit crédit sans attirer son attention sur les coûts supplémentaires qui en résulteront pour lui (consid. 2e-g).
Regesto (it):
- Art. 3 lett. l, art. 23 LCSl; annunci pubblici in materia di piccolo credito.
- Nozione di annunci pubblici ai sensi dell'art. 3 lett. l LCSl (consid. 2a e d).
- La ratio dell'art. 3 lett. l LCSl consiste nella tutela dei consumatori contro le lusinghe del piccolo credito; tale norma concerne quindi la pubblicità che presenta al consumatore i vantaggi del piccolo credito senza attirare la sua attenzione sui costi supplementari che gliene deriveranno (consid. 2e-g).
Sachverhalt ab Seite 288
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A.- S., né en 1927, a travaillé pendant près de vingt ans pour le compte de la Banque Procrédit à Zurich, dont il a été en dernier lieu le directeur. O. a dirigé différentes succursales de la SBS jusqu'à la fin 1983; depuis lors, il a repris la direction de la Banque Finalba à Zurich. En novembre 1990, la Banque Procrédit, dont le siège est à Zurich, a fait placarder, notamment en ville de Lausanne, une douzaine d'affiches, dont certaines de format mondial. Ces affiches représentaient une liasse de billets de banque, dont celui de dessus était une imitation d'un billet de 1'000 fr., portant toutefois le chiffre de 2'000 au lieu de 1'000, sur laquelle apparaissaient deux visages de jeunes gens, qui montraient une voiture, ou le visage d'un jeune homme, qui montrait une caméra vidéo. Au haut de l'affiche était inscrit, précédé d'une croix rouge, le mot "Procrédit". Enfin, sur le premier billet de banque ou au pied de l'affiche était ajoutée la mention "pour un prêt personnel". A la même époque, la Banque Procrédit a fait publier dans différents journaux, notamment le quotidien "24 Heures" et la publication tous ménages "Lausanne-Cité", des annonces publicitaires, représentant également un billet de banque de 2'000 fr., sur la partie droite duquel apparaissait le visage d'un homme ou d'une femme, qui désignait du doigt un meuble, une voiture ou d'autres objets. Dans une bulle s'inscrivaient les mots "Mon prêt personnel - un procrédit". Chacune de ces annonces comportait sur sa droite une partie à découper, dont le texte pouvait être complété par un éventuel client, qui devait indiquer le montant du prêt désiré, les mensualités qu'il rembourserait ainsi que ses nom, adresse et signature. En dessous du texte, le nom de la banque, l'adresse de sa succursale à Lausanne et son numéro de téléphone figuraient en caractères gras, tandis qu'en dessous il était précisé: "taux d'intérêts jusqu'à 16,5% maximum par année, inclus assurances solde de dette, frais administratifs et commissions". Dès la fin octobre et durant le mois de novembre 1990, la Banque Finalba, dont le siège est à Zurich, a fait publier, dans le quotidien "24 Heures" et dans l'hebdomadaire "Femina", des annonces publicitaires montrant notamment une girafe au volant d'une voiture ou un hippopotame sur un fauteuil, avec au-dessus les inscriptions suivantes: "le crédit confiance Finalba m'a tout de suite branché", "maintenant je frime", respectivement "maintenant je suis bien installé". Sur la droite de ce graphique,
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figuraient le nom de la banque et les adresses de ses principales succursales romandes. A gauche, un bulletin pouvait être découpé par le lecteur, qui devait indiquer, outre son identité, le prêt souhaité et le montant mensuel remboursable.
B.- Le 30 novembre 1990, la Fédération romande des consommatrices et la Fédération suisse des consommateurs ont déposé plainte pénale contre la Banque Procrédit, la Banque Finalba et la Banque cantonale vaudoise (BCV), en fondant leur qualité pour agir sur les art. 10 et 23 LCD. Le 31 janvier 1991, un substitut du Juge d'instruction cantonal vaudois a ordonné la disjonction des causes concernant Procrédit et Finalba de celle concernant la BCV, estimant que les autorités zurichoises étaient compétentes pour instruire et juger la première. Sur recours des fédérations plaignantes, le Tribunal d'accusation cantonal vaudois, par arrêt du 11 avril 1991, a refusé cette disjonction en fixant le for pénal dans le canton de Vaud. S., pour Procrédit, et O., pour Finalba, ont alors saisi la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral d'une plainte, demandant que le for pénal soit fixé à Zurich; par arrêt du 14 juin 1991, la Chambre d'accusation a rejeté cette plainte et déclaré les autorités vaudoises compétentes (cf. ATF 117 IV 364 ss). La plainte contre la BCV a été retirée le 13 février 1992.
C.- Par jugement du 26 novembre 1993, le Tribunal de police du district de Lausanne a condamné S. et O., pour infraction à la LCD, respectivement à 20'000 fr. et à 25'000 fr. d'amende, avec délai d'épreuve en vue de radiation de deux ans. Par arrêt du 7 mars 1994, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté par les condamnés contre ce jugement et a confirmé ce dernier.
D.- S. et O. se sont pourvus en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Erwägungen
Considérant en droit:
2. Les recourants soutiennent que les conditions objectives de l'art. 3 let. l LCD ne sont pas réalisées en l'espèce. a) La loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) du 19 décembre 1986 est entrée en vigueur le 1er mars 1988 (RS 241). Plusieurs dispositions de cette loi, notamment son art. 3 let. l, ont été modifiées le 18 juin 1993; cette modification est entrée en vigueur le 1er
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avril 1994 (RO 1994 I 375/376). Le nouvel art. 3 let. l LCD prévoit qu'agit de façon déloyale celui qui omet, dans des annonces publiques en matière de crédit à la consommation, de désigner clairement sa raison de commerce ou de donner des indications claires sur le montant net du crédit, le coût total du crédit et le taux annuel effectif global. Les faits reprochés aux recourants remontant toutefois aux mois d'octobre et novembre 1990, leur est applicable la LCD dans sa teneur du 19 décembre 1986, ce qui n'est du reste pas contesté. Aux termes de l'art. 3 let. l LCD ici applicable, agit de façon déloyale celui qui omet, dans des annonces publique en matière de petits crédits, de désigner nettement sa raison de commerce, de donner des indications claires sur le montant du crédit ou le maximum de la somme globale remboursable ou de chiffrer exactement, en francs et en pour cent par année, la charge maximale des intérêts.
Dans son arrêt du 14 juin 1991, rendu à la suite de la plainte déposée par les recourants dans le cadre de la procédure en fixation de for (cf. supra, let. B), le Tribunal fédéral a précisé que le comportement réprimé par l'art. 3 let. l LCD consiste à se livrer, par voie d'annonces publiques, à des actes de publicité déloyale en omettant des indications essentielles pour le choix opéré par le consommateur, une mise en danger concrète conduisant à la tromperie ou à l'erreur ne paraissant pas nécessaire; il s'est référé à ce sujet à l'opinion de plusieurs auteurs de doctrine, notamment à DAVID (Schweizerisches Werberecht, 1ère éd., Zurich 1977, p. 276 ch. 54.5) et THOMAS WYLER (Werbung mit dem Preis als unlauterer Wettbewerb, Bâle 1990, p. 132 ch. I et p. 133 ch. II). Il a également précisé que la notion d'"annonces publiques" comprend toute manifestation publicitaire qui ne s'adresse pas à un cercle clairement défini de personnes, telle qu'annonces dans les journaux, affiches, etc., se référant sur ce point au Message du Conseil fédéral concernant la loi sur le crédit à la consommation du 12 juin 1978 (FF 1978 p. 606 ch. 225.2 al. 4 et 608 art. 13) ainsi qu'au Message du Conseil fédéral à l'appui d'une modification de loi fédérale contre la concurrence déloyale qui y renvoie (FF 1983 II 1102 ch. 241.38 al. 2 concernant l'art. 3 let. l de la nouvelle LCD) (cf. ATF 117 IV 364 consid. 2b et les références). ...
d) Selon les constatations de l'arrêt attaqué, les annonces litigieuses ont été diffusées par voie d'affiches placardées et/ou d'annonces publiées dans divers journaux et ne contenaient pas d'indications claires sur le montant du crédit ou le maximum de la somme globale remboursable, ni ne chiffraient
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exactement, en francs et en pour cent par année, la charge maximale des intérêts. Ces constatations relatives à l'étendue du cercle des destinataires et au contenu des annonces relèvent de l'établissement des faits et lient donc la Cour de cassation saisie d'un pourvoi en nullité (art. 277bis PPF; cf. supra, consid. 1a). Il en résulte qu'il s'agit bien d'annonces "publiques" (cf. supra, lettre a) et qu'elles ne contenaient pas les "indications claires" prévues par l'art. 3 let. l LCD. Les recourants, du reste, ne le contestent pas, mais soutiennent uniquement que ces annonces n'étaient pas soumises aux exigences prévues par cette disposition. Seule est donc litigieuse ici la question de savoir ce qu'il faut entendre par "annonces ... en matière de petits crédits" au sens de l'art. 3 let. l LCD et, partant, si les annonces litigieuses étaient visées par cette disposition et devaient donc contenir les indications qui y sont prévues. e) A ce jour, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur cette question. Celle-ci n'a été que peu abordée dans la doctrine. Pour LUCAS DAVID, lorsque la loi exige, pour la publicité en matière de petits crédits, que soient fournies des indications claires sur le montant et les coûts du crédit, cela ne peut signifier qu'une pure publicité de rappel pour une institution de petit crédit serait déjà illicite; il faut que l'on se trouve en présence d'une publicité pour des limites de crédit déterminées (Schweizerisches Wettbewerbsrecht, 2ème éd., Berne 1988, p. 142 no 527). Cette opinion est partagée par THOMAS WYLER, qui se réfère expressément à DAVID sur ce point (Werbung mit dem Preis als unlauterer Wettbewerb, Bâle 1990, p. 133 ch. III). Se référant par ailleurs au message de 1978, cet auteur précise que l'art. 3 let. l LCD est aussi applicable à la publicité pour des crédits en compte courant, où ni la somme des montants perçus, ni, par conséquent, les intérêts ne peuvent être déterminés d'avance; dans ce cas, il suffira cependant de donner un exemple en admettant que le crédit a été épuisé jusqu'à la limite absolue et en indiquant les intérêts maximums dus en tel cas (cf. ibidem). Il ajoute que, lorsque des petits crédits sont simplement proposés comme "avantageux", il n'est pas nécessaire d'indiquer le taux d'intérêt annuel dans la publicité (cf. ibidem; en ce sens cf. également DANIEL LINDER, Das UWG als Ansatz des Konsumentenschutzes, thèse Zürich 1993, p. 145/146). Dans son ouvrage "La loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD)", Lausanne 1988, de même que dans sa contribution "La nouvelle loi contre la concurrence déloyale", in
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CEDIDAC, Lausanne 1988, p. 9 ss, EDMOND MARTIN-ACHARD ne s'est pas exprimé sur cette question précise. Dans son avis de droit du 19 octobre 1991, le Professeur Bernard Dutoit, avec DAVID notamment, estime que la ratio de l'art. 3 let. l LCD réside dans la protection des consommateurs contre les tentations alléchantes du petit crédit et distingue entre la simple "réclame de rappel" (Erinnerungswerbung) et la réclame contenant des incitations à recourir au petit crédit, seule cette seconde publicité tombant sous le coup de l'art. 3 let. l LCD. Il se distance en revanche de DAVID dans la mesure où, selon lui, même une publicité sans limites de crédit déterminées peut parfaitement dépasser la simple "réclame de rappel"; il faut bien plutôt examiner, dans chaque cas concret, si la réclame incriminée contient ou non des incitations à recourir au petit crédit. A son avis, les annonces litigieuses contiennent toutes, à des degrés divers, des incitations à recourir au petit crédit et sont donc soumises aux exigences de l'art. 3 let. l LCD. Dans son avis de droit du 18 février 1993, Mme le Professeur Régina Ogorek, considérant que le législateur n'a finalement pas voulu de la loi sur le crédit à la consommation, estime que les dispositions de la LCD ne peuvent être interprétées qu'à la lumière de cette loi, les buts de la loi sur le crédit à la consommation ne pouvant être pris en compte que dans la mesure où ils ont été repris dans la réglementation de la LCD; l'idée de protection sociale qui prévalait dans la loi sur le crédit à la consommation ne peut donc être prise en considération qu'autant qu'il s'agit de garantir d'une manière indirecte une concurrence loyale et non faussée. Pour déterminer quelle est la publicité soumise aux exigences de l'art. 3 let. l LCD, il faut donc distinguer, compte tenu du but spécifique de cette loi, entre les messages publicitaires nécessitant la transparence et ceux qui, par leur nature, ne peuvent être transparents. A son avis, la transparence, par la concrétisation de chiffres (montant du crédit, somme globale remboursable, coûts du crédit), n'est nécessaire que si l'on a recours à des chiffres dans le message publicitaire, non pas lorsque celui-ci ne contient pas d'offre déterminée mais se borne à rappeler d'une manière générale le produit au consommateur. Les offres de crédit étant toutefois variables dans leur contenu, il y a encore lieu de distinguer entre les cas où l'offre mentionne un montant de crédit déterminé, un taux d'intérêt déterminé ou des exemples, lorsqu'elle ne reproduit qu'une image d'argent ou contient un bulletin réponse, etc. Il résulte de ce qui précède qu'il y a unanimité entre les auteurs précités pour admettre que toute publicité en matière de petit crédit, quelle que
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soit son contenu, n'est pas soumise aux exigences de l'art. 3 let. l LCD; en particulier, la pure publicité de rappel (Erinnerungswerbung) - par laquelle l'annonceur se borne à rappeler sans plus qu'il pratique le petit crédit - échapperait à ces exigences. Au-delà, les opinions divergent, au moins en partie. f) La LCD ne précise pas ce qu'il faut entendre par annonces en matière de petits crédits au sens de l'art. 3 let. l LCD. Aussi convient-il de rechercher la véritable portée de cette norme en la dégageant de tous les éléments à considérer, à savoir de la lettre, de l'esprit et du but de la loi ainsi que des travaux préparatoires (cf. ATF 114 II 404 consid. 3, 353 consid. 1 et les arrêts cités). Une solution à la question litigieuse ne peut être dégagée du seul texte de l'art. 3 let. l LCD, qui se borne à énumérer les indications que doivent contenir les annonces publiques en matière de petits crédits, sans qu'il soit possible d'en tirer des déductions quant à la définition des annonces. En particulier, ce n'est pas parce que cette disposition impose notamment d'indiquer le montant du crédit que l'on peut en déduire, comme le font les recourants, qu'elle ne vise que la publicité pour des crédits d'un montant déterminé. Il n'apparaît du reste pas que DAVID, auquel se réfère les recourants sur ce point, tire une telle déduction du texte de l'art. 3 let. l LCD, mais bien plutôt du fait qu'il estime que la ratio de cette disposition réside dans la protection des consommateurs contre les tentations alléchantes du petit crédit (cf. supra, lettre e). La let. l de l'art. 3 LCD correspond à la lettre k de l'art. 1 al. 2 , qui devait être introduite dans la LCD du 30 septembre 1943 par une loi fédérale sur le crédit à la consommation (cf. FF 1978 II 606-608, 642), dont on sait qu'elle n'a finalement pas vu le jour; elle a cependant été introduite dans la LCD lors de la modification de celle-ci en 1983. C'est donc à juste titre que les recourants relèvent que cette disposition doit être interprétée en fonction du but de la loi contre la concurrence déloyale, et non de la loi sur le crédit à la consommation refusée par le Parlement. Toutefois, cela n'exclut pas que les buts de la loi sur le crédit à la consommation soient pris en considération dans la mesure où ils ont été repris dans la LCD. Le but de la LCD est défini à l'art. 1 de cette loi, qui dispose que celle-ci "vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée". La LCD a ainsi un double but: d'une part, elle vise à garantir une concurrence loyale et non faussée et, d'autre part, elle tend à assurer par là la protection des intéressés, notamment des concurrents et des consommateurs. Ces deux buts sont étroitement liés; la réglementation de la concurrence n'est pas une fin en
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soi, mais, comme cela ressort du texte de l'art. 1er , a elle-même pour but de protéger les intérêts des parties concernées, parmi lesquelles les consommateurs. La clause générale de l'art. 2 LCD définit du reste comme déloyal et illicite "tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients". Que la protection des consommateurs, notamment, soit aussi un des buts de la loi résulte en particulier et précisément de l'art. 3 let. l LCD, qui tend spécifiquement à les protéger d'une manière accrue dans le domaine de la publicité en matière de petits crédits, ainsi que de l'art. 10 al. 2 let. b LCD, qui confère aux organisations d'importance nationale ou régionale se consacrant statutairement à la protection des consommateurs, la qualité pour intenter les actions prévues à l'art. 9 al. 1 et 2 LCD. Ce double but de la LCD a du reste été souligné à plusieurs reprises lors des débats devant les Chambres fédérales portant sur la modification de la LCD proposée par le Conseil fédéral dans son message de 1983. Ainsi, le rapporteur de langue allemande au Conseil national relevait que "Schutzobjekt des Gesetzes bleibt, wie bisher, der faire wirtschaftliche Wettbewerb. Indirekte Schutzobjekte bleiben primär die im Wettbewerb stehenden Unternehmer und in verstärktem Masse als bisher die Konsumenten" (cf. Bull.stén. CN 1985 p. 813); de son côté, le rapporteur de langue française relevait qu'"il est fondamental de protéger la concurrence dans son ensemble en tant que principe cardinal de notre vie économique, car elle permet la croissance de l'efficacité économique ainsi que la protection optimale des consommateurs" (cf. Bull.stén. CN 1985 p. 814). Le rapporteur de langue allemande au Conseil des Etats remarquait également que "im Interesse aller Beteiligten verdeutlicht die Absicht des Gesetzgebers, den Geltungsbereich des UWG über die Konkurrenten hinaus auch auf die Konsumenten auszudehnen" (Bull.stén. CE 1986 p. 415). On peut encore noter ici que, lors de la discussion du projet de loi article par article, l'art. 3 let. l et l'art. 10 al. 2 let. b ont été adoptés sans opposition, tant au Conseil national qu'au Conseil des Etats (cf. Bull.stén. CN 1986 p. 1251-1254; Bull.stén. CE 1986 p. 423). Au vu de ce qui précède, il n'est pas douteux qu'en visant à garantir une concurrence loyale et non faussée, la LCD tend aussi et par là à protéger les intérêts de toutes les parties concernées, dont les consommateurs, et que le législateur, en édictant l'art. 3 let. l LCD, a voulu assurer à ceux-ci une protection particulière dans le domaine de la publicité en
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matière de petits crédits. Il y a donc lieu d'admettre que la ratio de l'art. 3 let. l LCD réside dans la protection des consommateurs contre les tentations alléchantes du petit crédit. A cette fin, le législateur a voulu que la publicité en matière de petits crédits contienne des indications précises, qu'il a énumérées à l'art. 3 let. l LCD, à savoir, outre la désignation nette de la raison de commerce de l'annonceur, des indications claires sur le montant du crédit ou sur le maximum de la somme globale remboursable ou des indications chiffrant exactement, en francs et en pour cent par année, la charge maximale des intérêts. Du but ainsi poursuivi et des exigences posées par le législateur, il faut déduire que ce que l'on a voulu éviter c'est que le consommateur ne soit tenté de recourir au petit crédit par une publicité qui lui en présente les avantages sans attirer son attention sur les coûts supplémentaires qui en résulteront pour lui et, partant, que la publicité qui peut avoir de tels effets est visée par l'art. 3 let. l LCD. Il n'est pas nécessaire de trancher ici la question de savoir si et dans quelle mesure une publicité qui ne fait que rappeler au consommateur que l'annonceur pratique le petit crédit (publicité dite de simple rappel) serait ou non soumise aux exigences de l'art. 3 let. l LCD; en effet, il a été retenu à juste titre que les publicités litigieuses, au vu de leur contenu tel qu'il a été décrit dans l'arrêt attaqué (cf. supra, let. A), vont au-delà d'une simple publicité de rappel. En revanche, dès qu'une publicité, arguments à l'appui, incite le consommateur à recourir au petit crédit en lui en présentant les avantages, elle doit contenir les indications prévues par cette disposition. Rien ne permet d'interpréter plus restrictivement la notion d'annonces publiques en matière de petits crédits; en particulier, ni le texte ni le but de cette disposition n'autorisent à en limiter l'application à la publicité faite pour des limites de crédit déterminées ou aux messages publicitaires contenant des chiffres. Si le législateur avait voulu restreindre l'application de l'art. 3 let. l LCD à de tels cas, il l'aurait sans aucun doute précisé; à tout le moins cette volonté ressortirait des travaux parlementaires au cours desquels le projet de LCD, notamment son art. 3 let. l, a été discuté et adopté; tel n'a cependant pas été le cas, la disposition en question ayant été adoptée sans opposition ainsi qu'on l'a vu. Le juge ne saurait donc, par voie d'interprétation, restreindre la protection accordée par la loi à des cas déterminés sans que le texte légal et la volonté exprimée par le législateur ne lui permettent de le faire. Au demeurant, comme l'a relevé la cour cantonale, et quoiqu'en disent les recourants, les restrictions proposées par ces derniers auraient manifestement pour effet de limiter considérablement l'application de
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l'art. 3 let. l LCD, voire de le vider en bonne partie de sa portée. En effet, toute publicité en matière de petits crédits qui ne mentionnerait pas un montant de crédit déterminé échapperait alors aux exigences prévues par cette disposition. Comme le montre la publicité litigieuse en l'espèce, il serait ainsi aisé de vanter au consommateur les avantages du petit crédit sans avoir à attirer son attention sur les coûts supplémentaires qui en résulteront pour lui. Il n'est pas douteux que la loi serait ainsi contournée dans de très nombreux cas. On ne saurait non plus suivre l'argumentation des recourants selon laquelle il serait quasiment impossible dans la pratique de fournir les indications prévues par l'art. 3 let. l LCD lorsque le montant, la durée et le taux des crédits sont variables. Comme le leur a déjà objecté à juste titre la cour cantonale, il est démontré, notamment par la publicité diffusée par la BCV, que, dans ces cas aussi, il est possible de respecter les exigences légales, notamment par l'inclusion d'un exemple. Le fait que cela rende l'annonce ou l'affiche moins lisible ou moins attractive ne saurait justifier des entorses à la loi que le législateur n'a pas prévues. g) En l'espèce, les publicités litigieuses invitent les consommateurs à recourir au petit crédit pour acquérir certains biens de consommation, tels qu'une voiture, une caméra vidéo ou des meubles, en leur suggérant qu'ils pourront aisément les obtenir par ce moyen. Elles devaient donc satisfaire aux exigences de l'art. 3 let. l LCD. Dès lors qu'il est établi et au demeurant non contesté, que leur attention n'a été attirée d'aucune manière sur les coûts supplémentaires qui en résulteront pour eux, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les conditions objectives de l'art. 3 let. l LCD étaient réalisées.