110 Ib 127
22. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 5 avril 1984 dans la cause Société K. contre Administration fédérale des contributions (recours de droit administratif)
Regeste (de):
- 1. Verrechnungssteuer, geldwerte Leistung (Art. 4 Abs. 1 lit. b VStG; Art. 20 Abs. 1 VStV).
- Die Überweisung von Gewinnen einer schweizerischen AG an die deren Muttergesellschaft beherrschende ausländische Gesellschaft stellt nach schweizerischem Recht, das jede Gesellschaft eines Konzerns als juristisch selbständige Person betrachtet, keinen Aufwand dar, der eine nachträgliche künstliche Berichtigung der Gewinn- und Verlustrechnung erlaubt. Bei einer solchen Überweisung handelt es sich um eine der Verrechnungssteuer unterliegende geldwerte Leistung (E. 3).
- 2. Doppelbesteuerungsabkommen zwischen der Schweiz und den Vereinigten Staaten von Amerika, Art. VI Abs. 2.
- Anwendbarkeit des in Art. VI Abs. 2 DBA-USA vorgesehenen reduzierten Steuersatzes von 5%: umfassende Bedeutung des Begriffs der Dividende. Als solche sind auch "geldwerte Leistungen" zu verstehen (E. 4).
Regeste (fr):
- 1. Impôt anticipé, prestation appréciable en argent (art. 4 al. 1
SR 642.21 Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA)
LIA Art. 4 - 1 L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements:
1 L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements: a des obligations émises par une personne domiciliée en Suisse, des cédules hypothécaires et lettres de rentes émises en série, ainsi que des avoirs figurant au livre de la dette; b des actions, parts sociales de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés coopératives, bons de participation sociale des banques coopératives, bons de participation ou bons de jouissance, émis par une personne domiciliée en Suisse; c des parts d'un placement collectif de capitaux au sens de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC)12 émises par une personne domiciliée en Suisse ou par une personne domiciliée à l'étranger conjointement avec une personne domiciliée en Suisse; d des avoirs de clients auprès de banques et de caisses d'épargne suisses. 2 Le transfert du siège d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative à l'étranger est assimilé à une liquidation du point de vue fiscal; la présente disposition est applicable par analogie aux placements collectifs au sens de la LPCC.13 SR 642.211 Ordonnance du 19 décembre 1966 sur l'impôt anticipé (OIA)
OIA Art. 20 - 1 Est un rendement imposable d'actions, parts de sociétés à responsabilité limitée et sociétés coopératives, toute prestation appréciable en argent faite par la société aux possesseurs de droits de participation, ou
1 Est un rendement imposable d'actions, parts de sociétés à responsabilité limitée et sociétés coopératives, toute prestation appréciable en argent faite par la société aux possesseurs de droits de participation, ou 2 Est un rendement imposable de bons de participation, de bons de jouissance et de bons de participation sociale toute prestation appréciable en argent servie aux détenteurs de bons de participation, de bons de jouissance et de bons de participation sociale de banques coopératives; le remboursement de la valeur nominale de bons de participation ou de bons de participation sociale émis gratuitement ne constitue pas un élément du rendement imposable, pour autant que la société ou la banque coopérative prouve qu'elle a payé l'impôt anticipé sur la valeur nominale lors de l'émission des titres.25 3 ...26 - Un transfert de bénéfices d'une filiale suisse à la société à l'étranger qui domine sa société mère ne peut être considéré, en droit suisse (pour lequel chaque société d'un groupe est une entité juridique autonome), comme une charge permettant un ajustement postérieur artificiel des comptes. Il constitue donc une prestation appréciable en argent, soumise à l'impôt anticipé (consid. 3).
- 2. Convention de double imposition entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, art. VI al. 2.
- Applicabilité du taux réduit de 5% prévu par l'art. VI al. 2 CDI-EU: acception large de la notion de dividende, qui comprend aussi les "prestations appréciables en argent" (consid. 4).
Regesto (it):
- 1. Imposta preventiva, prestazione valutabile in denaro (art. 4 cpv. 1 lett. b LIP, art. 20 cpv. 1
SR 942.211 Ordonnance du 11 décembre 1978 sur l'indication des prix (OIP)
OIP Art. 20 - L'obligation d'indiquer les prix et de faire de la publicité conformément aux prescriptions de la présente ordonnance incombe aux exploitants de fonds de commerce de tout genre.
- Un trasferimento di utili da una filiale svizzera alla società all'estero che domina la società madre non può essere considerato in diritto svizzero (secondo il quale ogni società di un gruppo è un ente giuridico autonomo) come un'uscita che permetta di rettificare successivamente in modo artificioso il conto perdite e profitti. Esso costituisce pertanto una prestazione valutabile in denaro, soggetta all'imposta preventiva (consid. 3).
- 2. Convenzione tra la Confederazione Svizzera e gli Stati Uniti d'America intesa a evitare i casi di doppia imposizione in materia di imposte sul reddito, art. VI cpv. 2.
- Applicabilità dell'aliquota ridotta del 5% prevista dall'art. VI cpv. 2 della Convenzione: accezione ampia della nozione di dividendo, che comprende anche le "prestazioni valutabili in denaro" (consid. 4).
Sachverhalt ab Seite 128
BGE 110 Ib 127 S. 128
Inscrite depuis le 24 janvier 1972 au registre du commerce de Fribourg où elle a son siège social, la société K. dispose d'un capital social de 200'000.- francs. La totalité de ses actions est en mains d'une société K.M. à Fribourg, qui est elle-même une filiale à 100% de la société américaine K.I., dont le siège est à Wichita (Kansas, USA). La recourante pratique le commerce international du pétrole brut et de ses dérivés en achetant et revendant ces produits en son nom et pour son compte. Pour engendrer et conclure ces opérations ou pour en surveiller le bon déroulement, elle recourt toutefois aux services d'autres sociétés faisant partie du groupe K., notamment à Londres, à Rotterdam et à Wichita; à ces sociétés, elle rembourse les frais d'administration qu'elles lui réclament pour ces services. D'après son "compte de pertes et profits pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1974", la société K. a réalisé en 1974 un bénéfice brut de 55'461'360.- francs. Au cours de l'exercice 1975, elle a réalisé un bénéfice brut de 4'765'249.- francs. Elle a inscrit au bilan une perte qui tenait compte, notamment, des frais d'administration payés aux sociétés du groupe à Londres (503'588.- fr.), à Wichita (940'559.- fr.), à Madrid (273'051.- fr.) et à Rotterdam (1'966'729.- fr.). Toutefois, dans le "compte de pertes et profits pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1975", elle ajouta, conformément aux instructions de la société mère, une charge supplémentaire - avec la mention "ajustement 1974" - d'un montant de 50'285'411.- francs (contre-valeur en fr.s. de 19'192'905.- $ US). L'Administration fédérale des contributions (Division principale des droits de timbre et de l'impôt anticipé) ayant demandé à la société K. des explications sur cet "ajustement 1974", celle-ci exposa qu'il s'agissait d'un profit exceptionnel réalisé en 1974 dans des opérations où elle n'était qu'un maillon de la chaîne et qui avaient pris naissance chez K.I. à Wichita et se terminaient également dans cette société mère américaine. Destinées à éluder la législation américaine sur la limitation des prix des produits pétroliers, ces transactions avaient été conclues par la société K. agissant en son propre nom mais pour le compte de la société mère. La recourante avait reçu l'ordre de transférer ce profit de 50'285'411.- francs au crédit de la société K.I. à Wichita. D'après la recourante, les autorités fiscales américaines avaient obligé la société K.I. à considérer ce montant comme son bénéfice à elle, donc imposable aux Etats-Unis, de sorte que la société K. avait dû procéder, avec l'accord des autorités fiscales suisses, à cet ajustement afin d'éviter une double imposition.
BGE 110 Ib 127 S. 129
L'Administration fédérale des contributions a exposé à la société K., par lettre du 17 avril 1980, les motifs pour lesquels elle devait payer l'impôt anticipé sur les "frais supplémentaires facturés par K.I. et ses sociétés filles, assimilés à une distribution de bénéfice" de 50'285'411.- francs. La société K. a contesté devoir payer un impôt anticipé, faisant valoir notamment que "l'écriture passée au débit des comptes de résultat reflète ... une charge justifiée par l'usage commercial. Cela est si vrai que cette charge déductible a été admise par votre propre administration (Division principale de l'impôt pour la défense nationale)". Par décisions du 11 décembre 1980 puis, sur réclamation, du 15 octobre 1981, l'Administration fédérale des contributions a confirmé le principe de la taxation d'un impôt anticipé calculé sur le montant de 50'285'411.- francs. Faisant toutefois application de l'art. VI de la Convention de double imposition entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, elle a retenu le taux réduit de 5%, de sorte que l'impôt anticipé a été fixé à 2'514'270 fr. 55 avec intérêt moratoire dès le 1er janvier 1976. Agissant par la voie du recours de droit administratif, la société K. demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision sur réclamation. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours
Erwägungen
pour les motifs suivants:
2. (Dès lors que le versement litigieux de 50'285'411.- francs n'était pas un remboursement de capital et qu'il avait sa cause dans les droits de participation - indirecte - de la société bénéficiaire, l'Administration fédérale des contributions pouvait le considérer comme une prestation appréciable en argent soumise à l'impôt anticipé (art. 4 al. 1

SR 642.21 Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) LIA Art. 4 - 1 L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements: |
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1 | L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements: |
a | des obligations émises par une personne domiciliée en Suisse, des cédules hypothécaires et lettres de rentes émises en série, ainsi que des avoirs figurant au livre de la dette; |
b | des actions, parts sociales de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés coopératives, bons de participation sociale des banques coopératives, bons de participation ou bons de jouissance, émis par une personne domiciliée en Suisse; |
c | des parts d'un placement collectif de capitaux au sens de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC)12 émises par une personne domiciliée en Suisse ou par une personne domiciliée à l'étranger conjointement avec une personne domiciliée en Suisse; |
d | des avoirs de clients auprès de banques et de caisses d'épargne suisses. |
2 | Le transfert du siège d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative à l'étranger est assimilé à une liquidation du point de vue fiscal; la présente disposition est applicable par analogie aux placements collectifs au sens de la LPCC.13 |
3. En somme, la recourante reproche à l'Administration fédérale des contributions d'avoir considéré le versement litigieux de 50'285'411.- francs comme une sorte de "distribution de bénéfice" et d'avoir ainsi "ignoré" un "usage commercial". Soi-disant en
BGE 110 Ib 127 S. 130
vigueur dans le droit des groupes multinationaux, cet usage commercial permettrait à une société suisse, dépendant d'un groupe dont le siège se trouve aux Etats-Unis, de réajuster ses comptes - dans le sens d'un transfert à l'étranger de ses propres profits - à la suite d'un redressement des profits que les dirigeants du groupe auraient décidé d'opérer entre la société mère américaine et sa filiale suisse, dans le but d'éviter en Suisse l'imposition de ces profits déjà soumis à l'impôt américain. a) Dans la procédure, la recourante a fait valoir qu'en matière d'impôt fédéral de défense nationale, les autorités compétentes ont admis sa thèse de l'ajustement comptable, et accepté ainsi de considérer le versement de 50'285'411.- francs comme une charge venant - après coup - grever le compte de pertes et profits de l'exercice 1974. Elle insiste notamment sur le fait que l'Administration fédérale des contributions avait elle-même - par le Chef de la Division principale de l'impôt de défense nationale - donné son accord à cette solution. En fait, il semble bien qu'en raison de l'importance des montants en cause, le Chef de la Division principale de l'impôt de défense nationale a participé aux négociations entre le Service cantonal des contributions de Fribourg et les représentants de la recourante, mais il n'a pas pu lier la Division principale des droits de timbre et de l'impôt anticipé, même si ces deux divisions font partie de la même Administration fédérale des contributions: cela a été clairement et très nettement dit par les représentants de la Division principale des droits de timbre et de l'impôt anticipé lors d'une entrevue qui eut lieu le 12 septembre 1979 dans les bureaux du Service cantonal des contributions à Fribourg. Au demeurant, il ressort clairement de la lettre à laquelle la recourante se réfère - adressée le 4 octobre 1979 par le Service cantonal des contributions de Fribourg - qu'il s'agissait, de la part des autorités fiscales, d'une sorte de transaction relative aux impôts cantonaux, par laquelle "l'extourne des ventes opérée en 1975 (Fr.s. 50'285'411.-) est admise" sous certaines conditions. En effet, le Service cantonal des contributions précisait, d'abord, que "les modalités de taxation exposées dans la présente lettre ne sauraient en aucun cas être considérées comme une reconnaissance tacite des décisions précédentes" et, ensuite, que: "3.3 L'application des modalités exposées ci-dessus est, en outre, subordonnée à la réalisation des conditions suivantes:
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a) que K. déclare effectivement pour les années de calcul 1979-80 un rendement net moyen minimum imposable de 25 à 30 millions de francs suisses, b) qu'aucune des deux sociétés ne soit mise en liquidation avant la fin de l'année 1982. Si l'une des conditions mentionnées ci-dessus n'était pas réalisée, le contenu de la présente lettre serait automatiquement nul et non avenu et la taxation des deux sociétés s'effectuerait, pour l'ensemble des périodes susmentionnées, dans la plus stricte application des dispositions légales." C'est donc à tort que la recourante reproche à l'autorité intimée de s'être, en ce qui concerne l'impôt anticipé, écartée de cette solution admise, seulement sous conditions, par d'autres autorités. Il ne saurait être question de considérer l'Administration fédérale des contributions et - encore moins - le Tribunal fédéral comme liés par une telle transaction. b) Au fond, d'après la recourante, la présente affaire concerne un groupe de sociétés agissant à l'échelon international; elle "se situe dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler en droit fiscal international la fiscalité des groupes et concerne plus précisément les questions relatives aux redressements de profits entre sociétés affiliées appartenant à des juridictions différentes et qui surviennent sur l'intervention ou sur la pression des autorités fiscales de l'un ou de l'autre des pays considérés". Elle reconnaît, cependant, que "l'Administration fédérale des contributions a toujours adopté un point de vue étroit et fiscaliste à cet égard, considérant de telles corrections comme des distributions de profits implicites et les soumettant à l'impôt anticipé", tout en critiquant cette attitude qui serait "en opposition ouverte avec celle des pays étrangers avec lesquels la Suisse entretient des relations les plus étroites ...". aa) A l'étranger, l'existence des groupes de sociétés est parfois officiellement reconnue, en vertu de dispositions légales spéciales qui dérogent aux principes fondamentaux du droit des sociétés. Ainsi, le droit allemand (Konzernrecht) accorde certains privilèges - notamment la possibilité d'imposer une direction unique - à ceux qui annoncent publiquement leur pouvoir de domination sur les diverses sociétés du groupe et prennent l'engagement de garantir les droits des actionnaires minoritaires, travailleurs et créanciers des sociétés qu'ils dominent (voir ROBERT PATRY, Précis de droit suisse des sociétés, vol. I, p. 71; voir les par. 291 à 310 de la loi allemande de 1965 sur les sociétés anonymes; HANS WÜRDINGER, Aktien- und Konzernrecht, Karlsruhe 1966). Les
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sociétés qui font partie d'un groupe dont l'existence est ainsi officiellement reconnue perdent leur autonomie en ce sens qu'elles peuvent être amenées à gérer leurs propres affaires dans l'intérêt exclusif du groupe. Sous certaines conditions, en vertu de dispositions spéciales de la loi, la direction du groupe peut même ordonner, à l'intérieur du groupe, des transferts de ressources et de capitaux entre les diverses sociétés comme si elles étaient de simples instruments mis à sa disposition. On peut alors parler d'un "usage commercial" dans le sens allégué par la recourante. bb) En Suisse, en revanche, sous réserve de quelques dispositions particulières du droit fiscal, il n'existe encore aujourd'hui aucune réglementation des groupes de sociétés (voir notamment PETER FORSTMOSER et ARTHUR MEIER-HAYOZ, Einführung in das schweizerische Aktienrecht, 2e éd., p. 299, par. 44 ch. 30). Dans deux arrêts récents (cf. ATF 108 Ib 448 et 37 consid. 4c), le Tribunal fédéral a d'ailleurs constaté que, sous réserve de quelques exceptions que l'on peut trouver plus particulièrement en droit fiscal, le droit positif suisse ne reconnaît ni ne définit officiellement la notion de groupe: une filiale n'est ni un simple établissement, ni une succursale, mais une société juridiquement indépendante (ATF 108 Ib 448; voir PETER FORSTMOSER, Schweizerisches Aktienrecht, t. I/1, Zurich 1981, p. 126 ch. 53). En tant que société anonyme soumise au droit suisse et juridiquement indépendante de la société mère dont elle dépend économiquement, la filiale a ses propres organes et notamment un conseil d'administration dont la fonction est de gérer les affaires sociales dans l'intérêt de la société elle-même et non pas dans celui du groupe (ATF 108 Ib 37 consid. 4c). Dans le groupe, les intérêts des diverses sociétés qui le composent sont souvent opposés à ceux de la société dominante et comme l'intérêt des filiales passe pratiquement au second plan, le danger existe "que l'entreprise dominante utilise la filiale de façon contraire à ses intérêts, comme un instrument à son propre service" (voir ANNE PETITPIERRE-SAUVAIN, Droit des sociétés et groupes de sociétés, Genève 1972, p. 22 ch. 44). Cela n'est guère compatible avec les principes fondamentaux du droit des sociétés en Suisse: chacune des sociétés du groupe est considérée comme une entité juridiquement indépendante et autonome; "il va de soi et il est reconnu sans exception que l'administration doit toujours se conformer aux intérêts supérieurs de la société" qu'elle dirige (voir G. SCHUCANY, Die Vertreter juristischer Personen im
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Verwaltungsrat einer A.G., thèse Zurich 1943, citée par ANNE PETITPIERRE-SAUVAIN, op.cit., p. 22 ch. 43). cc) Dans les groupes suisses, il existe peut-être une pratique analogue à celle admise à l'étranger mais il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas compatible avec les principes qui sont à la base du droit positif des sociétés en Suisse. En l'absence d'une réglementation spéciale, une filiale suisse ne peut pas valablement agir au seul profit du groupe auquel elle appartient. Dans son arrêt X., du 2 avril 1982, le Tribunal fédéral a d'ailleurs rappelé que l'administrateur d'une filiale suisse a le devoir de veiller à ce que cette société non seulement paie ses dettes mais aussi et surtout obtienne le remboursement des prêts qu'elle a accordés. "Autrement dit, les emprunts et les prêts que les "promissory notes" constatent ne sont pas de simples opérations financières - fiscalement neutres - accomplies à l'intérieur du groupe; ils concernent une société qui, par son inscription au registre du commerce, a acquis la personnalité juridique, distincte de celle que les autres sociétés ont pu acquérir" (ATF 108 Ib 37 consid. 4c). Pratiquement, cela signifie qu'une filiale suisse ne dispose pas librement de ses ressources et de son patrimoine; elle n'a pas à effectuer, même à l'intérieur du groupe, des versements sans cause valable, simplement pour se conformer aux instructions de la direction du groupe, dans le cadre d'une gestion consolidée: l'administrateur suisse qui exécuterait de telles opérations de transfert contraires aux intérêts de la filiale ne respecterait pas son devoir de diligence énoncé à l'art. 722 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 722 - La société répond des actes illicites commis dans la gestion de ses affaires par une personne autorisée à la gérer ou à la représenter. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 754 - 1 Les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. |
|
1 | Les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. |
2 | Celui qui d'une manière licite, délègue à un autre organe l'exercice d'une attribution, répond du dommage causé par ce dernier, à moins qu'il ne prouve avoir pris en matière de choix, d'instruction et de surveillance, tous les soins commandés par les circonstances. |
En outre, du point de vue comptable, la filiale suisse doit s'en tenir au principe de la vérité du bilan - ou du "bilan véridique" - énoncé aux art. 957

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 957 - 1 Doivent tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément au présent chapitre: |
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1 | Doivent tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément au présent chapitre: |
1 | les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui ont réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 500 000 francs lors du dernier exercice; |
2 | les personnes morales. |
2 | Les entreprises suivantes ne tiennent qu'une comptabilité des recettes et des dépenses ainsi que du patrimoine: |
1 | les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 francs lors du dernier exercice; |
2 | les associations et les fondations qui n'ont pas l'obligation de requérir leur inscription au registre du commerce; |
3 | les fondations dispensées de l'obligation de désigner un organe de révision en vertu de l'art. 83b, al. 2, CC812. |
3 | Le principe de régularité de la comptabilité s'applique par analogie aux entreprises visées à l'al. 2. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 959 - 1 Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
|
1 | Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
2 | L'actif comprend les éléments du patrimoine dont l'entreprise peut disposer en raison d'événements passés, dont elle attend un flux d'avantages économiques et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. Aucun autre élément du patrimoine ne peut être porté au bilan. |
3 | L'actif circulant comprend la trésorerie et les actifs qui seront vraisemblablement réalisés au cours des douze mois suivant la date du bilan, dans le cycle normal des affaires ou d'une autre manière. Tous les autres actifs sont classés dans l'actif immobilisé. |
4 | Le passif comprend les capitaux étrangers et les capitaux propres. |
5 | Les capitaux étrangers comprennent les dettes qui résultent de faits passés, qui entraînent un flux probable d'avantages économiques à la charge de l'entreprise et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. |
6 | Les capitaux étrangers à court terme comprennent les dettes qui seront vraisemblablement exigibles dans les douze mois suivant la date du bilan ou dans le cycle normal des affaires. Toutes les autres dettes sont classées dans les capitaux étrangers à long terme. |
7 | Les capitaux propres sont présentés et structurés en fonction de la forme juridique de l'entreprise. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 959 - 1 Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
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1 | Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
2 | L'actif comprend les éléments du patrimoine dont l'entreprise peut disposer en raison d'événements passés, dont elle attend un flux d'avantages économiques et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. Aucun autre élément du patrimoine ne peut être porté au bilan. |
3 | L'actif circulant comprend la trésorerie et les actifs qui seront vraisemblablement réalisés au cours des douze mois suivant la date du bilan, dans le cycle normal des affaires ou d'une autre manière. Tous les autres actifs sont classés dans l'actif immobilisé. |
4 | Le passif comprend les capitaux étrangers et les capitaux propres. |
5 | Les capitaux étrangers comprennent les dettes qui résultent de faits passés, qui entraînent un flux probable d'avantages économiques à la charge de l'entreprise et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. |
6 | Les capitaux étrangers à court terme comprennent les dettes qui seront vraisemblablement exigibles dans les douze mois suivant la date du bilan ou dans le cycle normal des affaires. Toutes les autres dettes sont classées dans les capitaux étrangers à long terme. |
7 | Les capitaux propres sont présentés et structurés en fonction de la forme juridique de l'entreprise. |
BGE 110 Ib 127 S. 134
et, sur le plan international, la double imposition (Conventions de double imposition) des mêmes revenus. Ni en droit interne, ni en droit international, il n'est nulle part prévu de permettre aux dirigeants d'un groupe de répartir librement, entre les diverses sociétés du groupe, les profits réalisés par chacune d'elles afin d'obtenir des économies d'impôt pour l'ensemble du groupe. c) Fin décembre 1975, la société K. a reçu, de la société K.I. et de deux filiales qui ont également leur siège à Wichita (USA), six "factures" - établies en décembre 1975 - pour un montant total de 19'192'905 $, soi-disant en règlement de frais supplémentaires relatifs à des opérations commerciales faites en 1974. La recourante paya ce montant à la société mère K.I., par acomptes, les 22 et 29 décembre 1975 et le 28 avril 1976; elle porta la contre-valeur en francs suisse (50'285'411.- fr.) au débit de son compte de pertes et profits pour l'exercice 1975, comme s'il s'agissait de frais dont elle eût réellement à supporter la charge. De ce fait, le compte de pertes et profits révéla en 1975 une perte nette de 51'456'510.- francs et le bilan au 31 décembre 1975 une perte de 3'731'250.- francs, compte tenu des bénéfices reportés des années précédentes (47'485'260.- fr.). Le 29 septembre 1976, l'assemblée générale ordinaire a approuvé ces comptes de l'exercice 1975. En réalité, il s'agissait de factures fictives, établies dans le but avoué de permettre à la recourante de transférer à la société K.I., sans avoir à les soumettre à l'impôt en Suisse, les profits qu'elle avait elle-même réalisés et comptabilisés en 1974. En effet, il n'est pas contesté que, pour éluder la législation américaine sur les prix pétroliers, les dirigeants du groupe avaient chargé la recourante d'effectuer des transactions importantes en son propre nom et de réaliser ainsi des bénéfices élevés en 1974 au dehors des Etats-Unis. Ces profits appartenaient donc réellement à la société K. et non pas à la société américaine K.I. Cela est d'ailleurs attesté par les comptes de l'exercice 1974 que l'assemblée générale ordinaire a approuvés sans réserve le 11 juin 1975, admettant ainsi que la recourante avait réalisé un bénéfice net de 36'213'596.- francs en 1974. D'autre part, le caractère fictif des factures résulte déjà du fait que ces documents ont été établis en décembre 1975 alors qu'ils se rapportent soi-disant à des opérations réalisées en 1974. De plus, il ne faut pas oublier qu'en 1974 la recourante avait déjà payé à
BGE 110 Ib 127 S. 135
diverses sociétés du groupe (à Londres, à Wichita, à Madrid et à Rotterdam) des montants non négligeables (pour un total de 2'983'810.- fr.) en remboursement de frais d'administration". D'ailleurs, tout au long de la procédure, les représentants de la recourante n'ont jamais allégué que le montant de 50'285'411.- francs correspondît à des frais effectifs de la société mère que la filiale suisse dût lui rembourser: la gratuité et le caractère insolite de ce versement sont même confirmés par l'engagement que les dirigeants du groupe ont pris de désintéresser la recourante en cas de faillite.
d) En définitive, il faut bien admettre que la recourante - société anonyme soumise au droit suisse et juridiquement indépendante des autres sociétés du groupe - ne pouvait pas simplement, sans contre-prestation, transférer ses profits aux Etats-Unis en procédant, après coup, à ce qu'elle appelle un ajustement de ses comptes 1974 qui ne correspondait pas à la réalité. Si, en décembre 1975, la société K.I. voulait pouvoir en disposer elle-même, elle devait, d'abord, intervenir à l'assemblée générale de la société K. pour obtenir une décision d'attribution de tous les bénéfices disponibles sous la forme de dividende et réclamer ensuite le paiement de ce dividende (par l'intermédiaire de la société K.M.). Or, les dirigeants du groupe n'ont pas suivi cette voie normale. S'il ne correspondait pas à une distribution de bénéfices, le versement litigieux de 50'285'411.- francs ne pouvait pas non plus être considéré comme le paiement d'une dette ou d'une charge. Il constituait simplement une prestation appréciable en argent que la recourante a effectuée gratuitement - sans contre-prestation - directement à sa "grand-mère" américaine. Comme il ne s'agissait pas d'un remboursement de capital, c'est donc à bon droit que l'Administration fédérale des contributions a soumis ce montant de 50'285'411.- francs à l'impôt anticipé.
4. Normalement, selon l'art. 13 al. 1

SR 642.21 Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) LIA Art. 13 - 1 L'impôt anticipé s'élève: |
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1 | L'impôt anticipé s'élève: |
a | pour les revenus de capitaux mobiliers, les gains provenant de jeux d'argent qui ne sont pas exonérés de l'impôt selon l'art. 24, let. i à iter, LIFD57 et les gains provenant de jeux d'adresse ou de loteries destinés à promouvoir les ventes qui ne sont pas exonérés de l'impôt selon l'art. 24, let. j, LIFD: à 35 % de la prestation imposable; |
b | pour les rentes viagères et les pensions: à 15 % de la prestation imposable; |
c | pour les autres prestations d'assurances: à 8 % de la prestation imposable. |
2 | Le Conseil fédéral peut, à la fin d'une année, réduire le taux de l'impôt fixé à l'al. 1, let. a à 30 %, lorsque la situation monétaire ou le marché des capitaux l'exige.58 |
BGE 110 Ib 127 S. 136
territoire ne doit pas excéder 15%, si le bénéficiaire du dividende est une personne domiciliée dans l'autre Etat ou une société ou un autre sujet de droit de cet autre Etat" - soit, en l'occurrence, les Etats-Unis d'Amérique - "et ne possède pas d'établissement stable dans l'Etat qui perçoit l'impôt". Le taux de l'impôt est même réduit à 5% du montant de la prestation imposable lorsque les conditions particulières prévues à l'art. VI al. 2 de la Convention sont réunies, c'est-à-dire si "l'actionnaire est une société disposant directement ou indirectement d'au moins 95 pour cent des voix dans la société qui verse les dividendes et si le revenu brut de la société qui verse les dividendes ne comprend pas plus de 25 pour cent d'intérêts ou de dividendes autres que ceux qui proviennent de ses propres sociétés filiales. Cette réduction du taux d'impôt à 5 pour cent n'est cependant pas applicable lorsque la relation entre les deux sociétés a été établie ou est maintenue principalement afin de bénéficier de ce taux réduit." b) Certes, la recourante n'a pas rapporté la preuve formelle de sa filiation (par l'intermédiaire de la société K.M.) à la société américaine K.I. dont le siège se trouve à Wichita (USA); mais cela n'était pas nécessaire. Sur la base d'indices qui se trouvent au dossier, les autorités fiscales suisses ont toujours admis que la société K. est une filiale à 100% de la société K.M., qui est elle-même une filiale à 100% de la société K.I. Ainsi, c'est bien cette société américaine, bénéficiaire du versement litigieux, qui détient indirectement au moins le 95% des voix à l'assemblée générale de la société suisse ayant effectué le paiement; d'autre part, il n'existe aucune raison de penser que cette filiation "a été établie ou est maintenue principalement afin de bénéficier de ce taux réduit" de 5%. Par ailleurs, il ressort clairement des comptes de pertes et profits des trois années ayant précédé celle du versement litigieux (1972 à 1974) que le revenu brut de la recourante ne comprenait ni intérêts, ni dividendes, mais essentiellement des revenus de sa propre activité commerciale. c) Il est vrai que le versement litigieux de 50'285'411.- francs ne constituait pas un paiement de dividende, mais cela importe peu dans le cas particulier. Si la Convention ne définit pas elle-même la notion de dividende, il est admis en doctrine qu'en vertu de l'art. II al. 2, il faut donner à toute expression non autrement définie le sens que lui attribue la législation fiscale de l'Etat où la prestation imposable trouve sa source (voir KURT LOCHER,
BGE 110 Ib 127 S. 137
Handbuch und Praxis der schweizerisch-amerikanischen Doppelbesteuerungsabkommen Einkommens- und Erbschaftssteuern, Bâle 1957 p. 109 ch. 130). Or, en droit suisse, la notion de dividende comprend aussi les prestations appréciables en argent au sens des art. 4 al. 1

SR 642.21 Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) LIA Art. 4 - 1 L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements: |
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1 | L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements: |
a | des obligations émises par une personne domiciliée en Suisse, des cédules hypothécaires et lettres de rentes émises en série, ainsi que des avoirs figurant au livre de la dette; |
b | des actions, parts sociales de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés coopératives, bons de participation sociale des banques coopératives, bons de participation ou bons de jouissance, émis par une personne domiciliée en Suisse; |
c | des parts d'un placement collectif de capitaux au sens de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC)12 émises par une personne domiciliée en Suisse ou par une personne domiciliée à l'étranger conjointement avec une personne domiciliée en Suisse; |
d | des avoirs de clients auprès de banques et de caisses d'épargne suisses. |
2 | Le transfert du siège d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative à l'étranger est assimilé à une liquidation du point de vue fiscal; la présente disposition est applicable par analogie aux placements collectifs au sens de la LPCC.13 |

SR 642.21 Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) LIA Art. 14 - 1 Le contribuable doit, en versant, virant, créditant ou imputant la prestation imposable, en déduire le montant de l'impôt anticipé, sans avoir égard à la personne du créancier; toute convention contraire est nulle. |
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1 | Le contribuable doit, en versant, virant, créditant ou imputant la prestation imposable, en déduire le montant de l'impôt anticipé, sans avoir égard à la personne du créancier; toute convention contraire est nulle. |
2 | Le contribuable doit donner au bénéficiaire de la prestation imposable les indications nécessaires pour faire valoir le droit au remboursement et, à sa demande, lui délivrer une attestation. |