Urteilskopf

108 II 523

97. Arrêt de la IIe Cour civile du 11 novembre 1982 dans la cause dlle X. contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 523

BGE 108 II 523 S. 523

A.- a) Le 3 septembre 1974, Brigitte X. a donné naissance, hors mariage, à un garçon prénommé Jacques. Aucun lien de filiation n'a été établi entre l'enfant et son père naturel. Jacques a d'abord été pourvu d'un tuteur, puis, dès l'entrée en vigueur du nouveau droit de la filiation, soit dès le 1er janvier 1978, il a été placé sous l'autorité parentale de sa mère, sans pour autant quitter les époux Y., à Villars-sur-Glâne, chez lesquels il se trouve depuis le 14 décembre 1976. Du 11 novembre 1974 au 14 décembre 1976, l'enfant avait été confié aux époux Z., également à Villars-sur-Glâne. b) Le 11 février 1980, la Justice de paix de Belfaux a institué une curatelle en vue d'aménager les relations personnelles entre la mère et l'enfant. En même temps, elle a décidé de maintenir Jacques
BGE 108 II 523 S. 524

dans la famille Y. Un recours de la mère tendant à obtenir le droit de garde sur l'enfant a été rejeté par la Chambre des tutelles de la Sarine le 28 septembre 1981. c) Le 8 août 1980, les époux Y. ont présenté une requête tendant à l'adoption de Jacques X. La mère y a fait opposition le 31 octobre 1981. Le 1er décembre 1981, le Département de la justice du canton de Fribourg a décidé de faire abstraction de l'absence de consentement de Brigitte X., par le motif qu'elle ne s'était pas souciée sérieusement de l'enfant, et a prononcé l'adoption.
B.- Le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a rejeté un recours de Brigitte X. et confirmé l'adoption, par arrêté du 18 mai 1982.
C.- Brigitte X. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle demande que l'adoption soit annulée; subsidiairement que la décision attaquée soit annulée et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle complète les constatations de fait et prenne une nouvelle décision; plus subsidiairement, que le recours soit traité, le cas échéant, comme un recours de droit public pour arbitraire.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. Aux termes de l'art. 44
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
lettre c OJ, le recours en réforme est recevable en cas de dispense du consentement d'un des parents à l'adoption et de refus de l'adoption (art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
et art. 268 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 268 - 1 L'adoption est prononcée par l'autorité cantonale compétente du domicile des parents adoptifs.
1    L'adoption est prononcée par l'autorité cantonale compétente du domicile des parents adoptifs.
2    Les conditions de l'adoption doivent être réunies dès le dépôt de la requête.288
3    Lorsqu'une requête est déposée, la mort ou l'incapacité de discernement du ou des adoptants ne fait pas obstacle à l'adoption si la réalisation des autres conditions ne s'en trouve pas compromise.289
4    Lorsque l'enfant devient majeur après le dépôt de la requête, les dispositions sur l'adoption de mineurs restent applicables si les conditions étaient réalisées auparavant.290
5    La décision d'adoption contient toutes les indications nécessaires à l'inscription au registre de l'état civil du prénom, du nom de famille et du droit de cité de la personne adoptée.291
CC). La liste de l'art. 44
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
lettres a à e OJ étant limitative, la voie du recours en réforme n'est donc pas ouverte contre le prononcé d'adoption. Dès lors, il n'y a lieu d'entrer en matière que dans la mesure où la recourante s'en prend à la décision de faire abstraction de son consentement.

2. Brigitte X. n'a jamais eu la responsabilité de son fils, bien qu'elle l'ait vu à quelques reprises et qu'elle ait entrepris des démarches pour l'avoir auprès d'elle. Elle n'a plus revu l'enfant depuis la fin de l'année 1979. En effet, selon le médecin qui soigne l'enfant depuis sa naissance et l'Institut universitaire de pédagogie curative de Fribourg, les visites, voire les tentatives de visite de la mère perturbent violemment Jacques au point de vue psychique et physique: à la fin du mois de juillet 1981, notamment, lorsque dame Y. a voulu le préparer à une visite éventuelle de dlle X., il a manifesté un état de tension extrême, proche du désespoir, le refus
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total de sa mère s'accompagnant d'insomnie, d'anorexie, de vomissements et d'asthme. On se trouve là, selon le Conseil d'Etat, dans un cas spécifique d'application de l'art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
CC. Il n'existe aucun lien vivant entre la mère et l'enfant: peu importe, selon la doctrine et la jurisprudence, que cela soit dû à des circonstances objectives, et non à la faute du parent (ATF 107 II 23 consid. 5 et les références).
3. a) Aux termes de l'art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
CC, il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il ne s'est pas soucié sérieusement de l'enfant. "Se soucier de l'enfant" ("sich um das Kind kümmern", "curarsi del figlio"), c'est, selon l'usage courant tel qu'il est entériné par les dictionnaires, s'en inquiéter, lui porter intérêt. Dans le Message du Conseil fédéral concernant la revision du Code civil suisse (adoption et art. 321
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 321 - 1 Les père et mère ne peuvent pas disposer des revenus des libéralités faites à l'enfant pour que le montant en soit placé à intérêt ou sur carnet d'épargne ou sous la condition expresse que les père et mère ne les utiliseront pas.
1    Les père et mère ne peuvent pas disposer des revenus des libéralités faites à l'enfant pour que le montant en soit placé à intérêt ou sur carnet d'épargne ou sous la condition expresse que les père et mère ne les utiliseront pas.
2    Ces libéralités ne sont soustraites à l'administration des père et mère que si le disposant l'a expressément ordonné lorsqu'il les a faites.
CC), du 12 mai 1971, il est dit que "le père ou la mère ne se soucie pas sérieusement de l'enfant lorsqu'il en laisse tout le soin à d'autres sans s'informer à son sujet ni se préoccuper de sa santé" (FF 1971 I 1250). Le cas par excellence où l'on doit se passer du consentement du parent est celui où ce dernier n'a, pendant longtemps, manifesté aucun intérêt pour son enfant, ne faisant rien pour établir ou entretenir des liens vivants avec lui, puis, devenu un étranger, intervient brusquement pour s'opposer à l'adoption au mépris du bien de l'enfant: un tel comportement constitue un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
CC (HEGNAUER/SCHNEIDER, Droit suisse de la filiation, p. 76; cf. la déclaration du conseiller aux Etats Wenk, Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil des Etats, 1972, p. 395). Le souci de l'intérêt de l'enfant a amené à mettre l'accent sur l'existence de liens vivants avec le parent. C'est ce qui est dit dans le message, quelques lignes après le passage cité ci-dessus; le Conseil fédéral conclut: "Du moment surtout où l'intérêt de l'enfant est aussi en jeu, peu importe que les parents aient négligé leurs devoirs par leur faute ou que les circonstances en soient la cause" (FF 1971 I 1250). La jurisprudence et la doctrine l'ont répété (ATF 107 II 23 consid. 5 et les références). Mais ce critère purement objectif, qui se réfère uniquement à un résultat et non à l'attitude du parent, ne peut pas être utilisé automatiquement dans toute sa rigueur: la situation doit être examinée soigneusement de cas en cas, de façon que l'art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
CC ne soit pas appliqué extensivement par les autorités, de manière quasi
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routinière (cf. la déclaration du conseiller aux Etats Broger, rapporteur, Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil des Etats, 1971, p. 723). b) Les circonstances de la présente espèce sont très différentes de celles du cas qui fait l'objet de l'arrêt ATF 107 II 18 ss. aa) Dans cette dernière affaire, le père avait lui-même donné naissance, dans une large mesure, aux circonstances qui l'empêchaient d'avoir des liens vivants avec son fils, puisqu'il était retourné dans son pays d'origine, où il vivait. Ayant perdu tout contact avec l'enfant, il s'opposait à une adoption qui correspondait manifestement à l'intérêt de ce dernier: l'adoption par le mari de la mère (art. 264a al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 264a - 1 Des époux peuvent adopter un enfant conjointement s'ils font ménage commun depuis au moins trois ans et sont tous deux âgés de 28 ans révolus.
1    Des époux peuvent adopter un enfant conjointement s'ils font ménage commun depuis au moins trois ans et sont tous deux âgés de 28 ans révolus.
2    Des exceptions à la condition de l'âge minimal sont possibles si le bien de l'enfant le commande. Les époux doivent motiver la demande de dérogation.
CC), avec lequel le garçon vivait depuis son plus jeune âge; l'enfant avait une soeur et deux frères utérins et l'adoption achevait de l'intégrer au milieu familial où il était élevé et se développait harmonieusement. bb) En l'espèce, la mère vit en Suisse comme son fils. Si elle n'a pas pu entretenir des relations suivies avec lui, c'est en raison de circonstances en tous points étrangères à sa volonté: une maladie, avec état dépressif, de 1974 à 1976, les décisions des autorités de tutelle et les réactions pathologiques de l'enfant à ses visites, sans que rien permette de dire qu'elle les ait provoquées par son attitude. L'adoption n'a pas été envisagée dès le placement. La décision de faire abstraction du consentement de la mère n'est intervenue qu'au moment de l'adoption. C'est sur la situation telle qu'elle se présentait alors qu'il faut se fonder pour dire si l'on peut appliquer l'art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
CC (ATF 108 II 388 consid. 1). A cette époque, loin de ne pas se préoccuper de son fils, dlle X. manifestait l'intérêt qu'elle lui portait, mais ses démarches pour en obtenir la garde se heurtaient à des échecs. Quant aux visites, elle a dû les éviter pour le bien même de Jacques: la santé de l'enfant commandait qu'elle s'en abstînt. Son comportement n'atteste aucune indifférence, mais le désir d'établir des liens vivants avec son fils (cf. HEGNAUER, Absehen von der Zustimmung zur Adoption (Art. 265c Ziff. 2 ZGB), RDT 35, 1980, p. 55 ss, spéc. 56/57 no 3). Le fait qu'il n'en existe pas ne permet pas de dire, dans de telles conditions, qu'elle ne s'est pas souciée sérieusement de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que l'autorité cantonale a appliqué à tort l'art. 265c ch. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
CC. Le recours doit dès lors être admis dans la mesure où il est recevable et la décision attaquée annulée.
BGE 108 II 523 S. 527

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours dans la mesure où il est recevable et annule la décision attaquée.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 108 II 523
Date : 11 novembre 1982
Publié : 31 décembre 1982
Source : Tribunal fédéral
Statut : 108 II 523
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Adoption. 1. Art. 44 litt. c OJ. La voie du recours en réforme n'est pas ouverte contre le prononcé d'adoption (consid.
Classification : Précision de la Jurisprudence


Répertoire des lois
CC: 2 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
264a 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 264a - 1 Des époux peuvent adopter un enfant conjointement s'ils font ménage commun depuis au moins trois ans et sont tous deux âgés de 28 ans révolus.
1    Des époux peuvent adopter un enfant conjointement s'ils font ménage commun depuis au moins trois ans et sont tous deux âgés de 28 ans révolus.
2    Des exceptions à la condition de l'âge minimal sont possibles si le bien de l'enfant le commande. Les époux doivent motiver la demande de dérogation.
265c 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 265c - Il peut être fait abstraction du consentement d'un des parents lorsqu'il est inconnu, absent depuis longtemps sans résidence connue ou incapable de discernement de manière durable.
268 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 268 - 1 L'adoption est prononcée par l'autorité cantonale compétente du domicile des parents adoptifs.
1    L'adoption est prononcée par l'autorité cantonale compétente du domicile des parents adoptifs.
2    Les conditions de l'adoption doivent être réunies dès le dépôt de la requête.288
3    Lorsqu'une requête est déposée, la mort ou l'incapacité de discernement du ou des adoptants ne fait pas obstacle à l'adoption si la réalisation des autres conditions ne s'en trouve pas compromise.289
4    Lorsque l'enfant devient majeur après le dépôt de la requête, les dispositions sur l'adoption de mineurs restent applicables si les conditions étaient réalisées auparavant.290
5    La décision d'adoption contient toutes les indications nécessaires à l'inscription au registre de l'état civil du prénom, du nom de famille et du droit de cité de la personne adoptée.291
321
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 321 - 1 Les père et mère ne peuvent pas disposer des revenus des libéralités faites à l'enfant pour que le montant en soit placé à intérêt ou sur carnet d'épargne ou sous la condition expresse que les père et mère ne les utiliseront pas.
1    Les père et mère ne peuvent pas disposer des revenus des libéralités faites à l'enfant pour que le montant en soit placé à intérêt ou sur carnet d'épargne ou sous la condition expresse que les père et mère ne les utiliseront pas.
2    Ces libéralités ne sont soustraites à l'administration des père et mère que si le disposant l'a expressément ordonné lorsqu'il les a faites.
OJ: 44
Répertoire ATF
107-II-18 • 108-II-386 • 108-II-523
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
abstraction • vue • conseil d'état • naissance • filiation • droit de garde • intérêt de l'enfant • autorité cantonale • conseil des états • conseil fédéral • tribunal fédéral • assemblée fédérale • doctrine • relations personnelles • code civil suisse • jour déterminant • frères et soeurs • fribourg • biens de l'enfant • recours de droit public
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FF
1971/I/1250