186 I. Abschnitt. Bundesverfassung.

frihourgeois sont compétents. On ne saurait d'ailleurs présumer chez
ces derniers, en l'absence de leur jugement définitif, l'intentio'n de
persister à vouloir éluder les dispositions dn dit article. Le recours
au Tribunal fédéral demeure toujours expressément réservé pour le cas
où le juge fribourgeois viendrait à statuer néanmoins, au préjudice
du recourant Potte, sur des pre'tentions purement civiles, qui doivent
etre considérées comme des réclamations personnelles, et non comme la
conséquence directe d'un délit. Par ces motifs, le Tribunal prononce:
Le recours est écarté comme mal fonde.

48. Arrét du 28 aoùt 1875, dans la cause Noesselt.

A. Dans le courant d'octobre 1874, Frédéric MaximiliaAdalbert Ncesselt,
originaire de Breslau, citoyen de Genève et }? domicilié, fit paraître
dans divers journaux de la Suisse allemande une annonce promettant un
gain minimum de l15,000 fr. par mois à toute personne en possession d'un
caractère résolu et d'un capital disponible d'au moins 14,000 francs.

Ensnite de l'annonce ci dessns, plusieurs personnes, et entre autres
M. Robert Isler, ingenieur a Lucerne, entrerent en rapport avec le
recourant, lequel leur dit etre en possession d'un systeme infaillible,
seit martingale, an moyen duquel le bénéfice ci-dessus devait etre
réalisé chaque mois par le jeu à la roulette dans des établissements
tels que Saxon et Monaco.

Apres une active correspondance entre parties, et des négociations
réitérées soit à Geneve, soit à Lucerne, l'ingenieur lsler conclut avec
Noesselt un contrat de société en commandite, dans le but d'exploiter,
suivant le systeme préccnisé par son inventeur, la roulette et le
trente et quarante dans les maisons de jeu publiques; par cet acte
ilIX. Gerichtsstand. N°. 47 u. 48. 187

s'engageait, entr'autres, à fournir la moitié du capital social de 14,698
francs nécessaire au dehnt des Operations, soit la somme de 7314 fr.,
effectivement versée par lui en mains de Næsselt, à Genève, le 5 décembre
suivant; l'autre moitié du capital fut remise à Noesselt, le 12 décembre,
et dans des circonstances analogues par un second associé, l'employé de
commerce Arnold Kettiger, a Aarau.

En execution de la prédite convention, Noesselt se rendit à Saxon vers le
milieu de décembre et il ne tarda pas, malgre la prétendue infaillibilité
de ses combinaisons, a y perdre la totalité de l'avoir social.

Le 30 janvier 4875, Noesselt s'étant rendu à Lucerne à la demande d'lsler,
dans le but d'y percevoir de nouveaux fonds promis par oe dernier, y
fut arreté et emprisonné en descendant de wagon par un commissaire de
police lncernois, qui l'attendait en compagnie de Isler et ensuite de
la dènonciation adressée par celui-ci à l'autorité competente.

B. Par arrét du 27 février 1875, la Chambre d'accusatîon criminelle
du canton de Lucerne renvoie, vu les §§ 227 du code pénal, 52 et 62 du
code de procedure penale Fred.Max.-Adalbert Noesselt devant le Tribunal
criminel du canton de Lucerne, arret confirmé, ensuite de recours de
Noessel, du 23 mars, par le Tribunal supérieur de Lucerne en date du 3
avril 1875. Par dépéches des 3 et 12 mars, et par lettre du 18 du meme
mois, le Conseil d'Etat de Genève estimant que les Tribunanx de Lucerne
ne sont pas competents pour juger Noesselt à propos de faits délictueux
qui se sont passes sur territoire valaisan, reclame du gouvernement de
ce canton sa mise à liberté immediate. Par lettre du %ämars à l'avocat
du recourant, le Conseil d'Etat de Genève declare d'ailleurs ne pouvoir
appuyer directement le recours

'que Noesselc se propose d'adresser au Tribunal fédéral, tou

en garantissant que si une plainte est déposée à Geneve contre Noesselt
pour un délit justiciable des tribnnanx genevois, cette plainte suivra
son cours régulier.

Par arrèt du 26 mars 1875, et sur la requéte de Noesseit,

188 I. Abschnitt. Bundesverfassung.

la Chambre criminelle et d'accusaticn du canton de anerne prononce la
mise en liberté proviscire du recourant, moyennant dépòt d'une caution
personnelle de 10,000 fr.

C'. Par acte du 21 avril 1875, Ncesselt recourt auprés du Tribunal federal
contre les arrets des 27 février et Z avril susvisés, rendus par les
autorités de l'ordre pénal du canton de Lucerne ; dans cette pièce, le
recourant allègue en substance: qu'il est impossihle de considérer Lucerne
comme le frimm delicti commissi ; que Genève est le forum domicilii comme
il est le for du délit, et qu'à teneur de l'art. 58 de la constitution,
le recourant ne doit pas etre distrait de son juge naturel, c'est à
dire du juge genevois ; que nos lois ne reconnaissant point le forum
deprehensz'onis, l'autorité lucernoise n'aurait eu ancun droit d'exiger
de Genève l'extradition de Ncesselt, et il en résulte qu'elle n'a pas
davantage celui de soumettre ce dernier malgré lui a la juridiotion de
ses tribunaux. Le pourvoi conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral :

1° Dire et prononcer que l'arrèt du Tribunal supérieur du canton de
Lucerne du 8 avril courant, et en tant que de besoin, le jugement de
la Chambre criminelle d'instruction du dit canton rendu le 27 février
précédent, sont nuls et de nui effet, en prononcer l'annulation et
déclarer les Tribunaux lucernois incompétents pour juger Ncesselt du
fait qui lui est reproché.

20 Ordonner la restitution de la somme déposée à titre de caution pour
la liberté previsoire du recourant.

D. Dans leurs réponses au reccurs interjeté par Noesselt, pièces datées
des 1er et 9 mai 1875, le Tribunal snpérieur du canton de anerne, et
les sieurs Isler et Kettiger font valoir en suhstance les considératious
suivantes :

I. Le Tribunal supérieur:

Le gouvernement du canton de Genève n'a pas reclame, à teneur de la loi du
% juillet 4852, l'extradition de Noesselt '; il n'existe donc en l'espèce
aucun conflit de competence, et un pareil conflit ne peut etre soulevé,
à teneur de l'articleXI. Gerichtsstand. N° 48. 189

10 de la loi précitée, que par les gouvernements cantonaux intéressés,
et nullement par l'incnlpé on par son conseil judiciaire. A ce point
de vue déjà il y a lieu, selon le précis de l'art. 57 de la loi sur
l'organisation judiciaire federale du 27 juin 4874, a débouter le
reconrant. Le délit a été consommé d'ailleurs sur territoire lucernois;
en tous cas les Tribunaux lucernois sont compétents à teneur du §
2, lettre c du Code pénal de ce canton, lequel n'est en collision,
en l'espèce, avec aucune demande d'extradîtion de la part du canton de
Genève, et par conséquent pas avec la loi federale susvisée du 24 juillet
4.852. L'arrestation de Ncesselt a eu lieu par les voies légales sans
que son arrivée à Lucerne puisse etre attribuée à aucune immixtion ou
réquisition de la part des autorités du canton de Lucerne, et l'article
1?! de la dite loi faisait un devoir à la police d'y procéder, meme pour
le cas où l'on doive considérer le délit reproché à Noesselt comme commis
dans un autre canton. Le Tribunal supérieur conelut à ce qu'il plaise
au Tribunal fédéral écarter le reconrs et maintenir la competence en
la cause des Tribunaux lucernois de l'ordre pénal, ainsi que la caution
déposée, et ce jusqu'ä l'issue du procès.

Il. Les sieurs Isler et Kettiger :

Le Tribunal fédéral est incompétent pour se nantir du rec-ours, lequel
est d'ailleurs prescrit: le délai de 60 jours prévu par l'article 59 de
la loi sur l'organisation judiciaire federale cnmmencait à courir des
le 1er février 1875, soit dès le premier arrét des autorités lucernoises
de l'ordre pénal sur leur competence en la cause.

Mais, abstraction faite de ces objections de forme, le recours doit étre
également écarté quant au fond: en effet

e} Le forum delicii cemmssissi, ssdécisif en matière penale, ne doit
point étre cherché à Genève, mais à Lucerna. A teneur de l'art. 223 du
code pénal de Lucerne il suffit, pour que l'escroquerie soit oonsidérée
comme accomplie, que les manoeuvres fraduleuses aient eu lieu, sans
égard au fait que le dommage projeté a été ou n'a pas été causé ;

190 I. Abschnitt. Bundesverfassung.

b} Le forum damicilii, invoqué par le recourant, ne trouve, en matière
criminelle, qu'une application exceptionnelle et conditionnell'e: à
savoir dans le cas de l'art. 1 de la loi federale sur l'extradition
de malfaiteurs ou d'accusés, du 24 juillet 4852, laquelle n'est pas
applicable en l'espèce;

o) Le § D, lettre 0 du Code pénal lucernois place dans lacompétence des
Tribunaux de l'ordre pénal de ce canton le jugement des crimes commis
hors du territoire du dit canton, au préjudice de ses ressortissants ou
habitants, et qui n'ont pas déjà été punis au lien où ils ont été commis.

On n'est point ici en présence d'un des cas exceplionnels prévus parle
29 aliuéa du § &), lettre c précité. Enfin Lucerne est incontestablement
le forum deprehensionis.

Les opposants au recours coneluent au rejet du pourvoi soit en la forme",
soit au fond, avec dépens.

Dans sa répliqne du 18 juin le recourant reprend ses arguments et
conclnsions, combattus de nouveau dans une duplique de Isler et Kettiger,
datée du 30 du meme mois.

Statuant sur ces faits et considérant en droit:

sur la question de competence:

4° Le Tribunal fédéral ne se trouve point ici en présence d'un différend
de droit public entre deux cantons: il ne peut donc se nantir de la cause,
en vertu de l'article 57 de la loi sur l'organisation judiciaire federale
du 27 juin 1874.

Mais le recourant allègue explicitement la violation par le Tribunal
supérieur du canton de Lucerne de l'article 58 de la constitution
federale, et implicitement celle de la législation fédérale sur
l'extradition des accusés d'un canton à l'antre, prévue par l'article
67 de la dite constitution.

Or l'article 59, lettre a, de la loi sur l'erganisation judiciaire
federale réserve expressément à la connaissance du Tribunal federal les
recours présentés par les particuliers concernant la violation des droits
qui leur sont garantis soit par la constitution, soit par la législation
fédérales : la competence de ce tribunal en la cause ne saur'ait donc
etre contestée.IX. Gerichtsstand. N° 48. 191

Sur la fin de non recevoir, fondée sur ce que la première decision de
l'autorità judiciaire du canton de Lucerne donnant suite à la plainte de
Isler contre Noesselt, du 30 janvier 4875, étant datée du les février, le
recours parvenu au Tribunal fédéral le % avril suivant serait interjeté
postérieurement au délai péremptoire de 60 jours fixé à l'article 59,
déjà cité, de la loi sur l'organisation judiciaire federale;

20 II est établi par les actes au dossier que Noesselt, soit par
lui-meme, soit par les mémoires de ses conseils, a d'emblée et pendant
les operations de l'enquéte commencée à Lucerna, le *le" février 4875,
contesté la competence judiciaire de ce canton.

3° Il a reeouru an Tribunal supérieur contre la decision de la Chambre
d'accusation du 27 février, qui écartait sa protestation du 8 du meme
mois, et le Tribunal supérieur du dit canton a maintenu la décision de
la Chambre d'accusation par arrèt du Z avril.

40 Noesselt a recouru au Tribunal fédéral, par mémoire déposé le 21 avril,
contre l'arrét susvisé du Tribunal supérieur du 3 avril: c-e recours est,
en conséquence, déposé dans le délai péremptoire de 60 jours fixe par
l'article 59 de la loi fédérale, et il n'y a pas lieu de s'arreter à la
fin de non recevoir proposée. '

Sur le recours lui-meme:

5° Aucune disposition de la constitution ou des lois fédérales n'a trait
à la fixation du for en matière pénale ; sa determination demeure, à
teneur des articles 3 et 5 de la eonstitution fédérale, dans le domaine
de la souveraineté cantonale.

L'article 58 de la dite constitution ne peut recevoir son application
dans le litige actuel, puisque ni la constitution fédérale, ni les
constitutions cantonales, ne contiennent de dispositions relatives à la
determination de la competence pénale, outre celle de l'article 58, alinea
%, interdisant l'éta'blissement des tribunaux extraordinaires, et que,
du reste, iies autorités judiciaires du canton de Lucerne ne se sont pas

192 I. Abschnitt. Bundesverfassung.

attribué arbitrairement la competence en la cause: l'arrét du Tribunal
supérieur de anerne ne renvoie point, en effet, Ncesselt devant un
tribuna] extraordinaire, mais devant un tribuna] competent pour connaître,
conformément aux lois lncernoises, du crime ou délit dont il est accuse.

6° L'article 2 lettre c du code pénal de Lucerne, du 29 novembre 1860,
place expressément dans la competence des tribunaux de l'ordre pénal de
ce canton, les crimes commis hors du territoire du canton contre ses
ressortissants ou= hahitants, et qui n'auraient pas déjà été punis au
lieu de leur perpétration.

Or le recourant est bien accnsé, en l'espèce, et vu les articles 223 et
227 de la loi penale précitée, d'aotes délictneux commis, soit à Genève,
soit à Lucerne, contre un habitant de Lucerne, et qui n'ont point été
réprimés dans le premier de ces cantone : la competence des tribunaux
lucernois ne saurait donc faire l'objet d'un doute, en présence de la
disposition snsrappelée de l'art. 2 de la loi penale, souveraine en
matière d'attribution de for.

7° Le dernier alinea de cet article fait, il est vrai, des réserves
expresses en faveur des exceptions résultant du texte des lois fédérales,
et le recourant veut voir une de ces exceptions dans le prescrit de
l'art. 1 de la loi federale sur l'extradition de malfaiteurs et d'accusés,
concu en ces termes:

Les cantons sont réciproqnement tenus de procurer l'arrestation et
l'extradition des individus condamnés, ou juridiquement poursuivis pour
un des crimes ou délits mentionnés à l'article 2.

L'extradition des ressortissants d'un canton, ou d'individus qui y sont
étahlis, peut toutefois etre refusée, si ce canton s'engage à les faire
juger et punir à teneur de ses lois.

Le reconrs prétend, mais en vain, que l'arrét du Tribunal supérieur de
Lucerne viole cet article, en ce sens que ce canton ent dù commencer
par adresser une demande d'ex-

V

V

'UIX. Gerichtsstand. N° 48. 193

tradition au gouvernement que cela concerne, soità Genève, avant de se
servir d'un autre mode de réquisition. La loi federale sur l'extradilion
ne peut en elket etre invoquée en la sscause, puisque :

a) L'application de la disposition de l'article 'l susvisé suppose un
canton poursuivant un délinquant hors de son territoire et un autre
canton dans lequel se trouve l'individu *ponrsuivi: or, dans l'espèce,
ces deux conditions etant réunies dans le seul canton de Lucerne, il
n'y a pas lieu pour ce dernier 'a former aucune demande d'extradition.

b) D'autre part, aucune demande 'd'extradition de Noesselt ,n'est émanée
jusqu'à present du canton de Genève, et Ncesselt dans cette position
ne peut etre admis à exercer individuellement les droits que la loi de
{1852 sur l'extradition accorde aux senls cantons. Si l'arrestation de
Noesselt a Lucerne a pour effet de dispense'r ce canton de réclamer son
extradjtjon à celui de Geneve, et d'enlever à ce dernier le droit de la
refuser aux termes de l'article { ci-dessus, cette circonslance toute
fortuite n'implique la violation, au préjudice du recourant, d'aucun
des droits fondamentaux garantis par la constitution fédérale.

8o Enfin les ruses employees par Isler pour attirer Noesselt à Lucerna,
quelque condamnable que leur emploi puisse avoir été au point de vue de
la morale, ne sauraient exercer d'influence sur la question de competence
des autorités judiciaires lucernoises en la cause.

Par tous ces motil's,

Le Tribunal federal prononce:

Le recours est ecarlé comme mal fonde.

13
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 1 I 186
Date : 27. August 1875
Publié : 30. Dezember 1875
Source : Bundesgericht
Statut : 1 I 186
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : 186 I. Abschnitt. Bundesverfassung. frihourgeois sont compétents. On ne saurait


Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • code pénal • mois • vue • autorité judiciaire • chambre d'accusation • constitution fédérale • conseil d'état • décision • nantissement • calcul • capital social • membre d'une communauté religieuse • effet • prévenu • duplique • directive • bénéfice • autorité législative • parlement
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