Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BB.2005.117

Arrêt du 27 février 2006 Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Barbara Ott , présidente, Andreas J. Keller et Tito Ponti , Le greffier Luca Fantini

Parties

A.,

représenté par Me Albert Nussbaumer,

plaignant

Contre

Ministère public de la Confédération, partie adverse

Instance inférieure

Office des juges d'instruction fédéraux,

Objet

Défaut d'autorisation du Conseil fédéral en matière de poursuite judiciaire des délits politiques (art. 105 PPF)

Faits:

A. Le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert le 17 octobre 2001 une enquête de police judiciaire contre B. pour présomption de service de renseignements économiques au sens de l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP. Il est en substance reproché à l’intéressé d’avoir emporté des secrets commerciaux et de fabrication de la société qui l’employait, C. SA, et d’en avoir fait bénéficier l’un de ses principaux concurrents, la société D. établie en République tchèque.

Par ordonnance du 4 novembre 2002, l’enquête de police judiciaire susmentionnée a été étendue à A..

B. Le 22 novembre 2004, le Juge d'instruction fédéral (ci-après: JIF) a ordonné l’ouverture de l’instruction préparatoire à l’encontre de A., B., E. et F. pour infraction à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP.

Constatant que le dossier ne comportait pas de décision du Conseil fédéral autorisant la poursuite judiciaire du délit de service de renseignements économiques, telle que prévue à l’art. 105 PPF en matière de délit politique, A. a requis, par courrier du 19 octobre 2005 adressé au JIF, de pouvoir obtenir une copie de cette autorisation.

Le JIF a répondu le 20 octobre 2005 à A. que, selon des directives établies d’entente entre le MPC et le Département fédéral de justice et police, une autorisation de poursuivre au sens de l’art. 105 PPF n’était plus requise en cas de soupçon d’infraction au sens de l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP si les faits concernaient exclusivement des personnes ou des entreprises privées.

En date du 24 octobre 2005, A. a formellement prié le JIF de transmettre le dossier au Conseil fédéral pour qu’une éventuelle autorisation de poursuite judiciaire à son encontre soit délivrée.

C. Suite au refus du JIF du 14 novembre 2005 de donner suite à sa requête, A. a saisi la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral et conclu notamment à ce que le dossier de la cause soit soumis au Conseil fédéral, respectivement au Département fédéral de justice et police (ci-après: DFJP), pour qu’il soit statué sur l’autorisation de la poursuite judiciaire relative à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP introduite à son encontre. Dans leurs réponses respectives des 20 et 23 décembre 2005, le JIF et le MPC concluent au rejet de la plainte.

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris si nécessaire dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1. La Cour des plaintes examine d'office et avec pleine cognition la recevabilité des plaintes qui lui sont adressées (ATF 122 IV 188 consid. 1 et arrêts cités).

1.2. Aux termes des art. 214 ss
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF (applicables par renvoi de l'art. 105bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF et en vertu de l'art. 28 al. 1 let. a
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
LTPF), il peut être porté plainte contre les opérations ou les omissions du MPC. Le droit de plainte appartient aux parties, ainsi qu’à toute personne à qui l’opération ou l’omission a fait subir un préjudice illégitime (art. 214 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF). Lorsque la plainte concerne une opération du MPC ou du JIF, elle doit être déposée dans les cinq jours à compter de celui où le plaignant a eu connaissance de cette opération (art. 217
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF). La plainte contre une omission n'est quant à elle soumise à aucun délai (Bänziger/Leimgruber, Le nouvel engagement de la Confédération dans la poursuite pénale, Berne 2001, n° 259 ad art. 105bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF).

1.3. En l’espèce, A., qui a qualité de partie, se plaint du fait que les autorités de poursuite pénale n’ont pas soumis son dossier au Conseil fédéral en vue de l’obtention de l’autorisation de poursuivre au sens de l’art. 105 PPF. Ce grief relève donc d’une omission susceptible d'être soumise en tout temps à l'examen de la Cour des plaintes au sens de l'art. 105bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
et 214
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF.

La plainte est recevable en la forme.

2.

2.1. L’art. 105 PPF prévoit que le Conseil fédéral décide de la poursuite judiciaire des délits politiques. Le Conseil fédéral étant chargé par la Constitution de veiller à la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération (art. 185
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 185 Sécurité extérieure et sécurité intérieure - 1 Le Conseil fédéral prend des mesures pour préserver la sécurité extérieure, l'indépendance et la neutralité de la Suisse.
1    Le Conseil fédéral prend des mesures pour préserver la sécurité extérieure, l'indépendance et la neutralité de la Suisse.
2    Il prend des mesures pour préserver la sécurité intérieure.
3    Il peut s'appuyer directement sur le présent article pour édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure. Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps.
4    Dans les cas d'urgence, il peut lever des troupes. S'il met sur pied plus de 4000 militaires pour le service actif ou que cet engagement doive durer plus de trois semaines, l'Assemblée fédérale doit être convoquée sans délai.
Cst.), il a une vue générale sur les dangers qui menacent le pays et porte, en conséquence, la responsabilité de l’ouverture de l’instruction (Message du Conseil fédéral du 10 septembre 1929 relatif à la Procédure pénale fédérale; FF 1929 II 607). La compétence pour statuer sur la poursuite des délits politiques a été déléguée par le Conseil fédéral au Département fédéral de justice et police (art. 3 de l’Ordonnance sur l’organisation du Département fédéral de justice et police; Org DFJP, RS 172.213.1). Le fondement légal de ce transfert de compétence est l’art. 47 al. 2
SR 172.010 Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) - Loi sur l'organisation de l'administration
LOGA Art. 47 Décisions - 1 Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
1    Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
2    Le Conseil fédéral règle par voie d'ordonnance l'attribution du pouvoir de décision aux unités administratives dans des affaires particulières ou des domaines déterminés.
3    Si, dans un cas particulier, il y a conflit de compétences entre les départements, le président de la Confédération tranche.
4    Les unités administratives supérieures et le Conseil fédéral peuvent en tout temps prendre la responsabilité d'un dossier pour décision.
5    Les dispositions impératives de la législation en matière d'organisation judiciaire concernant l'attribution de compétences sont réservées. Si le recours est irrecevable devant le Conseil fédéral, celui-ci peut donner des directives à l'autorité compétente de l'administration fédérale sur la manière d'interpréter la loi.
6    Lorsqu'il s'agit de décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral, le dossier du Conseil fédéral est confié d'office au département compétent à raison de la matière. Le recours contre les décisions du Conseil fédéral visées à l'art. 33, let. a et b, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral48 est réservé.49
de la loi fédérale du 21 mars 1997 sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (LOGA ; RS 172.010).

La loi ne définit pas le terme de «délit politique». Il s'agit donc d'une notion juridique sujette à l’interprétation des autorités chargées de l’application du droit.

2.2. La majorité de la doctrine estime que les infractions énumérées au titre 13e du CP, dont l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP, constituent toutes des délits politiques (cfr. à ce propos Hopf, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II Art. 111-401 StGB, Bâle 2003, ad. art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP n° 5 et 24 p. 1691 et 1702 ainsi que le références citées). Le Conseil fédéral partage cet avis en estimant que le service de renseignements économiques réprimé à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP est un délit politique sujet à l’autorisation de poursuivre (décision du 14 août 1985 du Conseil fédéral, in: JAAC 51.5, cons. III.1, p. 40 ss).

Aux termes de l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP, se rend coupable de service de renseignements économiques « celui qui aura cherché à découvrir un secret de fabrication ou d’affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à leurs agents » (al.1er), ou « celui qui aura rendu accessible un secret de fabrication à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents » (al. 2).

Selon la jurisprudence, qui ne définit toutefois pas les termes de « délit politique », celui qui rend des secrets de fabrication ou d’affaires accessibles à un organisme officiel ou privé étranger ou à une entreprise privée étrangère ou à leurs agents porte ipso facto atteinte aux intérêts généraux de l’économie suisse, toute entreprise privée helvétique constituant de fait un élément de l’économie nationale. Le texte de l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP n’exige d’ailleurs pas une atteinte directe aux intérêts de l’Etat (ATF 98 IV 209 consid. 1b; 101 IV 312 consid. 1).

3.

3.1. Tout en admettant qu’une infraction à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP est en principe un délit politique nécessitant l’autorisation de poursuivre du DFJP, le MPC est de l’avis que des infractions qui, comme en l’espèce, concerneraient exclusivement des intérêts privés sans implications politiques et/ou de politique économique particulières ne répondent pas à cette définition. Il serait dès lors selon lui inadéquat de soumettre au pouvoir exécutif de telles affaires qui ne portent en elles aucun enjeu de ce type, sauf peut-être une connotation politique théorique et abstraite.

Cette thèse du MPC, par ailleurs bien étayée et qui soulève des questions pertinentes, ne peut toutefois être suivie en l’état de la législation et de la jurisprudence.

Force est de constater tout d’abord que, en ce qui concerne l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP, la distinction entre infraction avec ou sans connotation ou implication politique particulière ne trouve aucun fondement dans la loi, la jurisprudence ou la doctrine. De plus, valider une telle pratique pourrait conduire à des situations ambiguës et difficilement compatibles avec l’esprit de la loi (art. 105 PPF). En effet, la conséquence principale de l’instauration de cette pratique consisterait en l’octroi en faveur du MPC du pouvoir discrétionnaire de décider si, dans un cas concret, une infraction à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP touche aux intérêts de l’Etat de manière telle qu’elle « mérite » d’être soumise au DFJP en vue d’obtenir l’autorisation de poursuite judiciaire. Or il se pourrait que le MPC, autorité de poursuite pénale dont l’activité ne devrait pas être influencée par des considérations de nature politique, soit amené à évaluer de manière totalement différente les enjeux stratégiques d’une situation particulière de ce qu’aurait fait à sa place le DFJP, respectivement le Conseil fédéral. Certes, l’exigence du contrôle politique a été quelque peu assouplie avec l’adoption de l’Org DFJP qui délègue à l’autorité administrative la compétence de statuer sur la poursuite des délits politiques au sens de l’art. 105 PPF. Toutefois, cette même ordonnance prévoit aussi la possibilité pour le DFJP de soumettre les cas d’importance particulière au Conseil fédéral et précise que, lorsque les relations étrangères sont concernées, le DFJP ne prend sa décision qu’après avoir consulté le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

En résumé, le MPC pourrait être amené à se substituer à l’autorité politique dans l’évaluation de l’opportunité de poursuivre ou non une infraction avec une connotation politique potentielle, ce qui serait à l’évidence contraire à l’esprit de l’art. 105 PPF, voulu précisément par le législateur dans le but de conférer cette faculté à une autorité autre que celle chargée de la poursuite pénale.

3.2. Il sied encore de relever que le courrier adressé le 11 mars 2005 par la cheffe de « l’Inspectorat et tâches spéciales » du DFJP au MPC ne saurait constituer une base suffisante pour la nouvelle pratique mise en place par le MPC en matière de poursuite des infractions à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP. En premier lieu, le document en question est trop vague et ne permet pas de déterminer avec précision quelles seraient concrètement les infractions pour lesquelles il n’y aurait plus besoin de l’autorisation de poursuivre du DFJP. En outre une telle délégation de compétences par le DFJP en faveur du MPC nécessiterait forcément une base légale formelle qui en l’espèce fait défaut. Seul le Conseil fédéral, en vertu des dispositions de la LOGA, pourrait le cas échéant décider, par voie d’ordonnance, d’attribuer au MPC la compétence de décider de manière autonome de l’opportunité de poursuivre ou non des infractions à l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP (art. 47 al.2
SR 172.010 Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) - Loi sur l'organisation de l'administration
LOGA Art. 47 Décisions - 1 Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
1    Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
2    Le Conseil fédéral règle par voie d'ordonnance l'attribution du pouvoir de décision aux unités administratives dans des affaires particulières ou des domaines déterminés.
3    Si, dans un cas particulier, il y a conflit de compétences entre les départements, le président de la Confédération tranche.
4    Les unités administratives supérieures et le Conseil fédéral peuvent en tout temps prendre la responsabilité d'un dossier pour décision.
5    Les dispositions impératives de la législation en matière d'organisation judiciaire concernant l'attribution de compétences sont réservées. Si le recours est irrecevable devant le Conseil fédéral, celui-ci peut donner des directives à l'autorité compétente de l'administration fédérale sur la manière d'interpréter la loi.
6    Lorsqu'il s'agit de décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral, le dossier du Conseil fédéral est confié d'office au département compétent à raison de la matière. Le recours contre les décisions du Conseil fédéral visées à l'art. 33, let. a et b, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral48 est réservé.49
LOGA).

4. Pour l'ensemble de ces motifs, la plainte doit être admise et le MPC requis de transmettre le dossier de la cause au DFJP, afin que celui-ci statue sur l’opportunité de la poursuite engagée à l’encontre de A. pour présomption de service de renseignements économiques au sens de l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP.

5. On ne saurait néanmoins suivre le plaignant lorsqu’il préconise de considérer comme nuls tous les actes accomplis par les autorités de poursuite pénale après l’ouverture de l’instruction si une telle autorisation devait effectivement être octroyée par le DFJP. La possibilité de guérir rétroactivement un tel vice de forme est compatible avec la jurisprudence en matière d’application de la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (art. 15 Loi sur la responsabilité ; RS 170.32) ; celle-ci prévoit à son article 15
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
une procédure d’autorisation de poursuivre pénalement les fonctionnaires fédéraux très similaire à celle de l’art. 105 PPF. Dans un cas particulier, le Tribunal fédéral est même allé jusqu’à admettre que le vice consistant en l’absence de l’autorisation de poursuivre du DFJP pouvait, sous certaines conditions, être guéri après le prononcé du jugement pénal de première instance (ATF 110 IV 46 consid. 3).

Certes, le MPC est en principe tenu de requérir l’autorisation de poursuivre au sens de l’art. 105 PPF dans les phases initiales de son enquête et en tous cas avant l’ouverture de l’instruction préparatoire. Toutefois en l’espèce, on ne saurait faire abstraction de la bonne foi du MPC qui, même si c’était de manière quelque peu superficielle, a interpellé les organes du DFJP sur cette question et a obtenu une réponse qui semblait effectivement aller dans le sens d’un accord de principe du Département avec la mise en place d’un nouveau régime en matière d’autorisation de poursuite des délits politiques. En outre, comme justement relevé par le JIF dans son courrier du 14 novembre 2005, le conseil du plaignant a eu accès à l’inventaire du MPC, en particulier aux rubriques 1 et 2, depuis le 16 novembre 2003. Il aurait donc pu soulever la question du défaut d’autorisation à cette époque déjà. Le respect de la bonne foi et le principe de l’économie de procédure s’opposent donc à la solution préconisée par le plaignant.

6. Selon l’art.156 al.1er
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
OJ, applicable par renvoi de l’art. 245
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF, la partie qui succombe est en règle générale tenue au paiement des frais. Le plaignant a obtenu gain de cause, de sorte que l'avance de frais dont il s'est acquitté lui est restituée. En sa qualité d'autorité, par contre, le MPC ne peut voir des frais mis à sa charge (156 al. 2 OJ).

A teneur de l'art. 159
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
OJ, le tribunal décide, en statuant sur la contestation elle-même, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause seront supportés par celle qui succombe. En l’espèce, le plaignant a droit à une indemnité équitable pour les frais indispensables qui lui ont été occasionnés par le litige. Son mandataire n'a pas déposé de mémoire d'honoraires. Or, lorsque l’avocat ne fait pas parvenir le décompte de ses prestations avant la clôture des débats ou dans le délai fixé par le tribunal, celui-ci fixe les honoraires selon sa propre appréciation (art. 3 al. 3 du règlement sur les dépens et indemnités alloués devant le Tribunal pénal fédéral; RS 173.711.31). En l'espèce, une indemnité de fr. 1'500.-- (TVA comprise) paraît justifiée.

Par ces motifs, la Cour prononce :

1. La plainte est admise et le MPC requis de transmettre le dossier de la cause au DFJP, afin que celui-ci statue sur l’opportunité de la poursuite engagée à l’encontre de A. pour présomption de service de renseignements économiques au sens de l’art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP.

2. La décision est rendue sans frais.

3. L'avance de frais de fr. 1’000.-- effectuée par le plaignant lui est restituée par la caisse du Tribunal pénal fédéral.

4. Une indemnité de fr. 1'500.--, TVA comprise, est allouée au plaignant, à la charge du Ministère public de la Confédération.

Bellinzone, le 1er mars 2006.

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

La présidente: Le greffier:

Distribution

- Me Albert Nussbaumer

- Ministère public de la Confédération

- Office des juges d'instruction fédéraux

Indication des voies de recours

Cet arrêt n’est pas sujet à recours
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : BB.2005.117
Date : 28 février 2006
Publié : 01 juin 2009
Source : Tribunal pénal fédéral
Statut : Publié comme TPF 2006 249
Domaine : Cour des plaintes: procédure pénale
Objet : Défaut d'autorisation du Conseil fédéral en matière de poursuite judiciaire des délits politiques (art. 105 PPF)


Répertoire des lois
CP: 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
Cst: 185
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 185 Sécurité extérieure et sécurité intérieure - 1 Le Conseil fédéral prend des mesures pour préserver la sécurité extérieure, l'indépendance et la neutralité de la Suisse.
1    Le Conseil fédéral prend des mesures pour préserver la sécurité extérieure, l'indépendance et la neutralité de la Suisse.
2    Il prend des mesures pour préserver la sécurité intérieure.
3    Il peut s'appuyer directement sur le présent article pour édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure. Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps.
4    Dans les cas d'urgence, il peut lever des troupes. S'il met sur pied plus de 4000 militaires pour le service actif ou que cet engagement doive durer plus de trois semaines, l'Assemblée fédérale doit être convoquée sans délai.
LOGA: 47
SR 172.010 Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) - Loi sur l'organisation de l'administration
LOGA Art. 47 Décisions - 1 Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
1    Selon son importance, une affaire relève du Conseil fédéral, d'un chef de département ou d'un directeur de groupement ou d'office.
2    Le Conseil fédéral règle par voie d'ordonnance l'attribution du pouvoir de décision aux unités administratives dans des affaires particulières ou des domaines déterminés.
3    Si, dans un cas particulier, il y a conflit de compétences entre les départements, le président de la Confédération tranche.
4    Les unités administratives supérieures et le Conseil fédéral peuvent en tout temps prendre la responsabilité d'un dossier pour décision.
5    Les dispositions impératives de la législation en matière d'organisation judiciaire concernant l'attribution de compétences sont réservées. Si le recours est irrecevable devant le Conseil fédéral, celui-ci peut donner des directives à l'autorité compétente de l'administration fédérale sur la manière d'interpréter la loi.
6    Lorsqu'il s'agit de décisions qui peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral, le dossier du Conseil fédéral est confié d'office au département compétent à raison de la matière. Le recours contre les décisions du Conseil fédéral visées à l'art. 33, let. a et b, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral48 est réservé.49
LTPF: 28
OJ: 156  159
PPF: 15  105  105bis  214  217  245
Répertoire ATF
101-IV-312 • 110-IV-46 • 122-IV-188 • 98-IV-209
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
dfjp • conseil fédéral • plaignant • tribunal pénal fédéral • service de renseignements • cour des plaintes • département fédéral • opportunité • vue • autorité de poursuite pénale • loi sur la responsabilité • police judiciaire • greffier • avance de frais • doctrine • dfae • calcul • autorisation ou approbation • vice de forme • loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration
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Décisions TPF
BB.2005.117
FF
1929/II/607
VPB
51.5