Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C 203/2020
Arrêt du 25 août 2020
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
Wirthlin et Abrecht.
Greffière : Mme Paris.
Participants à la procédure
République et canton de Genève, agissant par le Conseil d'État de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, représenté par Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé de la République et canton de Genève (DSES), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Me Claudio Fedele, avocat,
intimé.
Objet
Droit de la fonction publique (révocation disciplinaire),
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 11 février 2020 (A/2212/2018-FPUBL ATA/137/2020).
Faits :
A.
A.a. A.________ a travaillé depuis avril 1999 pour l'office cantonal B.________ de la République et canton de Genève, d'abord en qualité de juriste puis dès mars 2000 en qualité d'inspecteur du travail. Il a été nommé fonctionnaire le 1 er avril 2003.
Lors d'un entretien de service du 8 février 2017, il lui a été reproché divers manquements, pour lesquels il était envisagé le prononcé d'une sanction disciplinaire. Une enquête administrative a été ouverte. Le rapport de l'enquêteur du 25 février 2018 a retenu les manquements suivants: des propos à caractère homophobe à l'encontre d'une collègue; plusieurs violations du secret de fonction; des comportements professionnellement inadéquats à l'égard des membres de la direction ou des collaborateurs de deux entités inspectées ainsi qu'à l'égard de la direction de l'office cantonal B.________.
A.b. Après avoir recueilli les observations de A.________, le Conseil d'État, par arrêté du 30 mai 2018, a révoqué celui-ci de ses fonctions avec effet au 31 août 2018, l'a libéré de son obligation de travailler jusqu'à la fin des rapports de service et a déclaré la décision exécutoire nonobstant recours. La décision, qui reprenait les faits retenus par l'enquêteur, exposait que l'employé avait commis de nombreuses violations de ses devoirs de service, dont certaines extrêmement graves, et que malgré l'absence d'antécédents disciplinaires, les circonstances justifiaient une révocation.
B.
Par jugement du 11 février 2020, la chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours interjeté par A.________ contre la décision du 30 mai 2018, qu'elle a annulée. Les juges cantonaux ont considéré en bref que la sanction prononcée s'avérait sans commune mesure avec les fautes qui pouvaient être retenues à l'encontre de l'employé, dont le dossier administratif ne comportait aucune autre sanction formelle et dont la dernière évaluation professionnelle était excellente. La révocation était une sanction disproportionnée et devait être annulée. La cour cantonale a précisé qu'au regard des dispositions légales en vigueur depuis le 19 décembre 2015, la décision de révocation avait pour conséquence la réintégration obligatoire du fonctionnaire.
C.
La République et canton de Genève, agissant par son Conseil d'État, forme un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation, à la constatation que la décision de révocation est contraire au droit et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle propose à la recourante la réintégration de l'intimé, subsidiairement pour qu'elle condamne la recourante à verser une indemnité à l'intimé. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
L'intimé conclut au rejet du recours et de la requête d'effet suspensif La juridiction cantonale persiste dans les considérants et le dispositif de son jugement.
Considérant en droit :
1.
Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public. Dans la mesure où le litige porte sur la fin de tels rapports, il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire (arrêt 8C 448/2012 du 17 janvier 2013 consid. 1.1, non publié in ATF 139 II 7) et le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g



La jurisprudence concernant la recevabilité du recours en matière de droit public (art. 82 ss


Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale, le recours respecte les exigences des art. 42



2.
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1





SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 9 Schutz vor Willkür und Wahrung von Treu und Glauben - Jede Person hat Anspruch darauf, von den staatlichen Organen ohne Willkür und nach Treu und Glauben behandelt zu werden. |

2.2. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 144 I 113 consid. 7.1 p. 124).
2.3. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 5 Grundsätze rechtsstaatlichen Handelns - 1 Grundlage und Schranke staatlichen Handelns ist das Recht. |

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 5 Grundsätze rechtsstaatlichen Handelns - 1 Grundlage und Schranke staatlichen Handelns ist das Recht. |

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |
3.
Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire dans l'application du droit cantonal en considérant que l'annulation de la décision révoquant l'intimé de ses fonctions entraînait la réintégration obligatoire de ce dernier.
3.1. La cour cantonale a exposé que les rapports de service de l'intimé, en sa qualité de fonctionnaire de l'administration cantonale, étaient soumis à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC; RS/GE B 5 05). Sous l'empire des anciennes dispositions de la LPAC, en vigueur jusqu'au 18 décembre 2015 (ci-après: aLPAC), si une révocation était jugée contraire au droit, en raison d'une absence de violation des devoirs de service, la réintégration était imposée à l'employeur, même si la relation d'emploi avait pris fin; en revanche, lorsque la révocation était jugée disproportionnée, la réintégration ne pouvait être que proposée. Cela résultait de l'art. 30 al. 3 aLPAC en relation avec l'art. 31 al. 2 aLPAC. Or depuis lors, l'art. 30 al. 3 aLPAC qui prévoyait ce mécanisme avait été abrogé, ce qui avait pour conséquence que la réintégration pouvait désormais être ordonnée aussi lorsqu'elle s'avérait disproportionnée. En effet, il ressortait des travaux préparatoires que l'un des buts de la nouvelle LPAC était de rendre obligatoire la réintégration non seulement en cas de révocation prononcée en l'absence de violation des
devoirs de service, mais aussi lorsque la révocation s'avérait contraire au principe de la proportionnalité, soit dans les cas où les manquements qui pouvaient être retenus à l'encontre du fonctionnaire ne justifiaient pas une sanction aussi sévère. Il s'ensuivait qu'en l'espèce, l'annulation de la décision de révocation du 30 mai 2018 avait pour conséquence la réintégration de l'intimé dans sa fonction d'inspecteur du travail ou, à défaut, dans un autre poste.
3.2. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir fait une application arbitraire des art. 30 et 31 LPAC. Elle fait valoir que depuis le 19 décembre 2015, l'art. 30 LPAC, dont l'al. 3 a été abrogé, ne prévoit plus les conséquences pour le cas où la chambre administrative constate que la révocation a été prononcée en l'absence de toute violation des devoirs de service ou qu'une telle sanction est disproportionnée; partant, la réintégration de l'intimé ne trouverait aucun fondement dans la LPAC et violerait le principe de la légalité.
L'arrêt entrepris violerait en outre l'interdiction de l'arbitraire en tant que la chambre administrative aurait effectué un revirement injustifié de sa jurisprudence constante; en effet, depuis le 19 décembre 2015, elle aurait toujours affirmé que les art. 30 et 31 LPAC dans leur nouvelle teneur ne lui permettaient pas d'ordonner la réintégration d'un fonctionnaire révoqué (décisions de la chambre administrative ATA/1000/2016 du 28 novembre 2016 consid. 10; ATA/826/2018 du 15 août 2018 consid. 10; ATA/1013/2018 du 1er octobre 2018 p. 3; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019 p. 3; ATA/15/2020 du 8 janvier 2020 p. 3).
3.3.
3.3.1. Comme le rappelle la recourante elle-même, il peut être mis fin aux rapports de service d'un fonctionnaire de l'administration cantonale genevoise soit par la voie de la révocation, qui est la sanction disciplinaire la plus lourde prévue par la loi (art. 16 al. 1 let. c 5° LPAC) et implique une violation grave ou continue des devoirs de service, soit par la voie de la résiliation pour motif fondé, qui implique que la continuation des rapports de service ne soit plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (art. 21 al. 3 et 22 LPAC) (cf. arrêt 8C 203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références). Le recours contre une sanction disciplinaire est régi par l'art. 30 LPAC et celui contre une décision de résiliation des rapports de service par l'art. 31 LPAC. L'art. 30 LPAC dispose à son al. 2 que le membre du personnel qui fait l'objet d'une sanction disciplinaire peut recourir à la chambre administrative de la Cour de justice; il disposait auparavant à son al. 3 - abrogé avec effet au 19 décembre 2015 - qu'en cas de révocation, l'art. 31 s'applique, sauf si la chambre administrative de la Cour de justice constate l'absence de violation des devoirs de service. Ce renvoi à l'art. 31 aLPAC - lequel
prévoyait que si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit, elle peut proposer à l'autorité compétente la réintégration (al. 2) et qu'en cas de décision négative de l'autorité compétente, elle fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 1 mois et supérieur à 24 mois (respectivement à 6 mois s'il s'agit d'un employé) du dernier traitement brut à l'exclusion de tout autre élément de rémunération (al. 3) - impliquait que la chambre administrative, lorsqu'elle retenait que la résiliation des rapports de service était contraire au droit, pouvait seulement proposer à l'autorité compétente la réintégration, sauf si elle constatait l'absence de violation des devoirs de service (FRANÇOIS BELLANGER, Le contentieux des sanctions et des licenciements en droit genevois de la fonction publique, in THIERRY TANQUEREL / FRANÇOIS BELLANGER, Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 226).
3.3.2. La LPAC a été révisée avec effet au 19 décembre 2015 (loi du 16 octobre 2015 modifiant la LPAC, publiée dans la Feuille d'avis officielle du 18 décembre 2015). L'art. 30 al. 3 aLPAC a été abrogé et l'art. 31 LPAC - dont l'al. 3 correspond à l'ancien al. 2 - prévoit désormais à son al. 2 que si la chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l'autorité compétente la réintégration. Selon le Rapport de la Commission ad hoc sur le personnel de l'État chargée d'étudier le projet de loi modifiant la LPAC, les amendements proposés - qui se sont traduits par les modifications précitées des art. 30 et 31 LPAC - "opèrent une distinction entre trois situations: le licenciement prononcé en l'absence de motif fondé; le licenciement prononcé en violation des règles de procédure; la révocation disproportionnée. Les conséquences attachées à chacun de ces manquements varient. Seuls le licenciement infondé et la révocation disproportionnée donneraient lieu à une réintégration obligatoire. Le licenciement fondé mais décidé en violation de règles de forme ne pourrait entraîner qu'une proposition de réintégration avec le versement d'une indemnité
en cas de refus de l'employeur. (...) Concernant la révocation disproportionnée, il convient de préciser qu'il s'agit d'une décision infamante s'il en est. Une telle sanction ne peut être prise qu'après examen par un enquêteur. Ainsi, si l'administration, nonobstant le rapport d'enquête, décide de révoquer un fonctionnaire qui ne le mérite pas, elle devra supporter seule les conséquences de son erreur. Le fonctionnaire injustement traité devra voir la révocation annulée et être réintégré" (Rapport de la commission, PL 7526-F, p. 20-21).
3.3.3. Au vu de ces éléments, il n'apparaît nullement insoutenable de considérer, comme l'a fait la cour cantonale, que l'annulation de la révocation d'un fonctionnaire au motif qu'une telle sanction est disproportionnée entraîne ex lege la réintégration de l'intéressé. En effet, en l'absence de disposition spéciale telle que l'art. 31 al. 2 LPAC - qui s'applique à la résiliation des rapports de service pour motif fondé, lorsque le licenciement est fondé mais a été décidé en violation de règles de forme (cf. consid. 3.3.2 supra) -, la chambre administrative peut annuler la décision de révocation, conformément à l'art. 69 al. 3

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |
3.3.4. Par ailleurs, il n'apparaît pas que le jugement attaqué serait constitutif d'un revirement de jurisprudence violant le droit à l'égalité et l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 122 I 57 consid. 3c/aa et les références). En effet, comme le relève la cour cantonale dans ses déterminations, les cinq décisions citées par la recourante (consultables sur le site internet http://ge.ch/justice/dans-la-jurisprudence) sont toutes des décisions sur effet suspensif, prononcées par un juge unique (art. 21 al. 2

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |
4.
Il s'ensuit que le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |

SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999 BV Art. 36 Einschränkungen von Grundrechten - 1 Einschränkungen von Grundrechten bedürfen einer gesetzlichen Grundlage. Schwerwiegende Einschränkungen müssen im Gesetz selbst vorgesehen sein. Ausgenommen sind Fälle ernster, unmittelbarer und nicht anders abwendbarer Gefahr. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La requête d'effet suspensif est sans objet.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
Lucerne, le 25 août 2020
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Maillard
La Greffière : Paris