Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4C.413/2005 /ech

Arrêt du 24 avril 2006
Ire Cour civile

Composition
MM. et Mmes les juges Corboz, président, Klett, Nyffeler, Favre et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
Banque X.________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Didier de Montmollin,

contre

HY.________ et FY.________,
demandeurs et intimés, représentés par Me Cédric Dumur.

Objet
compte bancaire; ordres contrefaits

recours en réforme contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2005 par la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
Au mois de mars 1993, les époux Y.________ ont ouvert un compte auprès de la Banque X.________ SA à Genève. Selon les conditions générales auxquelles ils ont alors souscrit, et sur la base des spécimens déposés à cette fin, la banque devait vérifier la signature des ordres donnés par ses clients ou par leurs mandataires; elle avait le droit mais pas l'obligation d'exiger d'autres preuves d'identité. Sauf faute grave de sa part, elle n'assumait aucune responsabilité dans le cas où une falsification échappait à son contrôle. Les époux Y.________ signèrent également un document qui autorisait la banque à accepter et exécuter des ordres transmis par téléphone, télex ou télécopie, et qui l'exonérait de toute responsabilité en cas d'ordre donné frauduleusement par un tiers non autorisé; la banque avait toutefois le droit de refuser l'exécution d'un ordre ainsi transmis, ou d'en exiger une confirmation écrite.
Par ailleurs, les clients souscrivirent un mandat de gestion des avoirs confiés à la banque, mandat attribué d'abord à la banque elle-même puis, par la suite, à des gérants externes. Dès le 22 juin 2001, la gestion fut assumée par Z.________; celle-ci agissait en qualité d'organe d'une société de gestion qu'elle avait fondée un peu plus d'un an auparavant et qui était désormais titulaire du mandat. La gérante était connue de la banque car elle avait travaillé à son service et des relations d'affaires se poursuivaient. Selon les documents remis à la banque, préparés par celle-ci, la société de gestion jouissait d'une procuration strictement limitée à son activité; elle n'était pas autorisée à ordonner des transferts ni à opérer des prélèvements autres que ceux correspondants aux honoraires contractuels. La banque était déchargée de toute responsabilité en raison des actes de la société; en particulier, elle n'était pas tenue de contrôler ses ordres quant à leur caractère, leur fréquence ni leur ampleur.

B.
Le 11 juillet 2001, la gérante se présenta au guichet de la banque avec la copie d'une lettre qui lui était adressée, portant la signature de Y.________ et ordonnant le retrait de 40'000 dollars étasuniens. Le caissier compara cette signature reproduite avec le spécimen à sa disposition; l'ayant trouvée conforme, il remit la somme demandée. Auparavant, depuis l'ouverture du compte, les clients n'avaient opéré aucun prélèvement.
Le lendemain 12 juillet, la gérante téléphona à une collaboratrice de la banque qu'elle connaissait. Elle ordonna trois transferts au débit de ce même compte, aux montants de deux fois 25'000 et une fois 60'000 dollars; elle annonçait la remise d'une confirmation signée du client. Ces ordres furent exécutés sans délai et donc sans confirmation.
Le 19 du même mois, par télécopie, la gérante adressa à la banque les avis de débit consécutifs aux transferts précités, apparemment contresignés par Y.________. Ce même jour et par le même moyen, elle transmit un nouvel ordre de transfert au montant de 100'000 dollars, portant également la signature de Y.________ mais dépourvu de date. La gérante avait ajouté la mention « Après cette lettre il va nous envoyer la lettre de clôture - Merci ». Cet ordre fut lui aussi exécuté. Les signatures des quatre documents étaient exactement identiques.
Il apparut plusieurs mois après qu'en réalité, Y.________ n'avait ordonné aucune de ces opérations. La gérante avait confectionné des faux à partir d'une signature authentique, en mettant à contribution les ciseaux, la colle et la photocopieuse.

C.
Depuis avril 2000, la société de gestion était liée à la banque par un contrat qui l'habilitait à introduire de nouveaux clients et à gérer leurs comptes contre rémunération. Le 21 juillet 2000, en raison du nombre considérable des transactions que la société opérait, la banque est intervenue auprès d'elle pour lui rappeler que la pratique du barattage est incompatible avec le devoir de fidélité du mandataire. Afin que les clients fussent informés de la situation, elle exigeait des évaluations de fortune au 30 juin 2000 contresignées par eux; chaque évaluation devait porter la signature manuscrite du client ou être transmise par télécopie directe de celui-ci. En fait, la banque se contenta d'évaluations transmises par télécopie de la gérante.

D.
Le 26 février 2004, les époux Y.________ ont conjointement ouvert action contre la Banque X.________ SA devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Leur demande tendait au paiement de 250'000 dollars pour réparation du dommage subi, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 19 juillet 2001. Ils avaient déjà entrepris une poursuite contre la défenderesse et ils requéraient la mainlevée définitive de son opposition au commandement de payer. A leur avis, la défenderesse avait violé ses obligations contractuelles en n'exigeant pas des ordres écrits et revêtus d'une signature manuscrite.
Contestant toute obligation, cette partie a conclu au rejet de la demande.
Le tribunal a donné gain de cause aux demandeurs par jugement du 25 novembre 2004.
La défenderesse ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a statué le 14 octobre 2005; elle a confirmé le jugement. Selon ses constatations qu'elle a fondées sur des déclarations des organes de la défenderesse, celle-ci éprouvait une confiance totale envers la gérante, notamment en raison de la longue durée de leurs relations, et elle lui consentait pour ce motif des facilités qui n'étaient pas accessibles à tous les gérants externes. En particulier, c'est sur la base de cette confiance particulière que la défenderesse avait exécuté les ordres de transfert du 12 juillet 2001 sans attendre une confirmation du client. Cette même confiance avait d'ailleurs favorisé de façon déterminante toutes les opérations frauduleuses de la gérante. Or, le roulement anormalement élevé des valeurs en dépôt sur les comptes de plusieurs autres clients, qui avait provoqué une intervention de la défenderesse le 21 juillet 2000, aurait dû inciter cette partie à plus de circonspection. Le doute aurait aussi dû naître de ce que les demandeurs n'avaient auparavant effectué aucun prélèvement et que les opérations en cause portaient, au total, sur près de quatre cinquièmes de leur avoir. Le doute aurait encore dû surgir, le 19 juillet, de la similitude
parfaite des quatre signatures en présence. Au regard de ces circonstances, une faute au moins légère était imputable à la défenderesse et la pesée des intérêts commandait que celle-ci assumât seule la perte consécutive à son imprudence.

E.
Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que la demande soit rejetée.
Les demandeurs concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions qui tendaient au rejet de l'action. Il est dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, à l'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserve d'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ) mais il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 63 al. 3 OJ). Le Tribunal fédéral ne peut pas juger au-delà des conclusions des parties; en revanche, il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ) ni par la solution juridique adoptée par la juridiction cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine); néanmoins, en règle générale, il se prononce seulement sur les questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ concernant la motivation du recours (ATF 127 III 397 consid. 2a p. 400; 116 II 92 consid. 2 p. 94).

2.
Il n'est pas nécessaire d'examiner de façon détaillée la nature juridique de la relation contractuelle des parties. Il suffit de constater que par l'ouverture du compte des demandeurs, la défenderesse s'est engagée à leur remettre, selon les modalités prévues, tout ou partie de l'avoir disponible (cf. ATF 111 II 263 consid. 1a p. 265). L'exécution, par la banque, d'un ordre de remettre ou de transférer un montant par prélèvement sur cet avoir a son fondement dans la relation précitée, cela même si l'ordre est donné irrégulièrement ou s'il s'agit d'un faux (ATF 108 II 314 consid. 2 p. 315; arrêt 4C.349/1994 du 4 juillet 1995, publié in SJ 1996 p. 225, consid. 4b).
En principe, c'est la banque qui supporte le risque d'une prestation exécutée par le débit du compte en faveur d'une personne non autorisée; elle seule subit un dommage car elle est tenue de payer une seconde fois, à son client, le montant concerné. Lorsque le client réclame, à l'instar des demandeurs, la restitution de l'avoir en compte, il exerce une action en exécution du contrat qui n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de la banque (ATF 112 II 450 consid. 3a p. 454; 111 II 263 consid. 1b p. 265; voir aussi ATF 127 III 553 consid. 2f et g p. 558; arrêt 4C.383/2001 du 11 avril 2002, publié in SJ 2002 I p. 597, consid. 1b p. 600). Il est cependant habituel que les conditions générales appliquées par la banque, auxquelles le client adhère lors de l'ouverture du compte, comportent comme en l'espèce une clause de transfert de risque prévoyant que le dommage résultant d'un faux non décelé est, sauf faute grave de la banque, à la charge du client; par l'effet de cette stipulation, le risque a priori assumé par celle-là est reporté sur celui-ci (Carlo Lombardini, Droit bancaire suisse, Zurich 2002, p. 205 ch. 4; Philipp Abegg et al., Schweizerisches Bankrecht: ein Lehr- und Handbuch für Bankfachleute, Zurich 2002, p. 28/29;
ATF 122 III 26 consid. 4a p. 32; 112 II 450 consid. 3 p. 453).
L'art. 100
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 100 - 1 Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
1    Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
2    Auch ein zum voraus erklärter Verzicht auf Haftung für leichtes Verschulden kann nach Ermessen des Richters als nichtig betrachtet werden, wenn der Verzichtende zur Zeit seiner Erklärung im Dienst des anderen Teiles stand, oder wenn die Verantwortlichkeit aus dem Betriebe eines obrigkeitlich konzessionierten Gewerbes folgt.
3    Vorbehalten bleiben die besonderen Vorschriften über den Versicherungsvertrag.
CO, qui régit les conventions d'exonération de la responsabilité pour inexécution ou exécution imparfaite du contrat, s'applique par analogie à une clause de ce type (cf. ATF 112 II 450 consid. 3a p. 454-455; 41 II 487 p. 491). Celle-ci est donc d'emblée dénuée de portée si un dol ou une faute grave sont imputables à la banque (art. 100 al. 1
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 100 - 1 Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
1    Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
2    Auch ein zum voraus erklärter Verzicht auf Haftung für leichtes Verschulden kann nach Ermessen des Richters als nichtig betrachtet werden, wenn der Verzichtende zur Zeit seiner Erklärung im Dienst des anderen Teiles stand, oder wenn die Verantwortlichkeit aus dem Betriebe eines obrigkeitlich konzessionierten Gewerbes folgt.
3    Vorbehalten bleiben die besonderen Vorschriften über den Versicherungsvertrag.
CO). En cas de faute légère de la banque, dont l'activité est assimilée à l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité, le juge peut tenir cette clause pour nulle. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, c'est-à-dire dans l'application des règles du droit et de l'équité (art. 4
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 4 - Wo das Gesetz das Gericht auf sein Ermessen oder auf die Würdigung der Umstände oder auf wichtige Gründe verweist, hat es seine Entscheidung nach Recht und Billigkeit zu treffen.
CC), il lui appartient d'examiner la clause de transfert en tenant compte des autres stipulations du contrat et de l'ensemble des circonstances du cas particulier; il doit prendre en considération, d'une part, le besoin de protection des clients contre les clauses élaborées d'avance qu'ils ne peuvent pratiquement pas discuter et, d'autre part, l'intérêt que peut avoir la banque à se prémunir contre certains risques dont la réalisation est difficile à éviter (art. 100 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 100 - 1 Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
1    Eine zum voraus getroffene Verabredung, wonach die Haftung für rechtswidrige Absicht oder grobe Fahrlässigkeit ausgeschlossen sein würde, ist nichtig.
2    Auch ein zum voraus erklärter Verzicht auf Haftung für leichtes Verschulden kann nach Ermessen des Richters als nichtig betrachtet werden, wenn der Verzichtende zur Zeit seiner Erklärung im Dienst des anderen Teiles stand, oder wenn die Verantwortlichkeit aus dem Betriebe eines obrigkeitlich konzessionierten Gewerbes folgt.
3    Vorbehalten bleiben die besonderen Vorschriften über den Versicherungsvertrag.
CO; ATF 112 II 450 consid. 3a p. 455). Ce pouvoir d'appréciation n'existe pas si la faute légère a été commise par un
auxiliaire de la banque car la clause de transfert de risque est alors applicable sans restriction (art. 101 al. 3
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 101 - 1 Wer die Erfüllung einer Schuldpflicht oder die Ausübung eines Rechtes aus einem Schuldverhältnis, wenn auch befugterweise, durch eine Hilfsperson, wie Hausgenossen oder Arbeitnehmer vornehmen lässt, hat dem andern den Schaden zu ersetzen, den die Hilfsperson in Ausübung ihrer Verrichtungen verursacht.46
1    Wer die Erfüllung einer Schuldpflicht oder die Ausübung eines Rechtes aus einem Schuldverhältnis, wenn auch befugterweise, durch eine Hilfsperson, wie Hausgenossen oder Arbeitnehmer vornehmen lässt, hat dem andern den Schaden zu ersetzen, den die Hilfsperson in Ausübung ihrer Verrichtungen verursacht.46
2    Diese Haftung kann durch eine zum voraus getroffene Verabredung beschränkt oder aufgehoben werden.
3    Steht aber der Verzichtende im Dienst des andern oder folgt die Verantwortlichkeit aus dem Betriebe eines obrigkeitlich konzessionierten Gewerbes, so darf die Haftung höchstens für leichtes Verschulden wegbedungen werden.
CO; même arrêt p. 456).
En règle générale, la banque n'est tenue de vérifier l'authenticité des ordres à elle adressés que selon les modalités convenues entre les parties ou, le cas échéant, spécifiées par la loi. Elle doit cependant procéder à des vérifications supplémentaires s'il existe des indices sérieux d'une falsification ou si l'ordre ne porte pas sur une opération prévue par le contrat ni habituellement demandée (ATF 122 III 26 consid. 4a/aa p. 32; 121 III 69 consid. 3c p. 72; 116 II 459 consid. 2a p. 461/462; 111 II 263 consid. 2b p. 268).

3.
Les demandeurs ont conféré à la société de gestion et, par conséquent, à l'organe de celle-ci, le pouvoir de les représenter dans leur relation avec la défenderesse. L'étendue de ce pouvoir était limitée, en substance, au placement de leur avoir en compte, à la liquidation des placements effectués et, accessoirement, au prélèvement des honoraires dus à la société.
Il est constant que le retrait d'espèces effectué le 11 juillet 2001 ne s'inscrivait pas dans ce pouvoir. Selon l'argumentation de la défenderesse, Z.________ ne s'est pas prévalue dudit pouvoir en présentant un ordre écrit qui semblait provenir de Y.________; elle a seulement agi à la manière d'un messager qui transmet la déclaration d'autrui et ne prétend pas donner effet à sa propre volonté (Peter Gauch/Walter Schluep et al., Schweizerisches Obligationenrecht: Allgemeiner Teil ohne ausservertragliches Haftpflichtrecht, 8e éd., vol. I, ch. 1316 p. 295). Or, le document utilisé n'avait même pas l'apparence d'un ordre adressé à la banque car selon son libellé, c'est la gérante qui en était la destinataire. De plus, les modalités convenues lors de l'ouverture du compte obligeaient la défenderesse à vérifier au moins la signature des ordres censés provenir de ses clients ou de leurs mandataires. En règle générale, elle devait donc exiger et vérifier une signature écrite à la main, conformément aux art. 14 al. 1
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 14 - 1 Die Unterschrift ist eigenhändig zu schreiben.
1    Die Unterschrift ist eigenhändig zu schreiben.
2    Eine Nachbildung der eigenhändigen Schrift auf mechanischem Wege wird nur da als genügend anerkannt, wo deren Gebrauch im Verkehr üblich ist, insbesondere wo es sich um die Unterschrift auf Wertpapieren handelt, die in grosser Zahl ausgegeben werden.
2bis    Der eigenhändigen Unterschrift gleichgestellt ist die mit einem qualifizierten Zeitstempel verbundene qualifizierte elektronische Signatur gemäss Bundesgesetz vom 18. März 20164 über die elektronische Signatur. Abweichende gesetzliche oder vertragliche Regelungen bleiben vorbehalten.5
3    Für den Blinden ist die Unterschrift nur dann verbindlich, wenn sie beglaubigt ist, oder wenn nachgewiesen wird, dass er zur Zeit der Unterzeichnung den Inhalt der Urkunde gekannt hat.
et 16 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 16 - 1 Ist für einen Vertrag, der vom Gesetze an keine Form gebunden ist, die Anwendung einer solchen vorbehalten worden, so wird vermutet, dass die Parteien vor Erfüllung der Form nicht verpflichtet sein wollen.
1    Ist für einen Vertrag, der vom Gesetze an keine Form gebunden ist, die Anwendung einer solchen vorbehalten worden, so wird vermutet, dass die Parteien vor Erfüllung der Form nicht verpflichtet sein wollen.
2    Geht eine solche Abrede auf schriftliche Form ohne nähere Bezeichnung, so gelten für deren Erfüllung die Erfordernisse der gesetzlich vorgeschriebenen Schriftlichkeit.
CO; elle n'était dispensée de cette précaution que pour les ordres reçus par téléphone, télex ou télécopie. L'ordre reçu au guichet aurait donc dû porter une signature manuscrite plutôt qu'une simple reproduction.
En l'exécutant néanmoins, la défenderesse s'est engagée dans une opération qui était étrangère à celles visées par la clause de transfert de risque, de sorte qu'en rapport avec cette opération, ladite clause n'est pas opposable aux demandeurs.

4.
Le 12 juillet 2001, Z.________ ne s'est servie d'aucun écrit; elle a seulement téléphoné pour donner ou transmettre trois ordres de transfert. La teneur de ses déclarations n'a pas été constatée de façon suffisamment précise pour que le Tribunal fédéral puisse discerner si la défenderesse pouvait la considérer comme la messagère plutôt que comme la représentante des demandeurs. Seule cette première hypothèse pourrait éventuellement aboutir à sa libération car les ordres de transfert ne relevaient pas non plus du pouvoir de représentation conféré à la société de gestion. En vertu de l'art. 8
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 8 - Wo das Gesetz es nicht anders bestimmt, hat derjenige das Vorhandensein einer behaupteten Tatsache zu beweisen, der aus ihr Rechte ableitet.
CC, c'est à la défenderesse qu'il incombait de prouver les faits déterminants sur ce point et c'est donc aussi elle qui doit, en principe, succomber par suite de l'incertitude subsistant sur ce même point (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa p. 273; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24).
De toute manière, cette partie insiste sur la confiance dont Z.________ bénéficiait alors. Selon l'une des déclarations auxquelles la Cour de justice s'est référée, les ordres téléphoniques d'un gérant moins estimé n'auraient pas été exécutés sans confirmation écrite du client. La défenderesse admet ainsi que dans sa pratique concernant cette gérante en particulier, elle n'appliquait pas le niveau de précaution considéré par elle-même comme approprié dans la collaboration avec les gérants externes. Le comportement qu'elle avait critiqué en juillet 2000, soit des transactions opérées en nombre excessif, propre à augmenter sans justification le montant des commissions à acquitter par les clients concernés, aurait pourtant dû l'inciter à plus de réserve. Surtout, le client n'exerce aucune influence sur l'acception de personne qui conduit la banque à renoncer, dans ses rapports avec le gérant, aux précautions normales et correspondant à la diligence généralement due à la clientèle. La banque est bien sûr libre d'accorder des facilités de ce type à un gérant mais elle doit alors assumer le risque spécifique qui en résulte. Renoncer de façon permanente ou habituelle aux précautions normales est une violation fautive du contrat conclu
avec le client; il importe peu que la banque se croie autorisée à agir ainsi en raison de sa bonne opinion du gérant. En tant que cette faute est seulement légère, l'équité n'autorise pas la banque à invoquer la clause de transfert de risque pour imputer au client le préjudice consécutif à ce qui est une simple préférence de sa part.
La défenderesse se prétend disculpée par les avis de débit apparemment signés de Y.________, reçus par télécopie le 19 juillet 2001. Or, elle n'a pas agi sur la base de ces documents car ils n'existaient pas encore et ils ne lui sont parvenus qu'une semaine après. Si elle avait attendu une confirmation des demandeurs avant d'achever l'exécution des ordres, elle n'aurait pas émis les avis de débit et la gérante n'aurait donc pas pu les lui retourner. Par conséquent, ces écrits ne lui sont d'aucun secours.
Les ordres de transfert importants et rapprochés ne pouvaient aucunement être considérés comme des événements banals dans le fonctionnement du compte des demandeurs. En particulier, une vérification aurait dû intervenir avant l'exécution du quatrième de ces ordres, le 19 juillet 2001. Selon la Cour de justice, la défenderesse a d'ailleurs commis une faute supplémentaire en ne discernant pas que les signatures des quatre documents reçus ce jour-là étaient reproduites à partir d'un spécimen unique. Cette appréciation n'est pas contestée par la défenderesse; elle échappe, par conséquent, au contrôle du Tribunal fédéral (art. 55 al. 1 let. c OJ). La confiance immodérée envers la gérante a eu ici également une influence essentielle; la défenderesse ne peut donc pas non plus, en équité, se prévaloir de la clause de transfert de risque.

5.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui entraîne son rejet. A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer aux demandeurs qui obtiennent gain de cause.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 7'000 fr.

3.
La défenderesse acquittera une indemnité de 8'000 fr. à verser aux demandeurs, créanciers solidaires, à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 24 avril 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 4C.413/2005
Date : 24. April 2006
Publié : 29. Mai 2006
Source : Bundesgericht
Statut : Publiziert als BGE-132-III-449
Domaine : Vertragsrecht
Objet : mandat de gestion; responsabilité


Répertoire des lois
CC: 4 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 4 - Le juge applique les règles du droit et de l'équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.
8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CO: 14 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 14 - 1 La signature doit être écrite à la main par celui qui s'oblige.
1    La signature doit être écrite à la main par celui qui s'oblige.
2    Celle qui procède de quelque moyen mécanique n'est tenu pour suffisante que dans les affaires où elle est admise par l'usage, notamment lorsqu'il s'agit de signer des papiers-valeurs émis en nombre considérable.
2bis    La signature électronique qualifiée avec horodatage électronique qualifié au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique4 est assimilée à la signature manuscrite. Les dispositions légales ou conventionnelles contraires sont réservées.5
3    La signature des aveugles ne les oblige que si elle a été dûment légalisée, ou s'il est établi qu'ils ont connu le texte de l'acte au moment de signer.
16 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 16 - 1 Les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige point, sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme.
1    Les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige point, sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme.
2    S'il s'agit de la forme écrite, sans indication plus précise, il y a lieu d'observer les dispositions relatives à cette forme lorsqu'elle est exigée par la loi.
100 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 100 - 1 Est nulle toute stipulation tendant à libérer d'avance le débiteur de la responsabilité qu'il encourrait en cas de dol ou de faute grave.
1    Est nulle toute stipulation tendant à libérer d'avance le débiteur de la responsabilité qu'il encourrait en cas de dol ou de faute grave.
2    Le juge peut, en vertu de son pouvoir d'appréciation, tenir pour nulle une clause qui libérerait d'avance le débiteur de toute responsabilité en cas de faute légère, si le créancier, au moment où il a renoncé à rechercher le débiteur, se trouvait à son service, ou si la responsabilité résulte de l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité.
3    Les règles particulières du contrat d'assurance demeurent réservées.
101
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 101 - 1 Celui qui, même d'une manière licite, confie à des auxiliaires, tels que des personnes vivant en ménage avec lui ou des travailleurs, le soin d'exécuter une obligation ou d'exercer un droit dérivant d'une obligation, est responsable envers l'autre partie du dommage qu'ils causent dans l'accomplissement de leur travail.47
1    Celui qui, même d'une manière licite, confie à des auxiliaires, tels que des personnes vivant en ménage avec lui ou des travailleurs, le soin d'exécuter une obligation ou d'exercer un droit dérivant d'une obligation, est responsable envers l'autre partie du dommage qu'ils causent dans l'accomplissement de leur travail.47
2    Une convention préalable peut exclure en tout ou en partie la responsabilité dérivant du fait des auxiliaires.
3    Si le créancier est au service du débiteur, ou si la responsabilité résulte de l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité, le débiteur ne peut s'exonérer conventionnellement que de la responsabilité découlant d'une faute légère.
OJ: 43  46  48  54  55  63  64
Répertoire ATF
108-II-314 • 111-II-263 • 112-II-450 • 116-II-459 • 116-II-92 • 121-III-69 • 122-III-26 • 127-III-248 • 127-III-396 • 127-III-553 • 128-III-22 • 128-III-271 • 129-III-18 • 130-III-136 • 41-II-487
Weitere Urteile ab 2000
4C.349/1994 • 4C.383/2001 • 4C.413/2005
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • société de gestion • acquittement • faute grave • mois • calcul • rejet de la demande • pouvoir d'appréciation • exécution de l'obligation • autorisation ou approbation • communication • doute • examinateur • faute légère • tennis • guichet • aa • greffier • décision • titre
... Les montrer tous
SJ
1996 S.225 • 2002 I S.597