Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5D_63/2009

Arrêt du 23 juillet 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme de Poret.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Charles Guerry, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Albert Nussbaumer, avocat,

Objet
libération d'une servitude de passage (art. 736
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
CC),

recours constitutionnel contre l'arrêt de la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 17 mars 2009.

Faits:

A.
A.a Y.________ est propriétaire de l'immeuble formant l'article 3054 du registre foncier de la commune de A.________. X.________ est propriétaire des parcelles nos 3043 et 3111 situées dans la même commune.

L'immeuble no 3054 est grevé d'un droit de passage pour tous véhicules en faveur des immeubles nos 3043 et 3111. L'assiette de la servitude prolonge trois chemins venant de l'immeuble no 3043 et donne notamment accès à un portail permettant d'entrer sur la parcelle no 3111; elle longe par ailleurs toute la limite Est de ce fonds pour se terminer à la limite de l'immeuble no 3100.
A.b Y.________ a demandé à pouvoir utiliser la partie de l'immeuble no 3054 située à l'Est de la parcelle no 3111 pour y créer un camping à la ferme. Pour des raisons de sécurité, la ville de A.________ a alors exigé qu'il place une clôture métallique d'au moins deux mètres de haut, à la limite entre son immeuble et celui de X.________. Y.________ a placé cette clôture sur sa parcelle, le long de la limite Est de l'immeuble no 3111, empêchant ainsi tout accès à cette parcelle depuis le chemin de servitude.

B.
Le 27 avril 2007, Y.________ a ouvert contre X.________ une action en libération de servitude, action ne portant toutefois que sur la partie de l'assiette de la servitude longeant la limite Est de l'immeuble 3111. X.________ a pris deux conclusions reconventionnelles, dont seule demeure litigieuse celle relative au déplacement de la clôture métallique, trois mètres à l'intérieur de la parcelle no 3054.

Par jugement du 13 mai 2008, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye a rejeté la demande déposée par Y.________ et admis la demande reconventionnelle formée par X.________. Statuant le 17 mars 2009 sur appel de Y.________, la 1ère Cour d'appel du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a admis, a constaté l'extinction de la servitude de passage grevant la parcelle no 3054 en faveur des immeubles nos 3043 et 3111 et a ordonné sa radiation.

C.
Le 22 avril 2009, X.________ dépose un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral contre la décision de la Cour d'appel. La recourante invoque la violation de l'art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
Cst., soutenant que la cour cantonale a procédé à une appréciation arbitraire des preuves ainsi qu'à une application arbitraire du droit civil fédéral et du droit cantonal de procédure.

Appelé à se déterminer, l'intimé conclut au rejet du recours. La Cour d'appel n'a pas formulé d'observations.

Considérant en droit:

1.
Une décision statuant sur une demande de libération judiciaire d'une servitude tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire (ATF 130 III 554 consid. 1.2 non publié; 121 II 52 consid. 1a non publié). En instance cantonale, les parties ont attribué au litige une valeur de 10'000 fr., de sorte que le seuil fixé à l'art. 74 al. 1 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
1    Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
a  15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer;
b  30 000 francs dans les autres cas.
2    Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable:
a  si la contestation soulève une question juridique de principe;
b  si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
c  s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
d  s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat;
e  s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets.
LTF pour la recevabilité du recours en matière civile n'est pas atteint. Aucune des exceptions prévues par l'art. 74 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
1    Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
a  15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer;
b  30 000 francs dans les autres cas.
2    Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable:
a  si la contestation soulève une question juridique de principe;
b  si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
c  s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
d  s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat;
e  s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets.
LTF n'entrant en considération, seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire est ouverte. Le recours a par ailleurs été déposé en temps utile contre une décision finale rendue par une autorité de dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 75 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
1    Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours, sauf si:
a  une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
b  un tribunal spécialisé dans les litiges de droit commercial statue en instance cantonale unique;
c  une action ayant une valeur litigieuse d'au moins 100 000 francs est déposée directement devant le tribunal supérieur avec l'accord de toutes les parties.
, 90
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure.
, 100 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
et 117
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 117 Procédure de recours - Les art. 90 à 94, 99, 100, 102, 103, al. 1 et 3, 104, 106, al. 2, et 107 à 112 s'appliquent par analogie à la procédure du recours constitutionnel.
LTF) et la recourante, qui a pris part à l'instance précédente, démontre un intérêt juridique à la modification de la décision attaquée (art. 115
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 115 Qualité pour recourir - A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et
b  a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.
LTF). Le recours constitutionnel est donc en principe recevable et seule la violation des droits constitutionnels peut en conséquence être invoquée (art. 116
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 116 Motifs de recours - Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.
LTF).

2.
Examinant si la partie litigieuse de la servitude conservait une utilité pour la recourante, propriétaire du fonds dominant, la Cour d'appel a constaté que celle-ci avait certes allégué plusieurs affectations possibles de la servitude, évoquant par exemple le fait qu'elle pouvait lui être utile pour effectuer le traitement d'arbres fruitiers, mais que toutes les affectations proposées ne constituaient toutefois que des éléments envisageables dans l'abstrait: aucun élément concret ne permettait de démontrer l'utilité de la servitude dans un avenir prévisible. En particulier, la Cour d'appel a considéré que la recourante n'avait pas valablement allégué l'intérêt concret qu'elle pourrait avoir du fait de la modification du mode d'exploitation de la parcelle no 3111 dans la mesure où cette allégation était intervenue tardivement selon l'art. 130 al. 2 CPC/FR. Ce n'était qu'en février 2008 que la recourante avait en effet produit un devis relatif à la plantation d'un verger et ainsi allégué que son fils allait y procéder dans le courant de l'automne; or, ce fait lui était déjà connu, ainsi qu'il en résultait de sa déclaration à la séance du 18 décembre 2007.

3.
3.1 Dans un premier grief, la recourante soutient qu'elle a collaboré à l'administration des preuves du fait négatif que constitue l'utilité future de son fonds. Elle aurait ainsi valablement allégué son intérêt concret à l'exercice de la servitude en démontrant que l'accès par celle-ci pouvait se révéler fort utile pour l'exploitation de la partie cultivable de sa parcelle, par exemple pour effectuer le traitement d'arbres fruitiers, et elle aurait également évoqué différentes possibilités d'affectations concrètes de la servitude. La recourante estime enfin que les preuves administrées sur ces allégués - vision locale et témoignage de son fils - auraient été appréciées de manière arbitraire. L'argumentation concernant la collaboration active de la recourante à l'administration des preuves est reprise dans son troisième grief, relatif à l'application arbitraire de l'art. 736 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
CC. La recourante y réaffirme avoir apporté des éléments concrets quant à l'utilité de la servitude dans un avenir prévisible.

L'intimé estime que l'appréciation des preuves de la cour cantonale ne serait nullement arbitraire. Il retient que les allégués de la recourante ne seraient que des suppositions quant aux utilisations potentielles et futures de sa parcelle. Les formulations utilisées démontreraient qu'elle n'alléguait ni n'envisageait concrètement une utilisation différente de sa parcelle, ni, a fortiori, qu'elle aurait pris la décision d'utiliser cet article différemment. La recourante n'aurait en conséquence pas collaboré autant qu'elle le pouvait à l'administration des preuves, en alléguant les besoins, et les moyens de preuve y relatifs, que le fonds grevé devrait supporter dans les limites de l'inscription et du but initial de la servitude. L'intimé soutient enfin que ce serait sans arbitraire que le témoignage du fils de la recourante n'aurait pas été pris en considération, celle-ci n'ayant pas requis ce moyen de preuve avant la procédure probatoire.

3.2 L'arbitraire prohibé par l'art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1).

3.3 Selon l'art. 736 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
CC, le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant. D'après la jurisprudence, l'utilité pour le fonds dominant se définit par l'intérêt du propriétaire de ce fonds à exercer la servitude conformément à son objet et à son contenu. A cet égard, il faut tenir compte du principe de l'identité de la servitude qui veut qu'un tel droit ne peut être maintenu dans un autre but que celui pour lequel il a été constitué. Il convient ainsi de rechercher si l'usage de la servitude présente encore pour le propriétaire du fonds dominant, respectivement pour le titulaire de la servitude, un intérêt conforme à son but initial (ATF 130 III 554 consid. 2; 121 III 52 consid. 2a; 114 II 426 consid. 2a; arrêt 5C.126/2004 du 21 octobre 2004 consid. 2.2 publié in Revue du notariat et du registre foncier [RNRF] 2005 p. 307). Le défaut d'utilité lors de la demande de radiation ne conduit cependant pas dans tous les cas à la radiation. Il faut en effet tenir compte du fait que l'intérêt à un usage conforme au but initial de la servitude peut renaître dans un avenir prévisible (ATF 130 III 393 consid. 5.1 et les références citées; 89 II 370 consid. 3; arrêt 5C.126/2004
du 21 octobre 2004 consid. 2.5 publié in RNRF 2005 p. 307; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, t. II, 3e éd., 2002, n. 2268). Une possibilité purement théorique d'un changement futur de circonstances est insuffisante à justifier le maintien de l'inscription de la servitude; il faut au contraire que la renaissance de l'intérêt présente une certaine probabilité concrète (ATF 130 III 393 consid. 5.1 et les références; Peter Liver, Commentaire zurichois, 1968, n. 65 ad art. 736
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
CC).

Conformément à la règle générale de l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC, il incombe au propriétaire du fonds grevé, qui demande la libération judiciaire de la servitude parce qu'elle a perdu toute utilité pour le fonds dominant, de prouver les faits à l'appui de sa thèse (fait destructeur; cf. Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du Code civil in : Traité de droit civil suisse, tome II/I, 1969, p. 240). Il doit alléguer et prouver que le propriétaire du fonds dominant n'a plus d'intérêt à exercer la servitude, notamment parce qu'il ne peut plus le faire conformément au but initial qui a disparu. Comme le demandeur doit apporter la preuve d'un fait négatif - l'absence de tout intérêt -, réalisé en la personne de la partie défenderesse, les règles de la bonne foi (art. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
CC) obligent celle-ci à coopérer à la procédure probatoire (ATF 119 II 305 consid. 1b/aa; 106 II 29 consid. 2 et les arrêts cités; arrêt 5C.13/2007 du 2 août 2007 consid. 6.1 publié in SJ 2008 I p. 125). Cette obligation ne touche cependant pas au fardeau de la preuve et n'implique nullement un renversement de celui-ci (ATF 119 II 305 consid. 1b/aa; 106 II 29 consid. 2 et les arrêts cités; arrêt 5P.344/2003 du 8 janvier 2004 consid. 2.2.2; Heinz Hausheer/Manuel Jaun, Die
Einleitungsartikel des ZGB (Art. 1-10 ZGB), 2003, n. 56 ad art. 8, 9 et 10; Fabienne Hohl, Procédure civile, t. I, 2001, n. 1083; contra: Paul-Henri Steinauer, Le titre préliminaire du Code civil in : Traité de droit civil suisse, tome II/I, 2008, p. 269, n. 714, qui semble préférer le renversement du fardeau de la preuve).

3.4 En l'espèce, la cour cantonale a considéré que l'évocation des différentes affectations possibles de la parcelle no 3111 ne constituait pas une allégation suffisante, en tant que celles-ci n'étaient envisageables que dans l'abstrait. Se fondant sur l'art. 130 al. 2 CPC/FR, la Cour d'appel a aussi jugé que la recourante ne s'était pas prévalue en temps utile de ce que la servitude conserverait une utilité, en exposant concrètement de quelle utilité précise il s'agirait et que la simple indication - tardive - qu'une plantation du verger était prévue en automne 2008 ne constituait pas une allégation valable de l'utilité de la servitude dans un avenir prévisible. La demande de libération de la servitude devait en conséquence être admise.

Ce faisant, la cour cantonale a appliqué de manière arbitraire l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC ainsi que le fardeau de la preuve et de l'allégation dans le cadre de l'art. 736
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
CC, la jurisprudence ne mettant à la charge de la partie adverse - le bénéficiaire de la servitude - que le devoir de collaborer à l'administration des preuves et non la charge d'alléguer (fardeau de l'allégation objectif), selon les règles strictes - de temps et de forme - du droit cantonal (art. 130 CPC/FR: principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense), applicables à celui qui supporte le fardeau de la preuve. Bien que la recourante ne cite pas explicitement l'application arbitraire des règles sur le fardeau de la preuve et de l'allégation, on comprend toutefois qu'il s'agit bien de ce dont elle se plaint en affirmant s'être conformée à son devoir de collaboration d'un fait négatif. Partant, il y a lieu d'admettre le recours sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués par la recourante.

4.
Vu ce qui précède, le recours est admis. La cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle administre et apprécie les preuves quant à l'utilité que conserve la servitude en fonction de la transformation en verger. Les frais de la procédure, de même qu'une indemnité de dépens en faveur de la recourante, doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
et 68 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
LTF), qui a conclu au rejet du recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 23 juillet 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 5D_63/2009
Date : 23 juillet 2009
Publié : 17 août 2009
Source : Tribunal fédéral
Statut : Non publié
Domaine : Droits réels
Objet : libération d'une servitude de passage (art. 736 CC)


Répertoire des lois
CC: 2 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
8 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
736
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 736 - 1 Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
1    Le propriétaire grevé peut exiger la radiation d'une servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant.
2    Il peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant.
Cst: 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
LTF: 66 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
68 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
74 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
1    Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
a  15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer;
b  30 000 francs dans les autres cas.
2    Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable:
a  si la contestation soulève une question juridique de principe;
b  si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
c  s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
d  s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat;
e  s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets.
75 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 75 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
1    Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours, sauf si:
a  une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
b  un tribunal spécialisé dans les litiges de droit commercial statue en instance cantonale unique;
c  une action ayant une valeur litigieuse d'au moins 100 000 francs est déposée directement devant le tribunal supérieur avec l'accord de toutes les parties.
90 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure.
100 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
115 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 115 Qualité pour recourir - A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et
b  a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.
116 
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 116 Motifs de recours - Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.
117
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 117 Procédure de recours - Les art. 90 à 94, 99, 100, 102, 103, al. 1 et 3, 104, 106, al. 2, et 107 à 112 s'appliquent par analogie à la procédure du recours constitutionnel.
Répertoire ATF
106-II-29 • 114-II-426 • 119-II-305 • 121-II-49 • 121-III-52 • 129-I-173 • 130-III-393 • 130-III-554 • 131-I-217 • 132-I-13 • 89-II-370
Weitere Urteile ab 2000
5C.126/2004 • 5C.13/2007 • 5D_63/2009 • 5P.344/2003
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • fonds dominant • droit civil • administration des preuves • fardeau de la preuve • recours constitutionnel • futur • tribunal cantonal • quant • dernière instance • libération judiciaire d'une servitude • devoir de collaborer • calcul • tennis • registre foncier • droit cantonal • aa • moyen de preuve • titre préliminaire • examinateur
... Les montrer tous
RNFR
86/2005 S.307
SJ
2008 I S.125