Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B 421/2012
Arrêt du 19 juin 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________ et C.________ SA,
représentés par Me Serge Patek, avocat,
intimés,
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
Objet
procédure pénale; ordonnance de suspension de l'instruction,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
de recours, du 14 juin 2012.
Faits:
A.
Le 14 décembre 2011, A.________ a déposé plainte pénale contre son employeur C.________ SA et l'administrateur de celui-ci, B.________, pour escroquerie, faux dans les titres, tentative de contrainte et calomnie. Après son licenciement pour le 30 septembre 2011, le plaignant avait fait valoir, par voie de poursuite puis auprès du Tribunal des Prud'hommes, une prétention de salaire de 27'725.75 fr. Son employeur avait excipé de compensation, invoquant diverses malversations, et avait lui aussi intenté une poursuite. Le plaignant estimait que la notification d'un commandement de payer (portant sur un montant fictif) relevait de la contrainte; il reprochait en outre à son ancien employeur d'avoir répandu des propos calomnieux dans son milieu professionnel.
B.
Par ordonnance du 15 avril 2012, le Ministère public du canton de Genève a décidé de suspendre la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure prud'hommale, considérant que le résultat de cette dernière pouvait influer la procédure pénale.
Par arrêt du 14 juin 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision. Le sort de la plainte pénale dépendait en grande partie, si ce n'est exclusivement, du bien fondé des prétentions civiles respectives. La procédure civile était déjà bien entamée et les actes d'enquête effectués dans ce cadre permettraient de simplifier l'instruction pénale.
C.
A.________, agissant en personne, forme un recours en matière pénale par lequel il demande l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle ordonne la reprise de l'instruction. Il a requis, par la suite, l'assistance judiciaire.
La Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt, sans observations. Le Ministère public et les intimés concluent au rejet du recours. Le recourant a répliqué.
Considérant en droit:
1.
L'arrêt attaqué, qui confirme la suspension d'une procédure pénale, est une décision rendue en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 78 Principe - 1 Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. |
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1 | Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. |
2 | Sont également sujettes au recours en matière pénale: |
a | les décisions sur les prétentions civiles qui doivent être jugées en même temps que la cause pénale; |
b | les décisions sur l'exécution de peines et de mesures. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 80 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.49 |
|
1 | Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.49 |
2 | Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours. Sont exceptés les cas dans lesquels le code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP)50 prévoit un tribunal des mesures de contrainte ou un autre tribunal comme instance cantonale unique.51 |
1.1. Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
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1 | A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et |
b | a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier: |
b1 | l'accusé, |
b2 | le représentant légal de l'accusé, |
b3 | le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée, |
b4 | ... |
b5 | la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles, |
b6 | le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte, |
b7 | le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif56. |
2 | Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.57 |
3 | La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions. |
1.2. L'arrêt attaqué, qui confirme la suspension de la procédure pénale, ne met pas fin à la procédure. Il s'agit d'une décision incidente qui n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 92
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 92 Décisions préjudicielles et incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation - 1 Les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours. |
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1 | Les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours. |
2 | Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
1.3. En réplique, le recourant prend une série de conclusions (annulation d'une poursuite et indemnisation pour poursuite abusive) qui n'ont rien à voir avec l'objet du litige, lequel est limité à la décision attaquée. Ces conclusions, nouvelles, sont irrecevables (art. 99 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
Sous cette dernière réserve, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant estime que l'objet des procédures civile et pénale ne se recoupent que très partiellement, de sorte qu'une suspension ne se justifierait pas. Il y aurait en outre un risque de prescription de l'action pénale en ce qui concerne les délits contre l'honneur. Le recourant invoque enfin le principe de célérité.
2.1. A teneur de l'art. 314 al. 1 let. b
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 314 Suspension - 1 Le ministère public peut suspendre une instruction, notamment: |
|
1 | Le ministère public peut suspendre une instruction, notamment: |
a | lorsque l'auteur ou son lieu de séjour est inconnu ou qu'il existe des empêchements momentanés de procéder; |
b | lorsque l'issue de la procédure pénale dépend d'un autre procès dont il paraît indiqué d'attendre la fin; |
c | lorsque l'affaire fait l'objet d'une procédure de conciliation dont il paraît indiqué d'attendre la fin; |
d | lorsqu'une décision dépend de l'évolution future des conséquences de l'infraction. |
2 | Dans le cas visé à l'al. 1, let. c, la suspension est limitée à trois mois; elle peut être prolongée une seule fois de trois mois. |
3 | Avant de décider la suspension, le ministère public administre les preuves dont il est à craindre qu'elles disparaissent. Lorsque l'auteur ou son lieu de séjour est inconnu, il met en oeuvre les recherches. |
4 | Le ministère public communique sa décision de suspendre la procédure au prévenu à la partie plaignante et à la victime. |
5 | Au surplus, la procédure est régie par les dispositions applicables au classement. |
Cette disposition est potestative et les motifs de suspension ne sont pas exhaustifs. Le ministère public dispose dès lors d'un certain pouvoir d'appréciation lui permettant de choisir la mesure la plus opportune. La suspension de la procédure pénale au motif qu'un autre procès est pendant ne se justifie toutefois que si le résultat de l'autre procédure peut véritablement jouer un rôle pour le résultat de la procédure pénale suspendue et que s'il simplifiera de manière significative l'administration des preuves dans cette même procédure ( Pierre Cornu, in Commentaire romand CPP, n° 13 ad art. 314; arrêt 1B 721/2011 du 7 mars 2012 consid. 3.1).
2.2. En l'espèce, la juridiction civile n'a certes pas à se prononcer directement sur les accusations relevant de la calomnie, de l'escroquerie ou du faux dans les titres. Elle sera toutefois appelée à juger du bien fondé des créances respectives, soit d'une part les prétentions du recourant en paiement du salaire et, d'autre part, les prétentions des intimés en relations avec les malversations dont ceux-ci se plaignent. Le juge civil devra ainsi procéder à l'établissement de faits (existence de malversations, véracité des déclarations des intimés, exactitude des écritures présentées) dont l'utilité au pénal est manifeste. Les conditions de l'art. 314 al. 1 let. b
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 314 Suspension - 1 Le ministère public peut suspendre une instruction, notamment: |
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1 | Le ministère public peut suspendre une instruction, notamment: |
a | lorsque l'auteur ou son lieu de séjour est inconnu ou qu'il existe des empêchements momentanés de procéder; |
b | lorsque l'issue de la procédure pénale dépend d'un autre procès dont il paraît indiqué d'attendre la fin; |
c | lorsque l'affaire fait l'objet d'une procédure de conciliation dont il paraît indiqué d'attendre la fin; |
d | lorsqu'une décision dépend de l'évolution future des conséquences de l'infraction. |
2 | Dans le cas visé à l'al. 1, let. c, la suspension est limitée à trois mois; elle peut être prolongée une seule fois de trois mois. |
3 | Avant de décider la suspension, le ministère public administre les preuves dont il est à craindre qu'elles disparaissent. Lorsque l'auteur ou son lieu de séjour est inconnu, il met en oeuvre les recherches. |
4 | Le ministère public communique sa décision de suspendre la procédure au prévenu à la partie plaignante et à la victime. |
5 | Au surplus, la procédure est régie par les dispositions applicables au classement. |
2.3. Le recourant invoque par ailleurs le risque de prescription - notamment pour les délits contre l'honneur -, ainsi que le principe de célérité. Il estime que la durée de la procédure civile serait impossible à évaluer, compte tenu de la complexité des faits et des prétentions.
Le principe de la célérité qui découle de l'art. 29 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 5 Célérité - 1 Les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. |
|
1 | Les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. |
2 | Lorsqu'un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité. |
La décision de suspension repose, comme on l'a vu, sur des motifs objectifs suffisants. Au moment du prononcé de l'arrêt attaqué, la procédure prud'hommale était déjà, selon la cour cantonale, "bien entamée" puisque la réponse écrite à la demande avait déjà été déposée, de sorte que l'instruction - notamment les auditions de témoins - allait commencer. Rien ne permet de redouter que la procédure civile ne puisse se poursuivre et s'achever dans des délais raisonnables. Si un risque de prescription devait exister pour certains délits, le Procureur pourrait alors être amené à reprendre la procédure pénale. Quant au risque d'intimidation de témoins en procédure civile, il ne s'agit que de spéculations de la part du recourant.
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire; les explications fournies sur ce point paraissent suffisantes pour donner suite à cette demande. Le recourant ayant procédé sans l'aide d'un mandataire professionnel, l'assistance judiciaire se limitera à une dispense des frais judiciaires. En revanche, le recourant qui succombe est tenu de verser une indemnité à titre de dépens aux intimés, lesquels obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise en ce sens qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de dépens de 1'500 fr., est allouée aux intimés, à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 19 juin 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz