Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1P.57/2006 /col

Arrêt du 14 février 2006
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6, 1014 Lausanne,
Ministère public du canton de Vaud,
case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

Objet
refus de mise en liberté provisoire,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 22 décembre 2005.

Faits:
A.
A.________, ressortissant italien né en 1969, se trouve en détention préventive dans le canton de Vaud depuis le 20 juin 2005, sous l'inculpation de meurtre. Il lui est reproché d'avoir tué son compagnon au cours d'une dispute, en le frappant à la gorge avec un couteau éplucheur. Le prévenu conteste avoir agi intentionnellement.
Une première demande de mise en liberté a été présentée le 23 août 2005 au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, qui l'a rejetée le 25 août suivant: les charges étaient suffisantes, le prévenu étant apparu comme un homme violent tant auprès de la victime que de tiers. Une expertise psychiatrique était en cours afin d'évaluer le risque de récidive. Le prévenu, au bénéfice d'un permis d'établissement, n'avait que des attaches relatives avec la Suisse.
Par arrêt du 20 septembre 2005, le Tribunal d'accusation vaudois a confirmé cette décision; le prévenu avait séjourné dix-huit mois en Thaïlande, alors qu'il avait une fille née en suisse en 1995; il n'avait plus de relations avec son ancienne amie et sa situation en Suisse était précaire puisqu'il était sans revenus, à la charge de l'assurance-invalidité et avec 40'000 fr. de dettes. Le risque de récidive a également été confirmé.
B.
Par ordonnance du 30 novembre 2005, le Juge d'instruction a rejeté une nouvelle demande de mise en liberté. Selon l'expertise psychiatrique du 24 octobre 2005 (dont le juge avait refusé un complément le 11 novembre 2005), le prévenu présentait un caractère impulsif avec une tendance à réagir brusquement et un seuil de tolérance à la frustration très bas. Le risque de fuite était réaffirmé.
Par arrêts du 22 décembre 2005, le Tribunal d'accusation a rejeté le recours tendant à une nouvelle expertise psychiatrique, ainsi que le recours dirigé contre le refus de mise en liberté.
C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler ce dernier arrêt et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal d'accusation et le Ministère public se réfèrent aux considérants de l'arrêt attaqué.
Par arrêt du 31 janvier 2006, la Cour de céans a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre le refus d'ordonner une nouvelle expertise, en raison du caractère incident d'une telle décision et de l'absence de préjudice irréparable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué qui autorise la prolongation de sa détention préventive (art. 88 OJ). Compte tenu du pouvoir de décision du Tribunal fédéral en matière de détention préventive, la conclusion tendant à la mise en liberté immédiate du recourant est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).
2.
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes. Il soutient que le coup de couteau, donné au cours d'une dispute, n'était pas volontaire, et qu'il n'existerait aucun mobile pour un acte intentionnel. Les soupçons ne reposeraient sur aucun élément concret. Les témoignages le décrivant comme violent ne seraient pas déterminants; l'ensemble des autres témoignages permettrait d'écarter l'hypothèse du meurtre.
2.1 L'intensité des charges susceptibles de justifier un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (arrêt non publié F. du 27 novembre 1991, non reproduit sur ce point in SJ 1992, 191).
2.2 Cela étant, le recourant confond manifestement les conditions de maintien en détention préventive, soit l'existence d'indices suffisants de culpabilité (art. 5
IR 0.101 Konvention vom 4. November 1950 zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten (EMRK)
EMRK Art. 5 Recht auf Freiheit und Sicherheit - (1) Jede Person hat das Recht auf Freiheit und Sicherheit. Die Freiheit darf nur in den folgenden Fällen und nur auf die gesetzlich vorgeschriebene Weise entzogen werden:
a  rechtmässiger Freiheitsentzug nach Verurteilung durch ein zuständiges Gericht;
b  rechtmässige Festnahme oder rechtmässiger Freiheitsentzug wegen Nichtbefolgung einer rechtmässigen gerichtlichen Anordnung oder zur Erzwingung der Erfüllung einer gesetzlichen Verpflichtung;
c  rechtmässige Festnahme oder rechtmässiger Freiheitsentzug zur Vorführung vor die zuständige Gerichtsbehörde, wenn hinreichender Verdacht besteht, dass die betreffende Person eine Straftat begangen hat, oder wenn begründeter Anlass zu der Annahme besteht, dass es notwendig ist, sie an der Begehung einer Straftat oder an der Flucht nach Begehung einer solchen zu hindern;
d  rechtmässiger Freiheitsentzug bei Minderjährigen zum Zweck überwachter Erziehung oder zur Vorführung vor die zuständige Behörde;
e  rechtmässiger Freiheitsentzug mit dem Ziel, eine Verbreitung ansteckender Krankheiten zu verhindern, sowie bei psychisch Kranken, Alkohol- oder Rauschgiftsüchtigen und Landstreichern;
f  rechtmässige Festnahme oder rechtmässiger Freiheitsentzug zur Verhinderung der unerlaubten Einreise sowie bei Personen, gegen die ein Ausweisungs- oder Auslieferungsverfahren im Gange ist.
par. 1 let. c CEDH), et les conditions auxquelles une condamnation peut être prononcée, soit l'absence de doutes sérieux quant à la culpabilité de l'accusé. S'agissant de la détention préventive, les charges recueillies contre le recourant sont suffisantes. Il n'est pas contesté que le recourant est l'auteur du coup ayant entraîné la mort de la victime. Seule la question de l'intention est litigieuse. En dépit des dénégations du recourant, la thèse de l'homicide volontaire demeure plausible: les faits ont été commis au cours d'une dispute, et le recourant a été décrit comme une personne violente. Selon un témoin, la victime avait déjà révélé avoir été agressée au couteau par le recourant, au cours d'une dispute en été 2004. La mère de la fille du recourant a également déclaré avoir été battue et menacée par celui-ci. A ce stade de l'enquête, les charges apparaissent suffisantes.
3.
Le recourant conteste le risque de récidive. Rien ne permettrait de craindre une répétition d'un acte unique. Selon les experts, en raison du trouble de la personnalité et de la consommation de substances psychotropes, le recourant resterait exposé à commettre "de nouveaux actes punissables". Les experts n'évoquent toutefois pas la commission d'un acte aussi grave que celui pour lequel il est poursuivi. L'autorité d'instruction aurait également omis de tenir compte de l'entourage du recourant, susceptible de l'encadrer à sa sortie de prison.
3.1 Le maintien en détention préventive n'est admissible que si le pronostic de récidive est très défavorable. La simple possibilité, hypothétique, de commission de nouvelles infractions de même nature, ou la vraisemblance que soient commises des infractions mineures, sont des motifs insuffisants (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62). Autant que possible, l'autorité doit tenter de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 123 I 268 consid. 2c et e p. 270/271 et les arrêts cités).
3.2 En l'occurrence, l'expertise relève un seuil de tolérance à la frustration très bas, un contrôle pulsionnel pauvre avec recherche de jouissance immédiate et facile, ainsi qu'une affectivité immature et égocentrique. On ne saurait certes redouter la réitération d'un acte commis envers une personne et dans des circonstances tout à fait particulières. Toutefois, le rapport d'expertise - nullement contesté par le recourant sur ce point, ce qui rend sans objet les objections relatives au refus d'expertise complémentaire - fait clairement ressortir un manque de contrôle pulsionnel et une tolérance très basse aux frustrations, associés à une consommation régulière de drogues et d'alcool, ce dernier abaissant encore les inhibitions et le contrôle pulsionnel. Ces éléments sont susceptibles à tout le moins de faire craindre des actes de violence contre des personnes. Les experts préconisent de soumettre le recourant à des mesures propres à lui rappeler la légalité et à le confronter à la réalité, ainsi qu'une psychothérapie. Cela devrait toutefois procéder d'une motivation et d'une démarche personnelle du recourant, conditions qui feraient défaut actuellement. De ce point de vue, il n'apparaît pas possible, pour l'heure, de substituer à
la détention une mesure moins contraignante. Le risque de récidive peut par conséquent être retenu.
4.
Le risque de fuite ne peut, lui non plus, être contesté.
4.1 Selon la jurisprudence, ce risque ne peut s'apprécier sur la seule base de la gravité de l'infraction même si, compte tenu de l'ensemble des circonstances, la perspective d'une longue peine privative de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger (ATF 117 Ia 69 consid. 4 et les arrêts cités).
4.2 La cour cantonale a retenu que le recourant, de nationalité italienne, n'avait aucune attache avec la Suisse, qu'il avait vécu dix-huit mois en Thaïlande en 1999-2000, qu'il n'avait plus de relation avec son ancienne amie, ni avec sa propre fille née en 1995 et que sa situation en Suisse était précaire.
Le recourant relève qu'il est né en Suisse et que toute sa famille se trouve en Valais. Il n'aurait plus de lien avec son ami en Thaïlande et se battrait pour voir sa fille. Sa situation financière ne lui permettrait pas de se rendre à l'étranger, et une fuite serait à considérer comme un aveu. Le recourant se dit prêt à se soumettre à des mesures de contrôle, voire au paiement d'une caution.
4.3 L'expertise psychiatrique fait état d'une importante instabilité affective, sexuelle, professionnelle et familiale. Le recourant argue de ses liens avec sa fille, mais force est de constater que, quelles qu'en soient les raisons, il n'a jusqu'à présent entretenu aucune relation personnelle avec celle-ci. A cela s'ajoute ses voyages vers l'étranger (Thaïlande et, en dernier lieu, Miami), en dépit d'une situation financière déjà mauvaise. Il est dès lors à craindre que le recourant ne puisse profiter d'une mise en liberté pour se soustraire aux graves accusations qui pèsent contre lui. Le recourant propose des mesures de substitution. Il n'a toutefois pas soulevé cet argument en instance cantonale. Dans la mesure où l'arrêt cantonal est muet à ce propos, le grief est nouveau et, partant, irrecevable (art. 86 al. 1 OJ).
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant peut se voir accorder l'assistance judiciaire, dont les conditions paraissent réunies. Me Morard est désigné comme avocat d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Dominique Morard est désigné comme avocat d'office du recourant, et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, au Ministère public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 14 février 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier:
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 1P.57/2006
Date : 14. Februar 2006
Publié : 22. Februar 2006
Source : Bundesgericht
Statut : Unpubliziert
Domaine : Strafprozess
Objet : refus de mise en liberté provisoire


Répertoire des lois
CEDH: 5
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 5 Droit à la liberté et à la sûreté - 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
1    Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
a  s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;
b  s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;
c  s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;
d  s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l'autorité compétente;
e  s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;
f  s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.
2    Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
3    Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au par. 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience.
4    Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
5    Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.
OJ: 86  88
Répertoire ATF
117-IA-69 • 123-I-268 • 124-I-327 • 125-I-60
Weitere Urteile ab 2000
1P.57/2006
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • lausanne • risque de récidive • vaud • expertise psychiatrique • recours de droit public • amiante • assistance judiciaire • risque de fuite • mois • avocat d'office • vue • greffier • situation financière • droit public • 1995 • tribunal cantonal • décision • relations personnelles • calcul
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