Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B 623/2020
Arrêt du 11 mars 2021
Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et van de Graaf.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Daniel Zappelli, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
2. B.________,
3. C.________ Ltd,
tous les deux représentés par
Me Guerric Canonica, avocat,
intimés.
Objet
Faux dans les titres, escroquerie par métier, arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 30 mars 2020
(AARP/133/2020 (P/7043/2012)).
Faits :
A.
Par jugement du 3 avril 2019, dont les motifs ont été notifiés le 14 juin 2019, le Tribunal de police du canton de Genève a reconnu A.________ coupable de faux dans les titres et d'escroquerie par métier et l'a condamnée à une peine privative de liberté de 18 mois avec sursis et délai d'épreuve de quatre ans, ainsi qu'à verser 283'931 fr. 80 avec intérêts à 5 % dès le 24 septembre 2008 à B.________ et 13'780 fr. avec intérêts à 5 % dès le 3 novembre 2008 à C.________ Ltd, à titre de réparation de leur dommage. En outre, il a prononcé à l'encontre de A.________ et en faveur de l'État de Genève une créance compensatrice de 297'711 fr. 80, qu'il a allouée à B.________ et C.________ Ltd, à concurrence de 283'931 fr. 80 et respectivement de 13'780 francs.
B.
Par arrêt du 30 mars 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel principal formé par A.________ et admis les appels joints de B.________ et C.________ Ltd. Elle a réformé le jugement attaqué en ce sens qu'elle a prononcé en faveur de l'État de Genève deux créances compensatrices, l'une de 283'931 fr. 80 avec intérêts à 5 % dès le 24 septembre 2008 et la seconde de 13'780 fr. avec intérêts dès le 3 novembre 2008 et les a allouées à B.________ et à C.________ Ltd.
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
B.a. A.________ a été engagée le 26 août 2002 par B.________ en qualité de secrétaire pour la société D.________, exploitant à l'époque le Restaurant E.________. A partir du 1er janvier 2004, elle a travaillé comme assistante de B.________, dans le domaine du conseil financier et fiscal, puis, à compter du 1er juin 2008 pour la société F.________ SA, dont le précité est l'administrateur.
B.b. Il est reproché à A.________ d'avoir assuré le paiement de factures personnelles par le débit du compte de B.________ et de celui de la société C.________ Ltd en procédant de diverses manières, à savoir notamment:
- en " noyant " ses propres factures dans celles de la société avant d'établir des ordres de paiement multi (ci-après: OPM) qu'elle remettait à B.________ pour signature, en veillant à les faire passer pour des factures de la société, notamment par le biais d'annotations;
- en modifiant, après signature par B.________, le nombre des bulletins de versement joints et/ou le montant total des OPM, de manière à pouvoir y inclure des factures lui appartenant, soit par le biais d'ajouts, soit en remplacement de factures de la société (ce qui était d'autant plus facile qu'elle était libre d'indiquer le montant de son choix sur une grande partie de ses BVR);
- en imitant la signature de B.________ sur des OPM établis par ses soins et contenant exclusivement des factures lui appartenant.
C.
Contre ce dernier arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En substance, elle conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'elle est acquittée de tous les chefs d'accusation et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.
La cour cantonale a renoncé à se déterminer. Le ministère public et les intimés ont déposé des observations, concluant au rejet du recours. La recourante a répliqué.
Considérant en droit :
1.
La recourante dénonce la violation du principe de l'accusation. Elle reproche à la cour cantonale de s'être écartée de l'acte d'accusation, en retenant qu'elle avait modifié le nombre des bulletins de versement et/ou le montant total des OPM, notamment en remplaçant des factures de la société par des factures lui appartenant.
1.1. L'art. 9
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 9 Maxime d'accusation - 1 Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. |
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1 | Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. |
2 | Sont réservées la procédure de l'ordonnance pénale et la procédure pénale en matière de contraventions. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 350 Latitude dans l'appréciation de l'accusation; fondements du jugement - 1 Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation mais non par l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public. |
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1 | Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation mais non par l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public. |
2 | Il prend en compte les preuves administrées durant la procédure préliminaire et lors des débats. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 344 Appréciation juridique divergente - Lorsque le tribunal entend s'écarter de l'appréciation juridique que porte le ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, il en informe les parties présentes et les invite à se prononcer. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
Les art. 324 ss
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 324 Principes - 1 Le ministère public engage l'accusation devant le tribunal compétent lorsqu'il considère que les soupçons établis sur la base de l'instruction sont suffisants et qu'une ordonnance pénale ne peut être rendue. |
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1 | Le ministère public engage l'accusation devant le tribunal compétent lorsqu'il considère que les soupçons établis sur la base de l'instruction sont suffisants et qu'une ordonnance pénale ne peut être rendue. |
2 | L'acte d'accusation n'est pas sujet à recours. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 325 Contenu de l'acte d'accusation - 1 L'acte d'accusation désigne: |
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1 | L'acte d'accusation désigne: |
a | le lieu et la date de son établissement; |
b | le ministère public qui en est l'auteur; |
c | le tribunal auquel il s'adresse; |
d | les noms du prévenu et de son défenseur; |
e | le nom du lésé; |
f | le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur; |
g | les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. |
2 | Le ministère public peut présenter un acte d'accusation alternatif ou, pour le cas où ses conclusions principales seraient rejetées, un acte d'accusation subsidiaire. |
1.2. L'acte d'accusation alternatif du 1er avril 2019 retient, sous B.I.a, ce qui suit:
" Aux dates et occurrences décrites ci-dessous, A.________, après avoir fait signer l'ordre de paiement multi à B.________:
- a annexé des bulletins de versement complémentaires qu'il n'appartenait pas à B.________ ou à C.________ Ltd d'honorer;
- a modifié manuellement l'ordre de paiement multi, en particulier le chiffre indiqué sous le " nombre de bulletins joints " et le montant total mentionné;
- a adressé à la banque les documents modifiés en vue d'exécution (...) ".
1.3. La cour cantonale a retenu que la recourante avait modifié, après signature par l'intimé, le nombre des bulletins de versement et/ou le montant total des OPM, de manière à pouvoir y inclure des factures lui appartenant, soit par le biais d'ajouts, soit en remplacement de factures de la société (ce qui était d'autant plus facile qu'elle était libre d'indiquer le montant de son choix sur une grande partie de ses BVR) (arrêt attaqué p. 3, 28). Le fait de remplacer des bulletins par des autres constitue un mode de procéder nouveau, qui n'est pas décrit par l'acte d'accusation. L'acte d'accusation ne parle en effet que d'ajout de bulletins supplémentaires. La recourante n'a pas eu l'occasion de s'exprimer sur ce nouveau mode de procéder. Elle n'a notamment pas pu faire valoir, comme elle le fait dans son mémoire au Tribunal fédéral, que les bulletins remplacés et donc impayés auraient dû faire l'objet de rappels, ce qui aurait dû alerter l'intimé, qui aurait dû se rendre compte des transactions litigieuses. Cette question n'a pas été examinée lors de l'instruction, et la cour cantonale ne donne aucune explication. En retenant que la recourante avait remplacé des factures, la cour cantonale a donc condamné la recourante pour des
actes n'ayant pas été décrits dans l'acte d'accusation et n'ayant fait l'objet d'aucune instruction, de sorte qu'elle a violé le principe de l'accusation. Le recours doit donc être admis pour ce motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué doit être annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement.
La recourante qui obtient gain de cause ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
|
1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
2.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge des intimés B.________ et C.________ Ltd., solidairement entre eux.
3.
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise pour moitié à la charge du canton de Genève et pour moitié à la charge des intimés B.________ et C.________ Ltd., solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 11 mars 2021
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Kistler Vianin