Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B 279/2014
Arrêt du 3 novembre 2014
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Martin Brechbühl, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
Assistance judiciaire,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 7 juillet 2014.
Faits :
A.
A.a. Par ordonnance pénale du 23 octobre 2013, le Ministère public du canton de Vaud a condamné A.________ à une peine privative de liberté ferme de trente jours pour infraction et contravention à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121). Le Procureur a en outre renoncé à révoquer le sursis accordé le 17 avril 2012 à la condamnation de l'intéressé pour diffamation et injure (peine pécuniaire de 40 jours-amende). A.________, non assisté par un mandataire professionnel, a fait opposition à cette décision. Celle-ci a été maintenue par le Ministère public et le dossier a été transmis au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne.
A.b. Le 11 novembre 2013, le Président du Tribunal de police a rejeté la demande d'assistance judiciaire formée par le prévenu. Par arrêt du 6 décembre suivant, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours intenté par A.________, estimant que le prononcé refusant la désignation d'un défenseur d'office rendu par la direction de la procédure de première instance ne pouvait être attaqué qu'avec la décision finale.
Après avoir désigné un avocat d'office au prévenu (cf. l'ordonnance du 27 janvier 2014 [cause 1B 37/2014]), le Tribunal fédéral a admis le recours intenté par A.________ contre le jugement susmentionné. Il a retenu que la décision refusant la nomination d'un avocat d'office préalablement aux débats pouvait causer un préjudice irréparable au prévenu, à qui, en conséquence, une voie de droit devait être ouverte (arrêt 1B 37/2014 du 10 juin 2014). La cause a été renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
B.
Par arrêt du 7 juillet 2014, la Chambre des recours pénale a confirmé la décision de refus d'octroi de l'assistance judiciaire rendue le 11 novembre 2013. Les juges cantonaux ont considéré que A.________, en raison de la curatelle générale instituée en sa faveur, ne se trouvait pas dans un cas de défense obligatoire. Ils ont ensuite estimé que la cause ne présentait pas des difficultés de fait ou de droit qui justifieraient la désignation d'un avocat d'office, l'intéressé pouvant, cas échéant, solliciter l'assistance de son représentant légal. Se référant à la peine retenue dans l'ordonnance pénale, ils ont relevé que A.________ n'était en outre pas exposé à une peine privative de liberté de plus de quatre mois.
C.
Par courrier du 4 août 2014, A.________ forme recours contre cette décision, requérant la nomination d'un avocat d'office. Le 15 septembre suivant, il complète son recours, concluant à la réforme du jugement cantonal en ce sens qu'un défenseur d'office lui soit désigné pour la procédure d'opposition à l'ordonnance pénale du Ministère public. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
La cour cantonale a renoncé à se déterminer et le Ministère public n'a pas fait parvenir d'observation.
Par ordonnance du 27 août 2014, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'assistance judiciaire et a désigné Me Martin Brechbühl en qualité d'avocat d'office du recourant pour la procédure fédérale.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire gratuite est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office est susceptible de causer au prévenu un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338). La qualité pour recourir doit également être reconnue au recourant qui a un intérêt juridique à l'annulation de la décision attaquée qui confirme le refus de lui désigner un avocat d'office pour la procédure pénale ouverte à son encontre (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF).
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant reproche à l'autorité précédente une violation de l'art. 130 let. c CPP. Se référant au certificat médical du 15 août 2013, il soutient ne pas disposer des ressources personnelles nécessaires pour assurer sa défense devant le Tribunal de police, alléguant notamment se trouver dans une situation de fragilité et d'épuisement psychique. Le recourant ne conteste pas bénéficier d'une mesure de curatelle. Il prétend en revanche qu'en raison des relations extrêmement conflictuelles entretenues jusqu'alors avec ses différents représentants légaux, son curateur actuel ne serait pas en mesure de le défendre valablement.
2.1. Selon l'art. 130 let. c CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne peut suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et si ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire.
2.1.1. Selon la jurisprudence, la question de la capacité de procéder doit être examinée d'office. Cependant, des indices de limitation ou d'absence d'une telle capacité doivent exister pour qu'il puisse être attendu de l'autorité qu'elle obtienne des éclaircissements à ce sujet. Une incapacité de procéder n'est ainsi reconnue que très exceptionnellement, soit en particulier lorsque le prévenu se trouve dans l'incapacité de suivre la procédure, de comprendre les accusations portées à son encontre et/ou de prendre raisonnablement position à cet égard (arrêt 1B 332/2012 du 15 août 2012 consid. 2.4).
Dans la doctrine, l'hypothèse prévue à l'art. 130 let. c CPP est notamment réalisée lorsque le prévenu n'est plus à même d'assurer, intellectuellement ou physiquement, sa participation à la procédure, à l'image des cas visés par l'art. 114 al. 2 et 3 CPP ( MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, 2013, n° 15 ad art. 130 CPP). A titre d'incapacités personnelles, il peut s'agir de dépendances à l'alcool, aux stupéfiants, à des médicaments susceptibles d'altérer les capacités psychiques ( MOREILLON/PAREIN-REYMON d, op. cit., n° 16 ad art. 130 CPP), ainsi que de troubles mentaux sévères ou même légers ( NIKLAUS SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung (StPO), 2013 n° 9 ad art. 130 CPP; HARARI/ALIBERTI, in Commentaire romand CPP, 2011, n° 30 ad art. 130 CPP). En ce qui concerne plus particulièrement les empêchements psychiques, cela ne suppose pas que le prévenu souffre nécessairement de troubles d'ordre psychiatrique: il suffit qu'il puisse être établi qu'il ne saisit pas ou plus les enjeux auxquels il est confronté dans la procédure pénale ( MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 17 ad art. 130 CPP; NIKLAUS RUCKSTUHL, in Basler Kommentar StPO, 2011, n° 30 ad art. 130 CPP). La direction de la procédure
dispose d'une marge d'appréciation pour déterminer si le prévenu frappé d'une incapacité personnelle peut suffisamment se défendre ou non; au vu du but de protection visé par le cas de défense obligatoire, l'autorité devra cependant se prononcer en faveur de la désignation d'un défenseur d'office en cas de doute ou lorsqu'une expertise psychiatrique constate l'irresponsabilité du prévenu, respectivement une responsabilité restreinte de celui-ci ( HARARI/ALIBERTI, op. cit., n° 30 s. ad art. 130 CPP).
2.1.2. L'application de l'art. 130 let. c CPP suppose encore que le prévenu ne puisse être défendu par ses représentants légaux. Ainsi, il n'est en principe pas nécessaire de désigner un défenseur si le prévenu a un représentant légal et que celui-ci est apte à défendre ses intérêts (arrêt 6B 661/2011 du 7 février 2012 consid. 4.2.2). Tel est en principe le cas d'un avocat expérimenté ou d'un curateur professionnel ( VIKTOR LIEBER, in DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER (édit), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2 e éd. 2014, n° 22 ad art. 130 CPP).
2.2. En l'espèce, la Chambre des recours pénale a retenu que, si rien ne permettait de supposer que le recourant soit privé de discernement - pouvant ainsi en principe agir seul -, il suivait tout de même une psychothérapie depuis le 7 juin 2012 en raison d'une maladie psychique chronique. Une curatelle de portée générale avait d'ailleurs été instituée en sa faveur, type de mesure allant dans le sens d'une grande fragilité psychologique. Ce faisant, la cour cantonale ne remet pas en cause, à juste titre, la réalisation de la première condition posée par l'art. 130 let. c CPP (empêchement en raison d'un état psychique).
S'agissant en revanche de la seconde condition (représentant légal empêché de défendre les intérêts du prévenu), l'autorité précédente a estimé qu'elle n'était pas remplie. En effet, selon la Chambre des recours pénale, il n'existait aucun élément suggérant que le curateur du recourant ne serait pas en mesure de l'assister efficacement dans une affaire qui devait être qualifiée de simple.
Cette condition n'ayant jamais été abordée dans les décisions précédentes, il ne peut être reproché au recourant - alors non assisté - de n'avoir pas fait valoir ses arguments à ce propos antérieurement; il est d'ailleurs relevé que la seule décision rendue sur le fond, soit celle du 11 novembre 2013, n'examinait la question que sous l'angle d'une défense d'office au sens de l'art. 132 al. 1 let. b CPP. Il découle dès lors de la motivation retenue par la cour cantonale la nécessité pour le recourant de démontrer l'éventuelle incapacité du curateur à défendre valablement ses intérêts; dans la mesure où le courrier du 25 août 2014 - ultérieur au prononcé attaqué - tend à cette démonstration, il est recevable (art. 99 al. 1 LTF). Le recourant y prétend en substance avoir été abusé par ses représentants légaux, respectivement par l'Office du Tuteur général (actuellement Office des curatelles et tutelles professionnelles). Si une telle argumentation repose en l'état sur les seules allégations du recourant, elle n'est cependant pas nouvelle. En effet, les rapports potentiellement conflictuels avec ses curateurs ressortent d'autres pièces figurant au dossier. Ainsi, les médecins du Centre de psychothérapie des Toises ont fait état du
ressenti du recourant relatif à sa mise sous curatelle (empêchement d'entreprendre les démarches nécessaires pour que justice lui soit rendue [cf. l'attestation du 15 août 2013]). Quant au recourant, il a soulevé ses problèmes relationnels avec ses curateurs dès le dépôt de son opposition (cf. p. 2 de ladite pièce). Il y a fait à nouveau allusion notamment dans son courrier du 8 novembre 2013, mentionnant la procédure civile alléguée ouverte contre son tuteur, ainsi que contre le Tuteur général.
L'impression subjective du recourant quant à l'éventuelle incapacité de son curateur à défendre ses intérêts - ceux-ci pouvant d'ailleurs ne pas correspondre aux solutions auxquelles aspire le recourant - ne suffit en principe pas pour retenir, sans autre élément, que tel serait le cas. Toutefois, au vu des circonstances spécifiques du cas d'espèce (cf. en particulier, en sus des considérations précédentes, les différents changements de curateurs, la contestation dans la présente procédure de son ancienne condamnation et la remise en cause des faits en rapport avec la nouvelle infraction examinée), l'importance du possible conflit existant avec le représentant légal du recourant ne peut être ignorée; les divergences d'opinion ne semblent de plus pas limitées à la procédure pénale actuellement en cours.
Partant, le recourant se trouve dans une situation justifiant une défense obligatoire en vertu de l'art. 130 let. c CPP et un défenseur d'office doit lui être désigné (art. 132 al. 1 CPP).
3.
Il s'ensuit que le recours doit être admis. Le jugement cantonal du 7 juillet 2014 de la Chambre des recours pénale est annulé. L'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure relative à son opposition à l'ordonnance pénale du 23 octobre 2013. Me Martin Brechbühl lui est désigné en tant que défenseur d'office.
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure fédérale à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt du 7 juillet 2014 de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud est annulé. L'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure relative à son opposition à l'ordonnance pénale du 23 octobre 2013. Me Martin Brechbühl lui est désigné en tant que défenseur d'office.
2.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au mandataire du recourant à la charge du canton de Vaud.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central du canton de Vaud, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne.
Lausanne, le 3 novembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
La Greffière : Kropf