Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour V
E-6117/2010/wan
{T 0/2}
Arrêt du 2 septembre 2010
Composition
Maurice Brodard, juge unique,
avec l'approbation de Hans Schürch, juge ;
Edouard Iselin, greffier.
Parties
A._______, né le (...),
Erythrée,
représenté par le Service d'Aide Juridique
aux Exilé-e-s (SAJE),
(...),
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet
Asile (non-entrée en matière) et renvoi ; décision de l'ODM du 24 août 2010 / (...).
Vu
la demande d'asile déposée en Suisse par l'intéressé le 27 juillet 2010,
la décision du 24 août 2010, par laquelle l'ODM n'est pas entré en matière sur sa demande, a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure,
le recours interjeté auprès du Tribunal administratif fédéral (Tribunal), le 27 août 2010, contre cette décision, où il est conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l'ODM,
la demande d'assistance judiciaire partielle dont il est assorti,
et considérant
que, sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32




qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal administratif fédéral conformément à l'art. 33 let. d


qu'en cette matière, celui-ci statue de manière définitive (art. 83 let. d ch. 1

que l'intéressé a qualité pour recourir (art. 48 al. 1



que, saisie d'un recours contre une décision de non-entrée en matière, l'autorité de recours se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision ; qu'ainsi, des conclusions tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié et à l'octroi de l'asile ne sont pas recevables et, en cas d'admission dudit recours, le Tribunal ne peut qu'annuler la décision entreprise et renvoyer le dossier à l'autorité inférieure pour qu'elle rende une nouvelle décision (cf. ATAF 2007/8 consid. 2.1 p. 73 ; Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2004 n° 34 consid. 2.1 p. 240 s.),
que, dans le cas d'espèce, il y a lieu de déterminer si l'ODM était fondé à faire application de l'art. 32 al. 2 let. c

que cette obligation est violée lorsqu'un acte de procédure déterminé et prévu concrètement n'a pas pu être exécuté (cf. JICRA 2003 n° 21 consid. 3d p. 136, JICRA 2001 n° 19 consid. 4a p. 142, JICRA 2000 n° 8 consid. 5 p. 68 s., JICRA 1994 n° 15 consid. 6 p. 126 s.), comme, en particulier, la saisie des données biométriques du requérant (art. 8 al. 1 let. e

que, pour motiver la sanction de non-entrée en matière, la violation de l'obligation de collaborer ne doit pas être intentionnelle, mais simplement être imputable à faute (cf. JICRA 2003 n° 22 consid. 4a p. 142 s., JICRA 2000 n° 8 consid. 5a p. 68 s.),
que tel est le cas lorsque le comportement en cause (acte ou omission) ne peut raisonnablement se justifier au regard de l'âge, de la formation, du statut social et professionnel de l'intéressé (cf. ibidem ; Message du Conseil fédéral du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile, FF 1996 II 56 s.),
qu'en l'occurrence, l'ODM a reconnu que l'intéressé avait collaboré à chacune des tentatives de prise d'empreintes digitales (cf. p. 2 pt. I § 2 de la décision attaquée), tout en retenant que leur comparaison avec celles répertoriées dans l'unité centrale du système européen "Eurodac" était impossible, en raison de la mauvaise qualité ou de la destruction des lignes papillaires,
que cet office a ensuite relevé que le recourant avait reconnu avoir, pendant son séjour en Libye, tenté de brûler ses doigts pour empêcher les autorités italiennes de procéder à la prise de ses empreintes, tout en estimant qu'une blessure si minime ne saurait entraîner la destruction de ses lignes papillaires,
que, dans ces conditions, il a conclu que le recourant avait sciemment dissimulé ou détruit ses lignes papillaires, selon toute probabilité pour cacher un séjour - ou même le dépôt d'une demande d'asile - dans un pays européen appartenant à l'espace Schengen/Dublin afin d'éviter un éventuel transfert de Suisse vers dans le pays en question,
que toutefois, au vu du dossier et de ce qui précède, le Tribunal ignore toujours l'obstacle déterminant à la comparaison des empreintes lors des prises effectuées,
qu'en effet, l'ODM a considéré dans sa décision (cf. ci-dessus) que le comportement que l'intéressé dit avoir eu en Libye (cf. à ce sujet les questions 3 s. du procès-verbal [pv] du 18 août 2010) ne pouvait être la cause des problèmes rencontrés à cette occasion,
que l'ODM a aussi mis cette explication en doute lors de l'audition précitée, en se référant à une notice interne du 28 juillet 2010 (cf. pièce A 9 du dossier ODM),
que force est de constater que cet écrit est fort sommaire, que son auteur n'est pas identifiable et que sa fonction/spécialisation n'est pas précisée,
qu'en outre, l'explication donnée par l'intéressé lors de l'audition précitée (cf. question 10 du pv ; cf. aussi ch. 17 du mémoire de recours) semble avoir convaincu l'ODM, qui n'a pas fait mention de cette notice et de son contenu dans sa décision du 24 août 2010,
que, dans ces conditions, il n'est pas possible pour l'instant de retenir de manière sûre que l'échec de la saisie des empreintes digitales du recourant est consécutif à une cause qui lui est imputable,
qu'au vu de l'état actuel du dossier, le Tribunal ne peut se prononcer en toute connaissance de cause sur l'existence ou non d'une violation de l'obligation de collaboration de l'intéressé, au sens de l'art. 32 al. 2 let. c

que, cela dit, il appartient à l'ODM de prendre les mesures adéquates, afin de vérifier de manière objective l'origine de l'effacement, une simple référence à l'expérience générale de la vie n'étant pas suffisante au vu de la sévérité de la sanction procédurale encourue (non-entrée en matière),
que si besoin est, cet office pourra faire appel à une expertise ou, à tout le moins, prendre des renseignements auprès de spécialistes, aux fins d'établir si les altérations des lignes papillaires sont d'origine volontaire ou non, sachant que cet élément se révèle crucial pour l'issue de la procédure,
que, selon la maxime inquisitoriale, si l'autorité définit les faits pertinents, elle ne peut les tenir pour existants que s'ils ont été dûment prouvés,
que n'ayant pas agi de la sorte, dit office s'est placé dans la situation de transgresser l'art. 106 al. 1 let. b

qu'en conclusion, le recours doit être admis et la décision du 24 août 2010 annulée pour ce motif déjà (cf. cependant les considérants suivants),
qu'en outre, le Tribunal constate que la motivation de la décision n'est pas cohérente, en ce qui concerne les caractères licite, raisonnablement exigible et possible de l'exécution du renvoi,
que s'agissant de la licéité de cette mesure, l'ODM a examiné cette question seulement dans l'optique d'un renvoi dans l'Etat d'origine, qui au vu des allégations du recourant, serait l'Erythrée ; que la motivation relative au caractère raisonnablement exigible de l'exécution du renvoi se rapporte pour l'essentiel à l'Italie, et, dans une moindre mesure, à l'Erythrée ; que s'agissant enfin de la possibilité de cette mesure, cet office a retenu que l'intéressé devait prêter le "concours nécessaire à l'exécution du renvoi vers le pays européen où il a séjourné avant de déposer la présente demande d'asile",
qu'il appartiendra à l'ODM de motiver de manière plus cohérente sa nouvelle décision en ce qui concerne l'exécution du renvoi,
que la décision devant être cassée pour un autre motif, le Tribunal peut se dispenser de trancher si la motivation utilisée pour l'exécution du renvoi est adéquate s'agissant d'une personne se prétendant de nationalité érythréenne et disant s'être soustraite à ses obligations militaires et avoir quitté ensuite illégalement son Etat d'origine (cf. en particulier JICRA 2006 n° 3 p. 29 ss ; cf. aussi pts. 19 ss, spéc. 26 s. du mémoire de recours), éléments que l'ODM ne semble pas avoir mis en doute, au vu du dossier et des motifs à l'appui de sa décision,
qu'au vu de ce qui précède, la cause est renvoyée à l'autorité de première instance pour complément d'instruction (art. 61 al. 1

que le recours s'avérant manifestement fondé, il est rejeté dans une procédure à juge unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e

qu'il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt n'étant motivé que sommairement (art. 111a al. 1


que, vu l'issue de la cause, il n'est pas perçu de frais de procédure (art. 63 al. 1


que la demande d'assistance judiciaire partielle est dès lors sans objet,
que l'autorité de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (art. 64 al. 1

que, selon l'art. 14 al. 2

que le tarif horaire pour les mandataires professionnels n'exerçant pas la profession d'avocat est de 100 francs au moins et de 300 francs au plus, ce tarif s'entendant hors TVA (art. 10 al. 2

qu'en l'occurrence, en l'absence de décompte, le Tribunal, après examen du dossier, considère qu'il se justifie d'octroyer au recourant un montant de Fr. 650.- à titre de dépens,
le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis.
2.
La décision du 24 août 2010 est annulée et la cause renvoyée à l'ODM pour complément d'instruction et nouvelle décision dûment motivée, au sens des considérants.
3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
5.
Le montant de Fr. 650.- est alloué au recourant à titre de dépens, à charge de l'ODM.
6.
Le présent arrêt est adressé au mandataire du recourant, à l'ODM et à l'autorité cantonale compétente.
Le juge unique : Le greffier :
Maurice Brodard Edouard Iselin
Expédition :