S. 355 / Nr. 58 Zollsachen (f)

BGE 75 I 355

58. Arrêt du 23 décembre 1948 en la cause Stauffer contre Direction générale
des douanes.

Regeste:
Sûretés douanières (art. 123 LD).
1. Le délai pour recourir à la Direction générale des douanes contre une
réquisition de sûretés est de trente jours (art. 123 LD, 166 et 169 OJ).
Consid 1
2. Recours de droit administratif: Si la réquisition de sûretés se justifie
par d'autres faits que ceux qu'elle retient, le Tribunal fédéral peut tenir
compte de ces faits. Consid. 4.
3. Des sûretés douanières peuvent aussi être requises pour garantir le
paiement d'amendes. Consid. 2. -à n'importe quel stade de la procédure.
Consid. 3. La célation de biens (i. o. cession fictive) est un agissement
propre à compromettre la créance douanière. Consid. 5.
Sicherstellungsverfügung in Zollsachen.
1. Die Beschwerdefrist beträgt 30 Tage (Art. 123 ZG, 166 und 169 OG), Erw. 1.
2. Findet das Bundesgericht, die Sicherstellungsverfügung rechtfertige sich
aus einem andern Grunde als demjenigen, der m der Verfügung angegeben ist, so
kann es auf jenen andern Grund abstellen (Erw. 4.)
3. Die Sicherstellung kann-in jedem Stadium des Verfahrens- auch für Bussen
angeordnet werden. (Erw. 2 und 3.) Verheimlichung von Vermögenswerten (i. o.
fiktive Abtretung von Forderungen) ist eine Gefährdungshandlung im Sinne des
Gesetzes (Erw. 5).

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Misure di sicurezza doganali (art. 123 LD).
1. Il termine per ricorrere alla Direzione generale delle dogane contro la
domanda di garanzie è di trenta giorni (art. 123 LD, 166 e 169 OG). Consid. 1.
2. Ricorso di diritto amministrativo. Se la domanda di garanzie è giustificata
da fatti che non siano quelli da essa indicati il Tribunale federale può tener
conto di questi fatti. Consid. 1.
3. Garanzie doganali possono essere domandate anche per assi curare il
pagamento di multe, in qualsiasi stadio della procedura (consid. 2 e 3).
4. L'occultamento di beni (in concreto la cessione fittizia di erediti) è un
atto che compromette il credito a norma della legge (consid. 5).

Résumé des faits:
A. - Les autorités douanières ont ouvert une enquête contre Stauffer pour
participation à des exportations illicites d'or. Le 10 juin 1949, la Direction
du VIe arrondissement des douanes l'invita à fournir des sûretés pour une
somme de 225000 fr. Cette réquisition était motivée en ces termes: « danger de
fuite à l'étranger, a été arrêté à Gondo, le 20 mai 1949, alors qu'il partait
à l'étranger en automobile avec son ex-femme ».
B. - Stauffer recourut à la Direction générale des douanes, mais elle le
débouta, le 23 août 1949, en bref par les motifs suivants:
La douane ne pouvant déterminer le montant de ses créances que par l'enquête,
notamment par l'interrogatoire de Stauffer, celui-ci a compromis les créances
en essayant de partir pour l'étranger. De plus, il s'est dessaisi des
marchandises sur lesquelles la douane aurait pu exercer son droit de gage et
il a porté préjudice à la douane en cédant à son ex-épouse « deux dépôts
bancaires en garantie d'une pension à venir ». Vu ces faits et l'énormité des
amendes encourues, on doit présumer que Stauffer s'est encore livré à d'autres
agissements de nature à compromettre les créances de la douane.
C. - Contre cette décision, Stauffer a formé, en temps utile, un recours de
droit administratif devant le Tribunal fédéral. n conclut à l'annulation de la
décision attaquée et argumente en bref comme suit:

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Il n'est pas exact que le recourant ait voulu quitter la Suisse pour se
soustraire aux recherches de la douane. Il s'agissait d'un voyage projeté
depuis longtemps. Il n'est pas exact non plus que le recourant se soit
dessaisi d'objets sur lesquels la douane aurait pu se payer en cas de
condamnation à une amende. Quant à la cession de comptes, elle constituait le
versement de liquidation du régime matrimonial et correspondait à des
engagements pris au moment du procès de divorce entre les avocats des époux.
D. - La Direction générale des douanes conclut au rejet du recours, en résumé
par les motifs suivants i
Selon l'art. 123 al. 3 LD, le délai pour recourir contre la réquisition de
sûretés est de dix jours. La Direction générale des douanes admet que ce délai
a été porté à 30 jours par l'art. 166 OJ quant au recours à la Direction
générale et par l'art. 107 OJ quant au recours de droit administratif.
L'intimée expose les circonstances qui prouvent à son avis que Stauffer a bien
tenté de quitter la Suisse alin de se soustraire aux recherches des douanes.
Contrairement au recourant, elle estime que le départ de Stauffer
compromettait la créance douanière. Elle estime en outre que la cession de
comptes en banque justifiait la réquisition de sûretés, et peut être invoquée
même si la Direction d'arrondissement n'en a pas fait état dans la réquisition
elle-même.
Cette cession a eu lieu le 16 mai 1949. Or, le 13 mai, Stauffer avait
rendez-vous avec Eugène Julliard, qui devait lui apporter de France le prix
d'un lot d'or exporté clandestinement. Julliard fut arrêté à la frontière et
ne vint donc pas au rendez-vous. Il est dès lors probable que le recourant a
opéré la cession, parce qu'il se sentait déjà menacé de poursuites de la part
de l'autorité douanière et afin de soustraire le solde actif de ses comptes à
l'atteinte de cette autorité. Un tel acte de disposition tendait manifestement
à compromettre le recouvrement ultérieur de la créance douanière.

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D. - Dans sa réplique, le recourant allègue en résumé:
Lorsque la réclamation qui a pour objet le paiement d'une amende est connexe à
une demande de paiement de droits éludés, elle constitue bien une créance
douanière au sens de l'art. 123 LD. Il est douteux qu'il en aille de même
lorsque l'amende a été prononcée sans qu'aucun droit de douane ait été éludé.
L'intimée sentant que le voyage du recourant en Italie ne justifiait pas la
réquisition de sûretés, tente de justifier cette réquisition par d'autres
faits. Mais le Tribunal fédéral ne peut retenir que les faits visés dans la
réquisition de sûretés. Le recourant conteste au surplus que la cession de
deux comptes en banque à son ex-femme constitue une célation de biens. Cette
cession avait fait l'objet d'une convention antérieure aux poursuites des
douanes et ne pouvait dès lors avoir pour but d'éluder le paiement d'amendes
éventuelles.
E. - Dans sa duplique, la Direction générale des douanes conclut à ce qu'il
plaise au Tribunal fédéral confirmer en tout cas jusqu'au montant de 89 000
fr. la réquisition de sûretés litigieuse, Sur ce point, son argumentation peut
se résumer comme suit:
Pour les délits douaniers portant sur de l'or industriel, l'amende prononcée
était jusqu'ici plus élevée que pour les délits douaniers portant sur de l'or
monnayé. Le Département des finances et des douanes a récemment décidé que les
amendes, pour les deux genres de délits, seraient dorénavant calculées
uniformément selon le barème applicable en matière d'infractions portant sur
de l'or monnayé. C'est pourquoi l'intimée ne s'oppose pas que les sûretés
requises soient réduites à 89000 fr.
Considérant en droit:
1.- L'art. 123 LD dispose que la Direction d'arrondissement est compétente
pour requérir des sûretés et que ses décisions, en cette matière, peuvent être
attaquées, mais que le délai de recours, dans ce cas, est réduit à dix jours.
Au moment de la promulgation de la loi sur les

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douanes, l'autorité de recours était, en premier lieu, la Direction générale,
puis le Conseil fédéral, mais la loi sur la juridiction administrative et
disciplinaire, aujourd'hui incorporée dans la nouvelle loi d'organisation
judiciaire, du 16 décembre 1943, a ouvert la voie du recours de droit
administratif contre la décision de la Direction générale. En même temps, elle
a institué un délai uniforme de trente jours pour le recours de droit
administratif (art. 13 JAD, art. 107 OJ). De plus, elle a, dans une large
mesure, uniformisé la procédure des recours dirigés contre les décisions
d'organes de l'administration fédérale qui sont de la compétence d'un
département ou d'une autorité qui lui est subordonnée, modifiant, à cet égard,
la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale. Elle a
notamment introduit, pour tous ces recours, un délai unique de trente jours
(art. 50 lit. b JAD et 166 OJ créant un nouvel art. 23bis dans la loi du 26
mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale), par analogie avec
le délai uniforme de trente jours introduit pour le recours administratif au
Conseil fédéral et pour le recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Toutes dispositions contraires des lois antérieures ayant été abrogées (art.
52 JAD et 169 OJ), il s'ensuit qu'en matière de réquisition de sûretés le
délai est de trente jours aussi bien pour recourir contre la décision de la
Direction d'arrondissement à la Direction générale que pour déférer la
décision de cette autorité au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
administratif.
2.- Des sûretés peuvent être requises, dans les conditions posées par l'art.
123 LD, « de toute personne assujettie au paiement des droits ». Le recourant
allègue qu'étant assujetti au paiement d'une amende et non pas de droits de
douane, il ne rentre pas dans cette catégorie.
Il a commis des infractions (recel, instigation, complicité, art. 87 , 76 ch. 2
et 81 LD) à l'art. 3 de l'ACF du 7 décembre 1942, qui interdit l'exportation
de l'or, sauf autorisation de la Banque nationale suisse. Il est donc

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effectivement passible d'amendes, qui ne sont pas assimilables aux droits de
douane tels que les définit l'art. 10 LD.
Mais on n'en saurait conclure qu'il n'est pas une « personne assujettie au
paiement des droits » au sens de l'art. 123 LD (texte allemand: « der
Zollpflichtige »). Selon les termes exprès de cette disposition, il faut
entendre par là toute personne à laquelle incombe le paiement d'une « créance
douanière » (texte allemand: « zollrechtlicher Anspruch »).
La « créance douanière » n'a pas seulement pour objet les droits de douane
proprement dits (Zollansprüche), tels que les définissent les art. 10 et 117
LD. Elle comprend, comme il ressort plus clairement de l'expression employée
par le texte allemand de la loi (zollrechtlicher Anspruch), toutes les
prétentions fondées sur le droit douanier et tendantes au paiement d'une somme
d'argent et notamment les amendes. Les sûretés requises en vertu de l'art. 123
LD couvrent donc aussi le montant des amendes éventuelles. Dans le cas
analogue des sûretés qui doivent être fournies pour le dédouanement
intérimaire, une prescription expresse de la loi impose, du reste, une
solution identique (art. 65 al. 1 LD). De même, le gage douanier garantit
aussi le paiement des amendes (art. 120 LD). On ne voit pas pourquoi il en
irait autrement des sûretés requises en vertu de l'art. 123 LD.
Mais l'amende que garantissent ces sûretés n'est pas seulement celle qui
sanctionne la violation des prescriptions douanières au sens étroit du terme.
C'est également l'amende qu'inflige la douane en vertu de prescriptions
qu'elle est chargée d'exécuter, mais qui concernent d'autres administrations.
En effet, les droits prévus par de telles prescriptions sont, au sens de
l'art. 10 LD, des droits de douane; ils rentrent donc dans la notion de
créance douanière et peuvent donner lieu à une réquisition de sûretés en vertu
de l'art. 123 LD. Les amendes infligées pour la violation de prescriptions
analogues doivent être traitées de même, d'autant plus qu'en matière de gage

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douanier, la loi les range expressément dans la catégorie des créances
garanties (art. 120 al. 2 ch. 6 LD).
Il faut admettre en définitive que les autorités douanières peuvent requérir
des sûretés conformément à l'art. 123 LD pour les amendes qu'elles sont
appelées à infliger en vertu de l'ACF du 7 décembre 1942 sur la surveillance
du commerce de l'or, ainsi que de l'importation et de l'exportation de l'or.
3.- Pour qu'il y ait créance douanière justifiant une réquisition de sûretés
de par l'art. 123 LD, il n'est pas nécessaire que les droits ou l'amende aient
déjà été fixés selon la procédure prévue par la loi sur les douanes. Il suffit
que soient remplies les conditions auxquelles la loi subordonne le début de
l'assujettissement aux droits de douane (Zollzahlungspflicht, art. 11 LD).
Toute autre solution, en effet, serait inconciliable avec la loi sur les
douanes elle-même et principalement avec ses art. 123 , 11 et 117 . Mais elle
serait en outre incompatible avec le but même de l'art. 123 LD, qui est
d'assurer aussi efficacement que possible la perception de la créance
douanière. La fixation de la créance selon la procédure légale n'est pas plus
nécessaire pour la réquisition de sûretés selon l'art. 123 LD qu'elle ne l'est
pour le séquestre prévu par les art. 271 ss . LP. C'est pourquoi des sûretés
peuvent être requises à n'importe quel stade de la procédure, après de simples
constatations provisoires touchant l'existence et le montant de la créance
douanière, sans préjudice de la fixation définitive selon la procédure légale
(RO 64 I 345; cf. 73 I 424; arrêt du 19 décembre 1949 en la cause K. & A. A.
G.).
4.- La Direction d'arrondissement ayant tout d'abord et uniquement motivé la
réquisition de sûretés par la tentative de fuite du recourant, celui-ci
allègue qu'aucun autre fait justificatif ne saurait être pris en considération
dans la procédure de recours et notamment dans la procédure du recours de
droit administratif devant le Tribunal fédéral. Cependant, le Tribunal
fédéral, saisi par cette

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voie de droit, peut rechercher d'office Si la décision attaquée repose sur des
constatations de fait inexactes et incomplètes (art. 105 OJ) et n'est pas lié
par les motifs qu'invoquent les parties (art. 109 al. 1 OJ). Il revoit
d'office si, en fait et en droit, la décision attaquée est conforme à la loi
et son examen n'est pas limité aux motifs de cette décision. Si donc la
réquisition de sûretés se justifie par d'autres faits que ceux qu'elle
retient, il peut tenir compte de ces faits.
5.- L'art. 123 LD prévoit que les sûretés peuvent être exigées notamment a Si
une créance douanière paraît compromise par les agissements du débiteur ».
A cet égard, la Direction générale des douanes fait grief à Stauffer notamment
d'avoir compromis la créance douanière en cédant à son ex-épouse deux comptes
numérotés à l'Union de banques suisses.
Si cette cession a été faite par le débiteur dans l'intention de se soustraire
à ses obligations, il y a bien là une célation de biens, qui est, au sens de
l'art. 123 LD, un agissement propre à compromettre la créance douanière.
Le divorce de Stauffer a été prononcé en avril 1949. Une pension alimentaire
paraît avoir été mise à la charge du mari, mais, comme c'est l'usage, sans
garantie à verser par lui. Le 13 mai, le Français Julliard, avec lequel
Stauffer était en rapport pour l'importation et l'exportation de l'or, fut
arrêté par les autorités douanières, alors qu'il avait rendez-vous le même
jour avec Stauffer pour lui remettre 4 à 5 millions de fr.fr., produit d'une
exportation d'or. Le 16 mai, Stauffer céda à son ex-femme ses comptes sous
numéros, soi-disant en garantie de la pension alimentaire. Le 20 mai, Stauffer
fut arrêté à son tour à Gondo, en compagnie de son ex-femme. La simple
succession de ces faits, sur lesquels il n'y a pas de contestation, démontre à
l'évidence que Stauffer a cédé ses comptes de mauvaise foi pour soustraire ses
biens à l'atteinte des douanes. Aucune des explications qu'il essaie de
fournir ne résiste à l'examen. On ne saurait admettre avec quelque
vraisemblance que c'est vraiment pour garantir la pension alimentaire

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due à son ex-femme qu'il a donné à celle-ci la libre disposition de ses
comptes en banque. Cette cession, au surplus, a été faite sans que soient
précisés ni le montant garanti, ni surtout la valeur des fonds cédés. Or, il
ressort de la reproduction photographique des comptes que l'exploitation du
compte no 2800 en tout cas a continué, de sorte que la cessionnaire devenait
ainsi apparemment bénéficiaire de toute nouvelle somme versée à la banque.
Le recourant allègue, il est vrai, qu'il avait pris antérieurement
l'engagement de donner à sa femme divorcée des garanties pour le paiement de
la pension alimentaire. Mais il précise, dans sa réplique, que c'était « lors
des pourparlers qui ont précédé la procédure de divorce ». Dans ces
conditions, il apparaît que l'offre de Stauffer n'a été concrétisée ni par une
convention privée entre les époux, puisqu'on ne l'a pas produite, ni par le
jugement de divorce.
La cession des comptes en banque par Stauffer à son ex-femme est donc
intervenue de façon tout à fait insolite. Elle représente un acte de célation
de biens, une tentative d'organiser son insolvabilité et, partant, un
agissement propre à compromettre la créance douanière. Dans les rapports
civils, tombent sous le coup de l'action révocatoire, les gages constitués
pour garantir une dette existante (art. 287 LP). Le cas présent est semblable
et justifie la réquisition des sûretés en vertu de l'art. 123 LD.
6.- La réquisition de sûretés étant justifiée par ce motif déjà, il n'y a pas
lieu de rechercher si elle le serait par d'autres motifs encore et notamment
par le départ précipité de Stauffer pour l'Italie, aussitôt après sa
convocation pour le jour même devant le Direction d'arrondissement.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
1.- Prend acte du fait que la Direction générale des douanes admet la
réduction du montant des sûretés de 225000 à 89000 fr.;
2.- Rejette le recours.