S. 1 / Nr. 1 Familienrecht (f)

BGE 62 II 1

1. Arrêt de la IIe Section civile du 23 janvier 1936 dans la cause Dame Nicola
contre Banque Cantonale Vaudoise.


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Regeste:
Art. 177 et 3 Cc. Cautionnement donné par la femme en faveur d'un frère.
Cautionnement subséquent donné en faveur du même débiteur par le mari.
Interprétation des mots «dans l'intérêt du mari». Examen du moyen pris de la
solidarité des engagements de la femme et du mari.

Le 17 janvier 1924, Dame Clémence Nicola née Merminod, qui tenait alors un
comptoir vinicole avec denrées coloniales et primeurs à Yverdon, et son mari,
Aurèle Nicola, également commerçant au même lieu, se sont portés cautions
solidaires de leur frère et beau-frère Marc-Louis Merminod,
propriétaire-agriculteur à Vallorbe, jusqu'à complet payement d'une somme de
8000 francs que Merminod avait empruntée à la Banque Cantonale Vaudoise,
agence de Grandson, et qu'il reconnaissait devoir selon cédule du même jour.
Merminod avait sollicité ce prêt principalement pour rembourser des dettes
anciennes; le solde devait servir à l'achat de bétail. Le débiteur n'avait
proposé que le cautionnement de sa soeur, Dame Nicola, qui était d'accord et
qui connaissait l'objet de l'emprunt. Le cautionnement du mari n'avait pas été
envisagé; c'est le siège central de la Banque qui l'exigea. Il avait demandé à
l'agence de Grandson des renseignements sur la situation de fortune de
Merminod et de sa soeur et il avait appris que Merminod avait une fortune de
55000 fr. et sa soeur, de 71000 fr. en immeubles, marchandises et mobilier. Il
avait alors autorisé le prêt en ajoutant dans sa lettre: «M. Nicola

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doit signer». Le cautionnement solidaire de Dame Nicola ne fut pas soumis à
l'approbation de l'autorité tutélaire.
Poursuivie par la Banque Cantonale Vaudoise en payement de la somme de 6150
fr. en qualité de caution solidaire du débiteur principal, Dame Nicola a
ouvert action en libération de dette et conclu en outre l'annulation de l'acte
de cautionnement.
Par jugement du 8 novembre 1935, la Cour civile a débouté la demanderesse de
ses conclusions, admis les conclusions libératoires de la défenderesse et mis
les frais à la charge de la demanderesse.
Elle a considéré en résumé qu'il résultait à l'évidence de l'instruction du
procès que la cause du cautionnement solidaire souscrit par la demanderesse
avait été la volonté de celle-ci d'intercéder pour son frère et non pas pour
son mari, de sorte que la validité du cautionnement, n'était pas subordonnée à
l'approbation de l'autorité tutélaire.
La demanderesse a recouru en réforme en reprenant ses conclusions de première
instance.
La défenderesse a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement
attaqué.
Considérant en droit:
1.- Aux termes de l'art. 177 al. 3 CC, les obligations que la femme assume
envers des tiers dans l'intérêt de son mari ne sont valables que si elles sont
approuvées par l'autorité tutélaire.
Le cautionnement solidaire donné le 17 janvier 1924 par Dame Nicola revêt
incontestablement le caractère d'une obligation contractée envers un tiers au
ménage, la Banque Cantonale Vaudoise. Sa validité dépend toutefois de la
question de savoir s'il a été assumé «dans l'intérêt du mari», au sens que
donne à ces mots l'art. 177 CC sainement interprété (RO 51 II p. 27). Or,
comme le relève avec raison la Cour civile, pour résoudre cette question, il
faut considérer la cause de l'obligation assumée par la demanderesse et le but
final de l'opération litigieuse. C'est au reste

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toujours dans ce sens que le Tribunal fédéral s'est prononcé, en disant que
pour connaître la nature ou la portée de l'obligation assumée par la femme
mariée, il fallait rechercher la réelle et commune intention des parties,
conformément à l'art. 18 CO (RO 41 II p. 636, 43 III p. 242 et 58 II p. 10),
ou s'inspirer de la ratio legis, à savoir la protection de la femme mariée
contre les opérations auxquelles son mari généralement plus expert voudrait
l'entraîner (RO 49 II p. 45 et 51 II p. 28), ou tenir compte de l'ensemble des
circonstances (RO 43 III p. 242, 54 II p. 413/4 et 58 II p. 10/11).
En l'espèce, il appert avec évidence des faits de la cause que le
cautionnement souscrit par la recourante était destiné à garantir un emprunt
de son frère, Marc-Louis Merminod, qui avait besoin d'argent pour régler
d'anciennes dettes et qui a seul tiré profit du prêt de 8000 fr. Dame Nicola
ne s'est donc nullement obligée pour une dette de son mari, ce qui seul
constituerait un acte d'intercession proprement dit.
La recourante soutient que, lorsque deux époux se constituent cautions
solidaires pour la dette d'un tiers, un tel acte est toujours nul, sauf
approbation de l'autorité tutélaire, parce que le mari qui paye le créancier
obtient un droit de recours contre sa femme en vertu de l'acte lui-même et des
dispositions du CO (art. 496 et 497) et profite ainsi du cautionnement de sa
femme. Elle invoque à cet égard l'arrêt Banque Populaire Suisse contre
Benoît-Janin du 25 février 1925 (RO 51 II p. 29). Si cet arrêt retient, il est
vrai, l'argument pris de la solidarité des engagements de la femme et du mari,
ce n'est pas toutefois pour lui donner la portée que lui attribue la
recourante. La décision se justifiait avant tout par la considération que
c'était bien en définitive pour son mari que la femme était intervenue. En
l'espèce, il n'en est rien. Il ressort, en effet, du dossier que la recourante
devait seule intervenir comme caution solidaire de son frère, sans son mari,
et que c'est la Banque qui exigea, comme garantie supplémentaire,

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le cautionnement du mari. Si la Banque s'était contentée du seul cautionnement
de Dame Nicola - et elle eût pu s'en contenter, puisque celle-ci avait une
fortune personnelle de 71000 fr. - il est certain que ce cautionnement aurait
été valable sans l'approbation de l'autorité tutélaire. Or il serait singulier
qu'il cessât de l'être parce que la Banque exigea et obtint comme garantie
supplémentaire le cautionnement du mari, cette garantie supplémentaire ne
pouvant être qu'avantageuse aussi pour la recourante qui, si elle payait la
dette de son frère, débiteur principal, acquérait un droit de recours contre
son mari pour la moitié. C'est le cas inverse du cas précité où la femme
figurait comme seconde caution solidaire, ce que le Tribunal fédéral relève
expréssement (consid. 2 al. 2). Avec la Cour cantonale il faut donc décider
que l'argument tiré de la solidarité n'est pas déterminant, car il peut être
retourné en faveur de la femme. Aussi bien le Tribunal fédéral l'a-t-il
abandonné dans l'arrêt Gassner contre Andrist du 5 octobre 1928 (RO 54 II
consid. 2 p. 415), non pas, il est vrai, en matière de cautionnement, mais en
matière d'emprunt contracté solidairement par les deux époux. Cependant, comme
le déclarent les premiers juges, la distinction entre le cas d'un
cautionnement et celui d'une reconnaissance de dette souscrite solidairement
par les deux époux est bien difficile à justifier au point de vue de l'art.
177 al. 3 CC, car dans un cas comme dans l'autre la solidarité implique un
droit de recours de l'un des époux contre l'autre pour tout ce qu'il paye au
delà de sa part (art. 497 et 148 CO). D'ailleurs, ainsi que l'intimé le fait
remarquer dans sa réponse au recours, ce n'est pas tant cette solidarité que
la pluralité des personnes engagées qui confère aux deux époux un avantage
l'un envers l'autre. puisque le cautionnement conjoint produit lui aussi des
effets semblables (art. 497 al. 1 CO). Enfin, ce qui démontre que l'acte par
lequel deux époux se constituent cautions solidaires pour la dette d'un tiers
n'est pas nécessairement un acte d'intercession, c'est qu'il n'est point rare
qu'une

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femme mariée, débitrice ou caution d'un tiers, ait besoin du cautionnement
solidaire de son mari pour garantir ses engagements ou que, voulant emprunter,
soit pour monter un commerce, soit pour acquérir un immeuble, elle le fasse
avec le cautionnement solidaire de son mari qui s'engage solidairement avec
elle. Il est évident qu'alors c'est le mari qui intercède en faveur de sa
femme, et non pas aussi la femme en faveur du mari. Or le cas présent ne
diffère pas de ceux-là.
La Cour civile a donc sainement interprété l'art. 177 al. 3 CC et le jugement
ne peut qu'être confirmé.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 62 II 1
Date : 01. Januar 1936
Publié : 23. Januar 1936
Source : Bundesgericht
Statut : 62 II 1
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Art. 177 et 3 Cc. Cautionnement donné par la femme en faveur d'un frère. Cautionnement subséquent...


Répertoire des lois
CC: 177
CO: 18  148  497
Répertoire ATF
62-II-1
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
cautionnement solidaire • autorité tutélaire • banque cantonale • tribunal fédéral • tennis • décision • frères et soeurs • autorisation ou approbation • marchandise • calcul • argent • acte de cautionnement • bénéfice • fin • nullité • prêt de consommation • agriculteur • vue • cause de l'obligation • reprenant • reconnaissance de dette • action en libération de dette • beau-frère • cautionnement conjoint • première instance
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